31 mars 2009
Cour d'appel de Nîmes
RG n° 08/05323

Texte de la décision

R. G. : 08 / 05323
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON
05 novembre 2008
CHSCT ZONE SUD
C /
S. A. FRANCE TELECOM

X...
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1re Chambre B

ARRÊT DU 31 MARS 2009

APPELANTE :

CHSCT ZONE SUD
Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'unité d'intervention Rhône et Durance sud de la Direction territoriale sud-est de France Télécom

prise en la personne de son mandataire domicilié en cette qualité au siège social sis
170 avenue Pierre Bérégovoy
84913 AVIGNON CEDEX 9

représenté par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour
assisté de Me Samuel GAILLARD, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES :

S. A. FRANCE TELECOM
prise en la personne de son Président du Conseil d'Administration en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
6 Place d'Alleray
75505 PARIS CEDEX 15

représentée par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour
assistée de la SCP FLICHY & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

Madame Annie X...

Directeur, agissant, en qualité de président du Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail zone sud de l'Unité d'intervention Rhône Durance de la Direction territoriale sud-est de France Télécom, domiciliée en cette qualité,
née le 29 Juillet 1956 à BELLEY (01300)

...


représentée par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour
assistée de la SCP FLICHY & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS
Statuant sur appel d'une ordonnance de référé.



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



M. Jean-Gabriel FILHOUSE, Président,
Mme Isabelle THERY, Conseiller,
Mme Nicole BERTHET, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Sylvie BERTHIOT, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.



DÉBATS :



à l'audience publique du 20 Janvier 2009, où l'affaire a été mise en délibéré au 31 Mars 2009.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.



ARRÊT :



Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Jean-Gabriel FILHOUSE, Président, publiquement, le 31 Mars 2009, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour.



FAITS ET PROCÉDURE'MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES



Vu l'appel interjeté le 21 novembre 2008 par le comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail de l'unité d'intervention Rhône et Durance sud de la direction territoriale sud-est de France Telecom (CHSCT zone sud) à l'encontre de l'ordonnance prononcée le 5 novembre 2008 par le juge des référés du tribunal de grande instance d'Avignon.



Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 20 janvier 2009 par le CHSCT zone sud de la direction territoriale sud-est de France Telecom, appelant, et le 16 janvier 2009 par Madame Annie X... et la SA France Telecom, intimées, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé du litige et des prétentions respectives.



L'unité d'intervention Rhône et Durance est un établissement secondaire de la Direction territoriale sud-est, elle-même établissement principal de la société France Telecom, qui emploie 825 personnes et qui a pour mission essentielle d'intervenir physiquement sur le réseau ou chez les clients (construction de lignes support, installation d'équipements terminaux, livraison des services de télécommunications, opérations de maintenance).



Cette unité comporte un comité d'établissement et deux CHSCT dont l'un, le CHSCT Rhône Durance sud pour les sites du Vaucluse, des Alpes de Haute-Provence et des Hautes-Alpes a, par délibération du 8 juillet 2008, décidé le recours à une mesure d'expertise prévue par les dispositions de l'article L. 4614-12 du code du travail.

Cette mesure a été prise à la suite de la mise en place d'un nouveau logiciel dénommé « tigre », à compter du mois de mars 2007, considéré par le CHSCT comme un nouvel outil de travail dont le déploiement serait constitutif d'un projet important.


Contestant cette décision, la société France Telecom et Madame X..., présidente du CHSCT zone sud ont saisi le président du tribunal de grande instance sur le fondement de l'article L. 4614-13 du code du travail, qui, par ordonnance du 5 novembre 2008, a annulé la résolution n° 2 votée le 8 juillet 2008 par le CHSCT de l'unité d'intervention Rhône Durance de France Telecom aux fins de désignation du cabinet Cateis et débouté le CHSCT de l'unité d'intervention Rhône Durance de France Telecom de ses demandes, laissant les dépens à sa charge.


Le mandataire du CHSCT zone sud a interjeté appel, par l'intermédiaire de son avoué, le 21 novembre 2008 de cette décision en vue de son infirmation et a été autorisé par ordonnance du 3 décembre 2008 du premier président de la cour d'appel de Nîmes à assigner la SA France Telecom à l'audience du 20 janvier 2009.



Le CHSCT zone sud prie la cour de bien vouloir déclarer valable l'appel formé en son nom et d'infirmer le jugement rendu au fond en la forme des référés en constatant l'existence d'un projet important, à titre subsidiaire de valider le principe de l'expertise en redéfinissant la mission pour la cantonner aux salariés relevant du périmètre du CHSCT et très subsidiairement, d'ordonner la tenue d'une nouvelle réunion extraordinaire du CHSCT afin de redéfinir l'étendue de la mission d'expertise.



Il demande que la société France Télécom soit condamnée à prendre en charge les frais et honoraires de sa défense liée à la présente instance y compris l'honoraire article 10 du tarif des huissiers en cas de recouvrement forcé ainsi que les honoraires de l'avoué soit 8000 € TTC au titre des frais de première instance et 4640, 97 € au titre des frais d'appel ainsi que les dépens de première instance et d'appel.



À l'appui de son recours, il fait d'abord valoir l'importance de la souffrance morale constatée par le médecin du travail liée aux multiples réorganisations mal préparé et engendrant d'importants risques sur la santé des salariés de l'entreprise.



En ce qui concerne la régularité de l'appel, il rappelle que les dispositions de l'article 901 du code de procédure civile ne font pas obligation de préciser le nom de la personne incarnant l'organe représentant la personne morale et qu'il n'existe aucune nullité quant à l'indication de l'organe représentant le CHSCT et en tout état de cause aucun grief puisque les conclusions ont été prises par le CHSCT pris en la personne de son mandataire, M. Christian A...




Il soutient que le mandat de l'avoué est présumé et que le CHSCT a donné mandat à l'un de ses membres pour agir en justice ce qui emporte le droit d'exercer les voies de recours et de mandater un avoué à cette fin.



Il expose pour démontrer l'importance du projet :



- que parmi les 416 salariés relevant du périmètre du CHSCT Rhône Durance sud, 107 salariés sont concernés par la mise en oeuvre du nouveau logiciel soit plus de 25 % de l'effectif avec un profond changement des conditions de travail de 60 salariés,
- que le concept de ce logiciel est radicalement différent du logiciel 103 puisqu'il permet de rénover totalement la gestion géographique des infrastructures réseaux, de faciliter l'accès aux informations et d'étendre leur domaine d'utilisation, que les chargés d'affaires n'ont plus vocation à concevoir le réseau dans ses détails, ce qui induit un transfert de charges sur les intervenants terrain,
- que la mise en place de ce logiciel se traduit par un véritable changement de métier pour les chargés d'affaires qui deviennent de simples gestionnaires de réseaux mais également pour les autres salariés concernés et s'inscrit dans la mise en oeuvre d'une politique de sous-traitance.



Il conclut que ce projet comporte des modifications des conditions de travail des salariés et des répercussions sur leur santé.



Il se réfère encore aux dispositions de l'article 4612-9 du code de travail pour la définition de la notion de projet important en matière informatique.



Il souligne le fait que la mise en oeuvre de ce logiciel s'est effectuée sans la moindre consultation des CHSCT concernés et que les deux réunions qui se sont tenues à son initiative (3 et 8 juillet 2008) n'ont pas permis de répondre à ses interrogations notamment quant aux répercussions sur les conditions de travail.



Il prétend que l'expertise n'est pas conditionnée par une procédure de consultation du comité.



Il critique le jugement rendu qui a considéré comme non significatif le nombre de salariés concernés alors qu'il convient de prendre en compte le nombre total de salariés concernés par le projet dans l'entreprise et qui a écarté à tort les attestations mettant en évidence les difficultés rencontrées et l'impact des incidents sur les conditions de travail.



En ce qui concerne l'étendue de la mission, il souligne que l'article L. 4614-12 du code du travail n'impose aucune condition de forme tenant à une définition précise de l'étendue de l'expertise et à titre subsidiaire il explicite les modifications éventuelles de la mission.



Enfin, il rappelle que le CHSCT n'ayant aucun budget les frais d'avocat doivent être intégralement mis à la charge de l'employeur par application des dispositions de l'article L. 4614-13 du code du travail en l'absence d'abus.


Madame Annie X..., présidente du CHSCT, et la société France Telecom soulèvent à titre principal la nullité et l'irrecevabilité de la déclaration d'appel et sollicitent du président de la première chambre de la cour d'appel de Nîmes le renvoi devant le conseiller de la mise en état pour statuer sur ces exceptions.



À titre subsidiaire, elles concluent au prononcé par la cour de la nullité de la déclaration d'appel voire de son irrecevabilité, subsidiairement encore à l'annulation de la résolution numéro 2, au rejet des demandes du CHSCT et à tout le moins à la réduction du montant des frais de procédure laissés à la charge de l'employeur, outre la condamnation de l'appelant aux dépens de première instance et d'appel.



Elles soutiennent que la déclaration d'appel est entachée d'une irrégularité puisque la formulation ne permet pas de connaître le nom de la personne qui a fait appel et constitué avoué et qu'en tout état de cause le secrétaire n'avait pas le pouvoir de faire appel à défaut d'être le représentant légal de cet organisme et de justifier d'une délibération spécifique pour exercer une voie de recours.



Elles prétendent que le comité ne pouvait procéder à la désignation d'un expert selon trois moyens essentiels qu'elles développent, en l'absence de précisions sur l'étendue de la mission confiée à celui-ci, (1) en dehors de toute procédure de consultation (2) et en l'absence de projet important (3).



Sur le premier moyen, elles font essentiellement valoir que le chef d'entreprise ne peut déterminer l'étendue de ses obligations légales en l'absence de précisions sur l'étendue de la mission dévolue à l'expert et qu'il n'appartient pas ni à la cour, ni à l'expert de définir l'étendue de celle-ci.



Sur le deuxième moyen, elles affirment que la désignation de l'expert est un préalable à l'émission d'un avis et que le CHSCT n'a pas été consulté sur le logiciel Tigre.



Elles considèrent qu'il ne s'agit pas d'un projet important mais d'une évolution d'un système informatique déjà existant qui ne transforme pas de manière importante les postes des chargés d'affaires, qu'il n'est pas démontré une modification déterminante des conditions de travail.



Elles rappellent à cet effet que l'existence d'un projet important s'apprécie exclusivement dans le cadre du périmètre du CHSCT ayant procédé à la désignation et selon des critères quantitatifs et qualitatifs.



Elles demandent à la cour d'écarter des débats les témoignages non conformes aux dispositions du code de procédure civile et les attestations dénuées de toute force probante et déloyales puisqu'il n'est pas indiqué de la part de leurs auteurs l'existence d'une communauté d'intérêts avec le CHSCT.



Elles font encore valoir l'absence de pertinence de la demande d'expertise, le CHSCT ne pouvant déléguer ses pouvoirs à un expert et l'absence de difficultés techniques du projet susceptibles d'être résolues par une expertise.



Elles contestent enfin la prise en charge des frais soulignant le caractère abusif des montants réclamés.



MOTIFS DE LA DÉCISION



Les développements des intimées quant à la nécessité d'un renvoi devant le conseiller de la mise en état sont sans objet, l'affaire ayant été retenue à l'audience du 20 janvier 2009.



I. - Sur la régularité et la recevabilité de l'appel



Deux moyens sont avancés au soutien de l'irrégularité de l'appel, d'une part l'absence de précision du nom patronymique de la personne représentant le CHSCT et d'autre part le défaut de pouvoir de ce représentant pour constituer avoué et former appel.



La déclaration d'appel a été remise au greffe par le CHSCT pris en la personne de son mandataire.



Contrairement à ce que prétendent les intimées, l'article 901 du code de procédure civile ne contient pas l'obligation, à peine de nullité, de préciser le nom de la personne incarnant l'organe représentant la personne morale puisque l'article 58 auquel renvoie cet article énonce en ce qui concerne les personnes morales la nécessité d'indiquer l'organe qui les représente légalement.



En l'occurrence, le CHSCT, s'il a la personnalité morale, ne possède pas au sens strict d'organe qui le représente légalement en cas de désaccord avec le chef d'établissement qui le préside mais peut agir en justice si l'un de ses membres bénéficie d'un mandat exprès.



En tout état de cause, à supposer que cette omission puisse être constitutive d'un vice de forme, il n'est pas démontré voire invoqué l'existence d'un grief de sorte que la demande de nullité ne peut prospérer en l'état des dispositions de l'article 114 du code de procédure civile.



L'appel interjeté par le mandataire du CHSCT sans indication du nom de celui-ci est valable sous réserve qu'il justifie de ce mandat.



En ce qui concerne le second grief, précisément relatif au défaut de pouvoir, il résulte de la délibération critiquée (résolution n 2) que le CHSCT a mandaté son secrétaire Christian A... : « pour prendre toutes les dispositions nécessaires à l'exécution de cette décision... Et éventuellement engager pour défendre les intérêts du CHSCT toutes les procédures administratives ou judiciaires requises. »



Il n'existe aucune disposition légale qui subordonne la recevabilité d'un appel à la production d'un mandat spécial pour exercer une voie de recours alors même que le mandat dont dispose M. A... l'habilite à intenter les voies de recours contre la décision rendue sur cette action, dans une perspective de défense des intérêts du CHSCT, de sorte que les moyens soulevés par les intimées quant à la recevabilité de l'appel ne peuvent qu'être écartés.



L'appel étant régulier et recevable, il convient d'analyser le fond du litige.



II. - Sur le bien-fondé de l'appel



La délibération critiquée a été prise au visa de l'article L. 4614-12 qui dispose que le comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé :



- soit, lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement,
- soit lorsqu'il existe un projet important modifiant les conditions d'hygiène de sécurité ou les conditions de travail prévu au septième alinéa de l'article L. 236- 2.



À titre liminaire, il y a lieu d'écarter l'argumentation de l'appelant relative à la souffrance au travail qui constitue l'autre hypothèse prévue par l'article L. 4614-12 précité alors que le vote litigieux du 8 juillet 2008 est fondé uniquement sur l'importance du projet et non sur un quelconque risque grave.



La demande d'annulation de la délibération repose sur plusieurs moyens dont certains nouvellement développés en appel :



- l'absence de définition de l'étendue de la mission
- l'absence de procédure de consultation,
- l'absence de projet important,
- l'absence de pertinence de la demande d'expertise,
- l'absence de difficultés techniques.



Les deux derniers moyens doivent nécessairement être examinés dans le cadre de l'analyse du bien fondé de l'expertise au regard de l'existence d'un projet important.



Sur l'absence de définition de l'étendue de la mission



La résolution litigieuse a désigné le cabinet CATEIS à Marseille pour l'éclairer sur ce nouvel outil après avoir constaté qu'aucun impact sur la santé n'avait été présenté et que le CHSCT ne pouvait appréhender seul les modifications que cet outil pouvait apporter aux conditions de travail des chargés d'affaires, ni à juger si le contenu de la formation et le suivi ont été suffisants ou pas, ni quelles sont les mesures à mettre en oeuvre pour assurer un passage de tous les chargés d'affaires d'un outil à l'autre.



L'article L. 4614-13 du code du travail permet à l'employeur de saisir le juge judiciaire s'il entend contester la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût, l'étendue ou le délai de l'expertise.



En l'occurrence, les intimées ont contesté la résolution litigieuse dans son ensemble ce qui implique de statuer préalablement sur la question de la nécessité de l'expertise dont la critique ne peut concerner que le point de savoir si le projet litigieux est un projet important modifiant les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail.



Ainsi le caractère général de la mission donnée à l'expert (« éclairer le CHSCT sur cet outil »), s'il permet à l'employeur d'en contester l'étendue selon le texte précité n'a aucune incidence sur la validité et le bien fondé de la délibération ce qui justifie d'écarter le moyen soulevé.



Sur l'absence de procédure de consultation



L'article L. 4612-8 du code du travail dispose que le CHSCT est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et notamment avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail.



Il est constant au vu du procès-verbal des délibérations du CHSCT du 26 mai 2008 que l'employeur a considéré que le déploiement du logiciel Tigre ne constituait pas un projet important au sens de l'article précité.



Néanmoins, ce projet a finalement été soumis à l'information du CHSCT selon l'ordre du jour du 16 juin 2008 puisqu'il a donné lieu à deux réunions exceptionnelles du CHSCT les 3 et 8 juillet 2008 qui ont permis la présentation du projet Tigre de sorte qu'il doit être considéré qu'il a bien été soumis à l'avis du CHSCT, ce qui rend inopérant le moyen.



Sur l'importance du projet



Ainsi qu'il l'a été relevé, la contestation de l'employeur sur la nécessité d'une expertise ne peut concerner que le point de savoir si le projet litigieux est un projet important en modifiant les conditions d'hygiène, de sécurité ou les conditions de travail des salariés concernés.



L'existence d'un projet important au sens de l'article L. 4614-12 du code du travail est déterminée au niveau des personnels concernés uniquement dans le cadre de la sphère de compétence du CHSCT ayant procédé à la désignation.



La pertinence de l'expertise ne s'apprécie pas seulement en fonction du nombre de salariés concernés mais en fonction de l'ampleur du changement sur les conditions de travail ou la santé des salariés.



Au demeurant, les parties s'accordent sur le pourcentage de personnes réellement concernées (environ 11 % du personnel de l'unité d'intervention Rhône Durance) qui justifie d'apprécier si le projet constitue un changement déterminant de leurs conditions de travail.



Il s'avère au vu des écritures concordantes des parties sur ce point, que la version en cours du logiciel Tigre (Traitement de l'Information Graphique des Réseaux) en application depuis le mois de mars 2007, est celle dénommée G2R1C4 qui correspond à la deuxième génération, la première ayant été implantée en 2005 à titre uniquement expérimental dans deux unités d'intervention.



Il est prévu une version évolutive G2R2 au mois de mars 2009.



Les pièces communiquées par le CHSCT sur la phase d'expérimentation de la version G1R0 du logiciel tigre sont inopérantes dans le présent litige puisque la première version testée en 2005 n'a pas été déployée et a fait l'objet de modifications qui ont donné naissance à une deuxième génération du logiciel tigre dénommée G2RO et qui fait l'objet de la mise en oeuvre au sein de l'établissement.



L'examen du projet TIGRE qui est destiné à remplacer le logiciel 103 révèle que celui-ci a pour objectif de permettre la rénovation de la gestion géographique des infrastructures réseaux, de faciliter l'accès aux informations et d'étendre leur domaine d'utilisation de façon simultanée par plusieurs milliers de salariés localisés en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer.



Il permet également selon les documents communiqués la mise en oeuvre d'une gestion centralisée des données cartographiques afin de répondre aux besoins des différentes branches et d'en optimiser les coûts d'acquisition.



Il est censé offrir une plus grande fiabilité, sécurité et accessibilité aux informations du réseau.



L'analyse du tableau comparatif du périmètre fonctionnel (pièce 17 des intimées) entre le nouveau et l'ancien logiciel montre que la plupart des fonctionnalités du logiciel Tigre étaient déjà offertes dans le logiciel 103.
L'accès unique notamment pour toutes les fonctionnalités du logiciel auparavant dispersées entre différents modules permet au contraire une simplification des postes de travail.



Contrairement à ce que prétend le CHSCT, il ne s'agit pas seulement d'un logiciel de gestion puisqu'il intègre un logiciel graphique qui comprend des applications de dessins que le logiciel 103 avait déjà défini.



La durée réduite de formation (en moyenne 5, 5 journées par salarié concerné) démontre d'ailleurs la portée limitée de ce changement de logiciel sur les conditions de travail.



Pour critiquer la décision déférée et démontrer les modifications dans les conditions de travail des salariés, le CHSCT se prévaut des attestations et des'témoignages'd'utilisateurs, pièces dont il est sollicité le rejet au regard des dispositions des articles 202 et suivants du code de procédure civile.



Il est rappelé que les dispositions de l'article 202 ne sont pas prescrites à peine de nullité.



Dans la mesure où les intimées ont pu en contester la force probante dans le cadre d'un débat contradictoire, il appartient à la cour d'apprécier souverainement la valeur et la portée de ces pièces.



Force est de constater que l'ensemble de ces attestations et'témoignages'qui émanent pour la plupart d'utilisateurs du logiciel Tigre font état de dysfonctionnements et de stress induits nécessairement par l'apprentissage d'une nouvelle technique.



Ces pièces ne permettent pas de caractériser un changement significatif des conditions d'exercice du travail notamment de celui des chargés d'affaires au regard de leur mission telle que décrite dans les écritures de l'appelant alors que les fonctionnalités du logiciel ont pour but de faciliter à terme leur activité et d'améliorer la qualité des informations.



Les difficultés rencontrées sont inhérentes à la mise en place de toute nouvelle application informatique au stade de l'appropriation et auront vocation à se réduire au fur et à mesure de l'évolution du logiciel.



Il ne peut pas davantage être soutenu que le déploiement du logiciel constitue l'introduction d'une nouvelle technologie en l'état de l'existence du logiciel 103 et antérieurement du logiciel 102.



Ce projet n'emporte donc aucune conséquence au vu des pièces produites sur la structure de l'emploi et sur la qualification requise du personnel, aucune incidence sur les effectifs et les conditions de travail s'agissant d'un simple perfectionnement du système informatique préexistant et non pas de technologies nouvelles.



En l'état de cette analyse, les critères de l'article L. 4614-12 du code du travail n'étant pas réunis, la décision déférée doit être confirmée en ce qu'elle a annulé la délibération du CHSCT du 8 juillet 2008.



Sur les frais de l'instance



Aux termes de l'article L. 4614-13 du code de travail, l'employeur doit supporter le coût de l'expertise et les frais de la procédure de contestation éventuelle de cette expertise dès lors qu'aucun abus du CHSCT est établi.



En l'espèce, l'appelant sollicite la prise en charge au titre des frais engagés en première instance à hauteur de 8 000 € tout en produisant un projet de note d'honoraires de 12. 150, 40 €.



Il est également produit un projet de note de frais et honoraires en date du 21 novembre 2008 justifiant des prestations de son conseil en appel à concurrence de 4. 640, 97 €.



Aucun abus du CHSCT n'étant établi, il y a lieu de faire droit à sa demande y compris pour les frais exposés en appel ce qui justifie d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande en paiement et de condamner la SA France Telecom à prendre en charge les frais d'avocat afférents à cette procédure, sans que le montant de ces frais puissent être chiffré par la cour à défaut de production d'états de frais définitifs.



La SA France Telecom devra supporter les dépens de l'instance qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La demande de prise en charge des honoraires au titre de l'article 10 du tarif des huissiers ne peut prospérer dans la mesure où il n'appartient pas à la Cour de connaître de l'exécution de ses décisions, ni de statuer par anticipation sur un litige qui n'est pas encore né.



PAR CES MOTIFS



La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,



Déclare l'appel régulier en la forme et recevable,



Au fond,



Confirme l'ordonnance déférée à l'exception de la disposition concernant l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,



Statuant à nouveau,



Condamne la SA France Telecom à prendre en charge les frais et honoraires de la défense de son CHSCT en première instance,



Y ajoutant,



Condamne la SA France Telecom à prendre en charge les frais et honoraires de la défense de son CHSCT exposés en appel,



Rejette la demande de prise en charge des honoraires au titre de l'article 10 du tarif des huissiers,



Condamne la SA France Telecom aux dépens de première instance et d'appel dont distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile au profit des avoués de la cause qui en ont fait la demande.



Arrêt signé par M. FILHOUSE, Président et par Madame BERTHIOT, greffier présent lors du prononcé.

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