5 mars 2015
Cour d'appel de Limoges
RG n° 13/01350

Texte de la décision

ARRET N.

RG N : 13/ 01350

AFFAIRE :

M. Bernard X...


C/

SA QUATREM ASSURANCES COLLECTIVES



CMS-iB



indemnité d'assurance

Grosse délivrée à
Maître PLAS, avocat

COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE CIVILE
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ARRET DU 05 MARS 2015
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Le CINQ MARS DEUX MILLE QUINZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :

ENTRE :

Monsieur Bernard X...

de nationalité Française
né le 09 Août 1954 à BRIVE LA GAILLARDE (19100)
Profession : Inconnue, demeurant ...




représenté par Me Mathieu PLAS, avocat au barreau de LIMOGES



APPELANT d'un jugement rendu le 19 SEPTEMBRE 2013 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LIMOGES

ET :

SA QUATREM ASSURANCES COLLECTIVES
dont le siège social est 59-61, rue La Fayette-75009 PARIS 09



représentée par la SELARL DAURIAC & ASSOCIES, avocat au barreau de LIMOGES, Me Agnès GOLDMIC, avocat au barreau de PARIS



INTIMEE

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Selon calendrier de procédure du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 22 Janvier 2015 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 26 Février 2015. L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 décembre 2014.

A l'audience de plaidoirie du 22 Janvier 2015, la Cour étant composée de Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, de Madame Christine MISSOUX et de Monsieur Gérard SOURY, Conseillers assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier, Madame Christine MISSOUX, Conseiller a été entendu en son rapport, les avocats des parties sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.



Puis Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 05 Mars 2015 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

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LA COUR
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FAITS ET PROCEDURE

Le 4 avril 2006, Monsieur Bernard X... a conclu avec la société QUATREM ASSURANCES COLLECTIVES (l'assureur) un contrat d'assurance groupe garantissant le remboursement d'un prêt immobilier souscrit auprès du Groupe CREDIT DU NORD, en cas de décès, d'invalidité permanente et absolue ou d'incapacité totale de travail.

Placé en congé de longue durée à compter du 11 septembre 2006 et excipant d'une incapacité totale de travail, Monsieur X... a sollicité la prise en charge de ce prêt par l'assureur dont il a bénéficié du 11 septembre 2006 jusqu'au 10 septembre 2011, date à partir de laquelle l'assureur, se fondant sur la clause contractuelle " Fin de garanties ", a refusé de maintenir sa garantie au motif qu'il avait été admis à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 11 septembre 2011, et qu'ainsi, les conditions de sa prise en charge n'étaient plus réunies.

Le 14 juin 2012, M. Bernard X... a assigné l'assureur en rétablissement de la couverture du risque, faisant valoir que la clause contractuelle sur laquelle se fondait l'assureur était abusive au sens de l'article L 132-1 du code de la consommation dès lors que c'était la survenance du risque couvert qui était la cause de son placement en retraite.

Par un jugement en date du 19 septembre 2013, le tribunal de grande instance de LIMOGES, rejetant le caractère abusif d'une telle clause, a débouté M. X... de sa demande, considérant que ce type de contrat avait pour objectif de prémunir l'assuré contre le risque de perdre son emploi, et par suite, son salaire, de sorte que mis à la retraite, il allait disposait désormais d'un revenu de remplacement insusceptible d'être affecté par un problème de santé.

Monsieur Bernard X... a interjeté appel de cette décision.

Au terme de ses concluions de réformation de la décision entreprise en date du 17 novembre 2014, Monsieur Bernard X... sollicite voir :

Vu les articles 1147 et 1134 du Code Civil,
Vu les articles L 132-1 et L 133-2 du Code de la Consommation,

- DIRE et JUGER que la clause invoquée par la SOCIETE QUATREM pour refuser la prise en charge de son contrat prêt, ainsi libellée :
« Les garanties cessent à la date de sa mise en préretraite ou retraite, qu'elle qu'en soit la cause en ce qui concerne les garanties perte totale et irréversible d'autonomie et incapacité de travail »
ne peut s'interpréter que comme une clause abusive au sens de l'article L 132-1 du Code de la consommation,

- DIRE et JUGER qu'en application de l'article L 133-2 du Code de la Consommation, les clauses invoquées par l'ASSURANCE QUATREM pour dénier sa garantie ne peuvent que s'interpréter dans le sens le plus favorable au non-professionnel qu'est Monsieur X...,

- DIRE et JUGER en conséquence, que la clause précitée ne peut être regardée comme exclusive de la garantie des risques couverts lorsque c'est la survenance desdits risques qui est la cause de la décision de placer l'assuré en retraite,

- CONDAMNER en conséquence, la SOCIETE QUATREM Assurances à prendre en charge le paiement des échéances du contrat de prêt souscrit par Monsieur X... à compter de la date de sa mise à la retraite, la notification de ladite retraite ayant été faite par la CNRACL au 11 septembre 2011, et jusqu'au 65 ans révolus de Monsieur X...,

- CONDAMNER QUATREM assurance au paiement d'une somme de 5. 000 ¿ au regard de la résistance abusive dont elle a fait preuve, alors même que la jurisprudence de la Cour de Cassation est constante sur l'interprétation de ce type de clause,

- DEBOUTER la Société QUATREM ASSURANCES de toutes demandes, fins et conclusions contraires aux présentes,

- La CONDAMNER, outre aux dépens, à lui payer la somme de 2. 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.



Par conclusions en réponse en date du 30/ 10/ 2014, la Société QUATREM ASSURANCES COLLECTIVES sollicite la confirmation de la décision, et voir :

- DIRE ET JUGER que la mise à la retraite ou à la préretraite Monsieur X... par anticipation ne peut que conclure à la cessation des garanties du contrat d'assurance groupe souscrit auprès de la Société QUATREM ASSURANCES COLLECTIVES,

- DIRE ET JUGER que la clause invoquée par la Société QUATREM ASSURANCES COLLECTIVES est parfaitement valable et opposable à Monsieur X...,

- DIRE ET JUGER que l'état d'incapacité temporaire totale de travail de Monsieur X... a pris fin en décembre 2009,

En conséquence,

- DÉBOUTER Monsieur X... de sa demande tendant à voir la Société QUATREM ASSURANCES COLLECTIVES prendre en charge le paiement des échéances du contrat de prêt par lui souscrit à compter de sa date de mise à la retraite à savoir, le 11 septembre 2011 jusqu'à ses 65 ans révolus,

- Le DÉBOUTER également de sa demande tendant à voir condamner la Société QUATREM ASSURANCES COLLECTIVES au paiement d'une somme de 5 000 ¿ au regard d'une prétendue résistance abusive,

- METTRE la Société QUATREM ASSURANCES COLLECTIVES purement et simplement hors de cause,

- CONDAMNER Monsieur X..., outre aux dépens, au paiement de la somme de 3 000 ¿ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.



MOTIFS DE L'ARRÊT

Attendu que la notice d'information du contrat d'assurance souscrit par le CREDIT DU NORD auprès de QUATREM ASSURANCES COLLECTIVES et auquel a adhéré M. X..., et dont se prévaut l'assureur pour ne plus garantir ce dernier, stipule dans son paragraphe " FIN DE GARANTIES " que les garanties cessent notamment :
"- à son 65ème anniversaire en ce qui concerne les garanties incapacité de travail,
- à la date de sa mise en préretraite ou retraite, quelqu'en soit la cause, en ce qui concerne les garanties perte totale et irréversible d'autonomie et incapacité de travail " (pièce 2 de M. X...).

Attendu que l'état de santé de l'assuré n'est pas discuté, l'assureur excipant seulement de la mise à la retraite de ce dernier à compter du 11 septembre 2011.

Attendu qu'il est constant que M. X... a été placé en congé de longue durée du 11/ 09/ 2006 au 10/ 09/ 2011, avec moitié traitement à compter du 11 septembre 2009 (sa pièce 4) ;

Que selon l'arrêté pris le 25 octobre 2011 notifié à M. X... par son employeur, il lui était indiqué qu'ayant épuisé ses droits à congé longue durée le 10 septembre 2011, il était reconnu définitivement inapte à ses fonctions, était radié des cadres pour invalidité, et admis à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 11 septembre 2011 (voir arrêté) ;

Qu'il en résulte ainsi, que c'est au seul titre de son inaptitude au travail, que M. X... a été mis à la retraite et perçoit une pension vieillesse depuis le 11 septembre 2011, laquelle pour répondre aux motifs du jugement, suivant en cela l'argumentaire de l'assureur, ne le remplira pas de ses droits à prestations auxquels il aurait pu prétendre s'il avait exercé normalement son activité jusqu'à ce qu'il fasse valoir ses droits à la retraite.

Et attendu à cet égard, que par deux arrêts de revirement rendus les 13 juillet et 20 octobre 2005, la cour de cassation a estimé que la clause subordonnant la garantie à la perception par l'assuré de prestations espèces incapacité ou invalidité de son régime de sécurité social ne peut être interprétée que comme assimilant la pension vieillesse pour inaptitude au travail à la pension invalidité à laquelle elle est substituée ; qu'autrement dit, le statut de retraité pour inaptitude au travail ouvre droit à garantie au titre de l'ITT ;



Que par un arrêt du 22 mai 2008, la Cour suprême a eu l'occasion de rappeler qu'une telle clause, lorsqu'elle était susceptible de donner lieu à interprétation, devait conduire à lui donner le sens le plus favorable à l'assuré et qu'il y avait lieu de considérer que dès lors qu'était couvert le risque invalidité permanente et totale, la liquidation de la pension de retraite ne pouvait être regardée comme exclusive de la garantie de ce risque lorsque c'était la survenance de celui-ci qui était, comme c'est notre cas d'espèce, la cause de la décision de placer l'assuré en retraite anticipée.

Attendu qu'il s'évince de ce qui précède qu'en l'espèce, le terme de la garantie offerte par l'assureur fixé contractuellement notamment, à la mise à la retraite de l'assuré, ne trouve donc pas à s'appliquer en l'espèce, et qu'ainsi, la date de la fin de la garantie due par l'assureur à M. X... doit être fixée, tel que le contrat le prévoit également, soit à la fin finale prévue à l'origine de l'opération de crédit (dernière échéance figurant sur le tableau d'amortissement), soit à son 65ème anniversaire en ce qui concerne les garanties incapacité de travail, si l'amortissement du prêt n'était pas arrivé à son terme à cette date anniversaire ;

Que le jugement entrepris sera en conséquences, infirmé en toutes ses dispositions.

Attendu par ailleurs, que M. Bernard X... sollicite en outre la somme de 5 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, faisant valoir que l'assureur ne peut ignorer la jurisprudence constante de la Cour de cassation ;

Qu'il ne précise pas le fondement juridique sur lequel il entend former cette demande ;

Que toutefois, et quelque soit le fondement retenu, la mauvaise foi de l'assureur dans l'exécution de ses obligations doit être démontrée ;

Qu'en l'espèce, et eu égard à la nature de son préjudice, il est manifeste qu'il a entendu fonder sa demande sur l'article 1382 du Code civil et non sur celui de l'article 1153 al3 du même code, celui-ci subissant en effet, un préjudice indépendant du retard apporté à la prise en charge de ses échéances, puisqu'il a du faire face en outre, à sa maladie dans l'éventualité de laquelle pourtant, il avait précisément, en bon père de famille
souscrit une assurance en cas de sinistre, pour se garantir et garantir les siens dans un tel contexte forcément difficile à vivre ;

Que si la défense à une action constitue un droit, force est de constater qu'en l'espèce, l'attitude en défense adoptée par l'assureur contraignant M. X... à ester en justice pour faire reconnaître ses droits sur lesquelles d'une façon constante, la juridiction suprême s'est déjà prononcé depuis 2005, ce que ne peut effectivement ignorer l'assureur, ce dernier a manifestement, de mauvaise foi, retarder de manière dilatoire la prise en charge de son assuré ;

Qu'il sera alloué à Monsieur X... la somme de 4 000 ¿ à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;



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PAR CES MOTIFS
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LA COUR

Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

INFIRME le jugement entrepris,

Et STATUANT à nouveau,

DIT que la clause contractuelle de " Fin de garanties " opposée par la Société QUATREM ASSURANCES COLLECTIVES à Monsieur Bernard X... ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce,

DIT que la Société QUATREM ASSURANCES COLLECTIVES devra garantie à Monsieur Bernard X... jusqu'à la fin de l'amortissement de son prêt, et au plus tard à la date de son 65ème anniversaire et en cas de besoin, la CONDAMNE,

LA CONDAMNE également à payer à Monsieur Bernard X... la somme de 4. 000 ¿ à titre de dommages et intérêts, outre celle de 2. 500 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

LA CONDAMNE aux dépens de première instance et d'appel.



LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Marie-Christine MANAUD. Jean-Claude SABRON.

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