16 octobre 2020
Cour d'appel de Paris
RG n° 16/23325

Texte de la décision

Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Cour d'appel de Paris


Pôle 4 - Chambre 1


Arrêt du 16 octobre 2020


(no , pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : RG 16/23325-Portalis 35L7-V-B7A-B2BUJ


Décision déférée à la cour : jugement du 06 septembre 2016 -tribunal de grande instance de Paris - RG 14/18460




APPELANT


Monsieur L... R...
[...]
[...]


Représenté par Me Christophe PACHALIS de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K148 et par Me Michel FANTONI, avocat au barreau de PARIS, toque : E1627


INTIMES


Madame D... Q... épouse J...
[...]
[...]


Représentée par Me Bruno GRANGEON, avocat au barreau de PARIS, toque : D0185


Monsieur G... H...
[...]
[...]


n'a pas constitué avocat


Madame M... N... épouse H...
[...]
[...]


n'a pas constitué avocat


Monsieur O... I...
[...]
[...]


Représenté par Me Charlie DESCOINS, avocat au barreau de PARIS, toque : R099


Monsieur P... J...
[...]
[...]


Représenté par Me Bruno GRANGEON, avocat au barreau de PARIS, toque : D0185


SARL [...]
[...]
[...]


Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753


Composition de la cour :


En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 septembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Claude CRETON, président et Mme Christine BARBEROT, conseillère, chargée du rapport.


Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:


M. Claude CRETON, président
Mme Christine BARBEROT, conseillère
Mme Monique CHAULET, conseillère


Greffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER


Arrêt :
- réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Claude CRETON, président et par Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.


***
Par acte authentique du 30 septembre 2011, M. L... R... a vendu à M. P... J... et Mme D... Q..., devenue, depuis, épouse J... (les époux J... ), les lots [...] et [...] de l'état de division d'un ensemble immobilier sis [...] , soit respectivement, un appartement de trois pièces au 3e étage droite du bâtiment B et une cave, au prix de 480 000 €. A la suite de dysfonctionnements des WC situés dans la salle de bains, une expertise judiciaire a été ordonnée le 28 septembre 2012 à la demande des acquéreurs, le rapport de M. A... C..., expert, ayant été déposé le 5 avril 2014. Par actes du 25 novembre 2014, les époux J... ont assigné leur vendeur, les notaires et la SARL [...] , syndic de la copropriété, en réparation de leur préjudice. Par actes des 17 et 22 avril 2015, M. R... a assigné en intervention forcée ses propres vendeurs, M. G... H... et Mme M... N..., épouse H... (les époux H...), ainsi que le vendeur de ces derniers, M. O... I....


C'est dans ces conditions que, par jugement du 6 septembre 2016, le Tribunal de grande instance de Paris a :
- débouté M. R... de sa demande tendant à ce que le rapport d'expertise fût écarté des débats,
- dit que M. R... avait manqué à son obligation de délivrance conforme,
- condamné M. R... à payer aux époux J... les sommes de 7 120,30 € TTC (coût des travaux de remise en conformité de l'appartement), 7 975,28 € (remplacement du mobilier), 24 000 € (moins-value de l'appartement), 2 392 € (honoraires de l'expert W...), 4 000 € (troubles de jouissance),
- dit qu'il serait fait application de l'article 1154 du Code civil,
- débouté les époux J... de leurs demandes contre les notaires et contre le syndic,
- débouté M. R... de ses appels en garantie contre M. I... et les époux H..., de sa demande subsidiaire de condamnation du syndic et de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- dit sans objet la demande de garantie du syndic contre M. R...,
- débouté le syndic de sa demande de dommages-intérêts et de celle au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- dit sans objet la demande de garantie des époux H... contre M. I...,
- condamné M. R... à payer en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile : la somme de 3 000 € aux époux Q..., celle de 1 500 € aux époux H..., celle de 1 500 € à M. I...,
- condamné les époux J... et M. R... à payer au syndic la somme de 1 500 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné M. R... aux dépens en ce compris le coût de l'expertise.


Par arrêt du 17 mai 2019, cette Cour a :
- confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait débouté M. R... de sa demande tendant à ce que le rapport d'expertise de M. C... fût écarté des débats,
- avant dire doit, invité les parties à conclure sur la question de savoir si le vice caché n'était pas le seul fondement possible de l'action, la chose paraissant impropre à sa destination.


Par dernières conclusions, M. R..., appelant, demande à la Cour de :
- vu les articles 47, alinéas 1 et 2, 42-1 et 42-2 du règlement sanitaire de la ville de Paris, 1602 et suivants, 1240 et suivants, 1231-1 et suivants, 1641 et suivants du Code civil,
- infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau :
- in limine litis, déclarer irrecevable car prescrite l'action pour vice caché et, à défaut, la déclarer non fondée,
- à titre subsidiaire : constater la délivrance conforme et débouter les époux J... de leurs demandes,
- les condamner, ainsi que les époux H..., M. I... et le [...] à lui rembourser les sommes versées au titre de l'exécution provisoire,
- condamner les époux J... aux dépens comprenant les frais d'expertise et à lui verser la somme de 15 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,
- à titre infiniment subsidiaire :
- condamner M. I... et les époux H... à le relever et le garantir de toute condamnation liée au déplacement de l'installation sanitaire réalisée en 1993,
- condamner le [...] à l'indemniser à hauteur d'une somme égale à celle mise à sa charge au bénéfice des époux J... ,
- condamner les époux J... aux dépens comprenant les frais d'expertise et à lui verser la somme de 15 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.


Par dernières conclusions, les époux J... prient la Cour de :
- vu les articles 1134, alinéa 3, ancien,1147, 1603, 1604 et 1641 et suivants, 1382 et 1383 anciens, 1240 et 1241 du Code civil,
- à titre principal :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. R... sur le fondement de la garantie de livraison,
- à titre subsidiaire si la Cour considérait que leur action ne pouvait être fondée que sur la garantie des vices cachés,
- dire leur action estimatoire recevable,
- dire que la clause de non-garantie leur est inopposable,
- condamner M. R..., sur le fondement de l'article 1644 du Code civil à leur rembourser la somme de 39 095,58 € en principal,
- en tout état de cause :
- condamner M. R... à leur payer la somme de 6 392 € en principal, toutes causes de préjudices confondues,
- condamner M. R... à leur payer la somme de 7 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.


Par dernières conclusions, M. I... demande à la Cour de :
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle l'a mis hors de cause,
- condamner M. R... à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.


Par dernières conclusions du 17 septembre 2019, la société [...] prie la Cour de :
- lui adjuger le bénéfice de ses précédentes écritures,
- débouter M. R... de ses demandes formulées contre elle,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que sa responsabilité ne pouvait être retenue,
- condamner M. R... à lui payer la somme de 5 000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 5 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner M. R... aux dépens.


Les époux H..., assignés chacun à leur personne, n'ont pas constitué avocat.


SUR CE, LA COUR


L'action des acquéreurs trouve sa cause dans le dysfonctionnement invoqué des WC de l'appartement. Ce défaut rendant l'appartement impropre à sa destination, l'habitation, le seul fondement de l'action est la garantie des vices cachés.


Les acquéreurs se plaignent de remontées intermittentes d'eau dans la cuvette des WC à gravitation situés dans la salle de bains, défauts qu'ils ont constatés peu après leur prise de possession des lieux le 30 septembre 2011 et dont ils se sont plaints auprès du syndic lequel leur a répondu dès le 31 octobre 2011.


Si l'expert judiciaire n'a pu constater la manifestation de ces défauts, cependant, il a relevé dans l'appartement litigieux l'existence d'une cuvette de WC à gravitation au droit d'une canalisation insuffisamment dimensionnée pour recevoir des eaux-vannes (100 mm au lieu de 160 mm), ce qui ne pouvait qu'engendrer des problèmes liés à des obstructions et engorgements et, par voie de conséquence, à des remontées d'eau et des débordements au droit des appareils sanitaires de la salle de bains.


Par suite, l'existence du vice invoqué est établie.


Le défaut ne pouvant se révéler qu'à l'usage des installations sanitaires par les acquéreurs, le vice était caché à la date de la vente.


Le vice n'a été révélé aux acquéreurs que par le rapport d'expertise du 5 avril 2014, en sorte que l'action qu'ils ont introduite le 25 novembre 2014 n'est pas prescrite.


Il ressort des déclarations et pièces produites devant l'expert par M. I..., propriétaire de l'appartement litigieux qu'il a vendu le 30 juin 2006 aux époux H..., qu'en 1994, il a déplacé les WC de l'appartement, de l'endroit où ils étaient initialement raccordés aux eaux-vannes, dans la salle de bains où ils étaient raccordés aux canalisations des eaux usées, mais en installant un dispositif permettant de broyer les matières fécales (facture du 18 avril 1994) et ce, sans qu'aucun désordre n'en résultât ni de son chef ni de celui des époux H.... Ces faits sont confirmés par le syndic et par l'expert judiciaire, ce dernier précisant que les premiers désordres subis par les propriétaires des appartements des étages inférieurs correspondaient à la prise de possession des lieux en 2006 par M. R.... Or, le syndic (lettre recommandée du 2 février 2011 avec avis de réception du 3 février 2011 par M. R...), puis, l'expert, ont constaté que les WC, situés à l'endroit où ils avaient été installés par M. I..., avaient été remplacés par des WC gravitaires.


L'expert énonce (rapport, p. 9) que c'est cette modification, qui est à l'origine des désordres dont se plaignent les acquéreurs, ayant relevé qu'après la modification de 1994 et jusqu'en 2007, soit pendant une quinzaine d'années, le dispositif de désagrégation des matières fécales et son évacuation, avaient parfaitement fonctionné (rapport, p. 29). La société [...] , syndic, avait, d'ailleurs, indiqué aux acquéreurs, dès le 31 octobre 2011, que "à l'origine il y avait une sanibroyeur (ce qui est toléré) qui permettait une évacuation correcte, sanibroyeur que M. R... a fait supprimer. Le rétablissement de cet appareil permettrait de supprimer les risques".


Ainsi, le vice était connu du vendeur à l'origine du remplacement du sanibroyeur par des WC à gravitation, le syndic ayant porté à sa connaissance dès avant la vente, par la lettre précitée du 2 février 2011, que :


- des investigations par caméra dans la descente des eaux usées avaient révélé que cette descente recueillait les évacuations d'une cuvette de WC de la salle de bains de son appartement,


- "le règlement sanitaire de la ville de Paris impose la séparation des colonnes d'évacuation des eux-usées (DEU) des eaux d'évacuation des WC appelées "eaux-vannes" (DEV); une tolérance est admise lorsque les WC sont équipés d'un "dispositif de désagrégation et d'évacuation des matières fécales" (communément appelé "sanibroyeur"). Ce qui était le cas lors de votre achat de cet appartement",


- il a été constaté que le sanibroyeur avait été déposé, seule le prise de courant électrique nécessaire au fonctionnement de l'appareil étant resté en place.
Par cette lettre, le syndic demandait aux vendeurs de se mettre en conformité le plus rapidement possible, les risques d'obstruction de la DEU étant permanents, celle-ci n'étant pas de dimension suffisante pour évacuer tout ce qui pouvait tomber ou être jeté dans la cuvette des WC.


Mis en demeure par la copropriété, non de remettre les lieux dans l'état dans lequel ils se trouvaient avant 1994, mais de rétablir le sanibroyeur, M. R..., qui avait connaissance du vice à tout le moins depuis le 3 février 2011, ne peut se prévaloir à l'encontre des époux J... de la clause d'exonération des vices cachés incluse dans le contrat de vente du 30 septembre 2011.


Eu égard au coût du remplacement des WC à gravitation par un sanibroyeur et à la moindre valeur d'un appartement équipé d'un sanibroyeur, la restitution du prix à laquelle les époux J... peuvent prétendre est évaluée à la somme de 20 000 € au paiement de laquelle il convient de condamner M. R..., les demandes des acquéreurs en lien avec le déplacement des WC (remplacement des meubles et trouble de jouissance lié à ce déplacement) ne pouvant prospérer. L'expert judiciaire ayant pour mission de donner son avis sur les préjudices induits par les désordres et sur leur évaluation, dès lors que les demandes étaient motivées, la demande des époux J... en remboursement de la somme de 2 392 € au titre l'évaluation amiable de l'appartement confiée à Mme W..., ne peut prospérer une telle étude confiée à un expert auprès de la Cour d'appel excédant les simples motifs exigés pour la recevabilité des demandes présentées à l'expert judiciaire.


Le vice trouvant son origine dans le fait de M. R..., les demandes de ce dernier formées contre M. I..., les époux H... et la société [...] doivent être rejetées.


L'appel de M. R... n'étant pas abusif, la demande de dommages-intérêts de la société [...] ne peut prospérer.


La solution donnée au litige implique le rejet de la demande en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile de M. R....


L'équité commande qu'il soit fait droit aux autres demandes en cause d'appel fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile comme il est dit dans le dispositif du présent arrêt.


PAR CES MOTIFS


Vidant la partie avant dire droit de son arrêt du 17 mai 2019 :


Infirme le jugement entrepris, mais seulement en ce qu'il a :


- dit que M. L... R... avait manqué à son obligation de délivrance conforme,


- condamné M. L... R... à payer à M. P... J... et Mme D... Q..., épouse J... , les sommes de 7 120,30 € TTC (coût des travaux de remise en conformité de l'appartement), 7 975,28 € (remplacement du mobilier), 24 000 € (moins-value de l'appartement), 2 392 € (honoraires de l'expert W...), 4 000 € (troubles de jouissance) ;


Statuant à nouveau de ces chefs :


Dit non prescrite l'action de M. P... J... et Mme D... Q..., épouse J... , fondée sur le vice caché ;






Condamne M. L... R... à payer à M. P... J... et Mme D... Q..., épouse J... , la somme de 20 000 € à titre de restitution du prix par application de l'article 1644 du Code civil ;


Rejette le surplus des demandes de M. P... J... et Mme D... Q..., épouse J... ;


Déboute M. L... R... de ses demandes ;


Rejette toute autre demande ;


Confirme le jugement entrepris pour le surplus ;


Condamne M. L... R... aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ;


Condamne M. L... R..., en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, à payer à :


- M. P... J... et Mme D... Q..., épouse J... , la somme de 5 000 €,


- la SARL [...] , la somme de 4 000 €,


- M. O... I..., la somme de 2 000 €.




Le greffier, Le président,

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.