27 août 2020
Cour d'appel de Dijon
RG n° 18/00380

Texte de la décision

SB/FG












Y... S... T...




C/


Association ACODEGE




















































































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE DIJON


CHAMBRE SOCIALE


ARRÊT DU 27 AOUT 2020


MINUTE No


No RG 18/00380 - No Portalis DBVF-V-B7C-FAGK


Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de DIJON, section AD, décision attaquée en date
du 06 Avril 2018, enregistrée sous le no






APPELANTE :


Y... S... T...
[...]
[...]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro [...] du 30/06/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Dijon)


comparante en personne, assistée de Maître Nicolas PANIER, avocat au barreau de DIJON






INTIMÉE :


Association ACODEGE
[...]
[...]


représentée par Me Clémence PERIA de la SELARL LLAMAS ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON










COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 juin 2020 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Sophie BAILLY, Conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :


Philippe HOYET, Président de Chambre,
Marie-Aleth TRAPET, Conseiller,
Sophie BAILLY, Conseiller,


GREFFIER LORS DES DÉBATS : Françoise GAGNARD, Greffier,


ARRÊT : rendu contradictoirement,


PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,


SIGNÉ par Philippe HOYET, Président de Chambre, et par Françoise GAGNARD, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :




Entre le premier décembre 2010 et le 15 mai 2012, Madame T... a signé avec l'ACODEGE, association assurant la gestion d'établissements et de services sociaux et psycho-sociaux, une série de contrats à durée déterminée à temps partiel en tant qu'agent d'entretien.


Suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel du 16 mai 2012, Madame T... a été engagée par ce même employeur pour une durée de 28 heures en tant qu'agent d'entretien et agent de service intérieur, au sein de l'établissement foyer d'accueil médicalisé Vesvrotte à [...] , avec un coefficient 380 plus sept points de risque, échelon 3.


Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du travail des établissements et services pour personnes handicapées et handicapées du 15 mars 2016.


Par avenant du 14 janvier 2013, Madame T... employée comme agent de service intérieur (agent d'entretien/grille Internat) a été reclassée dans le même emploi sur une grille externat, à la suite du remplacement partiel d'une salariée, engagée en qualité d'ouvrier qualifié (maîtresse de maison) au sein de l'association ACODEGE et absente pour maladie.


Par avenant du 1er février 2013, les parties sont convenues du bénéfice rétroactif par Madame T... à la date du 1er janvier 2013, d'une réduction d'ancienneté, conformément aux dispositions de la convention collective, et de l'application d'un coefficient de base 341 ainsi que d'un coefficient avec majoration d'ancienneté de 371.


Un avenant du 25 mars 2013 a affecté Madame T... , dans le même emploi d'agent de service, à l'institut médico-éducatif des Colibris, pour la période du 25 mars 2013 au 10 juillet 2013.


Madame T... a été victime d'un accident de travail, le 14 mai 2013, alors qu'elle nettoyait le sol sur son lieu de travail habituel, chute lui occasionnant des lésions à la hanche, l'épaule et la tête.


Elle a été placée en arrêt de travail de travail à compter du 14 mai 2013, arrêt de travail renouvelé jusqu'au 13 septembre 2015. A compter du 14 septembre 2015 et jusqu'au 12 février 2016, Madame T... a été placée en arrêt maladie.


Le 4 janvier 2016, la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or a décidé que l'état de santé de Madame T... , victime de l'accident du travail du 14 mai 2013, pouvait être considéré comme consolidé au 13 septembre 2015.


Le 5 janvier 2016, le médecin du travail a établi, à la suite d'un examen de pré-reprise du 9 décembre 2015, un avis d'inaptitude de Madame T... à son poste de travail, et qu'elle pouvait être apte à tout poste respectant les prescriptions médicales.






Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 janvier 2016, l'association ACODEGE a notifié à Madame T... son licenciement pour inaptitude médicalement constatée et impossibilité de reclassement.


Le 29 janvier 2016, la caisse primaire d'assurance maladie a reconnu à Madame T... un taux d'incapacité permanente de 8 % et lui a alloué un capital de 3 486,62 €.


Par requête déposée le 14 août 2017, Madame T... a saisi le tribunal des affaires de la sécurité sociale de Dijon aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de l'association ACODEGE.


Par jugement du 23 octobre 2018, frappé d'appel, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Dijon a débouté Madame T... de toutes ses demandes.


Par requête du 31 mai 2016, Madame T... a saisi le conseil de prud'hommes de Dijon en formant les demandes suivantes :
- requalifier le contrat de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein,
- condamner l'association ACODEGE à lui payer :
. 14 869,13 € au titre du rappel de salaires, outre 1 468,91 € à titre d'indemnité de congés payés y afférent,
. 3 000,00 € à titre d'indemnité de retard de paiement,
. 20 892 € au titre de l'indemnité de l'article L. 1226-15 du code du travail et, subsidiairement,
. 20 000 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 1 988,15 € pour solde restant dû au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
. 2 191,47 € pour solde restant dû au titre de l'indemnité de préavis, outre 219,14 € à titre d'indemnité de congé payé y afférent,
- ordonner la remise des bulletins de paie modifiés, de l'attestation Pôle Emploi, l'exécution provisoire de la décision à intervenir et la condamnation au paiement de 2 000 € au titre des frais irrépétibles.


Par jugement du 6 avril 2018, le juge départiteur, statuant seul, après avis des conseillers présents, a dit justifié le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de Madame E... et l'a déboutée de toutes ses demandes.


Madame E... a fait appel de ce jugement.


Aux termes de ses conclusions no 3, Madame T... demande à ce qu'il plaise à la cour d'appel :


Vu la Convention collective nationale du travail du 15 mars 1966,
Vu les articles L3123-14, L3123-17, L2226-2, L1226-8, L2226-14 du Code du travail,
- déclarer recevable l'appel interjete¿ par Madame T... ,
- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a débouté Madame T... de l'intégralité de ses demandes,
En conséquence :
- constater que Madame T... est restée à la disposition de l'ACODEGE et fut dans l'impossibilité de déterminer son rythme de travail,
- constater que Madame T... a travaillé au-delà du temps de travail hebdomadaire,
- requalifier le contrat de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein,
- constater que le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude professionnelle ;
- constater que l'ACODEGE n'a mis en œuvre aucune mesure ou action de prévention des risques utiles,
- dire et juger que l'accident de travail de Madame T... trouve son origine dans la violation de l'obligation de sécurité-résultat à l'endroit de Madame T... ;


- constater que les délégués du personnel n'ont pas été consultés par l'ACODEGE,
- constater que la recherche de reclassement effectuée par l'ACODEGE n'a pas été menée sérieusement,
- dire et juger que l'ACODEGE a violé les dispositions protectrices applicables au licenciement pour inaptitude d'un salarié victime d'un accident du travail,
- condamner l'ACODEGE à verser à Madame T... les sommes suivantes :
. 14 689,13 € au titre de rappel de salaires, outre 1 468,91 € à titre d'indemnité de congés payés y afférent,
. 3 000,00 € à titre d'indemnité pour retard de paiement,
. 20 892,00 € au titre de l'indemnité de l'article L 1226-15 du code du travail à titre principal et, subsidiairement, 20 000 € au titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 1 988,15 € pour le solde restant dû au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
. 2 191,47 € pour le solde restant dû au titre de l'indemnité de préavis, outre 219,14 € à titre d'indemnité de congés payés y afférent,
- assortir ces condamnations des intérêts au taux légal à compter du 26 mai 2016, date de saisine de la juridiction par Madame T... ,
- ordonner à l'ACODEGE de rédiger et de remettre a` Madame T... ses bulletins de salaire rectifiés et son attestation Pôle-emploi,
- condamner l'ACODEGE aux entiers dépens et à verser à Madame T... 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.


L'association ACODEGE conclut, dans ses conclusions responsives et récapitulatives, à la confirmation du jugement querellé et à la condamnation de l'appelante au paiement de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.


Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux conclusions précitées pour un plus ample exposé des faits de la procédure et des moyens des parties.


La clôture a été prononcée le 2 avril 2020 puis le 14 mai 2020, après révocation de l'ordonnance de clôture.






SUR QUOI :




Sur la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel à temps complet :


Attendu que l'article L.3123-14 du code du travail, dans sa version applicable au litige, dispose que le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit qui mentionne notamment, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue sauf, pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L.3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;


que le contrat de travail à temps partiel mentionne également les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiquées par écrit au salarié ;


Attendu que l'article L.3123-21 du même code dispose, en outre, que toute modification de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois est notifiée au salarié sept jours au moins avant la date à laquelle elle doit avoir lieu sauf si conformément à l'article L.1323-22, une convention, un accord collectif étendu, une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement prévoit une diminution de ce délai de prévenance et notamment en cas d'urgence dans les associations et entreprises d'aide à domicile ;


Attendu qu'il est constant que l'absence d'indication dans le contrat écrit de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois entraîne la présomption de travail à temps complet ; qu'il n'en demeure pas moins que cette présomption n'est pas irréfragable et que l'employeur peut la détruire en apportant la preuve des temps de travail effectivement réalisés et de la connaissance qu'avait le salarié de son rythme de travail de sorte qu'il n'avait pas à se tenir à sa disposition permanente ;


Attendu qu'au cas d'espèce, il est établi que le contrat de travail de Madame T... , embauchée à compter du 16 mai 2012, a été établi pour une durée travail hebdomadaire de 28 heures sans mention de la répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;


qu'aux termes d'un avenant du 14 janvier 2013, Madame T... a remplacé Madame P... pour la période du 14 janvier 2013 au 31 janvier 2013, sans mention des horaires de travail ;


qu'en revanche, s'agissant de l'avenant du 25 mars 2013 signé le 13 juin 2013 par Madame T... et affectant la salariée sur le site des Colibris pour la période du 25 mars 2013 au 19 juillet 2013, il précisait les horaires de travail s'appliquant à la salariée, à savoir sept heures par jour les lundi, mardi, mercredi et jeudi ;


Attendu que pour renverser la présomption de travail à temps complet résultant de l'absence de mention des horaires de travail dans les contrats précités, l'association ACODEGE produit aux débats les plannings des horaires de travail des années 2010, 2011, 2012 et 2013 lesquels, aux dires de l'association, démontreraient que Madame T... n'était pas dans l'obligation de se tenir en permanence à disposition de son employeur ;


que Madame T... objecte que le délai de sept jours n'était pas respecté, l'employeur lui imposant des modifications permanentes de planning ;


Attendu qu'il ressort de l'examen de ces pièces versées aux débats, que les plannings détaillaient mensuellement pour chaque salarié les périodes travaillées, le matin de 7 heures à 14 heures, l'après-midi de 13h 45 à 20 h 45 de même que les périodes de congés hebdomadaires et de travail les week-ends et les jours fériés ;


que Madame T... ne précise nullement les modifications des horaires de travail qui lui auraient été imposées sans respect du délai de prévenance de sept jours et alors qu'ainsi que l'a relevé le premier juge, l'employeur se prévaut des attestations de Monsieur K..., chef de service éducatif et de Madame H... agent de service, lesquels attestent de la remise au personnel des plannings de travail établis mensuellement au moins dix jours avant le début du mois, et du fait que toute modification était portée à la connaissance du salarié au moins sept jours francs avant le service ;


Attendu que Madame T... a porté des annotations sur les plannings à partir du mois de juillet 2012, sans plus d'explicitations de sa part, mentions manuscrites insuffisantes à établir que le délai de prévenance de sept jours n'était pas respecté par l'employeur en cas de modification des horaires tels que fixés sur les plannings mensuels de travail ;


Attendu que Madame T... soutient en cause d'appel, que la salariée qui l'a remplacée du 16 au 19 avril 2013 dans l'établissement des Colibris a été embauchée à temps pleince qui confirmerait le fait qu'elle-même effectuait un travail à temps plein ;


Attendu cependant que la lecture du contrat de travail à durée déterminée à temps plein conclu entre l'association ACODEGE et Madame C... I... permet de constater que cette salariée a été embauchée pour assurer le remplacement pour partie de Madame T... et pour effectuer toutes autres missions correspondant à sa catégorie d'emploi de sorte que la requalification du contrat de travail de Madame T... en contrat de travail à temps plein ne se justifie pas pour le motif allégué par l'appelante ;


Attendu que Madame T... fait valoir également qu'elle a effectué«en permanence» des heures complémentaires pour compléter des demi-journées, et ce du jour au lendemain ; qu'elle allègue que la durée légale hebdomadaire a été dépassée à plusieurs reprises, et plus particulièrement en janvier 2013 ;


Attendu que le contrat de travail à durée indéterminée régularisé le 16 mai 2012 avec Madame T... prévoyait le recours à des heures complémentaires «en fonction des nécessités de service, la salariée pouvant être amenée à effectuer des heures complémentaires à la demande de l'employeur en application de l'accord de branche UNIFED du 1er avril 1999» ;


que le contrat de travail précisait les limites dans lesquelles il pouvait être fait usage à des heures complémentaires,
- d'une part, dans la limite du 1/10ème de la durée du contrat (les heures complémentaires ayant un caractère obligatoire en cas de respect d'un délai de prévenance de sept jours calendaires pouvant être porté à trois jours ouvrés en cas d'urgence),
- d'autre part, dans la limite d'un tiers, les heures comprises entre 1/10ème et un tiers ouvrant droit aux majorations prévues par les textes légaux, et en tout état de cause, la durée du travail, temps de base et heures complémentaires incluses demeurant inférieure à la durée légale conventionnelle ;


Attendu que Madame T... argue que la durée légale hebdomadaire a été portée à plusieurs reprises à 34,75 heures en ce compris les heures prévues et les heures complémentaires ; qu'au soutien de cette assertion, elle produit un relevé d'heures pour la période du 1er janvier au 20 janvier 2013 mentionnant pour les semaines 3 et 4, 34 heures 75 réalisées ;


Attendu qu'il n'est pas contesté que la répartition du travail entre les jours de la semaine n'est pas expressément mentionnée dans le contrat de travail relatif à cette période travaillée et qu'il résulte des éléments du dossier que la durée de travail de la salariée a été portée à 34 heures 75 sans qu'aucun avenant n'ait été signé par la salariée ;


que cependant, il est établi à la lecture du bulletin de paie du mois de janvier 2013 communiqué que Madame T... a été rémunérée de ses heures complémentaires n'excédant pas la durée légale ou conventionnelle du travail ;


qu'il n'y a pas eu de dépassement des 151 heures travaillées mensuellement, le total des heures travaillées s'établissant à 146 heures 50;


Attendu qu'au vu de ces éléments, par confirmation du jugement entrepris, Madame T... sera déboutée de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, et par voie de conséquence, de ses demandes de rappel de salaires ;








Sur le licenciement :


Attendu qu'il ressort des pièces de la procédure que Madame T... a été reçue le 9 décembre 2015 par le médecin du travail, lors d'une visite de pré-reprise au cours de laquelle il a procédé à une étude de poste ;


qu'à l'issue de la visite de reprise du 5 janvier 2016, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude de Madame T... à son poste de travail considérant «que la salariée ne pouvait effectuer de mouvements répétitifs du bras droit au-dessus du plan des épaules, ne pouvait porter de charges supérieures à 5 kgs, ne pouvait effectuer des mouvements de rotation et d'extension du cou, ne pouvait rester en station debout ou marche prolongée au-delà de 30 minutes, et qu'elle pouvait par contre être apte à tout poste respectant les prescriptions médicales.» ;


Attendu que Madame T... a été déclarée apte à tout poste respectant lesdites prescriptions médicales ;


Attendu qu'après la convocation de la salariée, le 15 janvier 2016, à un entretien préalable, l'association ACODEGE a, par lettre du 4 février 2016, procédé au licenciement de Madame T... pour une inaptitude professionnelle médicalement constatée, et en raison d'une impossibilité de reclassement ;




Sur l'obligation de reclassement :


Attendu que Madame T... soutient que les recherches de reclassement en interne n'ont pas été effectuées de manière sérieuse ;


qu'elle fait valoir que ne lui ont pas été proposés les postes de surveillant de nuit à la ferme de la Louée et de moniteur-éducateur à l'établissement des Colibris pourtant disponibles ; qu'elle ajoute que l'ACODEGE n'a pas communiqué les fiches des douze emplois pourtant identifiés sur l'INPACTE et le CER, et que le médecin du travail n'a pas été interrogé pour savoir si Madame T... était médicalement apte à remplir de tels postes, au besoin par aménagement ou transformation ;


Attendu que Madame T... excipe également d'une absence de recherche de reclassement menée auprès des associations adhérentes à la Fédération dont elle est également membre ;


Attendu qu'il ressort des dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail dans sa version applicable au litige que l'employeur est tenu, après l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail à l'issue de la visite de reprise, de proposer au salarié un autre emploi approprié à ses capacités ; que celui-ci prend en considération les conclusions écrites du médecin et les indications que celui-ci formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches dans l'entreprise ;


Attendu que l'employeur doit proposer au salarié un poste adapté à ses nouvelles capacités telles que constatées par le médecin du travail, au besoin en mettant en œuvre des mesures telles que mutation, transformation de poste de travail ou aménagement du temps de travail ;


Attendu que les recherches de reclassement doivent s'apprécier à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur concerné parmi les entreprises dont les activités, l'organisation, ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ;
Attendu que s'agissant du périmètre du reclassement, l'association ACODEGE argue qu'il ne saurait être étendu à la Fédération des acteurs de la solidarité dite FNARS, dès lors qu'il n'existe aucun lien juridique ni capitalistique entre cette fédération, les associations adhérentes et l'ACODEGE ;


Attendu que l'association ACODEGE est membre de la Fédération des acteurs de la solidarité, constituée d'un siège national et de vingt deux associations régionalesqui, selon les éléments d'information communiqués par l'intimée, ont notamment pour objet de conseiller et d'animer les associations adhérentes ;


que l'appartenance de l'ACODEGE à la Fédération des acteurs de la solidarité ne suffit pas à caractériser entre elles une permutabilité de tout ou partie de leur personnel de sorte qu'il y a lieu de considérer, en l'absence d'une structure constituant un groupe, que l'employeur n'avait pas à étendre ses recherches de reclassement au sein de la Fédération des acteurs de la solidarité et de ses associations adhérentes ;


Attendu que l'association ACODEGE justifie avoir adressé, le 6 janvier 2016, par courriel transmis aux treize directeurs des vingt six établissements et structures la composant, un courrier les interrogeant sur la possibilité de reclassement de Madame T... au sein de leur établissement ;


qu'ainsi que l'a décidé le premier juge, les postes disponibles d'orthophoniste, de psychomotricien au SESSAD, de psychologue, d'éducateur spécialisé d'internat à l'IME [...] et au CMPP, ne correspondaient pas aux compétences de la salariée qui ne pouvait pourvoir ces postes, à défaut de disposer des diplômes requis ou d'une formation qualifiante que l'employeur n'avait pas à prendre à sa charge ;


Attendu que le premier juge a de même pu considérer que l'association ACODEGE n'avait pas à soumettre à la salariée les postes de moniteur-éducateur et d'aide médico-psychologique, dès lors que ces emplois exigeaient de disposer de formations qualifiantes «CAF ME (certificat d'aptitude) et CAF AMP» ;


Attendu que le directeur de l'association ACODEGE a versé, en outre, aux débats le courriel transmis le 7 janvier 2016, par le directeur de l'INPACTE et du centre éducatif fermé, l'informant de la fermeture de cet établissement et du fait que l'ensemble des postes vacants à l'INPACTE avaient été pourvus au moyen de contrats à durée indéterminée ou déterminée ; qu'il est, en conséquence, établi que le reclassement de la salariée n'était pas possible dans ces structures ;


Attendu que le poste de surveillant de nuit à la ferme de la Couée ne pouvait pas davantage être proposé à Madame T... dès lors que les déplacements répétés et mouvements rendus nécessaires par l'exercice de cette fonction étaient incompatibles avec les restrictions médicales telles qu'énoncées par le médecin du travaillequel avait précisé que la salariée ne pouvait rester debout ou effectuer une marche prolongée plus de 30 minutes ni effectuer de mouvements violents ;


Attendu que le jugement sera, par conséquent, confirmé en ce qu'il a jugé que l'association ACODEGE avait loyalement rempli des obligations de reclassement à l'endroit de Madame T... ;




Sur l'absence de consultation des délégués du personnel :


Attendu qu' il ressort des dispositions de l'article L.1226-10 du code du travail qu'en cas d'inaptitude d'un salarié à son emploi, à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, l'employeur est tenu de recueillir l'avis des délégués du personnel, même lorsqu'il invoque l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié ;


Attendu que l'Association ACODEGE produit aux débats un procès-verbal de carence du FAM Vesvrotte à BEIRE-LE-CHATEL, établissement de rattachement de Madame T... , celle-ci ayant été affectée de façon temporaire dans l'établissement des Colibris ;


que ce procès-verbal de carence établi à l'issue du second tour de scrutin du 19 juin 2015 au 26 juin 2015 est de nature à justifier le respect par l'employeur de ses obligations en matière d'organisation des élections de délégués du personnel ;


que le moyen soulevé par la salariée sera, par conséquent, rejeté ;




Sur la violation de l'obligation de sécurité de résultat en matière de sécurité :


Attendu que la salariée soutient avoir effectué des travaux dans des locaux considérés comme inadaptés par l'Agence Régionale de Santé lors d'une inspection réalisée en mai 2013, en raison notamment de l'existence de sols glissants ; qu'elle reproche à l'ACODEGE l'absence d'établissement de document unique d'évaluation des risques alors qu'un nombre important d'accidents de travail dus à des chutes était connu de l'établissement des Colibris ;


Attendu que l'ACODEGE soutient que l'ensemble des moyens soulevés par Madame T... ont été rejetés par le tribunal des affaires de la sécurité sociale et prétend démontrer que la salariée disposait des équipements et tenus indispensables à l'exercice de ses fonctions ;


Attendu que l'article L. 4121-1 du code du travail dispose que :« l'employeur prend toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :
1o des actions de prévention des risques professionnels,
2o des actions d'information et de formation,
3o la mise en place d'une organisation et des moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes» ;


Attendu que l'article L.. 4121-2 du code du travail précise également que : « l'employeur met en œuvre, les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1o éviter les risques,
2o évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités,
3o combattre les risques à la source,
4o adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé,
5o tenir compte de l'état d'évolution de la technique,
6o remplacer ce qui est dangereux par ce qui est dangereux ou par ce qui est moins dangereux,
7o planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral tel que défini par l'article L.1 152-1,
8o prendre les mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle.» ;


Attendu que l'article L. 4121-3 du code du travail dispose que« l'employeur, compte-tenu de la nature des activités de l'établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l'aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail.» ;


que l'article R. 4121-1 du même code prescrit que «l'employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l'article L. 41211. Cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l'entreprise ou de l'établissement y compris liés aux ambiances thermiques.» ;


Attendu qu'il est admis que l'employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé de ses salariés ;


Attendu que l'accident du travail est survenu le 14 mai 2013, Madame T... ayant glissé et chuté sur le sol humide alors qu'affectée depuis le 25 mars 2013, dans l'établissement des Colibris, elle effectuait des travaux de ménage ;


Attendu que Madame T... ne conteste pas ne pas avoir porté de chaussures anti-dérapanteslors de la prise de son service ; qu'elle soutient que le stock de chaussures disponibles était obsolète et que l'ACODEGE n'a reçu une nouvelle commande de sabots que le 15 mai 2013,après son accident du travail ;


Attendu que l'employeur ne produit pas les factures d'achat des sabots mis à disposition des salariés et notamment ceux remis à Madame T... avant la date de l'accident du travail ; que seule est produite la facture du 7 mai 2013 de divers équipements de travail dont des sabots, commandés par le FAM Vesvrottes auprès de la société [...]à une date non connue, la demande de devis auprès de la société [...] produite par l'employeur n'étant pas datée ;


Attendu que l'employeur verse aux débats l'attestation de Madame A..., maîtresse de maison, laquelle indique avoir disposé lors de son entrée dans l'établissement FAM des Vesvrottes d'un équipement comprenant des sabots, qu'il lui était fait obligation de porter ; que la salariée ne précise pas sa date d'embaucheet par conséquent, la date de remise desdits équipements ; que cette attestation est insuffisante à démontrer le respect par l'employeur de ses obligations en matière de sécurité ;


Attendu qu'en effet, l'ACODEGE n'établit pas s'être impliquée dans la prévention des risques en exigeant le port de chaussures adaptées à l'exécution des tâches confiées à Madame T... , notamment lors de sa dernière affectation dans l'établissement des Colibris ; qu'aucune note de service n'est produite par l'association ACODEGE rappelant aux salariés l'obligation de porter les équipements de protection individuels que sont les sabots ;


Attendu que l'employeur ne communique pas davantage aux débats le document unique d'évaluation des risques et notamment de ceux de prévention des risques de chute sur sol humide ;


Attendu que l'association ACODEGE n'établit pas s'être assurée que la salariée avait à sa disposition des équipements individuels de sécurité, à savoir des sabots en bon état, permettant de limiter les risques de chute sur sol humide ;


Attendu que l'employeur qui ne justifie pas avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ne peut écarter sa responsabilité dès lors que son manquement est à l'origine de l'accident du travail du 14 mai 2013 lequel est lui-même à l'origine du licenciement pour inaptitude de Madame T... ;


que ce constat ne vient pas contredire les motifs venant au soutien de la décision non définitive du tribunal des affaires de la sécurité sociale de Dijon ;


que l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée ;


qu'en conséquence, le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de Madame T... est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;


Attendu que c'est à bon droit que l'ACODEGE a fait remonter l'ancienneté de sa salariée au 19 mars 2012, ses embauches successives sous contrats à durée déterminée ayant connu des périodes d'interruption ;


Attendu qu'en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, Madame T... qui a une ancienneté de plus de deux ans dans l'association occupant habituellement onze salariés au moins, peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire ;


Attendu qu'au vu de l'effectif de l'ACODEGE, de la rémunération de Madame T... en moyenne de 1 290,53 €, de son âge au jour du licenciement (55 ans), de son ancienneté à cette même date, soit de trois ans et de neuf mois, de sa capacité à retrouver un emploi eu égard notamment à son statut de travailleur handicapé, des conséquences de son licenciement à son égard, il y a lieu de lui allouer des dommages et intérêts d'un montant de 7 800 € ;


Que Madame T... doit être déboutée de sa demande d'indemnité spéciale de licenciement, la salariée ayant perçu une indemnité de licenciement conventionnelle de 2 503,63 € supérieure au montant de l'indemnité légale ;


que la salariée a, de-même, été remplie de ses droits s'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis ;




Sur les demandes accessoires


Attendu que compte-tenu de l'issue du litige, l'association ACODEGE supportera la charge des dépens et sera condamnée à payer à Madame T... 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;






PAR CES MOTIFS :




La Cour


Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Madame T... de sa demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et de sa demande de rappel de salaires,


L'infirme pour le surplus,


Statuant à nouveau :


Dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Madame T... ,


Condamne l'association ACODEGE à payer à Madame T... 7 800 € à titre de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,


Déboute Madame T... de ses demandes d'indemnité spéciale de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis,




Condamne l'association ACODEGE à payer à Madame T... 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,


Condamne l'association ACODEGE aux dépens de première instance et d'appel.






Le greffier Le président










Françoise GAGNARD Philippe HOYET

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