3 avril 2012
Cour d'appel de Paris
RG n° 10/23901

Texte de la décision

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 3 AVRIL 2012

(no 112, 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 23901

Décision déférée à la Cour :
jugement du 10 novembre 2010- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 08/ 17186



APPELANTS

SOCIETE CIVILE MUTUELLE ASSURANCES DES COMMERCANTS & INDUSTRIELS DE FRANCE MACIF, représentée par son Président du Conseil d'Administration.
2 et 4 rue Pied de Fond
79037 NIORT CEDEX
représentée par la SELARL CABINET CORNELIE-WEIL NULL (Me Marie CORNELIE-WEIL) (avocats au barreau de VAL DE MARNE, toque : PC 201)
assistée de Me Sophonie GANTSOU, avocat au barreau de Compiègne
Selarl GUEVENOUX-GLORIAN



Monsieur Frédéric A...


...

60000 BEAUVAIS
représenté par la SELARL CABINET CORNELIE-WEIL NULL (Me Marie CORNELIE-WEIL) (avocats au barreau de VAL DE MARNE, toque : PC 201)
assisté de Me Sophonie GANTSOU, avocat au barreau de Compiègne
Selarl GUEVENOUX-GLORIAN

INTIMES

Compagnie d'assurances MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS, prise en la personne de ses représentants légaux
9 rue Hamelin
75783 PARIS CEDEX 16
représentée par la SCP BOMMART FORSTER-FROMANTIN (Me Edmond FROMANTIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : J151)
assistée de Me Marc FLINIAUX (avocat au barreau de PARIS, toque : D0146)

Monsieur Gérard D...


...

60000 BEAUVAIS
représenté par Me Pascale FLAURAUD (avocat au barreau de PARIS, toque : K 090)
assisté de la SELAS LARRIEU ET ASSOCIES (Me Alice GIRAULT) (avocats au barreau de PARIS, toque : J073)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 février 2012, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :

Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

qui en ont délibéré



Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN



ARRET :

- contradictoire
-rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



******************

A la suite d'un incendie survenu le 11 juin 1997, l'immeuble sis à Beauvais (Oise) appartenant aux consorts I...-J...et assuré auprès de la Mutuelle des Architectes Français (MAF), a été gravement endommagé, le deuxième étage de l'immeuble ayant été détruit.

Par jugement du tribunal correctionnel de Beauvais en date du 6 mai 1999, M. Frédéric A...et M. G...ont été condamnés pour avoir involontairement endommagé ledit immeuble et par ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Beauvais en date du 2 juillet 1998, M. Gérard D...a été désigné en qualité d'expert judiciaire avec mission de déposer un rapport sur les conditions dans lesquelles l'immeuble pouvait ou non être reconstruit et de chiffrer le coût de la réfection de l'immeuble.

L'immeuble a fait l'objet d'une procédure d'expropriation engagée le 12 avril 2002 par la ville de Beauvais qui se terminera le 17 février 2005, l'immeuble sera finalement entièrement démoli.

Après deux dires adressés par le conseil de la Mutuelle Assurance des Commerçants et Industriels de France, dite MACIF, M. D...a déposé son rapport le 23 novembre 2004 et entre-temps, les consorts I...-J...ont engagé un certain nombre de procédures à l'encontre de M. A...et de la MACIF aux fins d'obtenir l'indemnisation de leur préjudice matériel et immatériel, en ce compris les pertes de loyers subies depuis la survenance du sinistre.

De leur côté, M. A...et la MACIF, aux fins de voir chiffrer le préjudice matériel subi par les consorts I...-J...et de faire les comptes entre les parties, ont saisi le 21 juillet 2005 le tribunal de grande instance de Beauvais, lequel, par jugement du 23 avril 2007, a :- désigné M. H..., expert immobilier, pour donner son avis sur la valeur actuelle de cet immeuble s'il n'avait pas été détruit, compte tenu de son état, de son agencement, de sa distribution et des revenus locatifs qu'il procurait au jour du sinistre,
- fixé la créance des consorts I...-J...au titre de l'indemnisation des pertes de loyers pour la période du 11 avril 2003 au 17 février 2005 à la somme de 196 217, 15 €,
- statué sur les intérêts et sur diverses demandes des consorts I...-J..., sursis à statuer sur d'autres demandes de ces derniers,
- fixé à 6000 € pour M.
I...
et 3000 € pour Mlle
J...
les créances de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral,
- sursis à statuer sur l'établissement des comptes entres les parties.

Sur appel interjeté par les consorts I...-J..., par arrêt du 10 septembre 2009, la cour d'appel d'Amiens a, sans surseoir dans l'attente de l'expertise, réformé le jugement sur le montant du préjudice moral de M.
I...
et par arrêt du 9 décembre 2010, la cour de cassation a cassé partiellement l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens, sur la créance des propriétaires, et renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Douai.

M. H...a poursuivi ses opérations et a finalement déposé son rapport le 12 mars 2010, concluant à une valeur actuelle du bien, s'il n'avait pas été détruit, de 1 150 000 €.

Le tribunal de grande instance de Beauvais ayant maintenu son sursis à statuer, le litige n'est donc pas définitivement réglé entre les propriétaires d'une part et M. A...et la MACIF d'autre part, il reste à fixer le préjudice matériel définitif, toutefois le 2 janvier 2010, la MACIF a adressé aux propriétaires un chèque de 215 169, 09 €, au titre de la perte de loyers d'avril 2003 à Février 2005 et des intérêts légaux.

C'est dans ces conditions que M. A...et la Macif ont le 7 novembre 2007 assigné M. D...et son assureur la MAF devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de les voir dire entièrement responsables du préjudice par eux subi, au regard du comportement fautif de M. D...dans le déroulement des opérations d'expertise, en particulier pour non respect de l'article 239 du code de procédure civile, reprochant essentiellement à l'expert d'avoir déposé son rapport, au demeurant inexploitable, plus de six années après sa saisine, aggravant ainsi l'étendue des dommages qu'ils sont tenus de réparer en raison de la dégradation progressive de l'immeuble.

Par jugement en date du 10 novembre 2010, le tribunal a :
- rejeté la demande de sursis à statuer,
- débouté M. Frédéric A...et la MACIF de leurs demandes,
- débouté M. Gérard D...de sa demande reconventionnelle,
- condamné in solidum M. A...et la MACIF à verser à M. D...et à la MAAF une somme de 2500 € chacun en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et déclaré sans objet leurs demandes fondées sur ce texte,
- laissé les dépens à la charge des demandeurs.

CELA ETANT EXPOSE, la COUR :

Vu l'appel interjeté le 10 décembre 2010 par M. A...et la MACIF,

Vu les conclusions déposées le 12 décembre 2011 par les appelants qui demandent, infirmant le jugement déféré, de :
- dire que M. D..., expert judiciaire, dont l'assureur est la Mutuelle des Architectes Français, a, en déposant son rapport d'expertise judiciaire dans un délai déraisonnable, commis une faute en lien de causalité directe avec les préjudices dont les concluants sont fondés à demander réparation, engageant en conséquence sa responsabilité civile professionnelle à leur égard,
- à titre principal, ordonner le sursis à statuer sur le montant des dommages et intérêts à leur allouer en réparation du préjudice subi dans l'attente de la résolution définitive du litige opposant M. A...et la MACIF d'une part à M.
I...
et Mlle
J...
d'autre part, concernant l'indemnisation des préjudices matériel et immatériel subis par ces derniers,
- à titre subsidiaire, si la juridiction s'estime suffisamment informée sur l'étendue de leur préjudice, condamner solidairement M. D...et la MAF à leur verser une somme qui ne pourrait être inférieure à 586 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis, somme susceptible d'être augmentée en fonction du chiffrage définitif réalisé dans le cadre de l'établissement des comptes entre les parties MACIF/
I...
,
- dans tous les cas, dire que les condamnations prononcées seront majorées des intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2007, date de l'exploit introductif d'instance, conformément aux dispositions de l'article 1153-1 du code civil, en ordonnant la capitalisation des intérêts échus, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,
- débouter M. D...de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts,
- condamner solidairement M. D...et la MAF à leur verser la somme de 12000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer tous les dépens,

Vu les conclusions déposées le 25 octobre 2011 par M. D..., intimé, qui demande la confirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle l'a débouté de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive et préjudice moral en découlant, statuant à nouveau sur ladite demande reconventionnelle, la condamnation in solidum des appelants à lui payer la somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts, celle de 10 000 € en cause d'appel au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens de première instance et d'appel,

Vu les conclusions déposées le 16 novembre 2011 par la MAF, intimée, qui demande la confirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris, subsidiairement de dire que les garanties de la Mutuelle des Architectes Français s'appliqueront dans les limites et conditions de la police qui comprend une franchise et sans excéder la somme de 500 000 € au titre du plafond de garantie, avec condamnation solidaire de la MACIF et de M. A...à lui payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer tous les dépens.

SUR CE :

Sur la demande de sursis à statuer :

Considérant que les appelants ont procédé dans leurs écritures à un rappel des diverses procédures les ayant opposés aux consorts I...-J...; qu'il s'agit des instances suivantes ;
1- ordonnance du 30 décembre 1999 du juge des référés du tribunal de grande instance de Beauvais qui a condamné in solidum M. A...et la MACIF à verser aux consorts I...-J...la somme complémentaire de 1 819 000 frs (277 304, 76 €) par provision sur la réparation de leur préjudice matériel et immatériel,
2- ordonnance du 10 Janvier 2002 du président du tribunal de grande instance de Beauvais qui a autorisé les consorts I...-J...à faire procéder à la démolition de l'immeuble sinistré, a condamné in solidum M. A...et la MACIF à payer aux consorts I...-J...la somme de 69 787 € par provision sur le coût de la démolition de l'immeuble et 21414 € par provision sur frais de maîtrise d'oeuvre, outre la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
3- jugement du 4 novembre 2002 du tribunal de grande instance de de Beauvais qui a condamné in solidum M. A...et la MACIF à payer aux consorts I...-J...la somme de 251 253, 04 € au titre de la perte de loyers arrêtée au 10 avril 2002, outre les entiers dépens et la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
4- jugement du 19 avril 2004 dudit tribunal qui a condamné in solidum M. A...et la MACIF à payer aux consorts I...-J...les sommes de 111 291, 56 € au titre des pertes de loyer pour la période du 10 avril 2002 au 10 avril 2003, de 52 629, 31 € au titre des agios et frais bancaires, de 113 259, 56 € au titre des différents débours,
soit, au titre de ces 4 décisions, des condamnations in solidum pour la somme totale, en principal de 896 939, 58 €.
5- ordonnance de référé du 26 mai 2005 par laquelle le juge des référés s'est déclaré incompétent et a débouté les consorts I...-J...de leurs demandes, en les condamnant aux dépens et à payer à la MACIF la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Considérant que les appelants, au regard tant de ces instances que de l'instance sus-rappelée par eux engagée le 21 juillet 2005, toujours pendante devant la cour d'appel de Douai, cour de renvoi, faisant valoir que les juges du fond n'ont pas encore fixé le préjudice matériel définitif des consorts I...-J..., que par décision du 18 octobre 2010, le juge de la mise en état près le tribunal de grande instance de Beauvais a ordonné le sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir, soutiennent qu'il convient, à titre principal, si le comportement fautif de M. D...est établi, d'ordonner le sursis à statuer concernant l'indemnisation des préjudices par eux subis et imputables à M. D...et son assureur, lesquels ne pourront être appréciés que par comparaison avec les sommes allouées aux consorts I...-J...et celles qui auraient pu leur être allouées si M. D...avait déposé son rapport dans un délai raisonnable ;

Considérant toutefois que, comme l'ont pertinemment estimé les premiers juges, il est possible d'examiner, sans qu'il soit nécessaire de surseoir à statuer, si M. D...a ou non commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité civile professionnelle ; qu'en effet le chiffrage du préjudice total des consorts I...-J...n'a aucune incidence sur l'appréciation de la responsabilité ; qu'en conséquence cette demande sera rejetée ;

Sur les manquements reprochés à M. D...:

Considérant que les appelants, sur le fondement des dispositions de l'article 239 du code de procédure civile et des articles 1382 et 1383 du code civil, recherchent la responsabilité civile professionnelle de l'expert et de son assureur, reprochant essentiellement à l'expert d'avoir déposé son rapport près de 6 ans et demi après sa désignation, c'est à dire dans un délai particulièrement anormal ; que rappelant que si certes le délai de trois mois qui lui était imparti à l'origine pour déposer son rapport, aurait nécessairement fait l'objet d'une prolongation justifiée de six mois et que sans doute un délai total de deux années pouvait constituer un délai raisonnable, soit un dépôt du rapport au plus tard le 30 juin 2000, M. A...et la Macif considèrent qu'à compter du rendez-vous du 21 janvier 2000 l'expert est resté passif et n'a plus effectué aucune diligence réelle jusqu'en 2004, ce qui les a contraint à saisir tant l'expert que le magistrat chargé du contrôle des expertises près le tribunal de grande instance de Beauvais le 18 mai 2004, seule cette initiative de leur part ayant conduit M. D...à réorganiser une réunion le 20 juillet 2004, puis, après qu'ils se soient à nouveau manifestés auprès de ce dernier le 31 août 2004, à déposer ses conclusions le 23 novembre 2004 ; qu'un dépôt dans un délai raisonnable aurait nécessairement conduit à un montant total des indemnités allouées aux consorts I...-J...inférieur à celui auquel ils sont tenus, outre le fait que le rapport est, du seul fait de ce défaut de diligence, inexploitable à ce jour ; qu'ils se sont donc heurtés à l'inertie de l'expert, lequel n'a imposé aucun délai strict aux parties et plus particulièrement aux consorts I...-J...pour communiquer tel ou tel document, eux-mêmes ne pouvant se voir reprocher d'être taisants ou de s'être désinteressés du dossier, n'étant que défendeurs au procès et à l'expertise ;

Considérant que les appelants reprochent en conséquence à la décision déférée d'avoir fait une inexacte appréciation de la difficulté dès lors que les premiers juges ont considéré qu'il appartenait aux parties de se manifester et de relancer l'expert alors qu'il est de principe qu'il incombe à l'expert de se préoccuper des délais et d'interroger le juge chargé du contrôle des expertises pour demander s'il doit déposer ou non en l'état ; que d'ailleurs l'article 239 du code de procédure civile prévoit que le technicien doit respecter les délais qui lui sont impartis ;

Considérant que sur le rapport, les appelants font valoir qu'il comporte d'importantes lacunes ayant entraîné les parties dans des procédures qui sont encore en cours, qu'il ne s'agit pas d'un travail de qualité avec un chiffrage sans ambiguïté, alors que s'il avait été déposé dans un délai raisonnable, la question de la reconstruction ou de la réhabilitation n'aurait pas eu à se poser, permettant de trouver rapidement une issue soit amiable soit judiciaire au litige ;

Considérant que M. D...conteste avoir commis un quelconque manquement, rappelant que le caractère raisonnable de la durée d'une expertise, comme celui d'une procédure, doit s'apprécier certes au regard du comportement de l'expert lui-même mais encore au regard de la complexité de l'affaire et du comportement des parties ; qu'il souligne que l'immeuble sinistré, comportant un rez-de-chaussée, deux étages et 37 lots, pour une surface habitable totale de 888, 10 m2, presque entièrement loué et rapportant à ses propriétaires un revenu locatif annuel de 622 464 Frs (94 894 €), a eu son deuxième étage, comportant 16 chambres, entièrement détruit ; que la reconstruction de cet étage d'abord envisagée, pour un chiffrage refusé par les propriétaires de l'immeuble et pour une date d'achèvement soumise, ainsi que l'a relevé le juge des référés, à de nombreuses inconnues, a été suivie de difficultés et rebondissements puisque ce projet de reconstruction a été ensuite abandonné ; que non seulement, le concluant a été actif dans ses diligences jusqu'en janvier 2000, demandant la confirmation, pour cette période, de l'analyse faite par les premiers juges, d'ailleurs non contestée par les appelants, mais qu'encore, il explique avoir été dans l'impossibilité de déposer son rapport à l'issue de la réunion du 21 janvier 2000, les propriétaires, au regard de la gravité de la situation résultant de la persistance de l'humidité affectant les ouvrages épargnés par l'incendie (progression de l'eau dans les murs de structure du premier étage vers ceux du rez-de-chaussée, briques creuses gorgées d'eau, dommages aux cloisons de distribution et aux plafonds) ayant décidé de faire appel à un bureau de contrôle, le bureau VERITAS, pour le diagnostic des structures, lequel recommandera la démolition des structures restantes et la reconstruction du bâtiment ; que dès lors, s'ouvrira la seconde phase des opérations d'expertise marquée par la démolition des ouvrages subsistants suivie de l'expropriation de l'immeuble, avec une opposition des assureurs au principe de la démolition, d'où un retard d'obtention du permis de démolir et la mise en place d'une procédure d'expropriation paralysant pour les propriétaires la délivrance du permis de construire et tout projet de reconstruction, ainsi que par voie de conséquence son expertise judiciaire ayant pour objet de contrôler le coût de la reconstruction ; qu'à ce propos, l'expert, dans sa note aux parties No 11 du 7 mars 2003, a écrit au magistrat chargé du contrôle des expertises et à l'ensemble des parties, note très explicite n'ayant suscité aucune réaction de la part de la MACIF, ni en cours d'expertise, ni en première instance ni en cause d'appel ; que l'expert établira une note aux parties No 12, le 7 juillet 2004 rappelant que le projet de reconstruction dont il devait contrôler le coût était paralysé par la procédure d'expropriation, le magistrat lui demandant, même, devant l'insistance de la MACIF, de chiffrer les deux solutions (réparation à l'identique du deuxième étage de l'ancien bâtiment et reconstruction d'un nouveau bâtiment), ce sur quoi il a donné son avis avant de convoquer les parties à la réunion du 20 juillet 2004 ; qu'ainsi l'intimé soutient qu'il ne saurait avoir engagé sa responsabilité pour le retard constaté dans le déroulement des opérations d'expertise, dans ce contexte et du fait de l'attitude attentiste et du désintérêt de la MACIF pour l'expertise, dès lors qu'elle n'entendait, pourtant informée du coût de la reconstruction, formuler aucune offre d'indemnisation à la mesure de la gravité du dommage ; qu'il ajoute qu'il n'existe en tout état aucun lien de causalité entre la durée de l'expertise et l'aggravation des dommages, dès lors que seule l'humidité, trouvant sa cause dans le volume d'eau déversé sur l'immeuble par les pompiers pour maîtriser l'incendie et le retard de bâchage de l'immeuble, effectué seulement en octobre 1997, ce dernier imputable exclusivement aux assureurs comme l'ont déclaré les juridictions saisies, ont entraîné cette aggravation, lui-même n'étant désigné qu'en juillet 1998 ;

Considérant que les premiers juges, s'agissant de la période entre juillet 1998 et janvier 2000, ont justement écarté tous les griefs d'inertie formulés à l'encontre de l'expert, ce dernier ayant tenu 7 réunions d'expertise ; que d'ailleurs ils relèvent encore que l'expert ne pouvait déposer son rapport du fait de l'humidité apparue à partir de novembre 1998, persistant jusqu'en avril 1999, et du fait des difficultés soulevées par l'assureur quant à l'imputabilité, puis du litige opposant les propriétaires et l'assureur sur la réfection aux normes actuelles ; que si la rédaction du dernier motif de fond de la décision ne peut être totalement approuvée en ce qu'il peut sembler que les premiers juges mettraient ainsi directement à la charge des parties une obligation de relancer l'expert pour l'inciter à déposer son rapport, c'est à dire de devoir veiller elles-mêmes au respect des délais, alors que cette obligation de diligence relève effectivement de la responsabilité propre de l'expert, pour autant la décision analyse exactement la situation de fait durant la période s'ouvrant à partir de Janvier 2000, sur laquelle porte l'essentiel des critiques des appelants ; que le grief selon lequel les opérations d'expertise n'auraient connu alors aucun progrès, soit du 21 janvier 2000 au 20 juillet 2004, date d'une nouvelle réunion, alors pourtant que par une note du 6 décembre 1999, l'expert avait proposé une estimation du coût de reconstruction, ce qui lui aurait donc permis de terminer plus rapidement ses opérations, ne correspond nullement aux circonstances ; qu'en effet, après la réunion du 21 janvier 2000, M. D...n'est pas resté inactif ; qu'il a demandé aux parties de lui justifier de leurs propositions, qu'il a reçu la note des consorts I...-J...le 27 septembre 2000 avec le rapport du bureau VERITAS qui préconisait la démolition puis la reconstruction de l'immeuble aux normes actuelles et l'expert a, au vu d'éléments complémentaires transmis le 7 mars 2001, adressé aux parties une nouvelle note le 17 mars 2001 estimant le coût des travaux à 345 000 € HT ; qu'il est constant que c'est la MACIF, dont le conseil n'avait pas assisté à la réunion du 21 janvier 2000, qui n'a pas donné suite aux différentes notes ultérieures, dont celles des 5 avril, 27 septembre et 19 décembre 2000, ni davantage indiqué sa position après la note du 17 mars 2001 ; qu'un tel désintérêt de la procédure, dans un contexte dont M. D...a très clairement démontré par ses explications précises sus-rappelées qu'il était pour des raisons objectives, à la fois techniques et juridiques, paralysé dans ses opérations, suffit à établir l'absence de tout retard fautif imputable à l'expert, étant notée l'absence au surplus en l'occurrence de tout préjudice qui pourrait être en lien direct avec l'attitude dudit expert ;

Sur la demande reconventionnelle de M. D...:

Considérant que l'intimé conteste l'appréciation des premiers juges qui l'ont débouté de la demande de dommages et intérêts par lui formée pour procédure abusive et préjudice moral en faisant valoir que les appelants, qui n'ont jamais répondu à ses explications relatives à la procédure d'expropriation paralysant le déroulement de l'expertise judiciaire, notamment la MACIF qui n'est pas un plaideur ordinaire, n'ont pas respecté des principes élémentaires de loyauté envers l'autorité judiciaire et ont engagé l'action avec une légèreté blâmable préjudiciable au concluant, né en 1947 et à l'aube de la retraite ; qu'il fait valoir qu'il en est résulté pour lui un important préjudice moral du fait des tourments et de l'inquiétude sournoise et permanente dans laquelle il a été placé ;

Considérant toutefois que si la présente procédure repose sur une argumentation mal fondée en ses divers volets, ce qui lui confère un caractère effectivement très désagréable pour le professionnel recherché qui est alors contraint de se défendre en justice, pour autant elle ne relève pas de l'abus du droit d'ester en justice, seul à pouvoir, lorsqu'il est démontré, conférer à l'instance engagée le caractère d'une procédure abusive ; que ce chef de demande sera en conséquence rejeté ;

Considérant que le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions et les dépens d'appel supportés par les appelants ;

Considérant en revanche qu'il serait inéquitable de laisser aux intimés la charge des frais irrépétibles qu'ils ont été contraints d'exposer et qu'en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, M. A...et la MACIF seront condamnés in solidum à payer sur ce fondement à M. D...la somme de 10 000 € et à la MAF la somme de 5000 € ;

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. A...et la MACIF, déboutés de leurs demandes sur ce même fondement, à payer à M. D...la somme de 10 000 € et à la MAF la somme de 5000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. Frédéric A...et la Mutuelle Assurances des commerçants et industriels de France, dite MACIF, à payer les dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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