27 novembre 2018
Cour d'appel de Versailles
RG n° 18/03177

Texte de la décision

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES




Code nac : 41A


13e chambre


ARRET No


CONTRADICTOIRE


DU 27 NOVEMBRE 2018


No RG 18/03177 - No Portalis DBV3-V-B7C-SLUP


AFFAIRE :




M. Michael Y...


M. Daniel Z...




C/




Patrick P...


M. Franck A...


LE PROCUREUR GENERAL






Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Avril 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
No chambre :
No Section :
No RG : 2017L00924




Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 27/11/2018
à :


Me Dan B...,


Me Patricia C...,


TC NANTERRE


MP
REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LE VINGT SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :


- Monsieur Michael Y...
de nationalité Française
[...]


- Monsieur Daniel Z...
de nationalité Française
[...]


Représentés par Maître Dan B... de l'AARPI O... B..., avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731 - No du dossier 18078053




APPELANTS
****************


Maître Patrick P... pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la Sté COMPAGNIE D'ENERGIE SOLAIRE (CES)
[...]


Représenté par Maître Patricia C... de la SELARL C... PATRICIA, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - No du dossier 20180246 et par Maître G... H..., avocat plaidant au barreau de PARIS


Monsieur Franck A...
de nationalité Française
[...]


- Défaillant


LE PROCUREUR GENERAL
POLE ECOFI - COUR D'APPEL
[...]




INTIMES
****************


Composition de la cour :


L'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Octobre 2018, Madame Sophie R..., présidente, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :


Madame Sophie R..., Présidente,
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,


qui en ont délibéré,


Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER




En la présence du Ministère Public, représenté par Monsieur Fabien BONAN, Avocat Général dont l'avis du 6 août 2018 a été transmis le 7 août 2018 au greffe par la voie électronique. La SAS Compagnie d'énergie solaire (CES), créée en juillet 2009 par plusieurs associés, dont Monsieur Daniel Z... et Monsieur Michael Y..., lesquels détenaient chacun 22% du capital social, exploitait un fonds de commerce de commercialisation de systèmes de production d'énergie renouvelable. L'activité de la société consistait principalement dans le démarchage de clients particuliers en vue de la vente et l'installation d'équipements d'énergies renouvelables, notamment des panneaux photovoltaïques. Ces achats étaient financés par la souscription de crédits à la consommation auprès d'établissements financiers dont le remboursement devait être couvert par le prix de revente de l'électricité produite à EDF.


La société CES a connu plusieurs dirigeants de droit :
- M. Daniel Z... du mois de juillet 2009 au 14 janvier 2011 ;
- M. Michael Y... du 4 décembre 2009 au 14 janvier 2011 ;
- M. Michael I... du 4 décembre 2009 au 14 janvier 2011 ;
- M. Marcel J... du 14 janvier au 7 septembre 2011 ;
- M. Gilles K... du 7 septembre 2011 au 22 mai 2012 ;
- M. Franck A... depuis le 22 mai 2012.


En suite d'une baisse du chiffre d'affaires au cours de l'exercice 2013, M. A... a procédé à la déclaration de cessation des paiements le 31 mars 2014.


Selon jugement rendu le 9 avril 2014, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société CES, désigné Maître Patrick P... en qualité de liquidateur judiciaire et fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 13 février 2014. Cette date a été reportée au 31 octobre 2013 par jugement du 26 juin 2015 confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 14 janvier 2016.


Considérant que des fautes de gestion étaient imputables aux dirigeants successifs de droit comme de fait, Me P... , ès qualités, les a attraits en responsabilité pour insuffisance d'actif et sanctions personnelles devant le tribunal de commerce de Nanterre.


Par jugement réputé contradictoire rendu le 4 avril 2018, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Nanterre a :


- dit Me P... , ès qualités, irrecevable en son action à l'encontre de MM. Rudy L... et Michael Y... en leur qualité alléguée de dirigeant de fait de la société CES ;
- dit que MM. A..., Z..., Y..., I..., J... et K... doivent supporter personnellement une partie de l'insuffisance d'actif de la société CES ;
- condamné M. A... à payer la somme de 300 000 euros entre les mains de Me P... , ès qualités, avec capitalisation des intérêts ;
- condamné MM. Z..., Y..., I..., J... et K... à payer chacun la somme de 100 000 euros entre les mains de Me P... , ès qualités, avec capitalisation des intérêts ;
- prononcé la faillite personnelle de M. A... pour une durée de quinze ans ;




- prononcé à l'égard de MM. Z..., Y..., I..., J... et K... une mesure d'interdiction de gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci pour une durée de dix ans ;
- condamné in solidum MM. A..., Z..., Y..., I..., J... et K... à payer à Me P... , ès qualités, la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné les mêmes in solidum aux dépens, à l'exception des frais de greffe qui seront employés en fais privilégiés de la procédure collective.


MM. Y... et Z... ont interjeté appel de cette décision le 4 mai 2018 à l'encontre de Me P... , ès qualités, de M. Franck A... et de monsieur le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nanterre.


La déclaration d'appel a été signifiée le 6 juin 2018 par remise à tiers présent au domicile de M. A..., lequel n'a pas constitué avocat.


Dans leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 27 août 2018 et signifiées à M. A... par voie de remise à tiers présent le 3 septembre 2018, MM. Y... et Z... demandent à la cour de :


in limine litis,
- déclarer leur déclaration d'appel et leurs conclusions régulières et recevables ;
en tout état de cause,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit Me P... irrecevable en sa demande d'action à l'encontre de M. Y... en qualité de dirigeant de fait ;
- le réformer en ce qu'il a retenu le grief de non-respect des obligations fiscales et sociales à l'encontre de MM. Y... et Z... ;
- le réformer en ce qu'il a considéré qu'une faute de gestion au titre des pratiques commerciales trompeuses était caractérisée à leur encontre ;
- le réformer en ce qu'il les a condamnés à supporter une partie du passif et à payer respectivement à Me P... la somme de 100 000 euros ;
- le réformer en ce qu'il a prononcé à leur encontre une interdiction de gérer d'une durée de dix ans ;
- débouter Me P... de l'intégralité de ses demandes ;
- le condamner à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.


Dans ses dernières conclusions comportant appel incident déposées au greffe et notifiées par RPVA le 14 septembre 2018 et signifiées à M. A... par dépôt à l'étude d'huissier le 2 octobre 2018, Me P... , ès qualités, demande à la cour de :


à titre principal,
- prononcer la nullité de la déclaration d'appel de MM. Y... et Z... ;
à titre subsidiaire,
- déclarer irrecevables leurs conclusions ;
en conséquence,
- constater que leur appel n'est pas soutenu ;
- prononcer sa caducité ;
à titre infiniment subsidiaire, si la déclaration d'appel et les conclusions étaient jugées régulières,


- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que M. Y... n'avait pas dirigé en fait la société CES à compter du 14 janvier 2011 et jugé qu'il n'avait pas commis de faute de gestion en ne procédant pas à la déclaration de cessation des paiements dans le délai légal, en n'honorant pas des créances fiscales et sociales de la société et en adoptant une gestion contraire à son intérêt postérieurement à cette date ;
- l'infirmer sur le quantum des condamnations prononcées à l'encontre de MM. A..., Y... et Z... ;
- le confirmer en toutes ses autres dispositions ;
en conséquence,
- condamner solidairement MM. A..., Y... et Z... à lui payer, ès qualités, la somme de 2 862 250,16 euros avec intérêts au taux légal ;
- dire que les intérêts se capitaliseront, pour ceux échus depuis une année entière au moins, en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;
- faire application des articles L.653-2 à L.653-6 et L.653-8 du code de commerce et prononcer une mesure de faillite personnelle ou d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci à l'encontre de MM. A..., Y... et Z... ;
en tout état de cause,
- débouter MM. Y... et Z... de l'ensemble de leurs demandes ;
- condamner solidairement MM. A..., Y... et Z... à lui payer à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les condamner solidairement aux entiers dépens de l'instance et de ses suites dont distraction est sollicitée au profit de la SELARL Patricia C... agissant par Me C..., en application de l'article 699 du code de procédure civile.


Dans son avis notifié par RPVA le 7 août 2018, le ministère public recommande la confirmation en tous points du jugement entrepris à l'égard de M. Z..., dirigeant, puis cogérant de droit de la SAS Compagnie d'énergie solaire entre juillet 2009 et le 14 janvier 2011, et de M. Y..., dirigeant de droit du 4 décembre 2009 au 14 janvier 2011, à l'égard de qui les fautes de non respect des obligations fiscales et sociales de la société et de gestion contraire à l'intérêt de la société, à l'origine de 52 plaintes déposées auprès de la direction départementale de la protection des personnes entre mai 2012 et avril 2014, sont établies.


L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 octobre 2018.


Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, il est renvoyé aux écritures des parties conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.




SUR CE,


Me P... , ès qualités, soutient in limine litis à titre principal que la déclaration d'appel est nulle au motif que les appelants y ont mentionné de fausses adresses et que l'inexactitude de ces mentions est de nature à nuire à l'exécution du jugement déféré ce dont il résulte un grief. Il rappelle que la signification du jugement a donné lieu à l'établissement de procès-verbaux de recherches infructueuses.
S'agissant de M. Z..., il ajoute que celui-ci ne rapporte la preuve ni de son adresse actuelle ni de son hébergement par des tiers, étant précisé que la notion de dernier domicile connu n'est applicable qu'à l'adresse mentionnée par le requérant pour la partie adverse et non à celle du requérant lui-même qui doit faire mention de son domicile réel et actuel, et que la mention d'une adresse qui ne serait qu'une adresse postale est irrégulière.
Concernant M. Y..., il relève que ce dernier ne fait aucune observation en défense sur ce point.
Me P... , ès qualités, fait valoir à titre subsidiaire, que les conclusions des appelants sont irrecevables dès lors qu'ils ont persisté à mentionner des adresses inexactes en violation des dispositions des articles 960 et 961 du code de procédure civile, ce qui rend l'appel non soutenu et donc caduc par application des dispositions de l'article 905-2 du même code.


MM. Y... et Z... répondent que l'adresse mentionnée pour le second d'entre eux n'est pas une fausse adresse mais la dernière adresse fixe qu'il a occupée, étant depuis son licenciement par la société CES hébergé par des proches. Ils prétendent que le vice de forme allégué, dans l'unique but de les priver d'un double degré de juridiction, n'est pas de nature à causer un grief à l'intimé d'une part parce que la signification sous le bénéfice de l'article 659 du code de procédure civile est une signification régulière qui en l'espèce a bien eu lieu, d'autre part parce que l'argument a été soulevé avant même la signification en sorte que le liquidateur judiciaire revendique par anticipation un préjudice purement éventuel, enfin parce que la signification a bien été reçue par M. Z... qui a pu récupérer la lettre recommandée avec avis de réception et avoir connaissance de la décision rendue.


En application de l'article 901 du code de procédure civile, la déclaration d'appel doit contenir les mentions prescrites par l'article 58 du même code, lequel prévoit que l'acte par lequel le demandeur saisit la juridiction doit contenir à peine de nullité, pour les personnes physiques, l'indication de ses nom, prénom, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance.


Le domicile de la personne s'entend du lieu ou l'appelant habite effectivement et cette indication doit être exacte.


En l'espèce, il est justifié que :


- M. Michael Y... a été assigné devant le tribunal de commerce de Nanterre selon exploit d'huissier en date du 5 avril 2017 transformé en procès-verbal de recherches infructueuses à [...] , puis que le jugement déféré lui a été signifié à la même adresse le 7 août 2018, selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile du code de procédure civile, l'acte portant la mention "le clerc significateur rencontre le gardien qui déclare que M. Y... Michael est parti sans laisser d'adresse depuis plus d'un an",
- M. Daniel Z... a été assigné devant le tribunal de commerce de Nanterre selon exploit d'huissier délivré le 5 avril 2017, transformé en procès-verbal de recherches infructueuses, à [...] , laquelle adresse correspond à celle figurant sur la liste des inscriptions modificatives relatives à la société CES publiée au registre du commerce et des sociétés de Paris, puis que le jugement déféré lui a été signifié à la même adresse le 9 août 2018, selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, l'acte indiquant "le clerc significateur rencontre la gardienne qui déclare que M. Z... Daniel ne demeure pas à l'adresse indiquée",
- tant la déclaration d'appel que les conclusions postérieures font pourtant mention de ces deux adresses.


M. Z..., qui ne produit aucune pièce au soutien de son allégation, ne démontre pas qu'il est sans domicile fixe et hébergé par des tiers. Au demeurant, l'indication d'une boîte postale dans la déclaration d'appel n'est pas admise.






Il se déduit de ces éléments que les appelants persistent à cacher délibérément leur adresse actuelle, peu important à cet égard que le jugement ait finalement pu être porté à leur connaissance.


L'indication d'une adresse inexacte dans la déclaration d'appel, non régularisée dans le délai d'appel voire dans les écritures ultérieures, porte atteinte au principe de loyauté et fait grief au liquidateur judiciaire puisqu'elle nuit à l'exécution forcée du jugement, pourtant assorti de l'exécution provisoire.


Il en résulte que la déclaration d'appel est nulle.


L'appel doit en conséquence être déclaré irrecevable.


L'irrecevabilité de l'appel principal entraîne l'irrecevabilité de l'appel incident formé par le liquidateur judiciaire


L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.




PAR CES MOTIFS,


La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire,


Déclare irrecevable l'appel formé par MM. Michael Y... et Daniel Z... ;


Déclare irrecevable l'appel incident formé par Me P... , ès qualités ;


Condamne solidairement MM. Michael Y... et Daniel Z... à payer à Me P... , ès qualités, la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;


Condamne solidairement MM. Michael Y... et Daniel Z... aux dépens de la procédure d'appel.


Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Signé par Madame Sophie R..., Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




Le greffier, La Présidente,

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