9 décembre 2008
Cour d'appel d'Agen
RG n° 07/01248

Texte de la décision

DU 09 Décembre 2008
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DS / EO




JAF




Bernard X...



C /


Simone Y... divorcée X...





RG N : 07 / 01248






- A R R E T No 1101-08
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Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au seocnd alinéa de l'article 450 et 453 du code de procédure civile, le neuf Décembre deux mille huit, par Madame Edith O'YL Présidente de Chambre et Isabelle LECLERCQ, Greffier


LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,


ENTRE :


Monsieur Bernard X...

né le 05 Novembre 1941 à TRENTELS (47140)

...

47140 SAINT SYLVESTRE SUR LOT


représenté par la SCP A. L. PATUREAU & P. RIGAULT, avoués
assisté de la SCP VEYSSIERE DARGACHA SABLE VEYSSIERE, avocats






DEMANDEUR, SUR RENVOI DE CASSATION ordonné par arrêt rendu le 27 mars 2007 par la cour de cassation, cassant un arrêt rendu par la cour d'appel d'Agen du 19 janvier 2006, et renvoyant les parties devant la cour de céans, pour statuer plus avant du jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'Agen en date du 10 juin 2005,
D'une part,


ET :


Madame Simone Y... divorcée X...

née le 07 Juillet 1941 à SAINT SYLVESTRE SUR LOT (47140)

...

47140 ST SYLVESTRE SUR LOT


représentée par la SCP TESTON-LLAMAS, avoués
assistée de Me Didier RUMMENS, avocat




DEFENDEUR




D'autre part,


a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en Chambre du Conseil, le 21 Octobre 2008 devant Edith O'YL Président ayant fait le rapport oral de l'affaire, Thierry LIPPMANN et Benôit MORNET Conseillers, assistés de Dominique SALEY, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.



BERNARD X... et SIMONE Y... se sont mariés le 22 octobre 1960 sans contrat préalable ;


A la suite d'une ordonnance de non conciliation prononcée le 14 novembre 2002, Madame Y... faisait assigner son époux le 12 décembre 2002 pour obtenir le prononcé du divorce à son profit et sa condamnation au paiement d'une prestation compensatoire et de dommages-intérêts ;




Par jugement en date du 12 mars 2004 le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'AGEN a, entre autres dispositions :


- prononcé le divorce aux torts exclusifs de Monsieur X...,


- ordonné la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux,


- débouté Madame Y... de sa demande de dommages-intérêts


-ordonné un sursis à statuer sur la demande de prestation compensatoire sollicitée par Madame Y... et enjoint les parties de produire la déclaration sur l'honneur détaillée prévue par l'article 271 du code civil ;


Ce jugement a été signifié le 31 mars 2004 à chacune des des parties et un certificat de non appel délivré le 3 mai 2004 ;




Par jugement en date du 10 juin 2005 ce même magistrat :


- a considéré que le jugement du 12 mars 2004 devait être considéré comme un jugement avant dire droit sur la prestation compensatoire,


- a condamné Monsieur X... au titre de la prestation compensatoire due à madame Y... à abandonner sa part sur l'immeuble servant de domicile conjugal et à lui verser une somme de 20 000 € ;


Monsieur X... a relevé appel le 22 juin 2005 du jugement en date du 10 juin 2005 tandis que madame Y... relevait appel le 5 août 2005 à la fois du jugement du 12 mars 2004 et du jugement du 10 juin 2005 ;


Monsieur X... faisait valoir d'une part que, le jugement du 12 mars 2004 signifié et objet d'un certificat de non appel étant devenu définitif, l'appel de Madame Y... à son encontre était irrecevable et d'autre part que le jugement du 10 juin 2005 manquait de base légale et devait être annulé, faute par le jugement du 12 mars 2004 de consacrer une disparité entre les conditions de vie des deux époux lors du prononcé du divorce ;


Par arrêt en date du 19 janvier 2006 la présente cour a :


- joint les deux procédures


-déclaré les appels recevables


-confirmé les deux jugements du juge aux affaires familiales ;


Par arrêt en date du 27 mars 2007 au visa des articles 270 et 271 dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 mai 2004 la cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt et a renvoyé les parties devant la présente cour au motif qu'il appartient aux juges du fond de se prononcer par une même décision sur le divorce et sur l'existence de la disparité que celui-ci pouvait créer dans les conditions de vie respectives des époux et qu'à défaut de surseoir à statuer sur le prononcé du divorce, le juge ne peut ordonner une mesure d'instruction relative à la prestation compensatoire sans au préalable retenir l'existence d'une disparité dans les conditions de vie respectives des époux créée par la rupture du mariage ;


Monsieur BERNARD X... a saisi la présente Cour le 9 août 2007 ;


- vu les dernières conclusions déposées au greffe de la cour et signifiées le 12 septembre 2008 par Monsieur BERNARD X...



- vu les conclusions récapitulatives déposées au greffe de la cour et signifiées le 09 septembre 2008 par Madame SIMONE Y...



- vu l'ordonnance de clôture en date du 6 octobre 2008


***


Monsieur X... dans ses dernières écritures conclut :


- à l'irrecevabilité de l'appel interjeté par Madame Y... contre le jugement du 12 mars 2004,


- à la nullité du jugement du 10 juin 2005 pour défaut de base légale au motif que le jugement du 12 mars 2004 n'a consacré aucune disparité dans les revenus des époux,


- à titre subsidiaire, au débouté de Madame Y... quant à sa demande de prestation compensatoire et au bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;


Madame Y... conclut à :


- la réformation des jugements en date des 12 mars 2004 et 10 juin 2005


- l'existence d'une disparité


-l'attribution à titre de prestation compensatoire de la pleine propriété du domicile conjugal et de la somme de 94512 €


- à titre subsidiaire l'allocation d'une somme de 195000 € de dommages-intérêts ;


***


Sur la recevabilité de l'appel de madame Y... à l'encontre du jugement du 12 mars 2004


Monsieur X... conclut à l'irrecevabilité de l'appel interjeté par madame Y... à l'encontre du jugement en date du 12 mars 2004 ;


Alors que l'appel doit être interjeté dans le délai d'un mois de la notification du jugement, Madame Y... n'a certes relevé appel du jugement du 12 mars 2004, notifié le 31 mars 2004, que le 5 août 2005 en même temps que du jugement du 10 juin 2005 qui lui a alloué une prestation compensatoire inférieure à celle qu'elle réclamait ;


Il résulte de la combinaison des articles 544 et 546 du code de procédure civile que les jugements qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d'instruction ou une mesure provisoire peuvent être immédiatement frappés d'appel comme les jugements qui tranchent tout le principal dès lors que l'appelant justifie d'un intérêt ;




Pour chaque partie le principal s'entend de l'objet du litige la concernant, le caractère mixte d'un jugement devant s'apprécier partie par partie ;




Or, Madame Y... n'avait à l'évidence aucun intérêt à relever appel du jugement du 12 mars 2004 en ses dispositions relatives au divorce prononcé à son profit et qu'elle sollicitait ;


Il ne peut non plus lui être fait grief de ne pas avoir relevé appel des dispositions relatives au débouté de sa demande de dommages-intérêts, Monsieur X... ne pouvant lui imposer de faire appel d'un chef du dispositif qu'elle était en droit d'accepter m ^ me s'il lui était défavorable ;


Si Madame Y... présente toujours à titre subsidiaire une demande de dommages-intérêts, ceux-ci sont destinés non pas à réparer le préjudice moral lié à la rupture du lien conjugal comme elle le demandait en première instance sur le fondement de l'article 266 du code civil mais à réparer l'abus de procédure qu'elle reproche à Monsieur X... d'avoir commis ; ces demandes n'ont donc pas le même fondement ;


A l'évidence Madame Y... n'a donc interjeté appel du jugement du 12 mars 2004 que sur les dispositions relatives au sursis à statuer sur la prestation compensatoire qui lui font grief ;


De ce fait par application combinée des articles 380, 544 et 545 du code de procédure civile les dispositions relatives au sursis à statuer sur la prestation compensatoire ne pouvaient être frappées d'appel indépendamment du jugement sur le fond, à savoir le jugement du 5 juin 2005, sauf à obtenir du premier président de la présente cour l'autorisation d'en relever appel immédiat pour motif grave et légitime ; il ne peut lui être reproché de ne pas avoir fait ce choix procédural ;


L'appel de Madame Y... à l'encontre du jugement du 12 mars 2004 est donc recevable ;




Sur la recevabilité de la demande de prestation compensatoire


Les dispositions relatives au prononcé par le jugement du 12 mars 2004 du divorce aux torts de Monsieur X..., et du débouté de Madame Y... de sa demande de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 266 du code civil, sont acquises, aucune des parties n'en ayant relevé appel ;


Il est constant que le premier juge ne pouvait prononcer le divorce et ordonner un sursis à statuer sur la prestation compensatoire dans l'attente de la production par Monsieur X... de la déclaration sur l'honneur prévue par l'article 271 du code civil sans au préalable consacrer l'existence d'une disparité dans les conditions respectives des époux créée par la rupture du lien conjugal ;


Il ne peut être déduit du fait que le divorce est définitif que la demande de prestation compensatoire présentée par Madame Y... est devenue irrecevable, faute de simultanéité entre le prononcé du divorce et le constat d'une disparité dans les conditions de vie de chacun des deux époux ;




La demande de prestation compensatoire de Madame Y... qu'elle a présentée dans l'assignation en divorce délivrée à son époux, est recevable, la cour devant seulement se placer pour apprécier l'existence d'un tel droit au jour du prononcé du divorce ;


Sur l'existence d'une disparité dans les conditions de vie respectives de chacune des parties


La prestation compensatoire est destinée à compenser autant qu'il est possible la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux ; elle est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et des ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ;


Par jugement du 10 juin 2005 le juge aux affaires familiales estimant qu'existait une disparité a condamné Monsieur X... à payer à Madame Y... la somme de 20 000 € et à lui abandonner sa part sur l'immeuble servant de domicile conjugal à titre de prestation compensatoire ;


Madame Y..., concluant à la réformation de ce jugement, demande à titre de prestation compensatoire :


- la pleine propriété de l'immeuble de communauté situé 2 allées des ombrages à saint Sylvestre sur lot


-la somme de 94 512 € ;


Monsieur X... conclut à l'absence de toute disparité en raison du patrimoine devant revenir à chacun d'eux à l'issue des opérations de partage de leur communauté ;


Monsieur X... et Madame Y..., nés tous deux en 1941, se sont mariés le 22 octobre 1960 sous le régime de la communauté légale et ont eu 4 enfants ;


Ils sont tous deux retraités ;


Monsieur X... perçoit une retraite annuelle qui s'élevait à 25 300 € en 2003 et à 26 857 € en 2004 (2252, 08 € par mois) tandis que Madame Y... qui n'a travaillé que tardivement perçoit depuis le mois d'août 2005 une retraite s'élevant au vu des justificatifs produits à la somme de 253 € par mois ; elle justifie avoir en 2004 effectué des emplois saisonniers lui apportant un revenu annuel de 8853 € et avoir bénéficié du RMI en 2005 ;


Ils assument chacun les charges de la vie quotidienne ;


Ils disposent d'un patrimoine immobilier et mobilier commun, à savoir :


- le domicile conjugal situé... à saint Sylvestre sur Lot estimé entre 122 000 € et 150 000 €,


- un appartement T 3 situé à VALRAS (Hérault) estimé entre 76 000 et 100 000 €, loué en saison,


- un appartement situé aux HOUCHES (Savoie) d'une valeur située dans une fourchette entre 106 000 et 135000 €,


- de comptes bancaires, livrets, PEA... d'un montant total de 201 957 € ;




Monsieur X... est en outre propriétaire en propre de 16 hectares de terre dans le Cher d'un montant estimé de 19 280 € ;


Les biens communs ont donc une valeur, en hypothèse basse, de 505 957 €, dont chacune des parties au terme des opérations de partage de leurs intérêts patrimoniaux a vocation à percevoir la moitié (253978 €) ;


Toutefois il n'en demeure pas moins que l'importante différence existant entre les retraites que chacun des époux perçoit créée une indéniable disparité ; cette disparité comme l'a justement estimé le premier juge sera compensée par l'abandon par Monsieur X... de la part devant lui revenir sur l'immeuble situé à VILLENEUVE SUR LOT et l'allocation d'une somme de 20 000 € ;


Ainsi d'une part le jugement du 12 mars 2004 doit donc être réformé en ce qu'il n'a pas constaté la disparité dans les conditions de vie des époux alors qu'il prononçait le divorce et confirmé pour le surplus ;


D'autre part le jugement en date du 10 juin 2005, dont il ne peut être soutenu qu'il manque de base légale et qui a fait une juste appréciation du montant de la prestation compensatoire due par Monsieur X..., sera confirmé ;


Sur la demande de dommages-intérêts de Madame Y...



Ce n'est qu'à titre subsidiaire au cas où l'argumentation de Monsieur X... sur l'irrecevabilité de son appel ou de ses demandes serait retenue que madame Y... sollicitait la condamnation de celui-ci au paiement d'une somme de 195 000 € de dommages-intérêts ; tel n'est pas le cas ;


Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens


L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Madame Y... à hauteur de 1500 € ;


Les dépens seront supportés par Monsieur X... qui échoue dans ses demandes ;




PAR CES MOTIFS


La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,


Vu l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 27 mars 2007,


Réforme le jugement en date du 12 mars 2004 en ce qu'il n'a pas constaté l'existence d'une disparité dans les conditions de vie respectives de Madame Y... et de monsieur X... créée par la rupture du lien conjugal


Statuant à nouveau :


Constate l'existence d'une telle disparité au moment du prononcé de divorce,


Confirme ce jugement pour le surplus,


Confirme le jugement du 10 juin 2005,

Déboute madame Y... de sa demande de dommages-intérêts pour abus de procédure,


Condamne monsieur X... à payer à Madame Y... une somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,


Le condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile dont distraction au profit de la SCP TESTON-LLAMAS Avoués ;


Le présent arrêt a été signé par Madame O'YL, Présidente de Chambre, et Isabelle LECLERCQ, Greffier auquel la minute de la décisio a été remise par le magistrat.


Le Greffier, La Présidente,

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