10 janvier 2012
Cour d'appel de Lyon
RG n° 10/04326

Texte de la décision

R.G : 10/04326

COUR D'APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRET DU 10 Janvier 2012



Décision du
Tribunal de Commerce de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE
Au fond
du 06 mai 2010

RG : 2008j15
ch no



SARL AGROBIODROM

C/

SARL ATRIA RESINES

APPELANTE :

SARL AGROBIODROM
représentée par ses dirigeants légaux
Quartier Les Marais
26270 LORIOL-SUR-DROME

assistée de Me Christian MOREL

assistée de Me RIVOIRE, avocat au barreau de VALENCE

INTIMÉE :

SARL ATRIA RESINES
représentée par ses dirigeants légaux
ZA d'Orcel
69220 CORCELLES-EN-BEAUJOLAIS

assistée de la SCP LAFFLY - WICKY

assistée de Me MELLET, avocat au barreau de LYON

* * * * * *



Date de clôture de l'instruction : 07 Mars 2011

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 09 Novembre 2011

Date de mise à disposition : 10 Janvier 2012
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Pascal VENCENT, président
- Dominique DEFRASNE, conseiller
- Catherine ZAGALA, conseiller

assistés pendant les débats de Nicole MONTAGNE, greffier.



A l'audience, Dominique DEFRASNE a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Pascal VENCENT, président, et par Nicole MONTAGNE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *



EXPOSE DU LITIGE

La SARL AGROBIODROM qui exerce l'activité de commerçant en gros de produits frais alimentaires a confié à la SARL ATRIA RESINES la réalisation d'une peinture résine de sol dans deux chambres froides de son établissement à LORIOL SUR DROME, suivant devis du 21 mai 2007 pour un montant total TTC de 22.611,29 euros.

Les travaux ont été réalisés entre le 2 et 7 juin 2007 et n'ont pas fait l'objet d'une réception par le maître de l'ouvrage.

Quinze jours plus tard, le 21 juin 2007 et après une semaine de mise en service des chambres froides, la société AGROBIODROME s'est plainte auprès de la société ATRIA RESINES de l'apparition de fissures sur la peinture résine, incompatibles avec les exigences de l'ouvrage.

Le 21 juin 2007 la SARL ATRIA RESINES a accepté à titre commercial de reprendre les zones fissurées et de refaire un joint souple aux droits des fissures afin d'éviter toute nouvelle difficulté.

Elle a sollicité dans le même temps le règlement du solde de sa facture de 8.613,42 euros.

Ne pouvant obtenir aucun paiement elle a saisi aux mêmes fins le tribunal de commerce de Villefranche-sur-Saône.

Par jugement avant dire droit du 24 juillet 2008, le tribunal a ordonné une expertise confiée à monsieur A... et ordonné la consignation par la société AGROBIODROM de la somme de 8.613,42 euros entre les mains du bâtonnier de l'Ordre des avocats de Valence.

L'expert a déposé son rapport le 24 juin 2009.

Par un second jugement du 6 mai 2010, le tribunal de commerce de Villefranche-sur-Saône a :
- débouté la société AGROBIODROM de l'ensemble de ses prétentions,
- ordonné la déconsignation au profit de la société ATRIA RESINES de la somme de 8.613,42 euros consignée entre les mains des bâtonnier de l'Ordre des avocats de Valence jusqu'à ce que la décision ait acquis force de chose jugée,

- condamné en outre la société AGROBIODROM à payer à la société ATRIA RESINES :

* les intérêts au légal sur la somme sur 8.613,42 euros à compter du 13 juin 2007,
* la somme de 1.500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
* les entiers dépens.

La société AGROBIODROM a interjeté appel de ce jugement le 14 juin 2010.



L'appelante demande à la cour :

- d'infirmer le jugement du tribunal de commerce,

- de débouter la société ATRIA RESINES de sa demande en paiement,

- de condamner la société ATRIA RESINES à lui payer la somme de 22.500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour la remise en état du sol en résine des chambres froides,

- d'ordonner la restitution à son profit de la somme consignée,

- de condamner la société ATRIA RESINES au paiement de 10.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance,

- de condamner la société ATRIA RESINES aux dépens ainsi qu'au paiement de 1.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Se référant aux conclusions de l'expert judiciaire, elle soutient que la société ATRIA RESINES a manqué à son obligation contractuelle de livrer un ouvrage conforme, à savoir exempt de vices.

Elle fait valoir également que la société ATRIA RESINES n'a pas rempli son obligation de résultat en ne livrant pas un ouvrage en résine parfaitement lisse et ce alors qu'elle connaissait parfaitement l'état du support d'origine décrit au devis, comme suit : "sol ancien dégradé", que la mention dans le devis "tout mouvement ou fissuration du support peut se répercuter sur le revêtement" ne saurait l'exonérer de sa responsabilité s'agissant d'une mention purement informative et qu'au demeurant la preuve n'est pas rapportée que l'état du revêtement soit la conséquence unique et directe de fissures du support d'origine.

Elle ajoute que la société ATRIA RESINES a manqué à tout le moins à son devoir de conseil.



La société ATRIA RESINES demande de son côté à la cour :

- de confirmer le jugement querellé sauf en ce qu'il a rejeté sa demande en paiement de 1.080,28 euros au titre de l'indemnité légale,
- de condamner la société AGROBIODROM au paiement de la somme de 1.080,28 euros de ce chef ainsi qu'au paiement de 3.500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- de débouter la société AGROBIODROM de l'intégralité de ses prétentions.



Elle soutient qu'elle a respecté les termes de son devis et également la notice technique, ayant appliqué les trois couches de produit préconisées, qu'elle a cru appliquer la résine sur un sol constitué d'une seule dalle mais que le positionnement des fissures du revêtement ont révélé trois coulages de dalles différentes sans joint de fractionnement dont la faute incombe exclusivement à l'entreprise de maçonnerie intervenue initialement et que c'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle a mentionné au devis que le mouvement du sol pouvait se répercuter sur le revêtement.

Elle conteste toute responsabilité.

Elle indique à titre subsidiaire que les travaux préconisés par l'expert judiciaire sont inutiles voire même dommageables pour le sol des chambres froides dans la mesure où il sera impossible d'appliquer un nouveau revêtement.

Elle conteste le préjudice invoqué par la société AGROBIODROM en faisant notamment remarquer que celle-ci a toujours utilisé les locaux depuis trois ans sans rencontrer la moindre difficulté sur le plan de l'hygiène.



MOTIFS DE LE DÉCISION

Attendu que l'expert A... confirme dans son rapport l'existence des nombreuses fissurations affectant la couche de résine et ce en dépit du colmatage et des bandes de rejointoiement mises en place par l'entreprise ;

Qu'il relève aussi sur les longrines béton armé une couche de résine d'une micronisation très insuffisante comparativement à celle appliquée au sol ;

Qu'il estime que les prestations décrites dans le devis du 21 mai 2007 n'ont pas été appliquées et respectées à 100 % selon la notice technique du système FLOOR SEMI LISSE (SLT) en sa possession ;

Que l'expert judiciaire fait observer par ailleurs qu'antérieurement à l'établissement du devis le représentant de la société ATRIA RESINES a visité les locaux concernés en présence de leur propriétaire, réceptionné l'état du support béton compte tenu de ses anomalies visuelles et de sa vétusté sans formuler de réserves particulières ;

Qu'il conclut que les travaux réalisés ne sont pas conformes et doivent être repris dans leur intégralité pour répondre aux fonctions exigées par l'utilisation agro-alimentaire ;

Attendu que si l'expert judiciaire indique également dans son rapport que la mise en service des chambres froides effectuée beaucoup trop vite après l'exécution des travaux, au détriment d'un bon séchage du revêtement, il n'en résulte pas obligatoirement une faute du maître de l'ouvrage et que cette observation n'est nullement contradictoire avec les manquements reprochés à l'entrepreneur, contrairement à l'avis des premiers juges



- I - Sur la responsabilité des désordres

Attendu qu'à défaut de réception des travaux, la responsabilité de la société ATRIA RESINES peut être recherchée sur le fondement contractuel ; que cette société en sa qualité de professionnel est tenue non seulement d'une obligation de résultat mais également d'une obligation de conseil ;

Attendu que la société ATRIA RESINES ne fournit pas devant la cour d'éléments techniques pouvant sérieusement remettre en cause la constatation des désordres faite par l'expert et l'imputabilité de ceux-ci à son intervention ;

Attendu qu'il est établi que la société ATRIA RESINES avant même d'intervenir a pris la mesure de l'état du béton sur lequel elle se proposait d'appliquer son revêtement ;

Que ses observations qui tendent à rejeter la responsabilité sur l'entreprise de maçonnerie, la société BELIN CONSTRUCTIONS MÉTALLIQUES , motif pris qu'elle n'avait pu se rendre compte de l'état réel du sol ne peut être sérieusement retenue ; qu'il en va de même de l'allégation selon laquelle des fissures auraient pu être rouvertes entre sa visite des lieux et son intervention ;

Qu'en réalité, la société ATRIA RESINES qui connaissait les lieux aurait dû soit, orienter le choix de sa cliente pour lui permettre d'obtenir un ouvrage de résine parfaitement lisse, soit, refuser d'intervenir si elle estimait ne pas être en mesure d'assurer une prestation conforme à la demande ;



Attendu que la société ATRIA RESINES, par ailleurs, prétend déduire une clause de non responsabilité d'une mention dans son devis ainsi libellée : " Tout mouvement ou fissuration du support peut se répercuter dans le revêtement " ;

Que cette mention, outre son caractère hypothétique, est trop générale pour pouvoir être interprétée autrement qu'une simple mention informative et ne saurait donc exonérer l'entreprise de sa responsabilité ;

Attendu qu'il résulte des éléments de la cause que les désordres subis par la société AGROBIODROM sont la conséquence unique d'un manquement de la société ATRIA RESINES à son devoir de conseil et que cette société doit réparation du préjudice subi par sa cliente sur le fondement de l'article 1147 du code civil ;



Attendu que la société ATRIA RESINES peut prétendre à la somme 22.500,00 HT, montant des travaux de réfection de l'ouvrage évalués par l'expert A... ;

Que l'expert préconise une reprise hall par hall afin de ne pas trop perturber l'activité de conditionnement et de commercialisation de l'entreprise ;

Que la société AGROBIODROM ne justifie pas devant la cour à ce jour d'un préjudice de jouissance particulier en raison des fissures affectant la peinture résine ;

Qu'en ce qui concerne la durée des travaux de réfection, il y a lieu de constater que les travaux initiaux ont été faits en une journée, que l'expert ne prévoit pas de durée supérieure, et que la société AGROBIODROM ne fournit pas la moindre explication à cet égard sur un éventuel préjudice de jouissance ;

Que sa demande de dommages et intérêts de ce chef ne peut donc prospérer ;



- II - Sur le solde de la facture du 13 juin 2007

Attendu qu'il n'est pas contesté que la société AGROBIODROM reste devoir sur cette facture de l'entreprise ATRIA RESINES, la somme de 8.613,42 euros, actuellement consignée entre les mains du bâtonnier de l'Ordre des avocats de Valence dans l'attente de son attribution à la personne qui sera jugée devoir l'obtenir ;



Attendu que si la société ATRIA RESINES doit répondre envers la société AGROBIODROM des malfaçons affectant son ouvrage, il n'est nullement soutenu qu'elle n'a pas achevé les travaux qu'ils lui avait été confiés ; qu'elle est en droit de prétendre à la somme de 8.613,42 euros restant du sur le montant de sa facture ;

Attendu qu'après compensation entre les créances respectives des parties il convient d'ordonner la déconsignation de la somme de 8.613,42 euros au profit de la société AGROBIODROM et de condamner la société ATRIA RESINES à payer à cette dernière au titre des travaux de reprises la somme de 13.886,58 euros ;



Attendu que les malfaçons affectant la peinture résine pouvaient permettre à la société AGROBIODROM d'opposer l'exception d'inexécution au paiement du solde de la facture ett qu'il n'y a pas lieu de faire application des pénalités de retard réclamées par la société ATRIA RESINES ;



Attendu que les entiers dépens seront mis à la charge de la société ATRIA RESINES ; qu'il convient d'allouer à la société AGROBIODROM la somme de 1.500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;



PAR CES MOTIFS

Dit l'appel recevable,

Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau,

Dit la SARL ATRIA RESINES entièrement responsable des désordres affectant la peinture résine mise en oeuvre par elle sur les sols des chambres froides de la SARL AGROBIODROM, ce en application de l'article 1147 du code civil,

Fixe à 22.500,00 euros HT le préjudice subi par la SARL AGROBIODROM au titre du coût de le remise en état de l'ouvrage,

Dit que la SARL AGROBIODROM reste devoir à la SARL ATRIA RESINES la somme de 8.613,42 euros au titre de sa facture,

Ordonne la compensation judiciaire des créances respectives des parties,

Ordonne à monsieur le bâtonnier des avocats du barreau de Valence auprès duquel la somme de 8.613,42 euros a été consignée de remettre ladite somme entre les mains de la SARL AGROBIODROM,

Condamne la SARL ATRIA RESINES à payer à la SARL AGROBIODROM la somme de 13.886,58 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel,

Déboute la SARL AGROBIODROM de sa demande en paiement de dommages-intérêts supplémentaires et la SARL ATRIA RESINES en paiement d'une indemnité de retard,

Condamne la SARL ATRIA RESINES.à payer à la SARL AGROBIODROM la somme de 1.500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL ATRIA RESINES aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, pour ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.



Le greffier Le président

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