10 avril 2013
Cour d'appel de Paris
RG n° 11/13363

Texte de la décision

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS






COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 2- Chambre 1


ARRET DU 10 AVRIL 2013


(no 135, 6 pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 13363


Décision déférée à la Cour :
jugement du 29 avril 2011- Tribunal de Grande Instance d'EVRY-RG no 07/ 02134




APPELANT


Monsieur Pascal X...


...

23000 GUERET


représenté et assisté de Me Jacques BELLICHACH (avocat au barreau de PARIS, toque : G0334) et de Me Léna ETNER (avocat au barreau de PARIS, toque : B0154)






INTIMES


Monsieur Christian Y...


...

75017 PARIS


SELARL FIDUCIAIRE DE CONSEILS JURIDIQUES
17 rue Alfred Roll
75017 PARIS


SA COVEA RISKS SA à directoire et conseil de surveillance venant aux droits des MUTUELLES DU MANS ASSURANCES
19-21 allée de l'Europe
92616 CLICHY CEDEX


représentés et assistés de Me Edmond FROMANTIN (avocat au barreau de PARIS, toque : J151) et la SCP CORDELIER-RICHARD-JOURDAN (Me Jean-Pierre CORDELIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : P 399)




COMPOSITION DE LA COUR :


L'affaire a été débattue le 27 février 2013, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :


Monsieur Jacques BICHARD, Président
Madame Marguerite-Marie MARION, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller


qui en ont délibéré




Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN




ARRET :
- contradictoire


-rendu publiquement par Monsieur Jacques BICHARD, Président


-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


- signé par Monsieur Jacques BICHARD, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




******************




Le 9 avril 1997, la société DECOROP, représentée par son gérant, M. Gilbert Z... a cédé, aux termes d'un acte rédigé par Maître Christian Y..., avocat, son fonds de commerce d'achat et vente d'articles de cadeaux, décoration à l'EURL DECOROP, créée par M. Pascal X..., une clause de non-concurrence ayant été insérée dans ledit acte.


Le 3 mars 1999, l'EURL DECOROP a introduit devant le tribunal de commerce de Créteil, une demande d'annulation de cette cession pour dol, au motif que M. Gilbert Z... avait créé avec sa fille, quelques jours avant la vente de son fonds, une société dénommée SYLCADO dont l'activité était similaire à celle du fonds cédé.


Par arrêt infirmatif du 5 octobre 2001, cette cour a annulé le contrat de vente litigieux pour dol et a condamné in solidum M. Gilbert Z... et la société SYLCADO à restituer à la société DECOROP le prix de cession.


Par arrêt du 4 octobre 2006, la cour de Cassation a cassé cet arrêt, seulement en ce qu'il a condamné in solidum M. Gilbert Z... et la société SYLCADO à restituer à la société DECOROP le prix de cession, soit la somme de 1 000 000 francs avec intérêts au taux légal à compter du 3 mars 1999, date de la demande en justice ;


Par arrêt du 10 juin 2008, la cour d'appel de Versailles, cour d'appel de renvoi, a :
- déclaré Maître A..., ès qualités de mandataire liquidateur de l'EURL DECOROP, recevable en sa demande de dommages intérêts et a condamné M. Gilbert Z... à lui payer la somme de 75 000 euros de dommages intérêts avec intérêts au taux légal à compter de cet arrêt,
- débouté Maître A...de sa demande de dommages intérêts dirigée contre la société SYLCADO,
- déclaré Maître A...irrecevable en sa demande de dommages intérêts sur le fondement du refus de M. Gilbert Z... et de la société SYCADO de rembourser le stock,
- constaté l'annulation de la décision du 17 mars 2003 d'admission de la créance de l'EURL DECOROP au passif de la société SYLCADO,
- déclaré M. Gilbert Z... irrecevable en sa demande de condamnation de Maître A..., ès qualités, à lui payer la somme de 152 449, 02 euros,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens d'appel seront supportés par moitié par M. Gilbert Z... et Maître A..., ès qualités.


Ces circonstances étant rappelées, par actes du 13 mars 2007 et du 13 mars 2009, M. Pascal X... a fait assigner en responsabilité et indemnisation de son préjudice, M. Christian Y..., la société FIDUCIAIRE DE CONSEILS JURIDIQUES et la société MMA IARD, aux droits de laquelle se trouve désormais la société COVEA RISKS, devant le tribunal de grande instance d'Evry dont le jugement rendu le 29 avril 2011 est déféré à la cour.




***




Vu le jugement entrepris qui, avec exécution provisoire, a :
- condamné in solidum Maître Christian Y..., la société FIDUCIAIRE DE CONSEILS JURIDIQUES et la société COVEA RISKS à payer à M. Pascal X... la somme de 169, 14 euros avec intérêts au taux légal à compter de ladite décision, outre une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. Pascal X... du surplus de sa demande indemnitaire,
- condamné in solidum Maître Christian Y..., la société FIDUCIAIRE DE CONSEILS JURIDIQUES et la société COVEA RISKS aux dépens.


Vu la déclaration d'appel déposée le 15 juillet 2011 par M. Pascal X....


Vu les dernières conclusions :


< communiquées par la voie électronique par M. Christian X... le 24 janvier 2013 qui demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité de Maître Christian Y...et l'a condamné lui verser la somme de 169, 14 euros,
- infirmer ledit jugement en ce qu'il l'a débouté de ses autres demandes indemnitaires,
- condamner les intimés à lui verser la somme supplémentaire de 1 094 462, 72 euros et subsidiairement ordonner une mesure d'expertise sur ses préjudices,
- condamner les intimés à lui verser une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en sus de celle qui lui a été allouée à ce titre en première instance.


< déposées le 28 décembre 2012 par Maître Christian Y..., la société FIDUCIAIRE DE CONSEILS JURIDIQUES et la société COVEA RISKS qui demandent à la cour de :
- dire irrecevable et mal fondé M. Pascal X... en son appel,
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- condamner M. Pascal X... à leur payer, à chacun, une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.


Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 19 février 2013.




SUR QUOI LA COUR


Considérant qu'après avoir écrit dans leurs dernières conclusions (page 12) que " A l'évidence c'est le choix et l'abandon du fonds qui sont la cause du dommage dont se plaint M. X.... Dans les circonstances rapportées, l'avocat a légitimement contesté la faute qui lui est reprochée ", les intimés ajoutent : " Néanmoins le jugement dont il est demandé la confirmation ne sera pas remis en cause. " ;


que dans le dispositif de leurs dites conclusions ils demandent à la cour de " Confirmer le jugement en toutes ses dispositions " ;


Considérant qu'en l'état de ces énonciations dépourvues de toute ambiguïté, la cour ne peut que constater que le litige dont elle est saisie ne porte plus sur la faute reprochée par M. Pascal X... à Maître Christian Y...;


qu'il est donc acquis ainsi que le tribunal l'a retenu, que M. Christian Y..." a commis une faute en laissant Pascal X... acquérir le fonds de commerce en cause en insérant dans le contrat une clause de non concurrence sans l'informer du fait que quelques jours avant, le vendeur avait créé une société dont l'objet était identique au sien ce qui l'exposait à une concurrence, de fait Christian Y..., par son silence, s'est donc rendu complice du dol commis par Monsieur Z... " ;


que le dol dont a été victime M. Pascal X... et qui a été déterminant de son engagement a été sanctionné par l'annulation de la cession du fonds de commerce prononcée par cette cour dans son arrêt du 5 octobre 2001 ;
qu'en y participant Maître Christian Y...a ainsi nécessairement directement contribué à vicier le consentement de M. Pascal X... ;
qu'il a engagé sa responsabilité et doit réparer les conséquences dommageables qui en sont




personnellement résultées pour celui-ci, alors que la cour d'appel de Versailles a statué sur le préjudice subi par l'EURL DECOROP, représentée par son mandataire liquidateur ;


que dès lors M. Pascal X... qui n'aurait pas acquis le fonds de commerce litigieux et n'aurait donc pas constitué l'EURL DECOROP en vue de l'exploiter est fondé à obtenir le paiement de la somme de 45 734, 71 euros qu'il justifie, aux termes d'une attestation établie le 27 février 1997 par la BANQUE POPULAIRE DU CENTRE, avoir versée au titre des frais de constitution de l'EURL DECOROP ;


que l'EURL DECOROP a dû affronter dès l'origine de l'acquisition du fonds de commerce la concurrence directe de la société SYLDACO, constituée le 15 mars 1997 qui, au demeurant, n'était tenue d'aucun engagement de non concurrence ;


que cette situation concurrentielle a directement porté atteinte à la pérennité de l'EURL DECOROP et conduit à sa rapide déconfiture, alors même qu'aucun élément du dossier ne permet de rattacher celle-ci à des carences ou fautes de gestion imputables à M. Pascal X... ;


que de ce fait, celui-ci a non seulement subi une baisse de ses revenus à compter de l'année1998, laquelle est attestée par les avis d'imposition qu'il produit aux débats, mais également n'a pu procéder, avec profit, à la revente de son entreprise ;


qu'à cet effet, il ne peut lui être sérieusement reproché de ne pas avoir mis en oeuvre la clause de non concurrence dont il bénéficiait alors même qu'il avait été victime des agissements dolosifs accomplis par son vendeur avec la complicité de l'avocat et qu'il a triomphé en sa demande visant à l'annulation de la cession du fonds de commerce ;


que M. Pascal X... est donc fondé à obtenir l'indemnisation de ces deux préjudices qui sont directs et certains ;


que pour autant la mise en liquidation judiciaire de l'EURL DECOROP intervenue par jugement déclaratif du 18 mars 2003 rendu par le tribunal de commerce de Paris commande directement l'appréciation des préjudices subis ;


que par ailleurs M. Pascal X... ne peut être suivi dans le mode de calcul qu'il présente à l'appui de ses demandes ;


qu'en effet les projections de salaires sur 12 ans à compter de l'année 1997, en prenant pour base un revenu annuel de 50 000 euros, relèvent de la seule hypothèse et ceci d'autant qu'il ne justifie pas des sommes qu'il percevait avant la création de l'EURL DECOROP et que par ailleurs il a déclaré un revenu annuel d'un montant de 220 661 francs en 1997, soit, selon ses propres affirmations antérieurement au déclin de l'entreprise amorcé à partir de 1998 ;


qu'il en est de même de sa référence à un salaire moyen annuel perçu par un cadre responsable du service achat dans une entreprise et de l'évolution de carrière d'un tel salarié ;


qu'ainsi et sans qu'il soit nécessaire de recourir à une mesure d'expertise, il convient d'accorder à M. Pascal X... les sommes respectives de : 100 000 euros et 50 000 euros ;


Considérant que M. Pascal X... sollicite également la somme de 14 442, 62 euros qu'il indique avoir acquittée au titre des honoraires d'avocat ;


que les notes d'honoraires et factures produites aux débats concernent l'EURL DECOROP et sont relatives soit à sa constitution, soit au litige l'ayant opposé à M. Gilbert Z... et à la société SYLCADO ; qu'elles se rattachent ainsi directement à la faute commise par l'avocat ;


que le tribunal a accueilli cette demande à hauteur de la somme de 169, 14 euros ;


que les intimés qui écrivent dans leurs conclusions (page 14) : " La cour infirmant le jugement entrepris, jugera que c'est à tort que l'avocat a été condamné à payer cette très modeste somme ", ont cependant, comme il vient d'être constaté, demandé la confirmation du jugement en toutes ses dispositions ;


que néanmoins et au delà de cette contradiction, il s'avère que M. Pascal X... ne justifie avoir personnellement réglé que la somme de 5 000 francs (762, 25 euros) payée par mandat et celle de 1 093, 97 portée sur un relevé de comptes arrêté au 4 janvier 2001 ;
que les autres sommes dont il fait état ont été payées soit par ses parents soit par ses amis dont il ne démontre pas qu'il serait subrogé dans leurs droits ;
qu'en outre si la note d'honoraires du 15 janvier 1997 a été établie à son nom, M. Pascal X... ne peut pour autant pas démontrer qu'il l'a personnellement acquittée ;


que dans ces conditions l'indemnisation accordée au titre des frais d'avocat sera limitée à la somme de 1 856, 22 euros ;


Considérant que M. Pascal X... revendique aussi le versement à titre de dommages intérêts d'une somme de 40 000 euros en exposant qu'il a été condamné à rembourser à la BANQUE POPULAIRE la somme de 100 000 francs à hauteur de laquelle il s'était porté caution solidaire à l'occasion de l'emprunt d'un montant de 800 000 francs souscrit par l'EURL DECOROP auprès de cette banque, qu'il se trouve en état de surendettement, qu'il a été contraint de vendre le véhicule de luxe qu'il possédait, ses parents lui ayant payé une voiture d'occasion, que s'étant également porté caution de l'emprunt réalisé par l'EURL DECOROP, ses parents ont dû acquitter les sommes de 15 244, 90 euros et 7 622, 45 euros et ont ainsi en contrepartie fait bénéficier leur fille d'une donation d'un montant de 22 400 euros dont il a été privé dans la succession de son père, qu'enfin ayant cessé l'activité de l'EURL DECOROP en 2000, il n'a pu participer effectivement à l'activité d'une société en Andorre dans laquelle il détenait une participation à hauteur de 33 % ;


qu'il s'avère cependant que M. Pascal X... a bénéficié d'un effacement partielle de ses dettes par décision du juge d'instance de Guéret du 20 novembre 2006 ;


que par ailleurs la décision prise par ses parents de consentir une donation à leur fille résulte d'un choix qui n'était en rien commandé par leur situation de caution et la faute de Maître Christian Y...;


que tout autant M. Pascal X... ne démontre pas en quoi cette faute l'a directement empêché
de participer activement à la société implantée en Andorre et l'a contraint à se séparer de son véhicule automobile ;


que dans ces conditions la demande qu'il présente de ces chefs sera rejetée ;


Considérant que les sommes accordées à M. Pascal X... seront supportées par les trois intimés et qu'elles produiront intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;


Considérant que la solution du litige et l'équité commande d'accorder à M. Pascal X... et à lui seul une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 5 000 euros ;


PAR CES MOTIFS


Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :
- condamné in solidum Maître Christian Y..., la société FIDUCIAIRE DE CONSEILS JURIDIQUES et la société COVEA RISKS à payer à M. Pascal X... une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné in solidum Maître Christian Y..., la société FIDUCIAIRE DE CONSEILS JURIDIQUES et la société COVEA RISKS aux dépens.


L'infirme pour le surplus,


Et statuant à nouveau dans cette limite,


Condamne Maître Christian Y..., la société FIDUCIAIRE DE CONSEILS JURIDIQUES et la société COVEA RISKS à payer à M. Pascal X... les sommes de 45 734, 71 euros au titre des frais de constitution de l'EURL DECOROP, 1 856, 22 euros au titre des frais d'avocat, 100 000 euros au titre de la perte des salaires et cotisations de retraite et 50 000 euros au titre du préjudice lié à la perte de l'entreprise.


Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de l'assignation.


Condamne Maître Christian Y..., la société FIDUCIAIRE DE CONSEILS JURIDIQUES et la société COVEA RISKS à payer à M. Pascal X... une indemnité d'un montant de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.


Rejette toute autre demande.


Condamne Maître Christian Y..., la société FIDUCIAIRE DE CONSEILS JURIDIQUES et la société COVEA RISKS aux dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Bellichach, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.




LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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