7 novembre 2019
Cour d'appel d'Orléans
RG n° 19/00712

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'ORLÉANS


CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE






GROSSES + EXPÉDITIONS : le 07/11/2019
la SCP LAVAL - FIRKOWSKI
la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS
ARRÊT du : 07 NOVEMBRE 2019


No : 361 - 19
No RG 19/00712
No Portalis DBVN-V-B7D-F4AZ


DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Président du TC de TOURS en date du 01 Février 2019


PARTIES EN CAUSE


APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265244173793389
Madame K... X...
exerçant sous l'enseigne commerciale "40 BIS" au [...]
[...]


Ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Julie DUVIVIER , membre de la SAS DUVIVIER & ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS


D'UNE PART


INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265232120272495
SARL LA GRIFFE DE MARGAUX RCS BLOIS
Représentée par son gérant domicilié en cette qualité audit siège 5 rue du Change 41100 VENDOME


Ayant pour avocat Me Stéphanie BAUDRY, membre de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS


D'AUTRE PART


DÉCLARATION D'APPEL en date du : 25 Février 2019
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 21 août 2019












COMPOSITION DE LA COUR


Lors des débats à l'audience publique du 19 SEPTEMBRE 2019, à 14 heures, Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, en son rapport, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.


Après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :


Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Nathalie MICHEL, Conseiller,




Greffier :


Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,




ARRÊT :


Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le 07 NOVEMBRE 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :


La Société La Griffe de Margaux exerce une activité de vente de vêtements à Amboise et exploitait initialement deux établissements situés dans la même rue l'un en face de l'autre, [...].


Souhaitant regrouper son activité dans le seul local du [...] et céder le droit au bail commercial dont elle est titulaire au 40 bis de la même rue, la Société La Griffe de Margaux a publié une annonce à laquelle a répondu Mme K... X... puis, par acte authentique en date du 15 mai 2017, a cédé à cette dernière son droit au bail commercial du 21 avril 2005.


Faisant valoir que Mme X... avait repris sans autorisation l'enseigne "Le 40 bis" et exposait des vêtements dans le local alors que la cédante lui avait cédé uniquement le droit au bail, et non le fonds de commerce englobant la clientèle et que l'acte notarié stipulait expressément que la cessionnaire exercerait l'activité de décoration intérieure, de sorte qu'elle ne pouvait vendre de vêtements, la société La Griffe de Margaux l'a mise en demeure de cesser cette activité par courrier recommandé du 7 juillet 2017 puis l'a assignée par acte du 28 juin 2018 devant le président du tribunal de commerce de Tours statuant en référé, afin de constater l'existence de troubles manifestement illicites résultant de l'exercice d'une activité de vente de vêtements et de l'exploitation de l'enseigne commerciale "Le 40 bis", et d'ordonner sous astreinte la cessation de cette activité et la communication de ses documents comptables établissant sa part de chiffre d'affaires résultant de la vente de vêtements.


Par ordonnance du 1er février 2019, le Président du tribunal de commerce de Tours a :
- renvoyé les parties à mieux se pourvoir ainsi qu'elles en aviseront, mais dès à présent, vu l'urgence,
- dit que la preuve d'un trouble illicite ou d'un dommage imminent n'est pas rapportée par la société La Griffe de Margaux, et en conséquence débouté cette dernière de ses demandes à ce titre ;
- débouté Mme K... X... de ses demandes au titre de la procédure abusive ;
- sommé Mme K... X... de communiquer à la société la Griffe de Margaux une attestation de son comptable qui établit la part de chiffre d'affaires résultant de la vente de vêtements, sous astreinte de cent euros (100 €) par jour de retard à compter du 30 ème jour de la signification de l'ordonnance,
- réservé la liquidation de l'astreinte,
- laissé à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elles ont chacune engagés,
- fait masse des dépens et les mettons à la charge des parties, soit La Griffe de Margaux et Mme K... X..., chacune pour moitié, lesquels dépens liquidés et taxés en jugeant ensemble à la somme de 45,42 €.


Mme X... a interjeté de la décision par déclaration du 25 février 2019 en intimant la société La Griffe de Margaux et en critiquant l'ordonnance en ce qu'elle l'a sommée d'avoir à produire des informations de nature comptable. Elle demande à la cour, par dernières conclusions du 19 juin 2019, prises au visa des articles 32-1,145 et 873 du code de procédure civile et 1240 du code civil nouveau, de :
A titre principal
Infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :
- sommé Mme K... X... de communiquer à la société La Griffe de Margaux une attestation de son comptable qui établit la part de chiffre d'affaires résultant de la vente de vêtements, sous astreinte de cent euros (100 €) par jour de retard à compter du 30 ème jour de la signification de l'ordonnance,
- réservé la liquidation de l'astreinte,
- laissé à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elles ont chacune engagés,
- fait masse des dépens et les a mis à la charge des parties, chacune pour moitié.
Par conséquent,
Dire et Juger que l'attestation comptable que la concluante a été contrainte de faire réaliser puis de produire par l'effet de l'exécution provisoire de la décision déférée sera écartée des débats et qu'il ne pourra en être fait procéduralement état et lui Donner acte de ce qu'elle se réserve la possibilité de solliciter toute demande ultérieure au titre de l'abus commis par la société La Griffe de Margaux dans le cadre de la procédure dirigée contre elle,
Subsidiairement,
Dire et juger n'y avoir lieu à liquidation de l'astreinte en application des dispositions de l'article L131-4 du Code des procédures civiles d'exécution et Débouter la Société La Griffe de Margaux de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions étant tant irrecevables que mal fondées,
En tout état de cause,
Débouter La Société La Griffe de Margaux de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions étant tant irrecevables que mal fondées.
Condamner la Société La Griffe de Margaux à la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel qui pour ces derniers seront recouvrés par SCP Laval & Firkowski, en ce compris les différents frais que la concluante a dû exposer pour s'enquérir des informations juridiques et comptables de La Griffe de Margaux via Infogreffe, soit 12,68 €.


Elle fait valoir que le trouble illicite lié à l'exercice d'une activité de vente de vêtements n'est pas établi puisque :
- elle a indiqué lors de la signature de l'acte qu'elle entendait exploiter un concept store de décoration, mode et bijoux, et la cédante lui a d'ailleurs vendu des portants de vêtements et savait que son activité ne concernait pas seulement la décoration mais aussi la mode et les vêtements,
- le fait que l'acte précise que le cessionnaire "entend" exercer l'activité de décoration constitue une précision quant au projet d'activité envisagée, qui est d'ailleurs exacte, et non une obligation pour Mme X... de n'exercer dans les locaux qu'une activité de décoration,
- la société La Griffe de Margaux ne peut, en cédant son droit au bail, interdire au cessionnaire une activité que le bailleur n'interdit pas lui-même au titre du droit au bail cédé, alors que l'acte ne contient aucune clause de non concurrence et que s'agissant d'un bail tout commerce, Mme X... est libre de développer toute activité.


Elle indique qu'il n'existe pas non plus de trouble lié à l'usage de l'enseigne 40 bis alors que la société La Griffe de Margaux admet elle-même ne plus utiliser cette enseigne, et que surtout, le 40 bis est le numéro de la rue dans laquelle se trouve le local et que la cédante ne démontre pas être titulaire de droits sur ce nom. Elle conteste tout acte de parasitisme et précise que les articles qu'elle vend sont radicalement différents de ceux de la Griffe de Margaux, au même titre que ses procédés de vente de produits et que sa clientèle n'est pas la même.


Elle ajoute que le juge des référés se contredit en faisant droit à la demande de production de documents comptables formée par la société la Griffe de Margaux alors qu'il l'a déboutée de ses demandes au titre d'un trouble illicite et qu'il n'existe aucun motif légitime à solliciter cette production. Elle souligne l'absence de preuve du moindre préjudice subi par la cédante. Elle s'oppose à la demande de liquidation de l'astreinte au motif qu'elle a a eu de graves problèmes de santé et n'a eu aucun comportement déloyal dans la production de la pièce demandée.


Par dernière conclusions du 19 juin 2019, la société La Griffe de Margaux demande à la cour de :
Vu les articles 145, 873 et 700 du Code de procédure civile
Vu les articles 1103 et 1240 du Code civil
Vu l'article 1371 du Code civil
Vu l'article 11 Code de Procédure Civile
Vu l'article 561 du Code de Procédure Civile
Vu les articles 565 et 566 du Code de Procédure Civile
Déclarer la Société La Griffe de Margaux recevable et bien fondée en son appel incident,
Déclarer la Société La Griffe de Margaux recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,
Débouter Mme K... X... de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :
- renvoyé les parties à mieux se pourvoir ainsi qu'elles en aviseront, mais dès à présent, vu l'urgence,
- débouté Mme K... X... de ses demandes au titre de la procédure abusive ; - sommé Mme X... de communiquer à la société La Griffe de Margaux une attestation de son comptable qui établit la part de chiffre d'affaires résultant de la vente de vêtements, sous astreinte de cent euros (100 €) par jour de retard à compter du 30ème jour de la signification de l'ordonnance ;
- réservé la liquidation de l'astreinte ;
Y ajoutant,
- Ordonner à Mme X... de communiquer à la société La Griffe de Margaux une attestation de son comptable qui établit le montant de son chiffre d'affaires, sous astreinte de cent euros (100 €) par jour de retard à compter du 30ème jour de la signification du jugement à intervenir,
- Ordonner à Mme X... de communiquer à la société La Griffe de Margaux une attestation de son comptable qui établit la part de chiffre d'affaires résultant de la vente de vêtements et le montant de son chiffre d'affaires pour l'exercice 2018-2019, sous astreinte de cent euros (100 €) par jour de retard à compter du 30ème jour de la signification de l'arrêt à intervenir ;
- prononcer la liquidation de l'astreinte ;
- condamner en conséquence Mme X... à verser à la Société La Griffe de Margaux la somme de 2.500 € ;
Infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :
- dit que la preuve d'un trouble illicite ou d'un dommage imminent n'est pas apportée par la société La Griffe de Margaux, et en conséquence débouté cette dernière de ses demandes à ce titre ;
- laissé à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elles ont chacune engagés ;
- fait masse des dépens et les a mis à la charge des parties, soit la société La Griffe de Margaux et de Mme X... chacune pour moitié, lesquels dépens liquidés et taxés en jugeant ensemble à la somme de quarante-cinq euros et quarante-deux centimes (45,42€) ;
Statuant à nouveau,
Constater l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant de l'exercice de l'activité de vente de vêtements pour femme par Mme K... X... au mépris de la cession de droit au bail régularisée par acte authentique en date du 15 mai 2017;
Constater l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant de l'exploitation par Mme K... X... de l'enseigne commerciale « Le 40 bis » ;
Ordonner, en conséquence, la cessation par Mme K... X... de l'activité de vente de vêtements pour femme et de l'utilisation de l'enseigne 40 bis, sous astreinte de 1.000 euros par jour à compter de la signification de la décision à intervenir ;
Ordonner, en conséquence, la cessation par Mme K... X... de l'utilisation de l'enseigne 40 bis, sous astreinte de 1.000 euros par jour à compter de la signification de la décision à intervenir ;
Dire et juger qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société La Griffe de Margaux les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer en justice aux fins de défendre ses intérêts.
Condamner Mme K... X... au paiement de la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles que la Société La Griffe de Margaux a dû engager pour la défense de ses intérêts par devant la juridiction des référés du Tribunal de Commerce de Tours, en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner Mme K... X... au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la présente procédure ;
Condamner Mme K... X... aux entiers dépens de première instance et d'appel.


Elle se prévaut de l'existence de troubles illicites aux motifs :
- que l'acte de cession de droit au bail interdit au cessionnaire d'exercer une activité de vente de vêtements, celle-ci s'étant engagée à ne vendre que des articles de décoration; que le bailleur est intervenu à l'acte et a spécifiquement agréé l'activité de décoration déclarée par le cessionnaire qui ne peut donc, en vertu de la clause de déspécialisation contenue dans le bail, exercer une autre activité sans solliciter l'accord du bailleur au préalable ;
- que la cession entre les parties ne porte pas sur le fonds de commerce mais uniquement sur le droit au bail, sans cession de la clientèle,
- que le fait que la société La griffe de Margaux ait vendu à Mme X..., à sa demande, des portants de vêtements n'est pas significatif, puisqu'ils n'étaient pas destinés spécialement à la vente de vêtements et pouvaient servir à suspendre des objets de décoration,
- que la société la Griffe de Margaux n'a jamais été informée avant ou lors de la signature de l'acte de l'intention de Mme X... de vendre des vêtements et celle-ci a en outre conservé l'enseigne avec la même devanture, le logo et le nom commercial de la société, de nature à faire croire que le fonds exploité n'a pas changé, ce qui relève du parasitisme.


Elle ajoute que l'injonction de communiquer le chiffre d'affaires résultant de l'activité de vente de vêtements doit être confirmée car elle est nécessaire à l'évaluation du préjudice subi du fait du détournement de clientèle résultant de l'exercice d'une activité au mépris de l'accord conclu et d'une concurrence parasitaire au moyen de l'exploitation de l'enseigne "Le 40 bis".


L'affaire a été fixée à l'audience du 19 septembre 2019 en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.


Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions.


La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 20 juin 2019.




MOTIFS DE LA DÉCISION :


Aux termes de l'article 873 alinéa 1 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, dans les mêmes limites (que celles posées par l'article 872) et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.


Sur les troubles manifestement illicites


La société Griffe de Margaux invoque l'existence de troubles manifestement illicites résultant de l'exercice par Mme X... de l'activité de vente de vêtements pour femme au mépris de la cession de droit au bail régularisée par acte authentique en date du 15 mai 2017 ainsi que de l'exploitation de l'enseigne "Le 40 bis".


Il est constant que les parties ont conclu par acte notarié du 15 mai 2017, non une cession de fonds de commerce mais une cession du droit au bail consenti le 21 avril 2005 par le bailleur M. P... aux droits duquel vient Mme C..., à la société La Griffe de Margaux.


L'acte de cession du droit au bail du 15 mai 2017 reprend les clauses du bail conclu le 21 avril 2005 y compris la clause "destination" aux termes de laquelle, "le bien loué devra servir exclusivement à l'exploitation de tous commerces, sauf ceux de l'alimentation, ceux insalubres, malodorants, bruyants" et la clause "déspécialisation" selon laquelle "par application des dispositions de l'article L145-47 du Code de commerce, le locataire aura la faculté de s'adjoindre à l'activité prévue au présent bail, des activités connexes ou complémentaires ; pour ce faire, le locataire devra faire connaître son intention au bailleur par acte extrajudiciaire en indiquant les activités dont l'exercice est envisagé, cette formalité valant mise en demeure au propriétaire de faire connaître dans un délai de deux mois à peine de déchéance s'il conteste le caractère connexe ou complémentaire de ces activités".


Il stipule que le cessionnaire est subrogé au cédant dans tous les droits et obligations résultant du bail et précise en page 8 : "Le cédant exerçait dans les lieux l'activité de vente de vêtements. Pour sa part, le cessionnaire entend exercer l'activité de décoration. La présente cession exclut en conséquence toute cession de clientèle et ne peut en aucun cas s'analyser en une cession de fonds". Il mentionne en outre en pages 16 et 17 l'intervention du bailleur qui déclare "agréer la cession du droit au bail et le cessionnaire comme nouveau locataire", et "agréer l'activité du cessionnaire dans ses locaux, savoir : décoration".


Les parties sont en désaccord sur le sens et la portée de cet acte et surtout de la clause précitée en page 8 qui, selon la société Griffe de Margaux, constitue un engagement ferme de n'exercer qu'une activité de décoration à l'exclusion de toute autre, et selon Mme X... apporte seulement une précision quant à son activité mais ne modifie pas la clause "tous commerces" qui lui a été transmise et ne vaut pas engagement à exercer exclusivement cette activité.


Il appartiendra au juge du fond éventuellement saisi de statuer sur ce point au besoin en interprétant la convention. En tout état de cause, la cour de céans, statuant en qualité de juge des référés, juge de l'évidence, constate :
- que Mme X... exerce bien l'activité de vente d'objets de décoration qu'elle a déclarée même si cette activité n'est pas exclusive,
- que la cession du droit au bail a transmis à Mme X... tous les droits et obligations du bail y compris ceux résultant de la clause "tous commerces sauf ceux de l'alimentation, ceux insalubres, malodorants, bruyants" ci-dessus rappelée, qui n'a pas été modifiée,
- que l'acte de cession ne contient aucune clause de non concurrence ni aucune interdiction expresse pour Mme X... à l'égard du cédant, d'exercer une activité de vente de vêtements, de surcroît partielle, étant observé qu'ainsi que l'a retenu le premier juge, la clause de déspécialisation régit les relations entre locataire et bailleur et qu'il appartiendra le cas échéant à ce dernier, qui a agréé l'activité de décoration, de contester l'activité supplémentaire exercée,
- que l'interdiction de vendre des vêtements ne résulte pas non plus des échanges de courriels intervenus entre les parties avant la cession puisque lorsque Mme X... a demandé par courriel du 15 décembre 2016 au gérant de la société Griffe de Margaux si elle devait reprendre la même activité de vente de vêtements ou si elle pouvait vendre autre chose notamment de la décoration intérieure, ce dernier lui a répondu qu'elle pouvait exercer n'importe quelle activité commerciale, sans mentionner d'exception pour l'activité de vente de vêtements alors même que la question précise lui était posée (pièce 1 produite par Mme X...).


Il n'y a donc pas lieu de retenir de trouble manifestement illicite au regard de l'acte de cession.


Par ailleurs, il ressort des pièces produites que Mme X... a conservé à l'identique la façade de la boutique, comportant notamment l'enseigne "Le 40 bis" en lettres blanches, qu'elle y vend pour partie des vêtements, ce dans une proportion qui n'est pas purement accessoire ou négligable puisque cette activité a représenté pour la période du 9 juin 2017 au 31 mai 2018 43,92% de son chiffre d'affaires global et que plusieurs clients de la société Griffe de Margaux ont établi des attestations indiquant qu'il en était résulté pour eux une confusion, ne sachant plus si le "40 bis" appartenait toujours à la société Griffe de Margaux ou non (pièce 26 produite par Mme X... et pièces 18, 19, 20, 22, 23 produites par l'intimée).


La cour constate toutefois :
- que si la cession entre les parties n'a porté que sur le droit au bail, il n'est établi par aucune pièce que les parties avaient convenu que la cessionnaire n'utiliserait pas la dénomination "40 bis" qui correspond effectivement au numéro de la rue de la boutique concernée,
- que d'ailleurs, la société Griffe de Margaux non seulement n'a pas enlevé l'enseigne avant son départ des lieux ainsi que le relève le tribunal, mais en outre, n'a pas manifesté la volonté de conserver l'usage de cette dénomination "40 bis" puisqu'elle l'a utilisée, non pour elle, mais en direction de Mme X..., en lui adressant le 15 mai 2017, jour de la cession, la facture relative aux portants à l'adresse suivante : "Le 40 bis, K... X..., [...] " (pièce 5 produite par Mme X...), alors que si elle souhaitait conserver cette dénomination, il était logique qu'elle lui écrive sans la reprendre en mentionnant seulement son adresse,
- qu'il ressort de l'extrait Kbis de la société Griffe de Margaux au 20 septembre 2012 (sa pièce 32) que cette société avait deux établissements et utilisait l'enseigne 40 bis pour le magasin situé au 40 bis de la rue Nationale, mais utilisait l'enseigne "La Griffe de Margaux" pour le magasin situé au [...] , de sorte qu'ayant cédé le droit au bail concernant le magasin situé au 40 bis, elle n'établit pas avoir souhaité conserver l'enseigne 40 bis pour son magasin situé au 49 de la rue Nationale qu'elle exploitait jusque là sous l'enseigne "La Griffe de Margaux",
- qu'en outre, Mme X... n'a pas repris purement et simplement le savoir faire de la société Griffe de Margaux puisqu'elle a développé une activité particulière de "concept store" comprenant certes la vente de vêtements mais aussi pour une part majoritaire de son chiffre d'affaires, la vente d'autres objets (articles de décoration, bijoux, vaisselle...), ce qui n'est pas le cas du magasin exploité par la société Griffe de Margaux qui vend uniquement des vêtements et ce qui est de nature à limiter les risques de confusion ; que la clientèle est donc en grande partie différente et qu'en outre, même s'agissant de l'activité de vente de vêtements, les fournisseurs sont différents à l'exception de la société Z... V..., qui travaille pour Mme X... depuis juin 2017 et a antérieurement travaillé avec la société Griffe de Margaux, étant toutefois observé que les factures produites par cette dernière remontent à 2007 et 2012.








Par ailleurs, il ressort de l'attestation comptable produite par la société Griffe de Margaux en pièce 42 que son chiffre d'affaires a été de 303.035,35€ pour la période du 1er juin 2016 au 31 mai 2017 et de 276.901,47€ pour la période du 1er juin 2017 au 31 mai 2018, soit une baisse de son chiffre d'affaires de 8,62% (26.133,88€) qui peut avoir des causes multiples et résulter de la fermeture du magasin situé au [...].


Au surplus, la cour constate que l'historique des modifications au registre du commerce et des sociétés produit par Mme X... en pièce [...] le 5 février 2018 de la fermeture de l'établissement situé [...].


En conséquence, au regard des développements susvisés, le trouble manifestement illicite invoqué par la société Griffe de Margaux au titre de l'utilisation de l'enseigne n'apparaît pas suffisamment caractérisé et de nature à justifier les mesures conservatoires sollicitées. De même au regard de la perte de chiffre d'affaires de 8,62% de la société Griffe de Margaux, le risque d'un dommage imminent au sens de l'article 873 du code de procédure civile n'est pas établi.


L'ordonnance sera donc confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes formées par la Griffe de Margaux au titre du trouble manifestement illicite ou d'un dommage imminent.


Sur la communication de pièces


L'article 145 du code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles pouvant être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.


Le fait que le juge des référés considère que la preuve d'un trouble manifestement illicite ou d'un dommage imminent de nature à justifier les mesures conservatoires sollicitées par la société Griffe de Margaux n'est pas rapportée ne signifie pas pour autant qu'une action au fond intentée par la société Griffe de Margaux sur le fondement de la concurrence déloyale ou du parasitisme serait vouée à l'échec, les notions et fondements de ces deux actions étant différents et n'empêche donc pas d'ordonner une mesure sur le fondement sur l'article 145 du code de procédure civile en cas de motif légitime. Il n'y a donc pas lieu de retenir de contradiction du premier juge à ce titre.


Les éléments précédemment décrits, notamment le comportement de Mme X... qui a maintenu à l'identique la devanture de la boutique et l'enseigne et les attestations produites par la société Griffe de Margaux faisant état d'une confusion dans l'esprit des clients, s'ils sont insuffisants, ainsi qu'il a été dit pour caractériser un trouble manifestement illicite justifiant d'ordonner à Mme X... de cesser de vendre des vêtements ou d'utiliser l'enseigne 40 bis, constituent néanmoins pour la société Griffe de Margaux un motif légitime, avant tout procès, d'obtenir la communication des documents comptables établissant la part de chiffre d'affaires réalisée par Mme X... résultant de la vente de vêtements, élément qu'elle ne peut obtenir par elle-même.


L'ordonnance sera donc confirmée sur ce point et Mme X... déboutée de sa demande tendant à écarter des débats l'attestation comptable qu'elle a produite dans le cadre de l'exécution provisoire attachée à l'ordonnance dont appel.


En revanche, l'injonction faite par le premier juge apparaît suffisante et il n'y a pas lieu d'ordonner en outre à Mme X... de communiquer le surplus des éléments sollicités par La société Griffe de Margaux parmi lesquels son chiffre d'affaires global.


Sur la demande de liquidation de l'astreinte


Au terme de l'article L131-3 du Code des procédures civiles d'exécution, l'astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l'exécution sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir.


L'article L131-4 alinéa 1 du même code dispose en outre que le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.


En l'espèce, le juge des référés s'est expressément réservé le pouvoir de liquider l'astreinte dont il a assorti son injonction de communication de pièce faite à Mme X... et la cour est saisie, par suite de l'effet dévolutif attaché à l'appel.


L'ordonnance a été signifiée par acte du 13 février 2019. Mme X... a produit la pièce demandée le 9 avril 2019 soit 25 jours après l'expiration le 15 mars 2019 du délai imparti.


Elle justifie en pièce 24 avoir été opérée le 25 mars 2019 dans les suites de son cancer du sein pour reconstruction avec une interruption de travail d'une semaine, ce dont la société Griffe de Margaux déduit que l'état de santé de l'intéressée était stable et qu'elle était en rémission. Mme X... était toutefois nécessairement fragilisée et préoccupée par son état de santé et l'opération à venir. Au regard du nombre de jours de retard relativement faible et des difficultés rencontrées par Mme X... pour exécuter l'injonction en raison de son état de santé, il convient de rejeter la demande de liquidation d'astreinte.


Sur les autres demandes


Il n'appartient pas au juge de céans, a fortiori statuant en référé, de donner acte à Mme X..., ainsi qu'elle le sollicite, "de ce qu'elle se réserve la possibilité de solliciter toute demande ultérieure au titre de l'abus commis par la société La Griffe de Margaux dans le cadre de la procédure dirigée contre elle". Cette demande sera rejetée.


L'ordonnance sera confirmée en toutes ses dispositions y compris celles relatives aux dépens et frais irrépétibles et il sera statué dans le même sens en appel.
PAR CES MOTIFS


La Cour,


- Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;


Y ajoutant,


- Rejette le surplus des demandes ;










- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;


- Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens qu'elle a exposés.


Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.