27 août 2020
Cour d'appel d'Orléans
RG n° 19/02536

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'ORLÉANS


CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE






GROSSES + EXPÉDITIONS : le 27/08/2020
la SELARL SELARL AACG
la SCP DELHOMMAIS, MORIN
ARRÊT du : 27 AOUT 2020


No : 167 - 20
No RG 19/02536 - No Portalis
DBVN-V-B7D-F7VX


DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 28 Juin 2019


PARTIES EN CAUSE


APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265240251116008
SARL LUSOFRANCE MONTAGE
Agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège [...]
[...]




Ayant pour avocat Me Jean-Baptiste CHICHERY, membre de la SELARL AACG, avocat au barreau de TOURS






D'UNE PART


INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265241324607248
S.A.R.L. LS PARTENAIRE
[...]
[...]




Ayant pour avocat Me Marc MORIN, membre de la SCP DELHOMMAIS-MORIN, avocat au barreau de TOURS




D'AUTRE PART


DÉCLARATION D'APPEL en date du : 12 Juillet 2019
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 05 mars 2020






COMPOSITION DE LA COUR


L'audience du 14 mai 2020 n'a pu se tenir compte tenu de l'état d'urgence sanitaire déclaré par la loi no2020-290 du 23 mars 2020. En application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance no2020-304 du 25 mars 2020 et après information des parties par le président de la chambre, la cour statue sans audience au vu des conclusions et des pièces transmises, après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la Cour composée de


Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Nathalie MICHEL, Conseiller,




Greffier :


Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,




ARRÊT :


Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le 27 AOUT 2020 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.




EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :


La société Logistique Services Partenaire (société LS Partenaire), spécialisée dans le secteur du rayonnage d'occcasion et de la plate-forme et intervenant à ce titre dans les entreprises pour diagnostiquer l'état du matériel de stockage, remplacer les éléments défectueux, démonter et transférer les installations, a fait appel à plusieurs reprises dans le cadre de son activité à la société Lusofrance Montage (société Lusofrance) spécialisée dans le montage de rayonnage et intervenant en qualité de sous traitant.


Selon bon de commande du 28 décembre 2017, la société LS Partenaire a sollicité l'intervention de la SARL Lusofrance pour l'installation de rayonnages sur le site de [...] . Le bon de commande évaluait la prestation à la somme de 1 740,00 euros hors taxes, correspondant à deux jours de travail, facturés 600 euros hors taxes chacun, outre une somme de 540,00 euros pour la location d'une nacelle par la société Lusofrance.


Le chantier a débuté le 29 janvier 2018 et s'est terminé, non le 30 janvier, mais le 2 février en début d'après-midi.


Estimant que la mission qui lui était confiée nécessitait, a minima, trois jours de travail et non deux, la société Lusofrance a adressé le 21 février 2018 à la société LS Partenaire une nouvelle facture no [...] d'un montant de 4 241,64 € TTC comprenant, outre la facturation initialement prévue, 1500 euros pour les deux jours et demi de travail supplémentaires et 294,70 euros hors taxes au titre du supplément de location de la nacelle sur deux jours.


La société LS Partenaire a refusé de régler cette facture et lui a adressé en retour, une facture d'un montant de 1 416 € comprenant 1180 € de "frais engendrés par chantier La Mandorle non terminé", au motif qu'elle a dû intervenir sur le site de La Mandorle pour remédier à certaines malfaçons.


Faisant valoir que les reproches de la société LS Partenaire ne sont pas fondés, qu'elle a toujours été confrontée à d'importants retards de paiement de ses factures par cette dernière, qui a en outre, non seulement refusé de régler la facture relative au travail accompli sur le site de La Mandorle, mais a aussi omis de régler trois autres factures no [...], no [...] et no [...] et exposant également que la société LS Partenaire qui était l'une de ses principales Partenaires, a annulé plusieurs bons de commande, à la suite du chantier de la Mandorle, la société Lusofrance a adressé à la société LS Partenaire une lettre recommandée avec accusé de réception du 19 mars 2018 la mettant en demeure de régler les quatre factures susvisées.


La société LS Partenaire, par courrier du 27 mars 2018, a adressé à la société Lusofrance un chèque de 2 958 euros au titre du solde des factures [...], [...] et [...] et un chèque de 2088 euros TTC (1740€ HT) correspondant à la facturation initiale de la prestation du chantier La Mandorle, en précisant qu'elle abandonnait à titre amiable sa facture de [...], mais que compte tenu des malfaçons constatées sur ce chantier, elle refusait de régler le supplément réclamé par la société Lusofrance. Elle réclamait aussi la restitution des outils empruntés au client.


Indiquant ne pas être d'accord avec ce courrier, la société Lusofrance a adressé, en vain, le 30 avril 2018 à la société LS Partenaire une nouvelle mise en demeure de régler la somme de 4121,64€ correspondant aux 4 jours et demi de travail effectués sur le chantier de La Mandorle, puis, par acte d'huissier du 25 juin 2018, l'a faite assigner devant le tribunal de commerce de Tours en paiement du solde de la facture no [...] à hauteur de 2153,64€ outre 40€ d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement et des dommages et intérêts à hauteur de 2000€ au titre des nombreux retards de paiement et 13.000€ en réparation du préjudice subi du fait des annulations intempestives et répétées des commandes et de la rupture brutale de la relation commerciale établie.


Par jugement du 28 juin 2019, le tribunal de commerce de Tours a débouté la Société Lusofrance Montage de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et l'a condamnée à payer à la société LS Partenaire la somme de 1000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.


Par déclaration en date du 12 juillet 2019, la SARL Lusofrance Montage a interjeté appel dudit jugement en intimant la société LS Partenaire et en critiquant tous les chefs de la décision. Dans ses dernières conclusions du 1er mars 2020, elle demande à la cour de :
Vu les articles L.442-6 I 5o, L.441-6 et D.441-5 du Code de commerce,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Tours en date du 28 juin 2019,
Vu les pièces versées aux débats,
Déclarer la SARL Lusofrance Montage recevable et bien-fondé en son appel,
Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Tours en date du 28 juin 2019, en ce qu'il a débouté la SARL Lusofrance Montage de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Débouter la SAS LS Partenaire de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
En conséquence,
Condamner la SAS LS Partenaire à verser à la SARL Lusofrance Montage la somme de 2 153,64 euros au titre du solde de la facture [...], augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 avril 2018 ;
Condamner la SAS LS Partenaire à verser à la SARL Lusofrance Montage la somme de 40,00 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement ;
Condamner la SAS LS Partenaire à verser à la SARL Lusofrance Montage la somme de 2 000,00 euros à titre de dommages et intérêts compte tenu des nombreux retards de paiement
Condamner la SAS LS Partenaire à verser à la SARL Lusofrance Montage la somme de 13.000€ en réparation du préjudice subi du fait des annulations intempestives et répétées des commandes, des refus de contrats que la Société Lusofrance a été contrainte d'opposer à d'autres clients en raison des commandes qui ont finalement été annulées et de la rupture brutale de la relation commerciale établie,
Condamner la SAS LS Partenaire à verser à la SARL Lusofrance de 4 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner la SAS LS Partenaire aux entiers dépens ;
Condamner la SAS LS Partenaire aux frais éventuels d'exécution ;
Dire et juger qu'à défaut de règlement spontané des condamnations qui seront prononcées, et en cas d'exécution avec le concours d'un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l'huissier par l'application de l'article 10 du décret du 8 mars 2011 portant modification du décret [...] du 12 décembre 1996 se rapportant aux tarifs des huissiers sera supporté par la SAS LS Partenaire.


Au sujet du chantier La Mandorle, elle fait valoir qu'elle a certes accepté les conditions initialement prévues au contrat mais que le temps nécessaire pour la mission a été mal évalué dans le devis établi par la société LS Partenaire, ainsi qu'elle le lui a indiqué par téléphone à plusieurs reprises au cours de son intervention sur le chantier, et que le matériel prévu, notamment un chariot pour le montage, n'a pas été mis à sa disposition. Elle précise que le fait qu'un forfait soit fixé dans le bon de commande ne signifie pas que le prix était figé et que dans le passé, des suppléments lui étaient réglés selon les aléas du chantier et ce de manière verbale, au regard de leurs relations d'affaire, sans signature d'un nouveau bon de commande. Elle en déduit que sa facture no [...] ne correspond pas à une prestation supplémentaire mais au montant de la prestation initiale correctement évaluée. Elle conteste avoir mal exécuté sa prestation et indique que le 2 février 2018, la société La Mandorle a signé un bon de fin de chantier, attestant de la conformité des travaux à la commande passée, à l'exception d'une réserve liée à l'absence de 10 mardriers, qui ne lui est pas imputable, étant chargée seulement du montage des pièces et non de leur commande. Elle conteste aussi avoir emprunté les outils de la société La Mandorle.


Elle ajoute que la société LS Partenaire lui a réglé le montant de la facturation initiale du chantier de La Mandorle (2088€) seulement après qu'elle lui ait adressé une mise en demeure et que plus largement, celle-ci a souvent réglé ses factures en retard, mais qu'elle ne lui adressait pas à chaque fois des relances, craignant qu'elle mette fin à leur relations commerciales.


Sur sa demande de dommages et intérêts pour annulations de commande et rupture brutale de la relation commerciale, elle expose que la société LS Partenaire a annulé le 30 janvier 2018 un bon de commande pour un chantier à Brest puis le 31 janvier 2018, deux chantiers prévus à [...] , ce qui l'a contrainte à refuser d'autres clients pour honorer ses engagements envers LS Partenaire ; que celle-ci a annulé, à la suite du litige lié au chantier de la Mandorle tous les bons de commande établis précédemment et a cessé toutes relations commerciales, de sorte qu'elle s'est retrouvée brutalement sans mission et sans trésorerie en février 2018. Elle précise que cette rupture des relations commerciales a été brutale, en l'absence du moindre préavis.


La société LS Partenaire demande à la cour, par dernières conclusions du 1er mars 2020, au visa des articles 1103 du Code civil et L442-6 I 5o du Code de commerce, de:
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
En conséquence,
Débouter la société Lusofrance Montage de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
Y ajoutant,
Condamner la société Lusofrance Montage à verser à la société LS Partenaire la somme de 4000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner la société Lusofrance Montage aux dépens, outre le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Delhommais-Morin.


Au sujet du chantier de La Mandorle, et après avoir rappelé que le sous-traitant est tenu envers l'entrepreneur principal d'une obligation de résultat, elle indique que le bon de commande correspond à un marché au forfait par rapport à un quantitatif de matériel à monter transmis à la société Lusofrance en amont qui a elle-même proposé un prix forfaitaire en disposant de la liste précise du matériel à monter. Elle précise que son sous traitant a bien reçu un chariot, et qu'il ne démontre pas que sa facture complémentaire correspond à une prestation supplémentaire commandée avant son exécution ou acceptée par la société LS Partenaire après son exécution.
Elle ajoute qu'il a commis des malfaçons.


Sur les retards de paiement, elle soutient que très souvent, le bon de fin de chantier n'était pas joint aux factures, ou que celles-ci étaient adressées alors que les chantiers n'étaient pas terminés et que la société Lusofrance ne lui a adressé aucune mise en demeure.


Elle conteste avoir annulé la commande prévue pour le chantier de Brest mais explique que ce chantier devait démarrer le 31 janvier 2018, soit une date à laquelle la société Lusofrance se trouvait toujours sur le chantier de La Mandorle et que pour les commandes des chantiers de Saint Avertin et Fresnes, elle les a effectivement annulées devant le refus ferme et définitif de la société Lusofrance de réaliser ces chantiers tant que le litige du chantier de la Mandorle n'était pas résolu. Elle conteste l'existence d'une commande pour le chantier à Verrière Le Buisson et fait observer que seul un devis est produit. Elle ajoute que les dispositions de l'article L442-6-I 5o sur la rupture brutale de la relation commerciale ne s'appliquent pas en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure et qu'en l'espèce, des désordres de montage ont été constatés par le client sur le chantier de la Mandorle et la société Ludofrance a pourtant refusé d'intervenir ce qu'il l'a obligée à faire intervenir ses propres monteurs. Elle indique encore que la rupture des relations commerciales n'avait rien d'imprévisible au regard du litige lié au chantier de La Mandorle.


Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions.


La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 5 mars 2020.


L'audience du 14 mai 2020 n'a pu se tenir compte tenu de l'état d'urgence sanitaire déclaré par la loi no 2020-290 du 23 mars 2020. Un message a été adressé aux parties le 7 avril 2020 leur indiquant qu'en application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance no 2020-304 du 25 mars 2020, la procédure se déroulera sans audience et l'affaire mise en délibéré, sauf opposition de l'une ou l'autre des parties dans un délai de quinze jours. Les parties n'ont formé aucune opposition dans le délai imparti et ont même expressément accepté par courriers des 8 et 12 mai 2020 que l'affaire soit prise sans débats. L'affaire a été mise en délibéré au 27 août 2020.


Par courrier adressé par voie électronique en cours de délibéré le 28 mai 2020, la cour a soulevé d'office l'application des dispositions de l'article L442-6 in fine du Code de commerce, et celles de l'article D442-3 du Code de commerce et de l'annexe 4-2-1 dont il ressort que la demande fondée sur l'article L442-6-I 5o relève de la compétence du tribunal de commerce d'Orléans et en appel, de la cour d'appel de Paris. La cour a sollicité les observations des parties avant le 10 juin 2020 sur son défaut de pouvoir pour statuer sur la demande de dommages et intérêts à hauteur de 13.000€ formée par la société Lusofrance Montage, au moins en ce qu'elle est fondée pour partie sur la rupture brutale de relations commerciales établies et les dispositions de l'article L442-6 I 5o et par suite sur l'irrecevabilité partielle ou totale de cette demande.


Par note en délibéré du 9 juin 2020, la société LS Partenaire a relevé que la cour n'était pas compétente pour statuer sur la demande de dommages et intérêts à hauteur de 13000€ fondée sur les dispositions de l'article L442-6-I 5o et que la société Lusofrance ne pouvait qu'être déboutée de sa demande de dommages et intérêts en raison de son irrecevabilité.


Par note en délibéré du 9 juin 2020, la société Lusofrance Montage indique :
- qu'en vertu de l'article 70 du code de procédure civile la cour d'appel ne peut relever d'office son incompétence que si l'affaire relève de la compétence d'une juridiction répressive ou administrative ou échappe à la connaissance de la juridiction française, ce qui n'est pas le cas en l'espèce,
- que soulever pour la première fois cette incompétence d'attribution en cause d'appel priverait la société Lusofrance de faire valoir ses droits et que dès lors que les premiers juges, passant outre l'exception d'incompétence, se sont déclarés implicitement compétents pour connaître d'un litige, leur décision ne peut être attaquée que par la voie de l'appel et la cour d'appel, saisie en vertu de l'effet dévolutif de l'appel doit statuer sur l'ensemble du litige,
- qu'il ne serait pas d'une bonne justice de ne pas statuer sur l'ensemble du litige et donc sur la demande de dommages et intérêts d'autant que celle-ci n'est fondée que pour partie sur la rupture des relations commerciales établies,
- que subsidiairement, si la cour retient son incompétence, elle doit transmettre d'office le dossier à la cour d'appel de Paris pour qu'il soit statuer sur la demande de dommages et intérêts.




MOTIFS DE LA DÉCISION :


Sur le règlement de la facture no [...] émise par la société Lusofrance et la demande de dommages et intérêts au titre des retards de paiement.


Le bon de commande no [...]85 émis le 28 décembre 2017 par la société LS partenaire à destination de la SARL Ludofrance pour un total de 1740€ HT (2088€ TTC), comporte la mention "forfait montage 1200€ HT ; Nacelle à votre charge : 540€ ; chariot client" avec un début d'intervention le lundi 29 janvier 2018 à 8 h00. Il était précisé quant aux conditions de paiement : "chèque à 60 jours".


La société Lusofrance s'est donc engagée, en contrepartie d'un prix fixé d'avance, à effectuer des travaux dont la nature et l'étendue étaient pré-définis.


La facture no [...] émise par la société Lusofrance le 21 février 2018 pour un total de 3534,70€ HT soit 4241,64€ TTC reprend la facturation du bon de commande pour 1200€ et 540€ et mentionne en outre la somme de 1500€ pour "supplément 2 jours 1/2 : installations non dégagées, pas de chariot pour le montage (tout fait à la main), gerbeur non disponible la plupart du temps" et la somme de 294,70€ pour "supplément location de nacelle 2 jours".


Néanmoins, la société Lusofrance ne conteste pas avoir accepté le bon de commande en connaissance de la prestation de montage à réaliser et ne démontre pas que le fait d'avoir dû travailler deux jours et demi supplémentaires résulte d'une mauvaise évaluation de la société LS Partenaire qu'elle n'aurait pas été elle-même en mesure de détecter au moment de la commande, et/ou à des éléments nouveaux postérerieurs au bon de commande. Notamment elle n'établit pas l'absence de chariot et la non disponibilité du gerbeur qu'elle allègue.


Elle n'établit pas non plus, ainsi que l'a relevé à bon droit le tribunal, l'acceptation non équivoque de la facturation supplémentaire par la société LS Partenaire, avant, pendant ou à la suite de la période de montage n'est pas établie, le fait que celle-ci ait indiqué dans un courriel du 14 février 2018 adressé à son sous-traitant "non, mais envoyez votre facture, on verra" étant insuffisant pour démontrer cette acceptation. De même, le fait que pour d'autres factures, la société LS Partenaire ait précédemment accepté de régler des travaux supplémentaires sans nouveau bon de commande ne signifie pas que tel a été le cas pour le chantier de la Mandorle, ce qu'elle conteste expressément.


La société LS Partenaire ayant réglé le prix initialement convenu de 2088€ TTC, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Lusofrance de sa demande de paiement du solde de la facture [...] à hauteur de 2153,64€ et de l'indemnité de recouvrement de 40 €.


S'agissant des retards de paiement, la société LS Partenaire s'est acquittée de la somme de 2088€ TTC par chèque adressé le 27 mars 2018, certes après la mise en demeure adressée le 19 mars 2018 par le conseil de la société Lusofrance, mais dans le délai de 60 jours à compter de la facture datée du 21 février 2018 (pièces 13 et 14 produites par l'appelante). Cette somme n'a donc pas été réglée avec retard.


En revanche, les factures no [...] du 4 janvier 2018, pour un montant de 720 € TTC, arrivant à échéance le 4 mars 2018, no259 du 12 janvier 2018 pour un montant de 990€ TTC, arrivant à échéance le 12 mars 2018, et no261 de 1 248€ TTC arrivant à échéance le 13 mars 2018, représentant une somme totale de 2958€ ont été réglées par chèque du 26 mars 2018, soit avec un retard de paiement compris entre 13 et 22 jours (pièces 7, 8, 9, 14 produites par l'appelante).


L'appelante produit en outre en pièces 20 plusieurs copies de chèques émis par la société LS Partenaire à l'ordre de la société Lusofrance et 2016 et 2017, pour un total de plus de 40.000€, copies sur lesquelles les dates d'échéance sont indiquées de manière manuscrite, ces dates étant toutes antérieures d'environ une quinzaine de jours à la date d'établissement des chèques. Si la société Lusofrance ne produit pas en totalité les factures correspondantes permettant de vérifier leur date d'échéance, la cour observe que la société LS Partenaire ne conteste pas avoir réglé en retard ces factures, mais prétend seulement, soit que le bon de fin de chantier n'était pas joint soit que les chantiers n'étaient pas terminés, ce qui n'est pas établi.


Elle reprend aussi l'argumentation retenue par les premiers juges selon laquelle la société Lusofrance ne présente ni rappel ni mise en demeure de payer, ce qui établirait qu'elle semble s'être accommodée de ce problème jusqu'au présent litige. S'il est exact que la société Lusofrance ne produit pas de mise en demeure adressée à l'intimée avec lequel elle entretenait des relations commerciales régulières, elle verse toutefois aux débats en pièce 10, une dizaine de courriels qu'elle lui a adressés courant 2015, 2016 et 2017 pour réclamer le paiement de factures échues.


Au regard de ces pièces, l'appelante établit de manière suffisante les retards de paiement de ses factures imputables à la société LS Partenaire, sans que cette dernière ne démontre en réplique que ces retards ne provenaient pas de sa faute et sans qu'elle les ait indemnisés d'une manière ou d'une autre.


En conséquence, au regard des sommes en jeu, et de leur répétition même s'ils sont le plus souvent limités à environ 10 à 20 jours, ces retards de paiement ont nécessairement causé un préjudice à la société Lusofrance, qui ne disposait pas de la trésorerie qu'elle était en droit d'attendre à la date correspondant à l'échéance de ses factures.


La société LS Partenaire sera en conséquence condamnée à lui verser la somme de 2000€ en réparation de ce préjudice, par infirmation du jugement.


Sur la demande de dommages et intérêts du fait de l'annulation des bons de commande et de la rupture brutale de la relation commerciale


La société Lusofrance appuie sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 13.000€ sur plusieurs fautes qu'elle reprochent à la SAS LS Partenaire, sur lesquelles cette dernière s'explique en les distinguant.


Elle invoque en premier lieu les annulations intempestives et répétées des commandes et les refus de contrats qu'elle a été contrainte d'opposer à d'autres clients en raison des commandes qui ont finalement été annulées.


Néanmoins, ainsi que l'a retenu le tribunal, l'annulation le 30 janvier 2018 de la commande relative au chantier de Brest (pièce 11 produite par l'appelante) ne peut être considérée comme fautive puisque ce chantier devait démarrer le 31 janvier 2018 et qu'à cette date, la société Lusofrance continuait à travailler sur le chantier de la Mandorle qui devait selon le bon de commande être achevé la veille.


Il ne sera pas non plus retenu de faute concernant l'annulation du chantier à Verrière le Buisson car la société Lusofrance produit uniquement un devis concernant cette prestation et ne démontre pas de manière suffisante que cette prestation lui a effectivement été confiée.


L'appelante justifie en pièces 12 et 21 de l'annulation par la société LS Partenaire le 31 janvier 2018 de la commande [...]36 afférente au chantiers de Saint Avertin pour l'entreprise ACR distribution. L'intimée ne conteste pas non plus l'annulation de la commande no [...]83 liée au chantier de Fresnes. La société LS Partenaire, qui prétend sans en justifier que c'est la société Lusofrance qui a refusé de réaliser de nouveaux chantiers tant que le litige de la Mandorle n'était pas réglé, ne pouvait annuler de son propre chef des commandes et par là même résilier unilatéralement des contrats d'entreprise, sans commettre une faute. Néanmoins, il appartient à la société Lusofrance de démontrer le préjudice qu'elle invoque. Elle prétend sans en justifier avoir dû refuser des commandes d'autres clients et ne donne aucun élément de nature à établir le préjudice qu'elle prétend subir du fait de l'annulation des deux seules commandes susvisées.


Il ne sera donc pas fait droit à sa demande de dommages et intérêts sur ce fondement.


S'agissant de la rupture brutale des relations commerciales établies, l'article L.442-6-I-5o du Code de Commerce dispose, dans sa réaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance no2019-359 du 24 avril 2019 et applicable à la cause compte tenu de la date de l'assignation :
« Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, pour tout producteur, commerçant, industriel, ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (
)
5o- De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. (
)
Les litiges relatifs à l'application du présent article sont attibués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret.»


Au terme de l'article D442-3 du Code de commerce issu du décret no 2009-1384 du 11 novembre 2009,
"Pour l'application de l'article L442-6 le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d'outre mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 du présent livre. La cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris".


Il ressort de ces dispositions que la demande de dommages et intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale est de la compétence du tribunal de commerce de Paris et en appel de la cour d'appel de Paris.


C'est à tort que l'appelante indique que la cour de céans ne pourrait soulever d'office son incompétence, l'affaire ne relevant pas de la compétence d'une juridiction répressive ou administrative ou d'une juridiction étrangère, au sens de l'article 76 du code de procédure civile.


En effet, ainsi qu'elle l'a indiqué dans son courrier du 29 mai 2020, la cour ne soulève pas son incompétence mais son défaut de pouvoir pour statuer sur la demande. Il ne s'agit donc pas de soulever une exception d'incompétence mais de constater le défaut de pouvoir juridictionnel d'une juridiction non spécialisée pour statuer sur l'application de l'article L 442-6 du code de commerce. Par suite, la juridiction non spécialisée, même en appel est tenue de relever d'office la fin de non-recevoir tirée de l'inobservation de la règle d'ordre public investissant la cour d'appel de Paris du pouvoir juridictionnel exclusif pour statuer sur l'application de l'article L 442-6 du code de commerce et elle ne peut en aucun cas statuer au fond. (cf pour exemples C. Cassation com. 31 mars 2015, pourvoi no 14-10016 ; 29 mars 2017, no 15-24241)


La cour de céans est bien saisie par l'effet dévolutif de l'ensemble du litige ainsi que l'indique la société Lusofrance dans sa note en délibéré, et c'est justement en ce qu'elle est investie, par l'effet dévolutif de l'appel, des seuls pouvoirs du tribunal de commerce d'Orléans, qu'elle n'a, pas plus que ce dernier, pouvoir de connaître de la demande formée par l'appelant sur le fondement des dispositions de l'article L 442-6 I 5o du code de commerce, une telle demande devant être initialement formée devant le tribunal de commerce de Paris puis en cas d'appel devant la cour d'appel de Paris.


La demande de dommages et intérêts doit donc être déclarée irrecevable en ce qu'elle est fondée sur la rupture brutale de la relation commerciale établie, par infirmation du jugement de ce chef, sans que le dossier puisse être transmis à la cour d'appel de Paris.


Sur les autres demandes


Chacune des parties ayant partiellement gain de cause en ses demandes, il convient au regard des circonstances particulières du litige, de dire que chacune conservera la charge de ses dépens et qu'il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.




PAR CES MOTIFS


La Cour,


- Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Lusofrance Montage :
- de sa demande en paiement des sommes de 2153,64€ au titre du solde de la facture no [...] avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2018 et 40€ au titre de l'indemnité de recouvrement,
- de sa demande de dommages et intérêts en ce qu'elle est fondée sur les annulations intempestives et répétées de commandes,


- Infirme le jugement déférée pour le surplus de ses disposition ;


Statuant à nouveau sur ces seuls chefs et y ajoutant,


- Condamne la société Logistique Services Partenaire (LS Partenaire) à payer à la société Lusofrance Montage la somme de 2000€ en réparation du préjudice subi au titre des retards de paiement ;


- Déclare irrecevable la demande de dommages et intérêts à hauteur de 13.000€ en ce qu'elle est fondée sur la rupture brutale de la relation commerciale établie ;


- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;


- Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens qu'elle a exposés.


Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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