7 décembre 2016
Cour d'appel de Poitiers
RG n° 15/02585

Texte de la décision

JMA/ PR

ARRET No 1242

R. G : 15/ 02585



SARL YONA ROCHE-Enseigne KFC

C/


X...




RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 07 DECEMBRE 2016



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/ 02585

Décision déférée à la Cour : Jugement au fond du 21 mai 2015 rendu par le Conseil de Prud'hommes de LA ROCHE SUR YON.



APPELANTE :

SARL YONA ROCHE
Enseigne KFC
117 avenue d'Aliénor
85000 LA ROCHE SUR YON

Représentée par Me Perrine DEFEBVRE, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉE :

Madame Anne X...

née le 7 mars 1966 à SAUMUR (49)

...


...

85100 LES SABLES D'OLONNE

Représentée par Me Isabelle BLANCHARD, substituée par Me Jimmy SIMMONOT, avocats au barreau de LA ROCHE-SUR-YON

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2015/ 4369 du 09/ 10/ 2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de POITIERS)



COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 octobre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Eric VEYSSIERE, Président
Madame Catherine KAMIANECKI, Conseiller
Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, Conseiller



qui en ont délibéré



GREFFIER, lors des débats : Mme Patricia RIVIÈRE



ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

-Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Monsieur Eric VEYSSIERE, Président, et par Mme Patricia RIVIÈRE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



EXPOSÉ DU LITIGE



La société Yona Roche exploite un restaurant sous l'enseigne KFC à La Roche-sur-Yon depuis le 8 octobre 2013.

Dans la perspective de l'ouverture de ce restaurant, la société Yona Roche avait sollicité les services de Pôle Emploi afin qu'ils procèdent à des recherches de futurs salariés.

Mme Anne X... a, parmi d'autres, été sélectionnée par les services de Pôle Emploi pour participer à une préparation opérationnelle à l'emploi. Elle a signé le 13 août 2013 une convention à cette fin et en vertu de cette convention a été affectée du 3 septembre au 6 octobre 2013 auprès du restaurant KFC de Lagord afin d'y suivre une formation d'employé polyvalent KFC.

Le 3 septembre 2013, la société Yona Roche a adressé à Mme Anne X... une promesse d'embauche à effet du 7 octobre 2013 dans le cadre d'un emploi à durée indéterminée à temps partiel (22 heures par semaine) pour un emploi d'employé polyvalent. Cette offre mentionnait que Mme Anne X... serait assujettie à une période d'essai de 2 mois.

Le 1er octobre 2013, la société Yona Roche, Mme Anne X... et Pôle Emploi ont régularisé une convention tripartite en vue de la conclusion d'un contrat unique d'insertion-contrat initiative emploi, ci-dessous CUI-Contrat initiative emploi, entre Mme Anne X... et la société Yona Roche.

Suivant CUI-Contrat initiative emploi régularisé le 3 octobre 2013 à effet du 7 octobre suivant, la société Yona Roche a embauché Mme Anne X... à temps partiel en qualité d'employé polyvalent de niveau 1, échelon 1. Ce contrat stipulait une période d'essai de 2 mois.

Le 2 novembre 2013, par courrier remis en main propre, la société Yona Roche a mis fin à la période d'essai de la salariée.

Le 9 juillet 2014, Mme Anne X... a saisi le conseil de prud'hommes de La Roche-sur-Yon aux fins, en l'état de ses dernières prétentions, de voir :
- requalifier la période de préparation opérationnelle à l'emploi du 3 septembre au 6 octobre 2013 en contrat de travail ;
- juger que la société Yona Roche avait manqué à ses obligations liées au CUI en matière de formation ;
- en conséquence condamner la société Yona Roche à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- juger que la rupture de la période d'essai insérée à son contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- en conséquence, condamner la société Yona Roche à lui payer la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- dire que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif de l'instance pour celles ayant un caractère de salaire ou d'accessoire de salaire, et à compter de la décision à intervenir pour les autres sommes, et que ces intérêts seront capitalisés par application de l'article 1154 du code civil ;
- condamner la société Yona Roche à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par jugement en date du 21 mai 2015, le conseil de prud'hommes de La Roche-sur-Yon a :
- requalifié la période de préparation opérationnelle à l'emploi du 3 septembre au 6 octobre 2013 en contrat de travail à durée indéterminée ;
- dit que la société Yona Roche avait manqué à ses obligations liées au CUI en n'assurant aucune formation professionnelle à Mme Anne X... ;
- condamné la société Yona Roche à payer à Mme Anne X... la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- jugé inopérante la période d'essai fixée au contrat de travail du 3 octobre 2013 et dit que la rupture de cette période rendait le licenciement de Mme Anne X... sans cause réelle et sérieuse ;
- condamné la société Yona Roche à payer à Mme Anne X... lessommes suivantes :
-4 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif ;
-1 200 euros en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la date de convocation du défendeur devant le bureau de conciliation pour celles ayant un caractère de salaire ou d'accessoire de salaire, et à compter de sa décision pour les autres sommes ;
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 1154 du code civil ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- débouté la société Yona Roche de sa demande reconventionnelle ;
- condamné la société Yona Roche aux entiers dépens.

Le 2 juin 2015, la société Yona Roche a relevé appel de ce jugement.

Par décision en date du 3 septembre 2015, le premier président de la cour de céans a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire qui assortissait ce jugement et a autorisé la société Yona Roche à consigner la somme correspondant aux condamnations prononcées sur le compte séquestre du bâtonnier de La Roche-sur-Yon.

Par conclusions enregistrées au greffe le 19 août 2016 et développées oralement à l'audience, la société Yona Roche sollicite de la cour qu'elle infirme le jugement entrepris, déboute Mme Anne X... de l'ensemble de ses demandes, et condamne cette dernière à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. A titre subsidiaire, la société Yona Roche réclame de voir débouter Mme Anne X... de ses demandes indemnitaires ou à tout le moins de réduire ces demandes.



Par conclusions reçues au greffe le 4 octobre 2016, reprises oralement à l'audience, la salariée demande à la cour de confirmer le jugement déféré et y ajoutant de condamner la société Yona Roche à lui payer les sommes suivantes :
-1 414, 50 euros brut à titre de rappel de salaire outre 141, 45 euros brut au titre des congés des congés payés afférents ;
-2 000 euros en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées et oralement reprises à l'audience.



MOTIFS DE LA DÉCISION

-Sur la demande de Mme Anne X... tendant à voir requalifier sa période de préparation opérationnelle à l'emploi en contrat de travail

La société Yona Roche expose que :

- les articles L 6326-1 et 6326-2 du code du travail disposent d'une part que la préparation opérationnelle à l'emploi permet à un demandeur d'emploi de bénéficier d'une formation nécessaire à l'acquisition de compétences requises pour occuper un emploi correspondant à une offre déposée par une entreprise et d'autre part qu'à l'issue de la formation qui est dispensée préalablement à l'entrée dans l'entreprise, le contrat de travail qui peut être conclu par l'employeur et le demandeur d'emploi est soit un contrat à durée indéterminée, soit un contrat de professionnalisation d'une durée minimale de 12 mois, soit un contrat d'apprentissage ou un contrat à durée déterminée d'une durée minimale de 12 mois ;

- qu'elle ne pouvait pas être l'employeur de Mme Anne X... durant cette période de préparation opérationnelle à l'emploi, aucun des critères caractérisant un contrat de travail n'étant alors rempli puisque d'une première part Mme Anne X... a suivi sa formation auprès d'une entreprise qui est une entité autonome et parfaitement distincte d'elle ce qui exclut un lien de subordination entre Mme Anne X... et elle-même, puisque d'autre part elle n'a versé aucune rémunération à Mme Anne X... qui était payée par Pôle Emploi et enfin puisque Mme Anne X... n'a pas fourni une réelle prestation de travail mais a bénéficié d'une formation ainsi qu'elle l'a elle même reconnu notamment dans un courrier du 15 novembre 2013 et sa requête devant les premiers juges.

En réponse, Mme Anne X... objecte :

- que peu importe qu'elle ait effectué sa préparation opérationnelle à l'emploi auprès d'une entreprise tiers (KFC de Lagord) car la société Yona Roche restait responsable des conditions d'exécution de cette préparation puisqu'elle avait elle-même décidé de son détachement auprès de cette autre entreprise ;

- que dans le cadre de cette préparation opérationnelle à l'emploi elle n'a bénéficié que de 14 heures de formation auprès de la chambre de commerce de La Roche-sur-Yon, qu'elle n'a bénéficié d'aucun encadrement spécifique durant cette période, et qu'en réalité elle a accompli un travail dans des conditions normales ce qui justifie la requalification de cette préparation en contrat de travail, peu importe qu'elle ait été payée à ce titre par Pôle Emploi.

- qu'elle peut donc prétendre au paiement du salaire correspondant à cette période de préparation opérationnelle à l'emploi soit 1 414, 50 euros.

L'article L 6326-1 du code du travail énonce :
" La préparation opérationnelle à l'emploi individuelle permet à un demandeur d'emploi ou à un salarié recruté en contrat à durée déterminée ou indéterminée conclu en application de l'article L 5134-19-1, ou en contrat à durée déterminée conclu en application de l'article L 1242-3 avec un employeur relevant de l'article L 5132-4 de bénéficier d'une formation nécessaire à l'acquisition des compétences requises pour occuper un emploi correspondant à une offre déposée par une entreprise auprès de l'institution mentionnée à l'article L 5312-1. L'offre d'emploi est située dans la zone géographique privilégiée définie par le projet personnalisé d'accès à l'emploi du demandeur d'emploi. A l'issue de la formation, qui est dispensée préalablement à l'entrée dans l'entreprise, le contrat de travail qui peut être conclu par l'employeur et le demandeur d'emploi est un contrat à durée indéterminée, un contrat de professionnalisation d'une durée minimale de douze mois, un contrat d'apprentissage ou un contrat à durée déterminée d'une durée minimale de douze mois ".

L'article L 6326-2 du même code dispose :
" Dans le cadre de la préparation opérationnelle à l'emploi, la formation est financée par l'institution mentionnée à l'article L 5312-1. Le fonds mentionné à l'article L 6332-18 et l'organisme collecteur paritaire agréé dont relève l'entreprise concernée peuvent contribuer au financement du coût pédagogique et des frais annexes de formation ".

Ces dispositions font clairement apparaître que la préparation opérationnelle à l'emploi individuelle est un dispositif légal qui permet à un demandeur d'emploi présélectionné pour occuper un emploi correspondant à une offre identifiée déposée auprès de Pôle Emploi de bénéficier d'une action de formation destinée à ce qu'il acquiert un ensemble de compétences nécessaires pour occuper le poste de travail offert.

En l'espèce, Mme Anne X... a signé le 13 août 2013, avec Pôle Emploi, l'AGEFOS PME prise en qualité d'organisme paritaire collecteur agréé prévu par l'article L 6326-2 précité, la chambre de commerce et de l'industrie de la Vendée prise en qualité d'organisme de formation et la société Yona Roche, une convention portant sur les conditions particulières de la préparation opérationnelle à l'emploi dont s'agit.

Cette convention notamment prévoyait que Mme Anne X... devait bénéficier d'une formation externe auprès de la chambre de commerce et de l'industrie de la Vendée d'une durée de 14 heures et stipulait que le poste de travail à pourvoir in fine était celui d'équipier polyvalent de restauration rapide, que le contrat de travail envisagé prendrait la forme d'un contrat à durée indéterminée et que la date prévue d'embauche serait le 7 octobre 2013.

Il est constant qu'aucune des stipulations de cette convention ne permet d'assimiler cette période de préparation opérationnelle à l'emploi à un contrat de travail.

A cette convention se trouve annexé un document intitulé " Formation employé polyvalent KFC 30 h/ sem sur 5 semaines du 3 septembre au 6 octobre 2013 " signé de la société Yona Roche et de la main de Mme Anne X... qui détaille, semaine par semaine de la période, les actions de formation dont celle-ci devait bénéficier. Ce document précise que cette formation serait dispensée au sein de l'entreprise " KFC La Rochelle " implantée à Lagord et désigne un " tuteur en la personne de Mme Morgane Z...".

Il ressort de cette convention et de ce document, ce qui au demeurant n'est pas contesté par Mme Anne X..., qu'aucune des actions de formation prévues dans le cadre de la préparation opérationnelle à l'emploi ne s'est déroulée au sein de la société Yona Roche dont il est de surcroît établi qu'elle n'avait pas encore ouvert le seul établissement qu'elle devait exploiter à compter du 8 octobre 2013.

Or il résulte des articles L 1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

L'existence d'un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.

En l'absence d'écrit ou d'apparence de contrat, comme en l'espèce, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d'en rapporter la preuve.

En l'occurrence, outre que Mme Anne X... se limite à des affirmations au sujet de son activité au cours de la période de préparation opérationnelle à l'emploi pour en déduire péremptoirement qu'elle n'a pas bénéficié d'une formation mais qu'elle a travaillé dans des conditions telles qu'elle peut se prévaloir d'un contrat de travail, il est constant que Mme Anne X... n'a pas exercé au cours de la période dont s'agit la moindre activité au bénéfice de la société Yona Roche ni a fortiori une activité dans le cadre d'un lien de subordination à cette entreprise.

Il est tout aussi constant que Mme Anne X... n'a pas reçu la moindre rémunération de la part de la société Yona Roche au cours de la période de sa préparation opérationnelle à l'emploi, étant observé à cet égard qu'il ressort de ses propres pièces qu'elle a perçu au cours de cette période une rémunération et des remboursements de frais de déplacements qui lui ont été payés par l'intermédiaire de Pôle Emploi.

Dans ces conditions, Mme Anne X... sera déboutée de sa demande de ce chef et de sa demande subséquente en paiement d'un salaire et des congés payés afférents au titre de sa période de préparation opérationnelle à l'emploi.

- Sur la demande formée par la salariée au titre de manquements de l'employeur dans le cadre du CUI-Contrat initiative emploi

La société Yona Roche expose :

- que la convention tripartite qui a été signée avec Pôle Emploi et Mme Anne X... au sujet de ce contrat prévoyait à titre de mesures d'accompagnement et de formation : " l'aide à la prise de poste et l'adaptation au poste de travail " ;

- que ce dispositif a donc été validé par Pôle Emploi et qu'il convient, pour ce qui concerne les obligations de l'employeur, de distinguer le CUI-Contrat initiative emploi qui relève du secteur marchand du CUI-CAE qui relève du secteur non marchand puisque dans le premier cas, celui de l'espèce, l'employeur n'est tenu que de mettre en oeuvre des actions d'accompagnement professionnel, les actions de formation étant seulement facultatives ;

- qu'elle a respecté ses obligations à cet égard puisque elle a désigné un tuteur aux fins d'accompagner Mme Anne X... et celle-ci a intégré le dispositif de formation interne dit " champions " dans le but de devenir polyvalente dans les activités qui lui étaient attribuées ce qui devait lui permettre de bénéficier d'une formation à la fois pratique et théorique.

En réponse, Mme Anne X... objecte :

- que le contrat initiative emploi ne figure pas dans la liste des contrats de travail susceptibles de faire suite à une préparation opérationnelle à l'emploi ;

- que la signature d'un contrat de cette nature ne se justifie pas pour un salarié qui, comme cela fut son cas, est considéré comme ayant acquis les compétences nécessaires à l'exercice de son emploi ;

- que dans le cadre du CUI-Contrat initiative emploi, la société Yona Roche était tenue de prévoir des actions de formation en sa faveur et non seulement des actions d'accompagnement ;

- que cependant son contrat ne prévoyait aucune action de formation tant en interne qu'en externe ni la validation des acquis ;

- que ce manquement de la société Yona Roche justifie l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 1 000 euros ainsi que l'ont jugé les premiers juges.

En premier lieu il convient de relever que Mme Anne X... ne tire aucune conséquence précise de son moyen selon lequel le contrat initiative emploi ne figure pas dans la liste des contrats de travail susceptibles de faire suite à une préparation opérationnelle à l'emploi.

En second lieu, et ainsi qu'en dispose l'article L 5134-69 alinéa 1er du code du travail, le contrat initiative emploi est un contrat de travail de droit privé à durée indéterminée ou déterminée conclu en application de l'article L 1242-3. En l'espèce le contrat initiative emploi ayant lié les parties était un contrat à durée indéterminée et remplissait donc les conditions posées par l'article L 6326-1 du même code s'agissant des contrats susceptibles d'être conclus à l'issue de la formation dispensée dans le cadre d'une préparation opérationnelle à l'emploi.

L'article L 5134-19-3 du code du travail dispose :
" Le contrat unique d'insertion prend la forme :
1o Pour les employeurs du secteur non marchand mentionnés à l'article L 5134-21, du contrat d'accompagnement dans l'emploi défini à la section 2 ;
2o Pour les employeurs du secteur marchand mentionnés à l'article L 134-66, du contrat initiative emploi défini par la section 5. "

L'article L 5134-65 du même code qui s'applique au cas de l'espèce puisque, la société Yona Roche relevant du secteur marchand, le contrat de travail l'ayant lié à Mme Anne X... a pris la forme du contrat initiative emploi, énonce :

" Le contrat initiative-emploi a pour objet de faciliter l'insertion professionnelle des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles d'accès à l'emploi. A cette fin, il comporte des actions d'accompagnement professionnel. Les actions de formation nécessaires à la réalisation du projet professionnel de la personne peuvent être mentionnées dans la demande d'aide à l'insertion professionnelle, elles sont menées dans le cadre défini à l'article L 6312-1 ".

Il ressort de ces dernières dispositions que, dans le cadre du Contrat initiative emploi, l'employeur doit prévoir des mesures d'accompagnement et peut, ce qui s'entend comme une simple possibilité, prévoir des actions de formation.

En l'espèce, il est constant que le contrat initiative emploi ayant lié les parties mentionne d'une part une action d'accompagnement intitulée " aide à la prise de poste " dont la salariée ne conteste pas qu'elle ait été suffisante pour répondre aux exigences posées par l'article L 5134-65 précité et d'autre part une action de formation en interne intitulée " adaptation au poste de travail " qui par sa nature était facultative, étant en outre observé que Mme Anne X... avait signé le 3 octobre 2013 un document intitulé " descriptif de fonction steward (employé polyvalent) " aux termes duquel elle devait participer " à la formation Champions dans le but d'être polyvalent dans les activités qui lui étaient [sont] attribuées ".

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments auxquels il convient d'ajouter que la relation de travail a duré moins d'un mois, que la société Yona Roche n'a manqué à aucune obligation de formation vis à vis de Mme Anne X....

En conséquence de quoi, Mme Anne X... sera déboutée de sa demande de ce chef.

- Sur la demande formée par la salariée au titre de la rupture de son contrat de travail

L'employeur fait valoir que Mme Anne X... ne peut se prévaloir d'un contrat de travail antérieur pour la période de sa préparation opérationnelle à l'emploi puisqu'alors elle était stagiaire de la formation professionnelle, qu'aucune disposition n'exclut la stipulation d'une période d'essai dans le cadre d'un CUI-contrat initiative emploi ou à la suite d'une formation professionnelle et qu'en application des dispositions de l'article L 1221-15 du code du travail, la décision de rompre un contrat de travail à durée indéterminée pendant la période d'essai a un caractère discrétionnaire et enfin que c'est sur la base de critères strictement professionnels à savoir un manque de rapidité et de réactivité qu'elle a décidé de rompre le contrat de travail de Mme Anne X... ;

A titre subsidiaire l'employeur fait valoir que Mme Anne X... doit justifier du préjudice pour lequel elle réclame au total réparation à hauteur de 8 000 euros pour un mois d'ancienneté dans l'entreprise.

La salariée objecte :

- qu'une période d'essai ne peut être imposée à un salarié après son recrutement et qu'en l'espèce elle était salariée de la société Yona Roche depuis un mois lorsqu'elle a signé son contrat initiative emploi stipulant une période d'essai ;

- que la rupture de son contrat au cours de cette période doit donc s'analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Comme cela vient d'être tranché, c'est à tort que Mme Anne X... prétend avoir été liée par un contrat de travail à la société Yona Roche durant la période de sa préparation opérationnelle à l'emploi.

La seule relation de travail ayant existé entre les parties est issue du contrat initiative emploi qu'elles ont régularisé le 3 octobre 2013, aussi c'est à tort que Mme Anne X... prétend que la période d'essai figurant à ce contrat a été stipulée postérieurement à son embauche.

Aucune disposition n'exclut la stipulation d'une période d'essai dans le cadre d'un contrat initiative emploi.

L'article L 1221-19 du code du travail énonce :
" Le contrat de travail à durée indéterminée peut comporter une période d'essai dont la durée maximale est :
1o pour les ouvriers et les employés, de deux mois.... ".
La période d'essai stipulée au contrat de Mme Anne X... respecte cette règle.

L'article L 1221-20 du code du travail dispose :
" La période d'essai permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent ".

La société Yona Roche qui était liée pour la première fois à Mme Anne X... par un contrat de travail le 3 octobre 2013 et qui en tout état de cause n'avait jamais au préalable été en mesure d'apprécier directement les compétences de cette dernière pouvait légitimement faire figurer à ce contrat une clause stipulant une période d'essai.

Mme Anne X... ne démontre pas que sa période d'essai a été rompue pour des motifs non inhérents à sa personne, étant observé que durant cette période la société Yona Roche disposait d'un droit de résiliation unilatéral sans avoir à alléguer de motif.

Aussi, Mme Anne X... sera déboutée de sa demande de ce chef.

- Sur les dépens et les frais irrépétibles

Mme Anne X... succombant en toutes ses demandes, les dépens tant de première instance que d'appel seront mis à sa charge et recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.

En revanche, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société Yona Roche les frais par elle exposés et non compris dans les dépens. Aussi, elle sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'appel, la cour infirmant par ailleurs le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Yona Roche à verser à Mme Anne X... la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 au titre des frais irrépétibles de première instance.



PAR CES MOTIFS

LA COUR,



Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

Déboute Mme Anne X... de l'ensemble de ses demandes ;

Et y ajoutant :

Déboute Mme Anne X... de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire majoré des congés payés afférents et sur le fondement de l'article 37 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 ;

La condamne aux dépens tant de première instance que d'appel lesquels seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.



LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.