22 janvier 2015
Cour d'appel de Montpellier
RG n° 09/00143

Texte de la décision

Grosse + copie
délivrées le
à



COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1o Chambre Section AO1

ARRÊT DU 22 JANVIER 2015

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 06974

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 MAI 2011
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE RODEZ
No RG 09/ 00143

APPELANT :

Maître Vincent C...

pris ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL ESPACE PROMOTION

...

34000 MONTPELLIER
représenté par Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE-avocats associés, avocat au barreau de MONTPELLIER



INTIMES :

Monsieur Jean-Pierre Gérard X...

né le 24 Mai 1964 à FONTENAY SOUS BOIS (94120)
de nationalité française

...


...

94120 FONTENAY SOUS BOIS
représenté par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER,
assisté de Me Charles FREIDEL, avocat plaidant au barreau de LYON

SARL INCENTIVE IMMOBILIER CONSEIL
représentée en la personne de son gérant, domicilié
ès qualités au dit siège social
Les Brises Hautes
12470 SAINT CHELY D'AUBRAC
assignée le 14 novembre 2013 (retour étude)

Me E...

ès qualités de liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de la SARL ADF CONSEIL domicilié en cette qualité audit siège social 5 boulevard de l'Europe-91050 EVRY CEDEX

...

91130 RIS ORANGIS



INTERVENANTES :

SA CNP IAM (CNP Invalidité-Accident-Maladie)
prise en la personne de son Président Directeur Général en exercice domicilié ès qualités au siège social sis
4 Place Raoul Dautry
75015 PARIS 15
représentée par Me Morgane SALVIGNOL GUILHEM, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER,
assistée de Me Marie-Madeleine SALLES, avocat plaidant au barreau de l'Aveyron substituée par Me Morgane SALVIGNOL GUILHEM, avocat



SA CNP ASSURANCES
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège social sis
4 Place Raoul Dautry
75015 PARIS 15
représentée par Me Morgane SALVIGNOL GUILHEM, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER,
assistée de Me Marie-Madeleine SALLES, avocat plaidant au barreau de l'Aveyron substituée par Me Morgane SALVIGNOL GUILHEM, avocat



SA CAISSE d'EPARGNE et de PREVOYANCE ILE DE FRANCE,
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social
19 rue du Louvre
75001 PARIS
représentée par Me Gilles ARGELLIES de la SCP Gilles ARGELLIES, Emily APOLLIS-avocats associés, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER,
assistée de Me Jean-Claude ATTALI, avocat plaidant de la SCP SCHEUER-VERNHET et associés au barreau de MONTPELLIER

SCP Y...

Z...

A...
B...
F...,
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social

...

91160 LONGJUMEAU
représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SCP Philippe SENMARTIN et associés, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER,
assistée de Gérard SALLABERRY, avocat plaidant au barreau de PARIS



ORDONNANCE de CLOTURE du 25 NOVEMBRE 2014



COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le MARDI 16 DECEMBRE 2014 à 8H45, en audience publique, Madame Caroline CHICLET, Conseiller ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :

Madame Anne BESSON, Présidente
Madame Caroline CHICLET, Conseiller
Monsieur Bruno BERTRAND, Conseiller
qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Marie-Françoise COMTE



ARRÊT :

- par DÉFAUT,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par Madame Anne BESSON, Présidente, et par Colette ROBIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE :

La société Espace Promotion, souhaitant réaliser une opération de promotion immobilière portant sur la construction et la vente de 48 appartements au sein d'une résidence collective édifiée sur la commune d'Espalion (12) dans le cadre du dispositif de la loi dite « de Robien recentré », a confié la commercialisation des futurs lots à la société Incentive Immobilier qui a elle-même mandaté la Sarl ADF.

C'est par l'intermédiaire de la société ADF que Jean-Pierre X...a réservé le 19 février 2008 un appartement et deux emplacements de stationnement en l'état futur d'achèvement moyennant le prix de 83. 055, 00 ¿.

L'acte authentique a été signé le 2 mai 2008 au moyen d'une procuration établie le 28 avril 2008 par Maître F..., notaire associé à Longjumeau (91).

Le financement de l'opération devait être assuré en totalité au moyen d'un prêt consenti par la Caisse d'Epargne avec une assurance de groupe souscrite auprès de la société CNP assurances.

N'ayant jamais pu louer son appartement ni bénéficier de la défiscalisation espérée, Jean-Pierre X...a fait citer, par actes d'huissier des 4 et 12 novembre et 4 décembre 2008 son vendeur, la Scp de notaires Y...
Z...
A...
B...et F..., l'établissement prêteur de deniers devant le tribunal de grande instance de Rodez en annulation de la vente pour dol.

La Sarl Espace Promotion a appelé en la cause le 10 février 2009 la société Incentive Immobilier et la société ADF.

Jean-Pierre X...a fait citer en intervention forcée le 3 septembre 2009 la CNP Assurances et la CNP Iam.
Par jugement réputé contradictoire en date du 27 mai 2011 ce tribunal a :

Vu les articles 1116 du code civil et L 111-1 et suivants du code de la consommation,

Constatant l'existante d'un dol manifeste, d'un manquement au devoir d'information et de conseil ainsi que du non-respect des dispositions impératives du code de la consommation et du code de la construction et de l'habitation ayant entaché la formation du contrat de réservation et du contrat de vente immobilière,

- prononcé la nullité de l'acte de vente conclu entre la SARL ESPACE PROMOTION et M. Jean-Pierre X...ayant pour objet l'acquisition d'un bien répondant à la désignation suivante :

le vendeur vend en l'état futur d'achèvement en s'obligeant aux garanties ordinaires et de droit en pareille matière, à l'acquéreur qui accepte, les biens dont la désignation suit :

les biens dont la désignation suit, considérés en leur état futur d'achèvement conformément aux dispositions de la loi no 67-3 du 3 janvier 1967 et du décret no 67-1166 du 22 décembre 1967, tels que codifiés sous les articles L 261-9 et suivants et R 261-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation :

DESIGNATION

1o) De l'ensemble immobilier dont dépendent les biens vendus :

Les biens et droits immobiliers dépendant d'un ensemble immobilier collectif dénommé " RESIDENCE LOU FLAUJAC " sur une parcelle en nature de terrain à bâtir situé commune d'Espalion (12) lieudit " Ferranden " figurant à la matrice cadastrale rénovée de ladite commune sous les relations suivantes :

Commune d'Espalion (12) :

Section no Lieudit hectares ares centiares
AH 135 Ferranden0016
AH376Ferranden 0094
AH377Ferranden1283
AH378Ferranden0049
AH379Ferranden0076
AH380Ferranden8287

contenance totale 009805

(contenances cadastrale totale de : 98 ares 05 centiares).

REQUISITION DE DIVISION

La parcelle cadastrée section AH no 321 provient de la division de la parcelle cadastrée section AH no 133 pour une contenance de 87a 15ca en deux nouvelles parcelles, savoir :

- la parcelle cadastrée même section no 321, faisant l'objet des présentes,
- et la parcelle cadastrée même section no 320, d'une contenance de 3a 03ca restant la propriété du vendeur.

Ainsi qu'il résulte d'un document de modification du parcellaire cadastral établi par Mme Geneviève D..., géomètre expert à Espalion en date du 20 juin 2006 sous le no 1038H déposé avec une copie authentique de l'acte de dépôt ci-après visé.

2) Des biens et droits immobiliers vendus désignés par référence à l'état descriptif de division qui sera ci-après mentionné :

- lot no 39
¿ un appartement situé au rez de chaussée du bâtiment D comprenant :
- un séjour kitchenette, une chambre avec placard, une salle d'eau avec WC,
le tout représentant une surface utile d'environ 38, 02 m ² dont 4. 32 m ² de balcon
et les 134/ 10. 000ème du sol et des parties communes générales et les 76/ 1. 000ème des charges spéciales du bâtiment D.

- lot no 126

une place de parking située en bordure de la voie de circulation pour environ 12. 00 m ² de surface utile et les 9/ 10. 000ème de la propriété au sol et des parties communes.

- lot no 127

une place de parking située en bordure de la voie de circulation pour environ 12 m ² de surface utile et les 9/ 10. 000ème de la propriété du sol et des parties communes générales.

- condamné en conséquence la société ESPACE PROMOTION à rembourser à Jean-Pierre X...le prix de vente dudit immeuble soit la somme de 83. 055, 00 ¿,

- débouté Jean-Pierre X...de son action à l'encontre de la SCP " Alexis Y..., Jean-Pierre
Z...
, Olivier A..., Jean-Paul B...et Patrice F..., notaires associés ",



- condamné reconventionnellement Jean-Pierre X...à porter et à payer à ladite SCP la somme de 1. 000 ¿ à titre de dommages et intérêts et celle de 2. 000 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que Jean-Pierre X...ne devra restituer le bien immobilier en cause qu'après le règlement des sommes mises à la charge de la SARL ESPACE PROMOTION, les sociétés ADF CONSEIL et INCENTIVE IMMOBILIER,

- dit que pour le cas où une procédure collective serait ouverte à l'encontre de la SARL ESPACE PROMOTION, même postérieurement à la décision à intervenir mais avant que le remboursement du prix ait été intégralement opéré, seule interviendra la réduction du prix de l'immeuble ci-dessus considéré à hauteur de son prix de marché à l'époque de la survenance de cet événement,

- condamné in solidum la SARL ESPACE PROMOTION, les sociétés ADF CONSEIL et INCENTIVE IMMOBILIER à payer à Jean-Pierre X...la somme provisoirement arrêtée au 31 septembre 2009 à 13 959, 00 ¿ à titre de dommages et intérêts,

- dit qu'à ce montant s'ajoutera, sur présentation des justificatifs, l'ensemble des frais et des manques à gagner supportés par l'acquéreur en raison de l'opération immobilière, et ce, entre le 31 septembre 2009 et l'exécution des condamnations,

- ces frais comprennent notamment : les intérêts versés au titre du contrat de prêt, les primes du contrat d'assurance lié au prêt de gestion immobilière (honoraires de gestion du bien, charges de copropriété, primes du contrat d'assurance de loyers), ou encore le montant de la taxe foncière et d'une manière générale, tous accessoires qui seraient alloués à l'une quelconque des parties à l'occasion de la présente instance et qui seraient mis à la charge du concluant,

quant aux manques à gagner, ils incluent le montant du dégrèvement d'impôt qui n'a pu être obtenu, l'absence de versement lié à la vacance locative ou au non paiement des loyers,

de même encore, le préjudice moral se chiffrant à 2 000 ¿ par année écoulée depuis le jour de signature de l'acte de vente, devra être actualisé au jour de l'exécution des condamnations,

- dit que les sommes allouées à Jean-Pierre X...à titre de dommages et intérêts porteront intérêts de droit à compter de la décision à intervenir, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

- prononcé la résolution du contrat de prêt " Primo Report Modulable " no H0804190 consenti le 7 avril 2008 par la Caisse d'Epargne Ile de France-Paris pour un montant de 83. 055, 00 ¿,

- dit que de la restitution subséquente du capital mis à sa disposition et restant à rembourser, sera déduit de l'ensemble des sommes par lui versées comprenant le remboursement du capital mais aussi les intérêts réglés et autres frais liés au contrat de prêt que Jean-Pierre X...ait pu en obtenir le paiement intégral au titre des dommages et intérêts

-ordonné la résiliation du contrat d'assurance référencé 9882 R (No de collectivité 008778) affecté au prêt résolu et souscrit auprès des compagnies CNP ASSURANCES et CNP IAM,

- dit que pour le cas où une procédure collective serait ouverte à l'encontre de la SARL ESPACE PROMOTION, même postérieurement à la décision à intervenir mais avant que le remboursement du prix ait été intégralement opéré, à la résolution du contrat de prêt et à la résiliation du contrat d'assurance se substitueront des dommages et intérêts complémentaires à la charge in solidum des sociétés ADF CONSEIL et INCENTIVE IMMOBILLIER d'un montant égal à la différence entre le prix réellement payé et la valeur de l'immeuble à son prix de marché à l'époque de la survenance de la procédure collective,

- condamné in solidum la SARL ESPACE PROMOTION, les sociétés ADF CONSEIL et INCENTIVE IMMOBILIER, à payer à Jean-Pierre X...la somme de 6. 000 ¿ à titre d'indemnité et par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les mêmes in solidum en tous les dépens avec distraction au profit de Me Soline CHAUDER, avocat au barreau de l'Aveyron.

La Sarl Espace Promotion a relevé appel de ce jugement le 11 juillet 2011 à l'encontre de Jean-Pierre X..., de la Sarl Incentive Immobilier et de la Sarl ADF.

L'instance a été interrompue par suite de la liquidation judiciaire de la Sarl Espace Promotion prononcée le 23 juillet 2013 par le tribunal de commerce de Rodez et une ordonnance de radiation a été prononcée le 5 septembre 2013.

Jean-Pierre X...a assigné Maître C..., ès qualités de liquidateur de la Sarl Espace Promotion, en reprise d'instance par assignation du 30 août 2013 et a régularisé des appels provoqués à l'encontre de la Scp Y...
Z...
A...
B...et F..., de la Caisse d'Epargne et de la société CNP Assurances.

L'affaire a été remise au rôle le 23 septembre 2013.

Vu les conclusions de la Sarl Espace Promotion représentée par Maître C..., ès qualités de liquidateur judiciaire, remises au greffe le 13 mars 2014 ;

Vu les conclusions de Jean-Pierre X...remises au greffe le 22 juillet 2014 ;

Vu les conclusions de la Scp Y...
Z...
A...
B...et F...remises au greffe le 24 octobre 2013 ;

Vu les conclusions de la Caisse d'Epargne remises au greffe le 11 avril 2014 ;

Vu les conclusions de la société CNP Assurances remises au greffe le 17 octobre 2014 ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 25 novembre 2014 ;

MOTIFS :

Sur le désistement de Jean-Pierre X...à l'encontre de la Caisse d'Epargne, la CNP Assurances et de la CNP Iam :

Ne sollicitant plus la nullité du contrat de vente en cause d'appel, Jean-Pierre X...se désiste de ses demandes dirigées contre le prêteur de deniers et les assureurs de groupe.

Ces parties ont accepté ce désistement et réclament le paiement des dépens et d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le désistement de Jean-Pierre X...à l'égard de ces parties est parfait et emporte extinction de l'instance et dessaisissement de la cour.

Jean-Pierre X...sera toutefois condamné à supporter les dépens de première instance et d'appel de ces parties et à payer à la Caisse d'Epargne d'une part et à la CNP Assurances et la CNP Iam prises ensemble d'autre part, la somme de 500 ¿ chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la responsabilité du promoteur et des mandataires :

La Sarl Espace Promotion représentée par son liquidateur, Maître C..., conclut à l'infirmation du jugement qui a retenu le dol et prononcé l'annulation de la vente.

En raison de la liquidation judiciaire de la Sarl d'Espace Promotion, Jean-Pierre X...ne demande plus la nullité de la vente en cause d'appel mais l'allocation de dommages-intérêts en invoquant la responsabilité délictuelle de son vendeur et de ses mandataires sur le fondement de l'article 1382 du code civil principalement pour dol et demande la fixation de ses créances au passif d'Espace Promotion et de la société ADF.

La plaquette de commercialisation de la résidence Lou Flaujac à Espalion remise par la Sarl ADF à Jean-Pierre X...porte le tampon commercial de la société Espace Promotion qui l'a validée.

La commune d'Espalion y est présentée, en pages 2 et 3, comme comportant " très peu de programmes neufs ", ce qui lui confère " un potentiel locatif important ", avec " une situation géographique enviable ", " un dynamisme commercial ", dotée " d'une plate-forme artisanale importante ", elle est décrite comme " le poumon économique du pays Haut Rouergue " offrant des " perspectives de plus-value " et une " qualité de vie professionnelle et personnelle très recherchée ".

Le programme immobilier, composé de 48 lots, est décrit comme « un excellent placement », offrant des « facilités de location » en raison notamment de " la faible concurrence " locale.

Ces arguments de vente sont ensuite repris dans tous les paragraphes qui vantent " l'excellent placement », « la perspective de plus-value à terme », « un produit unique sur Espalion ".

Le « récapitulatif pratique » de la plaquette, qui présente les principales caractéristiques du projet ainsi que les partenaires de l'opération (promoteur, notaire), met également en exergue la défiscalisation résultant de la loi de Robien et insiste sur « le standing » de la résidence Lou Flaujac qui y est décrite comme « un placement judicieux ».

Les conditions particulières du contrat de réservation du 19 février 2008 rappellent, en page 8, que l'opération bénéficie du « nouveau dispositif de Robien ». Ce contrat fait état d'un rendement locatif mensuel attendu de 350 ¿, garanti par une assurance en cas de carence durant les 6 premiers mois.

Le contenu de la plaquette de commercialisation et du contrat de réservation révèle la stratégie commerciale de la Sarl Espace Promotion qui a consisté à présenter l'immeuble à construire comme un produit financier sans risque, implanté dans un secteur dynamique et peu concurrentiel en présentant comme acquis le rendement locatif de 350 ¿ par mois ainsi que le gain fiscal issu du dispositif de Robien.

C'est dans le cadre de cette stratégie initiée par le promoteur et dans son intérêt bien compris, que la société ADF Conseil, qui s'est présentée à Jean-Pierre X...comme un « spécialiste de l'ingénierie financière » et comme « conseil en défiscalisation », a pu réaliser une étude financière personnalisée du patrimoine de Jean-Pierre X..., domicilié dans le Val de Marne, au terme de laquelle elle a proposé à celui-ci, qui exerce la profession de mécanicien aéronautique et déclare 24. 250 ¿ de revenus nets imposables annuels, d'investir dans l'achat en VEFA d'un appartement sis à Espalion en lui présentant cette acquisition comme un placement financier sûr et adapté à sa situation personnelle.

Le coût de l'investissement devait être assuré, d'après la simulation sur 10 ans, à concurrence de 65, 26 % par le locataire et à hauteur de 12, 95 % par les économies d'impôt réalisées, l'investisseur ne devant en assumer que 21, 79 %, soit une somme de 15. 120 ¿ sur un coût total d'achat de 83. 055 ¿.

Le dispositif de Robien recentré issu de la loi no2006-872 du 13 juillet 2006 et des décrets subséquents vise à accroître l'offre de logements privés à loyers modérés.

Elle permet une défiscalisation des revenus fonciers au bénéfice des propriétaires qui acquièrent des logements neufs pour les donner à bail, pendant au moins 9 ans et en respectant les plafonds imposés dans chacune des 4 zones répertoriées sur le territoire national, à un locataire qui en fait sa résidence principale à la condition toutefois de trouver un preneur pour son bien.

Or, dès le mois de juin 2008, soit quatre mois seulement après la signature du contrat de réservation, l'agence immobilière en charge de la location informait Jean-Pierre X...qu'en dépit de ses efforts, « le marché locatif d'Espalion (était) malheureusement plus bas que les loyers présentés » et suggérait de revoir ceux-ci à la baisse.

Nonobstant les baisses de loyers ultérieurement consenties, l'appartement acquis par Jean-Pierre X...n'a jamais pu trouver de preneur ainsi qu'en atteste le courrier de l'agence immobilière du 17 février 2014.

La société Espace Promotion a son siège social à St Géniez d'Olt dans l'Aveyron, département où elle a décidé de construire la résidence collective de 48 appartements en faisant de la défiscalisation de Robien un de ses principaux argument de vente ; elle n'est pas fondée à invoquer une prétendue méconnaissance du marché locatif sur Espalion ou une dégradation imprévisible de ce marché alors que, quatre mois seulement après la signature du contrat de réservation avec Jean-Pierre X..., l'agence immobilière informait l'acquéreur de l'inadéquation entre le loyer de 350 ¿ prévu au contrat et la réalité du marché local.

Au jour de la signature du contrat de réservation, le promoteur vendeur aveyronnais qui connaissait l'état du marché locatif local sur Espalion, commune de moins de 5000 habitants, pour y piloter une opération de promotion immobilière dans le cadre d'un dispositif de défiscalisation, savait que l'état de ce marché ne permettrait pas à Jean-Pierre X...de trouver un preneur au prix du loyer indiqué dans les conditions particulières du contrat préliminaire et que les chances de trouver un locataire étaient faibles, même après avoir revu le montant du loyer à la baisse.



En présentant les appartements de sa résidence Lou Flaujac à Espalion comme des produits financiers sûrs et rentables, implantés dans une localité dynamique bénéficiant d'un contexte peu concurrentiel et d'une forte demande locative et en indiquant faussement à Jean-Pierre X...que l'achat d'un appartement dans la résidence lui procurerait un rendement locatif mensuel de 350 ¿ (sous l'unique réserve d'une carence locative ponctuelle contre laquelle il pouvait s'assurer) ainsi qu'une économie d'impôts qui réduiraient de manière très importante la part de son investissement personnel dans le coût total d'achat alors que le promoteur savait que les chances de trouver un preneur sur Espalion étaient faibles même après une réduction du loyer ce qui rendait fortement aléatoire la défiscalisation promise, la Sarl Espace Promotion a commis un dol à l'endroit de Jean-Pierre X....

Ce dol du promoteur matérialisé par les indications contenues dans la plaquette de commercialisation et le contrat de réservation a permis la réalisation du dol du mandataire (ou du mandataire de celui-ci) à l'occasion de l'étude financière personnalisée.

En effet, si Jean-Pierre X...a accepté de s'endetter pour une durée de 25 années pour rembourser le prix emprunté de 83. 055 ¿ afin d'acquérir un T2 en rez-de-chaussée de 33 m ² à Espalion, petite commune de l'Aveyron située à plusieurs centaines de kilomètres de son domicile, c'est parce que la société ADF, « spécialisé en ingénierie financière et conseil en défiscalisation », l'a assuré de manière dolosive qu'il s'agissait d'un investissement rentable et adapté à sa situation personnelle dont 70 % du prix d'achat serait amorti grâce au rendement locatif et aux économies d'impôts mises en avant fallacieusement par le promoteur lui-même dans sa plaquette de commercialisation.

Il est vain pour le promoteur de dénoncer le législateur comme étant le responsable de cet échec. En effet, les mesures du type " de Robien recentré " ont une nature purement incitative, elles ne déchargent pas les promoteurs de leur obligation de réaliser des études de marché préalables ni ne les dispensent d'adapter leurs programmes à la concurrence locale afin de proposer aux investisseurs des opérations immobilières et de défiscalisation qui ne sont pas manifestement vouées à l'échec.

Faute d'avoir trouvé un locataire pour son appartement, Jean-Pierre X...assume seul depuis 2008 le remboursement de l'emprunt bancaire sans aucune rentrée financière corrélative pour un bien à l'attractivité très faible et qui sera difficilement revendable.

Les dols du promoteur et de son mandataire ont provoqué chez Jean-Pierre X...une erreur (toujours excusable en matière de dol) sur la rentabilité de l'opération et donc sur la valeur même de l'immeuble puisque cet appartement de type T2 de 33 m ² en rez-de-chaussée est inoccupé depuis 2008, qu'il est situé dans un environnement rural (commune de moins de 5000 habitants), peu florissant au plan économique, et qu'il ne permet pas à son propriétaire de réaliser le moindre amortissement sur le coût d'achat.

Le prix d'achat de 83. 055 ¿ a été largement surévalué grâce au dol du promoteur et de son mandataire au regard des qualités réelles du bien et Jean-Pierre X...est en droit d'obtenir une réduction du prix proportionnelle à cette erreur sur la valeur que la cour estime à la somme de 30. 000 ¿.

Jean-Pierre X...justifiant d'une déclaration de créance régulière, cette somme de 30. 000 ¿ sera fixée au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la Sarl Espace Promotion qui sera déboutée de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles.

Ni Jean-Pierre X..., ni la Sarl Espace Promotion qui demande à être relevée et garantie par cette société, ne justifient avoir appelé en la cause le liquidateur judiciaire de la Sarl ADF, placée en liquidation par jugement du tribunal de commerce d'Evry du 17 janvier 2011.

L'instance doit être disjointe et interrompue à son égard et il sera fait injonction à Jean-Pierre X...et à la Sarl Espace Promotion représentée par son liquidateur de reprendre l'instance en appelant en la cause le liquidateur judiciaire d'ADF avant le 31 mars 2015 à peine de radiation. Dans cette attente, la présente instance disjointe sera renvoyée à la mise en état.

Par ailleurs, la cour relève que plus aucune demande n'est formée par Jean-Pierre X...ou par la Sarl Espace Promotion représentée par son liquidateur contre la société Incentive Immobilier, placée en liquidation judiciaire le 26 juillet 2011 avec une clôture pour insuffisance d'actifs le 13 mars 2012 et une radiation du registre du commerce et des sociétés le 15 mars 2012.



Sur la responsabilité du notaire :

En raison des risques inhérents à l'achat d'un immeuble à construire, le législateur a souhaité protéger l'acquéreur en imposant la forme authentique (L. 261-11 du code de la construction et de l'habitation dans sa version applicable au présent litige).

Le caractère solennel de ce type de contrat s'étend à toutes ses composantes dont la procuration qui doit, elle aussi, revêtir obligatoirement la forme authentique.

L'officier ministériel chargé d'établir cette procuration est, dans ce cas de figure, le seul professionnel du droit que le futur acquéreur va rencontrer avant la signature du contrat.

C'est pourquoi le notaire, chargé de régulariser une telle procuration, ne peut cantonner son intervention au seul respect du formalisme. Il doit dresser un acte efficace en s'assurant que le futur acquéreur a compris tous les enjeux de l'engagement auquel il s'apprête à consentir par procuration.

Contrairement à ce que soutient la Scp de notaires Y...
Z...
A...
B...et F..., la protection de l'acquéreur d'un immeuble à construire, voulue par le législateur, fait peser sur le notaire rédacteur de la procuration un devoir de conseil et d'information.

Il appartenait en l'espèce à Maître F...qui savait, par la lecture du contrat de réservation en sa possession, que Jean-Pierre X...achetait cet appartement à Espalion en vue de bénéficier du dispositif de Robien recentré, d'attirer son attention sur les risques inhérents à une telle opération en cas de carence locative pendant les douze premiers mois suivants la livraison du bien puisque dans ce cas, l'acquéreur perd le bénéfice de la défiscalisation.

Le notaire sur qui pèse la charge de la preuve, ne démontre pas avoir attiré l'attention de Jean-Pierre X...sur ce point.

Ce faisant, il a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

Si le jour de l'établissement de la procuration le notaire avait attiré l'attention du futur acquéreur sur le caractère fortement aléatoire de la défiscalisation recherchée, ce dernier aurait pu choisir ne pas contracter au lieu de s'endetter pendant 25 ans pour un un investissement dont les risques objectifs lui avaient été dissimulés tant par le promoteur que par son mandataire.

Le préjudice de Jean-Pierre X...consiste en la perte de chance de pouvoir renoncer à la vente.

Cette perte de chance doit cependant être qualifiée de modérée, en raison du contexte dolosif décrit précédemment, et la Scp de notaires Y...
Z...
A...
B...et F...sera condamnée à payer à Jean-Pierre X...la somme de 20. 000 ¿ à titre de dommages-intérêts, ce dernier étant débouté du surplus de ses prétentions.

La scp Y...
Z...
A...
B...et F...doit être déboutée de toutes ses demandes reconventionnelles.

PAR CES MOTIFS :

La cour ;

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Dit que le désistement de Jean-Pierre X...à l'égard de la Caisse d'Epargne, de la CNP Assurances et de la CNP Iam est parfait ;

Dit que ce désistement emporte extinction de l'instance et dessaisissement de la cour à l'égard de ces parties ;

Condamne Jean-Pierre X...à payer les dépens de première instance et d'appel de ces parties qui seront recouvrés, pour ceux d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à payer à la Caisse d'Epargne d'une part, et à la CNP Assurances et la CNP Iam prises ensemble d'autre part, la somme de 500 ¿ chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que la Sarl Espace Promotion a commis un dol à l'endroit de Jean-Pierre X...;

Dit que le dol du promoteur a permis le dol de la Sarl ADF ;

Dit que ces dols sont à l'origine d'une erreur de l'acquéreur sur la rentabilité économique et sur la valeur de l'immeuble ;

Fixe la créance de Jean-Pierre X...au passif de la liquidation de la Sarl Espace Promotion à la somme de 30. 000 ¿ ;

Ordonne la disjonction de l'instance à l'égard de la Sarl ADF ;

Constate l'interruption de l'instance à son égard à défaut de mise en cause de son liquidateur et enjoint aux parties de reprendre l'instance avant le 31 mars 2015 à peine de radiation ;

Renvoie cette instance disjointe à la mise en état ;

Constate l'absence de demande dirigée en appel contre la Sarl Incentive Immobilier ;

Dit que Maître F...a engagé sa responsabilité envers Jean-Pierre X...;

Condamne la Scp de notaires Y...
Z...
A...
B...et F...à payer à Jean-Pierre X...la somme de 20. 000 ¿ en réparation de son préjudice ;

Déboute Jean-Pierre X...du surplus de ses prétentions ;

Déboute la scp Y...
Z...
A...
B...et F...de ses demandes reconventionnelles ;

Condamne la Sarl Espace Promotion représentée par son liquidateur et la Scp de notaires Y...
Z...
A...
B...et F...in solidum aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés, pour ceux d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;



Condamne la Sarl Espace Promotion représentée par son liquidateur et la Scp de notaires Y...
Z...
A...
B...et F...in solidum à payer à Jean-Pierre X...la somme de 5. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les autres parties de leurs demandes de ce chef.



LE GREFFIER LA PRESIDENTE



CC/ CR

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