4 novembre 2008
Cour d'appel de Lyon
RG n° 07/07021

Texte de la décision

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 07/07021





X...




C/

SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes de LYON

du 08 Octobre 2007

RG : F 05/03089









COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 04 NOVEMBRE 2008









APPELANTE :



Mademoiselle Nathalie X...


...


69150 DECINES



comparant en personne, assistée de Me Thierry PERON, avocat au barreau de LYON substitué par Me Amandine BIAGI, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

anciennement dénommée UCB,

prise en la personne de son représentant légal en exercice

5 avenue Kléber

75116 PARIS



représentée par Me Isabelle AYACHE REVAH, avocat au barreau de PARIS







PARTIES CONVOQUÉES LE : 21 Mars 2008



DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 30 Septembre 2008





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Didier JOLY, Président

Madame Danièle COLLIN-JELENSPERGER, Conseiller

Madame Françoise CONTAT, Conseiller



Assistés pendant les débats de Mademoiselle Marion RUGGERI-GUIRAUDOU, Greffier.





ARRÊT : CONTRADICTOIRE



Prononcé publiquement le 04 Novembre 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;



Signé par Monsieur Didier JOLY, Président, et par Mademoiselle Eléonore B..., Adjoint administratif assermenté faisant fonction de greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



Par lettre du 30 mai 2002, la S.A. Union de crédit pour le bâtiment (U.C.B.), devenue la S.A. B.N.P. Paribas Personal Finance, a engagé Nathalie X... à compter du 4 juin 2002 en qualité d'inspecteur adjoint (coefficient ASF 310), moyennant une rémunération annuelle brute de 28 965, 31 € versée en treize mensualités.

La S.A. B.N.P. Paribas Personal Finance est une filiale du groupe B.N.P. Paribas spécialisée dans le crédit immobilier et soumise à la convention collective nationale des sociétés financières.



Par lettre recommandée du 12 mars 2004, la S.A. B.N.P. Paribas Personal Finance a convoqué Nathalie X... le 19 mars en vue d'un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement.



Par lettre recommandée du 26 mars 2004, elle lui a notifié son licenciement pour les motifs suivants :



Depuis plusieurs semaines, nous assistons à une nette dégradation dans l'exécution de vos fonctions et en particulier à un refus réitéré de votre part d'exécuter les consignes édictées par votre hiérarchie qui s'inscrivent dans le cadre du pouvoir de direction de l'entreprise.



Nous relevons par exemple, au travers du Bilan d'Action mensuel qui s'est tenu le 3 mars 2004, que vous avez réalisé sur le mois de janvier 2004 :

•seulement deux visites d'apporteurs d'affaires ; ce qui est très insuffisant,

•aucune inscription des partenaires aux actions commerciales UCB ; alors qu'il vous avait été demandé lors de la réunion agence du 6 janvier 2004 d'inscrire chaque apporteur d'affaires en suivi à une action nationale proposée par l'UCB (hors Mutuelles et agences BNP Paribas),

•aucun transfert de dossiers vers le centre Etudes.



A cela s'ajoute votre refus de faire le reporting quotidien qui vous a été demandé depuis le 1er janvier 2004.



Depuis la nouvelle répartition d'apporteurs d'affaires de votre portefeuille, nous constatons également que vous vous obstinez à refuser tout déplacement dans l'Ain, contrairement à vos engagements contractuels, en vous prévalant d'une prétendue modification unilatérale de vos fonctions que nous contestons catégoriquement.



Ces agissements amplifient votre insuffisance professionnelle qui perdure depuis près d'un an, malgré les moyens mis à votre disposition et l'accompagnement dont vous avez bénéficié.



En effet, votre volume de résultats réalisés en 2003 se situe très en deçà de la moyenne nationale et locale. Avec un portefeuille d'apporteurs d'affaires similaire à celui des autres collaborateurs, le nombre de dossiers transformés est inférieur de 40% à la moyenne nationale et de 30% à la moyenne locale.



Or, chaque mois vous avez été reçue par votre hiérarchie dans le cadre des Bilans d'Actions Mensuels (BAM) afin de mettre en place les actions correctrices adaptées en fonction de l'analyse des résultats. Pour vous aider à redresser la situation, il vous avait été demandé à plusieurs reprises de recevoir régulièrement des "prospects chauds" le samedi matin, en vue de monter des dossiers de crédit. Or, nous avons eu le regret de constater que là aussi, vous refusiez de prendre en considération les remarques et de tirer les enseignements des BAM.



Votre attitude et les résultats qui en découlent ne sont pas compatibles avec le maintien de votre contrat de travail, c'est pourquoi nous avons décidé de procéder à votre licenciement.



La S.A. B.N.P. Paribas Personal Finance a dispensé Nathalie X... de l'exécution du préavis.



Le 30 juillet 2004, Nathalie X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de Lyon.





* *



LA COUR,





Statuant sur l'appel interjeté le 5 novembre 2007 par Nathalie X... d'un jugement rendu le 8 octobre 2007 par le Conseil de Prud'hommes de LYON (section commerce) qui a :

- dit que Nathalie X... percevait un salaire moyen brut de 2 630, 00 €,

- dit que Nathalie X... a une ancienneté de plus de six mois et de moins de deux ans au moment de son licenciement,

- dit que le licenciement notifié à Nathalie X... par la S.A. UCB pour cause réelle et sérieuse est fondé,

- débouté à ce titre Nathalie X... de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

- dit que la lettre d'embauche du 30 mai 2002 est dépourvue de toute clause de non-concurrence,

- débouté à ce titre Nathalie X... de sa demande d'indemnité de non-concurrence,

- débouté Nathalie X... du surplus de ses demandes,

- dit qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande reconventionnelle de la S.A. UCB,

- débouté la S.A. UCB de sa demande reconventionnelle ;





Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 30 septembre 2008 par Nathalie X... qui demande à la Cour de :

- infirmer le jugement entrepris,

- dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, condamner la S.A. B.N.P. Paribas Personal Finance à verser à Nathalie X... la somme de 16 000, 00 € (6 mois) à titre de dommages-intérêts,

- constater l'existence et le respect de la clause de non-concurrence,

- en conséquence, condamner l'employeur à payer à Nathalie X... :

•une indemnité de non-concurrence au minimum à hauteur de la somme brute de 864, 60 € par mois écoulé depuis la date de cessation des relations contractuelles et à concurrence de 18 mois d'indemnisation, soit la somme totale de 15 552, 00 €,

•une indemnité compensatrice de congés payés à hauteur de 10% de l'indemnité de non-concurrence due, soit la somme de 1 555, 20 €,

- condamner la S.A. B.N.P. Paribas Personal Finance à verser à Nathalie X... la somme de 1 600, 00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;







Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales par la S.A. B.N.P. Paribas Personal Finance qui demande à la Cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il considère que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, débouter Nathalie X... de l'ensemble de ses demandes,

- en toute hypothèse, condamner Nathalie X... au paiement de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;





Sur la qualification du licenciement :



Attendu que si le motif de rupture mentionné dans la lettre de licenciement détermine le caractère disciplinaire ou non du licenciement, il ressort de la lecture de la lettre du 26 mars 2004 que la S.A. B.N.P. Paribas Personal Finance, qui avait convoqué Nathalie X... à un entretien préalable à une sanction, a conduit la procédure disciplinaire jusqu'à son terme ; qu'en effet, en énonçant que l'insuffisance professionnelle de la salariée avait été amplifiée par le refus réitéré de celle-ci d'exécuter les consignes de sa hiérarchie (refus de faire le "reporting" quotidien, refus de tout déplacement professionnel dans l'Ain), l'employeur a retenu comme motif de rupture une insuffisance professionnelle ayant un caractère fautif ; qu'en conséquence, le licenciement de Nathalie X... a un caractère disciplinaire ;







Sur la prescription :



Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L 1332-4 du code du travail qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; que le délai de prescription ne peut cependant courir aussi longtemps que le fait fautif se poursuit ; que s'agissant d'une faute d'abstention, résultant du refus d'accomplir une tâche qui a un caractère récurrent, le point de départ du délai de deux mois est le jour où le salarié reprend l'exécution de cette prestation de travail ; qu'en l'espèce, Nathalie X... n'a jamais transmis de compte rendu quotidien et a maintenu jusqu'à la rupture son refus de se rendre dans l'Ain, notamment le 3 mars 2004 ; qu'en conséquence, la prescription n'était pas acquise à la date de l'engagement de la procédure de licenciement ;







Sur le motif du licenciement :



Attendu, sur la modification prétendue du contrat de travail, qu'en substituant courant 2003 aux deux métiers d'attaché commercial et d'attaché de clientèle, une fonction unique de conseiller en financement immobilier, impliquant à parts égales une activité sédentaire en agence et une activité commerciale externe, la S.A. B.N.P. Paribas Personal Finance n'a pas modifié le contrat de travail de Nathalie X... ; qu'en effet, en sa qualité d'attaché commercial, celle-ci consacrait déjà environ un tiers de son temps de travail à une tâche sédentaire de constitution de dossiers et de réception à l'agence ; que la répartition différente des tâches dans l'activité globale n'impliquait pas de modification du contrat de travail ; que la nécessité de rendre compte est inhérente à une activité commerciale non sédentaire, que l'employeur n'a pas la possibilité de suivre directement ; que l'introduction journalière de données d'activité dans le logiciel Oxygen, mis en place à l'agence de Lyon en avril 2003, pouvait donc être exigée de Nathalie X... ; que la salariée ne justifie pas ce refus, et pas davantage son refus de se déplacer dans le département de l'Ain ; que les fautes qui lui sont reprochées par la S.A. B.N.P. Paribas Personal Finance sont caractérisées ;





Attendu, sur l'insuffisance de résultats, que le juge doit former sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, conformément aux dispositions de l'article L 1235-1 du code du travail ; qu'il en résulte que la charge de la preuve de l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement ne repose pas exclusivement sur l'employeur ; que pour ce qui concerne l'analyse des résultats de son activité commerciale, la carence de Nathalie X... est totale ; que celle-ci ne conteste ni n'explique les données figurant dans la lettre de licenciement, et qui font ressortir la faiblesse anormale et persistante de sa production en dépit d'un suivi régulier de son supérieur ;



Qu'en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé sur l'existence de cause réelle et sérieuse de licenciement ;







Sur la clause de non-concurrence :



Attendu qu'une clause de non-sollicitation, selon laquelle il est fait interdiction à un salarié, durant une période déterminée, d'entrer en relation, directement ou indirectement, et selon quelque procédé que ce soit, avec la clientèle qu'il avait démarchée lorsqu'il était au service de son ancien employeur constitue une clause de non-concurrence ;



Qu'en l'espèce, la lettre d'engagement interdisait à Nathalie X..., pendant au plus dix-huit mois et dès la cessation du contrat de travail, toute activité auprès des clients avec lesquels elle aurait été en relation au sein de la S.A. B.N.P. Paribas Personal Finance pendant les deux années précédant la rupture de son contrat, et ce dans le secteur géographique sur lequel elle aurait exercé son activité au cours des deux dernières années ; qu'une contrepartie financière de cette clause de non-concurrence est donc due afin d'indemniser la salariée qui, après la rupture du contrat de travail, est restée liée par une obligation de nature à limiter ses possibilités d'exercer un autre emploi ; que le préjudice subi par Nathalie X... est cependant moins important que si la clause lui interdisait directement d'entrer au service d'une entreprise concurrente de la S.A. B.N.P. Paribas Personal Finance ; que cette dernière sera condamnée à payer à Nathalie X... une somme brute de 11 835 € outre 1 183, 50 € de congés payés incidents ;







Sur les frais irrépétibles :



Attendu qu'il ne serait pas équitable de laisser Nathalie X... supporter la totalité des frais qu'elle a dû exposer, tant devant le Conseil de Prud'hommes qu'en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'une somme de 1 000 € lui sera allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;









PAR CES MOTIFS,







Reçoit l'appel régulier en la forme,



Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit que le licenciement de Nathalie X... par la S.A. B.N.P. Paribas Personal Finance est fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouté Nathalie X... de sa demande de dommages-intérêts,

- condamné Nathalie X... aux dépens de première instance ;



Infirme le jugement entrepris sur la clause de non-concurrence,





Statuant à nouveau :



Condamne la S.A. B.N.P. Paribas Personal Finance à payer à Nathalie X... :

1o) la somme brute de onze mille huit cent trente-cinq euros (11 835 €) à titre d'indemnité, en contrepartie de l'obligation de non-concurrence,

2o) la somme brute de mille cent quatre-vingt-trois euros et cinquante centimes (1 183, 50 €) au titre des congés payés incidents ;





Condamne la S.A. B.N.P. Paribas Personal Finance à payer à Nathalie X... la somme de mille euros (1 000 €) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,





Condamne la S.A. B.N.P. Paribas Personal Finance aux dépens d'appel.





Le Greffier,Le Président.

E.BRUELD.JOLY

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