29 février 2012
Cour d'appel de Bastia
RG n° 09/00934

Texte de la décision

Ch. civile A

ARRET No

du 29 FEVRIER 2012

R. G : 09/ 00934 R-PYC

Décision déférée à la Cour :
jugement du 08 juin 2009
Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO
R. G : 08/ 473


Y...


C/

CAISSE REGIONALE DE CREDIT MUTUEL DE LA CORSE

X...




COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU

VINGT NEUF FEVRIER DEUX MILLE DOUZE

APPELANT :

Monsieur Dieudonné Jean Jacques Y...

né le 10 Juin 1942 à ELSENNE (BELGIQUE)

...

17000 DILBEEK-BELGIQUE

ayant pour avocat la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avocats au barreau de BASTIA, et Me Antoine pierre CARLOTTI, avocat au barreau d'AJACCIO



INTIMES :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT MUTUEL DE LA CORSE
prise en la personne de son représentant légal
Avenue Napoléon III
BP 308
20193 AJACCIO CEDEX

ayant pour avocat la SCP JOBIN, avocats au barreau de BASTIA, et
la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOCIES, avocats au barreau d'AJACCIO, plaidant en visioconférence,



Monsieur Claude X...

né le 12 Mai 1947 à AJACCIO (20000)

...

20138 COTI CHIAVARI

ayant pour avocat la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avocats au barreau de BASTIA, et Me Richard ALEXANDRE, avocat au barreau d'AJACCIO



COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 janvier 2012, devant Monsieur Pierre Yves CUZIN, Vice-Président placé près Monsieur le Premier Président, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Julie GAY, Président de chambre
Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller
Monsieur Pierre Yves CUZIN, Vice-Président placé près Monsieur le Premier Président



GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Marie-Jeanne ORSINI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 29 février 2012



ARRET :

Contradictoire,

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Julie GAY, Président de chambre, et par Madame Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



*

* *
Par acte d'huissier en date des 15 et 21 avril 2008 Jean Y... a assigné Claude X...et la CRCAM devant le tribunal de grande instance d'AJACCIO pour obtenir que soit prononcée la nullité d'un jugement d'adjudication du tribunal de grande instance d'AJACCIO en date du 7 février 2008, que le CREDIT AGRICOLE soit déclaré responsable de cette nullité, que Jean Y... soit relevé de toutes les obligations découlant du jugement du 7 février 2008 en qualité d'adjudicataire malheureux et de bonne foi, que le CREDIT AGRICOLE soit condamné à lui payer la somme de 10. 000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que 3. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



Par jugement en date du 8 juin 2009 ce tribunal a déclaré régulier le jugement d'adjudication du 7 février 2008, a débouté Dieudonné Y... de l'ensemble de ses demandes, et l'a condamné à payer à la CRCAM prise en la personne de son représentant la somme de 750 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.



Par déclaration en date du 30 octobre 2009 Dieudonné Y... a relevé appel de cette décision.



Dans ses écritures en date du 3 février 2010 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses prétentions, il expose qu'il s'est déclaré adjudicataire en vertu d'un jugement d'adjudication sur surenchère en date du 7 février 2006 des biens saisis sur la poursuite du CREDIT AGRICOLE appartenant à Monsieur et Madame Claude X...et consistant en une parcelle de terre cadastrée section B numéro 770 d'une contenance de 13 ares et une construction y édifiée sur la commune de COTI-CHIAVARI, ..., moyennant le prix de 700. 000 euros ;

Que cette parcelle cadastrée B 770 formait le lot 12 du lotissement sous le no B56 selon le cahier des charges de la vente ;

Qu'elle appartenait aux époux X...suivant acte authentique de vente du 30 juin 1987 ;

Qu'après adjudication, Dieudonné Y... s'est rapproché de Claude X...qui par courrier en date du 26 février 2008 a répondu que la parcelle B 770 achetée ne constituait qu'une partie de propriété qui en fait était constituée de deux autres parcelles cadastrées B 1920 et B 1922 d'une surface totale de 3 ares 31 centiares formant deux bandes de terre parallèles à la voie d'accès, côté entrée de la propriété ;

Que la propriété vendue à la barre, amputée de cette bande de terrain, n'avait plus d'accès au garage ni même d'accès pédestre ;

Que les deux parcelles B 1920 et B 1922 avaient été achetées à la commune par Monsieur X...par acte authentique reçu le 11 décembre 2006 pour la somme de 1. 200 euros ;

Que le CREDIT AGRICOLE avait été parfaitement informé par la visite de son expert et l'huissier A...qui avaient évalué la propriété et dressé procès-verbal le 24 avril 2004 ; que le CREDIT AGRICOLE avait en effet pris une sûreté provisoire sur les deux parcelles B 1920 et B 1922 le 229 janvier 2008 ; qu'il avait malgré tout poursuivi la vente ;

Que l'erreur est une cause de nullité lorsqu'elle porte sur les qualités substantielles de la chose en considération desquelles il a été contracté, et si elle est excusable ;

Qu'il ne peut être contesté que la propriété que Monsieur Y... pensait avoir acquise n'est pas celle qui a fait l'objet de la saisie immobilière qui porte exclusivement sur la parcelle 770, alors que la configuration de la propriété des époux X...telle que décrite dans le procès-verbal de Maître A...du 29 avril 2004 est visuellement identique à celle de 2008 et d'aujourd'hui ; que la description de Maître A...parlait bien de la parcelle 770 avec clôture identique à celle d'aujourd'hui ; qu'aucun acquéreur potentiel ne pouvait deviner que la propriété était désormais composée de trois parcelles ;



Que le CREDIT AGRICOLE était dans l'obligation d'informer tout tiers acquéreur par un dire.



En conséquence il demande à la Cour l'infirmation du jugement du 8 juin 2009 en toutes ses dispositions, que soit prononcée en application de l'article 1110 du code civil la nullité du jugement d'adjudication du 7 février 2008, de déclarer responsable le CREDIT AGRICOLE de cette nullité, de relever Monsieur Y... de toutes ses obligations en qualité d'adjudicataire découlant du jugement du 7 février 2008, de condamner le CREDIT AGRICOLE à lui payer la somme de 10. 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre 3. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.



Dans ses conclusions en date du 14 mai 2010 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses prétentions, Claude X...fait valoir que la propriété n'a pas évolué dans sa configuration visuelle mais seulement sur le plan juridique et parcellaire ;

Qu'en effet au début des années 2000 la commune de COTI-CHIAVARI s'était rapprochée de lui pour lui indiquer que son lot présentait une superficie supérieure à la superficie initiale du lot 12 ; que le différentiel formait les parcelles B 1920 et B 1922 d'une surface respective de 1 are 53 centiares et 1 are 78 centiares qui appartenaient à la commune en vertu d'actes authentiques des 28 mars 2003 et 5 septembre 2005 ; que la commune avait diligenté un géomètre expert pour établir un plan d'arpentage démontrant que les deux parcelles apparaissaient sous l'emprise apparente du lot 12 ;

Qu'en conséquence il avait le 11 décembre 2006 fait l'acquisition des deux parcelles qu'il occupait à tort pour le prix de 1. 200 euros ;

Que si on enlève les parcelles 1920 et 1922 la propriété perd toute sa partie sud et tout accès au garage et à la maison et se coupe de l'ouverture sur la voie publique ;

Que la banque n'ignorait pas cette particularité puisqu'elle a sollicité une hypothèque complémentaire ;

Que c'est parce que la confirmation des lieux n'a pas changé que l'adjudicataire a cru acquérir la propriété telle que visitée en 2004 ; que même une lecture approfondie des documents qui sont destinés à informer tout adjudicataire éventuel ne permettait pas de se rendre compte de l'erreur avérée.



Il conclut donc à la réformation du jugement querellé en toutes ses dispositions, à ce qu'il soit déclaré hors de cause, et qu'il lui soit donné acte qu'il adhère à la nullité sollicitée.

Il réclame la condamnation du CREDIT AGRICOLE à lui payer la somme de 3. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et que les entiers dépens soient mis à la charge de la banque.



Dans ses conclusions du 15 décembre 2010 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de la procédure et de ses prétentions, le CREDIT AGRICOLE expose qu'après plusieurs recours et demandes de renvoi Dieudonné Y... a finalement été déclaré adjudicataire du bien sur surenchère le 8 février 2008 ;

Qu'il n'a réglé ni les frais, ni le prix ;

Qu'à l'extrait du plan délivré par le service du cadastre le 25 mars 2004 dans le cadre de la procédure de saisie immobilière, le lot no12 cadastré B 770, acheté par Monsieur X...le 30 juin 1987, apparaît parfaitement identifié et en bordure immédiate de la voie d'accès, comme le confirme le procès-verbal descriptif ;

Que Dieudonné Y... et Monsieur et Madame X...se connaissent depuis de nombreuses années et étaient associés dans la société Centre de Lavage de la Rocade, immatriculée le 7 juin 2000 ;

Que Dieudonné Y... est venu épauler Monsieur X...en formant surenchère, puis en ne procédant pas aux formalités de mise en adjudication qui lui incombaient, puis en demandant des reports ;

Que Dieudonné Y... ne lève aucun doute quant à son aptitude à régler le prix et les frais de son achat alors que l'enquête diligentée par le CREDIT AGRICOLE a évalué ses revenus à 1. 219 euros par mois ;

Que Monsieur X...a enclavé frauduleusement le bien saisi et s'est frauduleusement concerté avec Monsieur Y... ;

Que les manipulations de Monsieur X...sont inopposables au CREDIT AGRICOLE ;

Que Monsieur et Madame X...ont acquis le lot no12 dans un lotissement dont le cahier des charges a été établi le 2 juin 1960 et publié le 28 juin 1960 qui précise que le lot a une façade sud d'une longueur de 54 mètres environ limitrophe avec le chemin de service, conformément au plan topographique du lotissement qui se superpose avec le plan cadastral obtenu avant la saisie immobilière.



Le CREDIT AGRICOLE demande donc à la Cour :

- de constater que l'acte d'acquisition du 11 décembre 2006 invoqué par Monsieur X...est inopposable en droit et en fait au CREDIT AGRICOLE ainsi qu'à Dieudonné Y...,

- de juger qu'aucune erreur sur les qualités substantielles du bien ne peut être imputée au CREDIT AGRICOLE,

- de déclarer Dieudonné Y... irrecevable et mal fondé en son action en nullité au visa de l'article 1110 du code civil,

- de confirmer le jugement déféré,

- y ajoutant, de condamner Monsieur Y... à lui payer 10. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, ainsi que 3. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- de mettre à la charge de Dieudonné Y... les entiers dépens.



L'instruction a fait l'objet d'une ordonnance de clôture en date du 10 février 2011.



*

* *

SUR QUOI :



Attendu qu'aux termes de l'article 1110 du code civil l'erreur n'est une cause de nullité d'une convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet ;



Attendu que Dieudonné Y... est devenu adjudicataire du lot no 12 appartenant à Claude X..., d'une contenance de 13 ares tel qu'il est décrit dans le cahier des charges du lotissement dressé par Maître F..., c'est à dire tenant notamment au sud sur un chemin de service sur une façade de 54 mètres environ et tel qu'il a pu le visiter et le vérifier dans le procès-verbal de constat descriptif en date du 29 avril 2004 ;



Attendu qu'il est constant que ce lot no12 a depuis l'origine c'est à dire depuis l'acte de lotissement publié le 28 juin 1960 son emprise non seulement sur la parcelle 770 comme porté sur les différents actes mais aussi sur les parcelles B 1920 et B 1922 ; que par acte authentique en date du 11 décembre 2006 Claude G...a levé toute ambiguïté en achetant à la commune de COTI-CHIAVARI les parcelles B 1920 et B 1922 ; que désormais la réalité physique du lot no12 est en parfaite adéquation avec la réalité cadastrale ;

Que par ailleurs le CREDIT AGRICOLE a par acte en date du 28 janvier 2008 dénoncé à Claude X...une inscription d'hypothèque provisoire sur les parcelles B 1920 et B 1922 ; que le lot no 12 dont Claude X...était en possession depuis plus de trente ans directement et par son auteur, conformément aux articles 2255, 2258, 2261 et 2265 du code civil, fait maintenant l'objet de deux titres de propriété qui se complètent ;

Que le fait que ce lot soit constitué d'une parcelle cadastrale comme au départ de la procédure de saisie ou de trois parcelles cadastrales est sans conséquence sur la substance même de la chose objet de l'adjudication au sens de l'article 1110 du code civil ; que Dieudonné Y... n'a commis aucune erreur sur cette substance puisqu'il s'est, de son propre aveu, rendu adjudicataire du bien qu'il désirait acquérir ; que rien d'ailleurs ne permet de penser, en l'état des pièces versées aux débats qu'il ne pourra pas en prendre possession ;



Attendu que dès lors il y a lieu de confirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions ;



Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la CRCAM la totalité des frais irrépétibles entraînés par l'instance ; qu'il convient de condamner Dieudonné Y... à lui payer la somme de 1. 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;



Attendu que Dieudonné Y... qui succombe sera condamné aux dépens d'appel ;

*

* *

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :



Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y rajoutant,

Condamne Dieudonné Y... à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1. 500 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Dieudonné Y... aux dépens d'appel.



LE GREFFIER LE PRESIDENT

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