10 octobre 2019
Cour d'appel d'Orléans
RG n° 18/03000

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'ORLÉANS


CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE




GROSSES + EXPÉDITIONS : le 10/10/2019
la SELARL CELCE-VILAIN
Me Estelle GARNIER
ARRÊT du : 10 OCTOBRE 2019


No : 328 - 19
No RG 18/03000
No Portalis DBVN-V-B7C-FZN4


DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal d'Instance d'ORLEANS en date du 16 Février 2018


PARTIES EN CAUSE


APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No:[...]


BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
Venant aux droits de la SA SYGMA BANQUE,
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [...]


Ayant pour avocat Me Pascal VILAIN, membre de la SELARL CELCE-VILAIN, avocat au barreau d'ORLEANS
D'UNE PART


INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé No: [...]


Madame J... E... épouse V...
née le [...] à PARIS (75014) [...]
[...]


Ayant pour avocat postulant, Me Estelle GARNIER, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Ketty PERDOUX, avocat au barreau d'ORLEANS


Monsieur D... V...
né le [...] à CHATEAUROUX (36000) [...]
[...]


Ayant pour avocat postulant, Me Estelle GARNIER, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Ketty PERDOUX, avocat au barreau d'ORLEANS


D'AUTRE PART








DÉCLARATION D'APPEL en date du : 22 Octobre 2018
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 6 Juin 2019




COMPOSITION DE LA COUR


Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 27 JUIN 2019, à 9 heures 30, devant Madame Elisabeth HOURS , Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.


Lors du délibéré :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité,
qui en a rendu compte à la collégialité
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,


Greffier :
Madame Elisabeth PIERRAT, Greffier lors des débats,
Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors du prononcé.




ARRÊT :


Prononcé le 10 OCTOBRE 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


EXPOSÉ DU LITIGE :


Le 27 septembre 2012, Monsieur D... V... et son épouse Madame J... E... ont conclu avec la société TENDANCES ECO HABITAT un contrat de fourniture et de pose de 60 panneaux photovoltaïques moyennant le prix de 39.000 euros.


Selon acte sous seing privé du même jour, ils ont souscrit auprès de la société SYGMA BANQUE, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE (la BNP), un prêt d'un montant de 39.000 euros remboursable en 180 échéances mensuelles au taux annuel de 5,76 %.


Les échéances sont demeurées impayées depuis le 24 décembre 2013 et la BNP a prononcé la déchéance du terme le 6 juillet 2014.


Après vaine mise en demeure adressée aux débiteurs de lui régler la somme restant due, la BNP a, le 10 octobre 2014, assigné Monsieur et Madame V... devant le tribunal d'instance d'Orléans afin d'obtenir leur condamnation à lui verser la somme de 46.894,14 euros assortie des intérêts au taux conventionnel de 5,76% sur la somme de 43.655,34 euros à compter du 20 août 2014 ainsi qu'une indemnité de procédure.


Par jugement en date du 16 février 2018 le tribunal a débouté la BNP de ses demandes en paiement, l'a condamnée à procéder au retrait de l'inscription de Monsieur et Madame V... du fichier des incidents de paiement, et l'a condamnée à verser aux défendeurs une indemnité de procédure de 1.000 euros ainsi qu'à supporter les dépens.










La BNP a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 28 novembre 2018.


Elle en poursuit l'infirmation en demandant à la cour de condamner "conjointement et solidairement" Monsieur et Madame V... à lui payer la somme principale de 46.894,14 euros avec intérêts au taux conventionnel de 5,76% l'an sur 43.655,34 euros à compter du 20 août 2014, celle de 2.400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.
Elle fait valoir qu'il appartenait aux époux V... de déclarer leur créance s'ils estimaient que le vendeur n'avait pas respecté ses obligations mais qu'aucun contrat n'ayant été conclu entre SYGMA BANQUE et la société TENDANCES ECO HABITAT, elle-même n'avait pas à procéder à une déclaration de créance. Elle soutient que les fonds ont été remis au vendeur en vertu d'une attestation de livraison signée par les époux V... de sorte que la société SYGMA BANQUE a parfaitement respecté ses obligations. Et elle demande à la cour d'approuver le tribunal qui a déclaré irrecevables les demandes des intimés tendant au prononcé de la nullité ou de la résolution du contrat en l'absence de mise en cause de la société venderesse.


Elle prétend cependant que c'est à tort que le premier juge a retenu que «l'attestation de fin de travaux n'était pas assez précise pour rendre compte de la complexité de l'opération financée et ainsi permettre au prêteur de s'assurer, en l'absence d'autres éléments, de l'exécution complète du contrat principal» ; que cette attestation ne comporte qu'une seule signature alors qu'il y a deux co- obligés et qu'elle n'a pas produit l'original de cette attestation qui permettrait de déterminer si la signature de l'un des emprunteurs a été imitée, cette motivation étant selon elle dépourvue de pertinence.


Monsieur et Madame V... concluent à la confirmation du jugement déféré sauf à y ajouter en jugeant le contrat de crédit nul et non avenu, en raison de l'absence de signatures par leurs soins d'une partie des pièces contractuelles du crédit affecté, et d'assortir d'une astreinte l'injonction faite à la BNP de solliciter la mainlevée de leur inscription au FICP, de condamner la BNP à leur verser la somme de 400,52 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice matériel subi avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2013, 3.000 euros à chacun d'eux en réparation de leur préjudice moral, 1.000 euros à chacun d'eux à titre de dommages et intérêt spour procédure abusive, 1.500 euros à chacun d'eux sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens, dont distraction au profit de Maître GARNIER.


Ils font valoir que le prêteur a commis une faute en libérant les fonds au vu d'une attestation de fin de travaux qui ne portait qu'une seule signature alors qu'il y avait deux emprunteurs ; qu'ils contestent formellement avoir signé le document produit par la BNP ; qu'en tout état de cause, cette attestation était imprécise et que SYGMA BANQUE a également commis une faute en s'abstenant de vérifier si le raccordement ERDF, pourtant à la charge de l'entreprise selon le bon de commande, avait été réalisé ; que SYGMA BANQUE, qui avait pour habitude d'intervenir pour ce même prestataire pour d'autres marchés avec contrat de « crédit affecté », ne peut ignorer l'existence du procès-verbal de réception qui doit figurer en annexe du certificat de livraison.


A titre subsidiaire, ils font valoir qu'ils n'ont ni daté ni signé la fiche d'informations pré-contractuelles européennes normalisées et la fiche d'explications et de mise en garde du crédit, ce qui rend selon eux nul le contrat de crédit.


A titre infiniment subsidiaire, ils font valoir que le bon de commande litigieux ne comporte pas la surface couverte, le lieu de pose du matériel et le délai exact de la livraison, et que la banque a commis une faute dans son accord de financement "qui se base sur un marché qui n'est pas suffisamment complet pour informer correctement les clients".


Ils demandent condamnation de l'appelante à leur restituer la somme de 400.52 euros prélevée sans autorisation sur le compte de Madame V... et ils prétendent que l'attitude de la banque, leur inscription au FICP et les accusations de ce qu'ils entendaient conserver les installations sans en payer le coût leur ont causé un préjudice moral. Ils soutiennent que l'acharnement de la banque, qui soutient que le marché a été livré alors même qu'elle a antérieurement reconnu l'inverse, prouve sa mauvaise foi et justifie paiement d'autres dommages et intérêts pour procédure abusive.


CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :


Attendu que Monsieur et Madame V... se bornent à solliciter la nullité de la convention pour non respect des dispositions d'ordre public du code de la consommation sans former de demande en paiement à l'encontre de la prestataire ;


Qu'il n'avaient donc pas à procéder à une quelconque déclaration de créance ;


Attendu que le tribunal, après avoir reproché au prêteur de ne pas produire l'original de l'attestation de fin de travaux, a jugé "qu'en débloquant les fonds sans s'être assurée que le certificat de livraison avait été signé par les deux co-emprunteurs et que l'installation des panneaux photovoltaïques avait été effectuée dans son intégralité et qu'elle fonctionnait comme il était prévu au contrat de vente, la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a commis une faute qui la prive de son droit au remboursement du crédit contre l'emprunteur";


Mais attendu que cette motivation ne saurait être approuvée puisque :


- il est indifférent que l'attestation ait été signée par un seul des emprunteurs, l'emprunteur solidaire étant engagé par l'attestation ainsi délivrée par son co-emprunteur ; que le tribunal ne pouvait donc retenir que la banque "aurait dû procéder à de plus amples vérifications dans la mesure où ce certificat de livraison n'était pas signé par les deux parties au contrat de crédit" ;


- aucun texte n'impose au prêteur de produire l'original de l'attestation de fin de travaux qui n'est d'ailleurs pas en sa possession mais reste généralement entre les mains de la venderesse ;


- la copie parfaitement lisible de l'attestation de fin de travaux communiquée par la BNP permet de se convaincre que le prêteur ne pouvait déceler que la signature qui y était portée n'était pas celle de Monsieur V... qui conteste aujourd'hui avoir signé ce document sans d'ailleurs solliciter d'expertise ou de vérification d'écritures;


Que la cour observe en effet que la signature portée sur l'attestation de livraison est absolument identique à celle apposée sur le bon de commande, laquelle n'est pas déniée par Monsieur V... ;


Qu'aux termes d'une jurisprudence constante, le prêteur n'a pas, hormis le cas de faux grossier qui n'existe pas en l'espèce, à procéder à la vérification complète et précise de la signature de l'emprunteur ;


Qu'à supposer même que les emprunteurs aient été victimes d'une falsification, celle-ci est imputable à leur vendeur qui n'est pas aujourd'hui en la cause et le prêteur ne pouvait la déceler ;


Qu'il sera donc retenu que SYGMA BANQUE pouvait, sans faute, tenir compte de l'attestation de fin de travaux qui lui avait été adressée ;


- cette attestation indique qu'ont été vendus et installés les panneaux photovoltaïques commandés et que c'est en opérant une confusion avec les obligations imposées au vendeur par le code de la consommation lors de la souscription du contrat que le premier juge a retenu qu'il ne s'agit pas d'une désignation précise du bien vendu puisque ne sont indiqués ni le nombre ni le type ni la marque des panneaux en question ;


Que le code de la consommation n'impose en effet aucune description précise de la prestation effectuée et encore moins qu'y soit indiqués le nombre le type et la marque des panneaux installés ;


Que la jurisprudence exige seulement que les mentions portées sur l'attestation de fin de travaux permettent à l'emprunteur de comprendre qu'il atteste de la réalisation complète des prestations commandées et sollicite le paiement de la prestataire ;


Et attendu que tel est bien le cas en l'espèce puisque le document remis au prêteur indique que l'emprunteur "constate que tous travaux et prestations de services qui devaient être effectués à ce titre ont été pleinement réalisés" et demande "en conséquence au prêteur de procéder au déblocage des fonds au profit du vendeur ou prestataire de service" ;




Que, contrairement à ce qui a été retenu par le premier juge, le prêteur n'avait aucune obligation de contrôler la conformité des livraisons et prestations effectuées et pouvait se contenter de l'affirmation donnée par l'un des co-emprunteurs de la bonne fin des travaux commandés (Cass. 1ère civ. 12 mai 2016, no 15-18747) ;


Que l'attestation de fin de travaux était donc complète et suffisamment précise pour permettre à l'établissement prêteur de procéder au déblocage des fonds ;


Et attendu que l'emprunteur qui détermine l'établissement de crédit à verser les fonds au prestataire au vu de la signature par lui du certificat de fin de travaux n'est pas recevable à soutenir ensuite, au détriment du prêteur, que la prestation de service n'a pas été exécutée (cf, notamment, Cass. Civ. 1o 11/05/2017 P no16-16680) ;


Que les intimés sont donc irrecevables à reprocher à BANQUE SOLFEA d'avoir débloqué les fonds avant la réalisation des travaux mais ne sont pas, contrairement à ce que prétend l'appelante, irrecevables à se prévaloir d'une autre faute commise par l'établissement prêteur ;


Attendu que Monsieur et Madame V..., qui font par ailleurs valoir qu'ils n'ont ni daté ni signé la fiche d'informations pré-contractuelles européennes normalisées et la fiche d'explications et de mise en garde du crédit, ne prétendent pas ne pas avoir reçu ces documents ;


Qu'aucun texte ne prévoit une nullité du contrat en l'absence de signature de ces deux fiches et qu'en l'absence d'un texte permettant une telle sanction, aucune nullité du contrat de prêt ne peut être prononcée pour ce motif ;


Attendu que les intimés prétendent enfin que le prêteur a commis une faute en débloquant les fonds au regard d'un bon de commande nul puisqu'il ne comporte pas la surface couverte, le lieu de pose du matériel et le délai exact de la livraison et que la banque a commis une faute dans son accord de financement "qui se base sur un marché qui n'est pas suffisamment complet pour informer correctement les clients" ;


Mais attendu qu'aux termes des anciens articles L 121-23 et L 121-24 du code de la consommation en leur rédaction applicable au litige, le bon de commande devait, au moment de la conclusion du contrat et à peine de nullité, comporter la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés et les conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et les délais de livraison des biens ou d'exécution de la prestation de service, le prix global à payer, les modalités de paiement en cas de vente à crédit, le taux nominal et le taux effectif global ;


Que ce texte n'exige pas que soient précisés la surface couverte ou le lieu de pose du matériel et que les mentions du bon de commande qui font état de la marque des panneaux, de leur nombre, de leur puissance individuelle et totale suffisent pour qu'il soit retenu que l'exigence de la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens vendus a été respectée ;


Que l'indication de ce que les travaux seraient réalisés dans un délai de 2 à 3 mois fixait la date limite de livraison et d'exécution de service à trois mois au maximum et que l'exigence relative à l'indication d'un délai a également été remplie ;


Attendu qu'il convient en conséquence de débouter Monsieur et Madame V... de toutes leurs contestations, ce qui entraîne en conséquence le rejet de leurs prétentions y compris celle tendant à leur radiation du FICP, et de faire droit à la demande en paiement formée par la BNP ;


Que, cependant, au regard du taux élevé des intérêts conventionnels, la clause pénale contractuelle apparaît manifestement excessive et sera réduite à un euro ;


Que Monsieur et Madame V... seront donc condamnés à payer à l'appelante la somme de 43.655,34 euros assortie des intérêts au taux conventionnel de 5,76% sur 39.000 euros et au taux légal sur le solde à compter du 28 août 2014, date du dernier décompte produit ;


Qu'il conviendra de déduire de la somme due celle de 400,52 euros prélevée sur le compte de Madame V... si le prêteur l'a effectivement conservée ;


Attendu que le sens du présent arrêt conduit à rejeter également la demande en paiement de dommages et intérêts formée par Monsieur et Madame V... ;


Que ceux-ci, succombant à l'instance, devront en supporter les dépens et qu'il sera fait application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'appelante ;


PAR CES MOTIFS


Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,


INFIRME la décision entreprise,


STATUANT À NOUVEAU,


CONDAMNE solidairement Monsieur D... V... et son épouse Madame J... E... à payer à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 43.655,34 euros assortie des intérêts au taux conventionnel de 5,76% sur 39.000 euros et au taux légal sur le solde à compter du 28 août 2014 ainsi que celle de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,


DIT qu'il conviendra de déduire de la somme principale ainsi mise à la charge de Monsieur et Madame V... celle de 400,52 euros prélevée sur le compte de Madame V... si le prêteur l'a effectivement conservée,


DÉBOUTE Monsieur D... V... et son épouse Madame J... E... de leurs autres demandes,










CONDAMNE solidairement Monsieur D... V... et son épouse Madame J... E... aux dépens de première instance et d'appel.


Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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