5 mars 2008
Cour d'appel d'Agen
RG n° 07/00701

Texte de la décision

ARRÊT DU
05 Mars 2008

F. M / S. B

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RG N : 07 / 00701
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Jean-François X...


C /

Brigitte Y... épouse X...




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ARRÊT no217 / 08



COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile



Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l'article 450 et 453 du nouveau Code de procédure civile le cinq Mars deux mille huit, par Chantal AUBER, Conseiller,

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,



ENTRE :

Monsieur Jean-François X...

né le 03 Août 1949 à BOUZIC (24250)
de nationalité française
Demeurant...

47000 AGEN

représenté par la SCP Henri TANDONNET, avoués
assisté de Me Serge DAURIAC, avocat



APPELANT d'une ordonnance rendue par le Juge de la Mise en Etat du Tribunal de Grande Instance d'AGEN en date du 20 Mars 2007

D'une part,

ET :

Madame Brigitte Y... épouse X...

née le 18 Avril 1953 à CAUDERAN (33)
de nationalité française
Demeurant ...

47300 PUJOLS

représentée par la SCP TESTON-LLAMAS, avoués
assistée de Me Suzanne MOREAU-BOURDIN, avocat



INTIMÉE



D'autre part,

a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 22 Janvier 2008, devant Jean-Marie IMBERT, Président de Chambre, Chantal AUBER, Conseiller et Françoise MARTRES, Conseiller (laquelle désignée par le Président de Chambre, a fait un rapport oral préalable), assistés de Dominique SALEY, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées par le Président, à l'issue des débats, que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe à la date qu'il indique.

FAITS ET PROCÉDURE

Brigitte Y... et Jean-François X... se sont mariés le 24 juin 1995 à PUJOLS.

Aucun enfant n'est né de cette union.

Une requête en divorce a été introduite le 12 janvier 2006 par Brigitte Y....

Une ordonnance de non conciliation a été rendue le 6 avril 2006. L'assignation en divorce a été délivrée le 6 juillet 2006 par Brigitte Y....

Par ordonnance du 20 mars 2007, le Juge de la Mise en Etat du Tribunal de grande instance d'AGEN a :

- ordonné la production par Monsieur X... au greffe du Tribunal de la copie du registre des entrées et des sorties du personnel intérimaire dans les comptes de la société EUROVIA depuis janvier 2006 et ce, avant le 4 avril 2007 ;

- débouté Jean-François X... de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

- mis les dépens à la charge de Jean-François X....

Le 4 mai 2007, Jean-François X... a relevé appel de cette décision.



MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Jean-François X... indique former un appel nullité à l'encontre de l'ordonnance du Juge de la mise en état d'AGEN qui a commis un excès de pouvoir à plusieurs titres.

Il fait valoir d'abord que les dispositions du Code du Travail font obstacle à la communication du registre du personnel. Elle est impossible dans la mesure où le registre ne peut être consulté normalement que par les délégués du personnel et les agents chargés du contrôle. Les éléments contenus dans ce registre sont d'une nature personnelle telles que les délégués syndicaux n'y ont pas accès.

Cette demande de production de pièce se situe dans le cadre d'une procédure de divorce à laquelle la société EUROVIA est un tiers. Cette pièce ne lui appartient pas et il ne la détient pas. Le premier juge a confondu la production d'une pièce détenue par un tiers et les dispositions de l'article 142 concernant la production d'une pièce détenue par une partie.

Il n'a pas qualité pour représenter la société et ne peut produire la pièce en question.

Le premier juge ne pouvait donc lui donner injonction de produire cette pièce. L'injonction pouvait éventuellement être donnée au tiers, s'il avait été appelé dans la procédure, ce qui n'a pas été le cas.

Le premier juge a donc manifestement commis un excès de pouvoir.

Il y a d'autant plus excès de pouvoir que s'il avait détenu une telle pièce, il commettrait une faute vis à vis de son employeur.

Un tel excès de pouvoir justifie l'appel nullité immédiat à l'encontre de l'ordonnance rendue par le Juge de la Mise en Etat.



En outre, il souligne que la demande de production en cause ne repose sur aucun motif légitime.

L'existence de la pièce dont il est demandé la production n'est pas certaine. C'est au demandeur d'apporter la justification de son existence.

Seul le registre du personnel existe, le registre des entrées et sorties du personnel intérimaire n'existe pas.

Cette pièce ne présente en outre aucun intérêt pour la procédure de divorce les opposant.

Pour fonder sa demande, Brigitte Y... fait valoir que la société EUROVIA fait travailler la société IDEM PLUS dont elle est gérante et associée et qu'il profiterait de sa position au sein de la première société pour qu'elle retire sa clientèle à IDEM PLUS.

Ces affirmations sont totalement inexactes. Il a lui même des parts dans la société IDEM PLUS, et la facturation D'IDEM PLUS à EUROVIA est passée entre 2004 date de la séparation et 2006 de 661. 687 euros à 87. 496 euros.

Les faits tels que décrits par Brigitte Y... ne concernent pas les époux mais deux sociétés ayant des personnalités juridiques distinctes des parties.

Le premier juge, en ordonnant la communication de cette pièce, a procédé à une appréciation erronée des faits.

Il demande donc à la Cour :

- de constater l'incompétence de la Cour pour statuer sur l'exception de nullité de l'appel qui ne relève que de la compétence du Conseiller de la Mise en Etat en application des dispositions des articles 911 et 771 du nouveau Code de procédure civile ;

- de l'accueillir en son appel nullité ;

- de constater l'excès de pouvoir commis par le premier juge ;

- de débouter Brigitte Y... de l'intégralité de ses demandes ;

- de la condamner au paiement de la somme de 1. 700 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

- de la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Henri TANDONNET, avoués.



Brigitte Y... soutient que depuis que les époux sont séparés, Jean-François X... use de sa position dans la société EUROVIA pour que peu à peu la société IDEM PLUS dont elle est la gérante ne soit plus missionnée par EUROVIA.

C'est à sa demande que le Juge de la mise en état a ordonné la production par Jean-François X... du registre des entrées et sorties du personnel intérimaire dans les comptes de la société EUROVIA depuis janvier 2006.

Selon l'article 776 du nouveau Code de procédure civile, les ordonnances du juge de la mise en état ne peuvent être frappées d'appel que lorsqu'elles statuent sur un incident mettant fin à l'instance, une exception de procédure ou ont trait aux mesures provisoires en matière de divorce ou de séparation de corps ou aux provisions.

L'ordonnance déférée n'est pas susceptible d'appel immédiat, indépendamment du jugement sur le fond.

Au soutien de son appel nullité, Jean-François X... prétend que le Juge de la Mise en Etat a commis un excès de pouvoir au motif qu'il commettrait une faute vis-à-vis de son employeur s'il communiquait le registre réclamé.

Il reconnaît ainsi la possibilité matérielle de communiquer ce registre, ce qui est l'évidence au regard de ses fonctions de direction. Il détient donc la pièce réclamée au sens de l'article 142 du nouveau Code de procédure civile quand bien même elle appartiendrait à la société qui l'emploie. L'injonction peut parfaitement être dirigée à son encontre.

L'employeur ne peut lui reprocher une quelconque faute, dès lors qu'il ne ferait que déférer à une décision judiciaire.

En outre, le Code du Travail ne soumet pas le registre du personnel à une mesure de secret. Aucune disposition spécifique n'en interdit la communication.

Le premier juge n'a pas excédé ses pouvoirs.

L'appel est donc irrecevable.

Le moyen d'irrecevabilité de l'appel en raison de l'absence d'ouverture d'une voie de recours est une fin de non recevoir.

Le Conseiller de la Mise en Etat a une compétence exclusive pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l'instance.

Tel n'est pas le cas d'une fin de non recevoir.

L'article 911 lui accorde compétence pour déclarer l'appel irrecevable. Il ne lui confère pas une compétence exclusive pour trancher les fins de non recevoir d'irrecevabilité de l'appel.

Conformément à l'article 123 du nouveau Code de procédure civile, les fins de non recevoir peuvent être soulevées en tout état de cause, y compris devant la formation collégiale.

À titre subsidiaire, elle rappelle que la demande de communication de pièces détenue par un tiers n'est pas subordonnée à la mise en cause de ce tiers à la procédure. Le juge peut lui enjoindre de communiquer les pièces qu'il détient et il a la faculté de demander la rétractation de l'ordonnance rendue.

La communication sollicitée est utile à la solution du litige.

Elle sollicite la production du registre d'entrée et sortie du personnel intérimaire de la société EUROVIA depuis janvier 2006.

Conformément à l'article L 620-3 du Code du Travail, il est tenu un registre du personnel mentionnant tous les salariés occupés dans l'établissement à quelque titre que ce soit.

L'article R 620-3 5o exige que pour les travailleurs temporaires soit portée la mention " travail temporaire " ainsi que le nom et l'adresse de l'entreprise de travail temporaire.

Elle justifie d'un intérêt à avoir connaissance des travailleurs intérimaires au sein de la société EUROVIA. La production du registre demandé fera apparaître la réalité du détournement par EUROVIA du personnel intérimaire d'IDEM PLUS.



Ces faits concernent directement la procédure de divorce puisqu'elle entend démontrer le comportement fautif de son mari. Elle n'est pas tenue d'agir contre la société EUROVIA mais peut parfaitement diriger sa demande à l'encontre de Jean-François X....

Elle produit pour sa part les registres du personnel de la société IDEM PLUS démontrant la diminution du nombre d'intérimaires de la société IDEM PLUS placés chez EUROVIA.

Sur les 5 premiers mois de l'année 2006, le chiffre d'affaires d'IDEM PLUS avec EUROVIA a diminué de 30 %.

À ce stade de la procédure, il est utile d'ordonner la production du registre des entrées et sorties du personnel intérimaire de la société EUROVIA.

Elle demande donc à la Cour :

- de dire et juger l'appel de Monsieur X... irrecevable ;

- subsidiairement de le déclarer mal fondé ;

- de confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 20 mars 2007 ;

- de condamner en toute hypothèse Jean-François X... à lui payer la somme de 1. 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

- de le condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP TESTON-LLAMAS.



MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu qu'à la suite de l'ordonnance du Juge de la Mise en Etat d'AGEN du 20 mars 2007, Jean-François X... a interjeté un appel nullité fondé sur l'excès de pouvoir commis par le premier juge ;

Attendu qu'il découle des dispositions de l'article 776 que les ordonnances du juge de la mise en état ne peuvent être frappées d'appel ou de pourvoi en cassation qu'avec le jugement statuant sur le fond ; qu'elles sont toutefois susceptibles d'appel dans les cas et conditions prévues en matière d'expertise ou de sursis à statuer ainsi que dans certains énumérés au 4ème alinéa de l'article susvisé ;

Que toutefois, la voie d'appel est toujours ouverte en cas de nullité pour excès de pouvoir ;

Attendu que l'excès de pouvoir est constitué lorsque le juge outrepasse les pouvoirs que lui donne la loi ou refuse de les exercer ;

Qu'en l'espèce, Jean-François X... soutient que le Juge de la mise en état a confondu la production de pièces détenues par une partie et la production de pièces détenues par un tiers ; qu'il soutient par ailleurs que les dispositions du Code du Travail font obstacle à la communication d'un registre du personnel ;

Qu'il n'invoque donc que la violation de règles de procédure dont il ne peut résulter aucun excès de pouvoir ;

Que son appel en nullité n'est donc pas fondé ;



Attendu que Brigitte X... demande à la Cour de constater que Jean-François X... est irrecevable en son appel ; que celui-ci soutient que seul le Conseiller de la Mise en Etat à compétence pour statuer sur la recevabilité de l'appel ;

Attendu que si l'article 911 du nouveau Code de procédure civile donne compétence au Conseiller de la Mise en Etat pour déclarer l'appel irrecevable, il n'en résulte aucune compétence exclusive, la Cour d'Appel restant compétente pour statuer sur la recevabilité de l'appel si la question n'a pas été tranchée par le Conseiller de la Mise en Etat ;

Attendu qu'il convient de constater qu'en l'espèce, par application de l'article 776 du nouveau Code de procédure civile, l'ordonnance déférée ne peut être frappée d'appel qu'avec le jugement statuant sur le fond puisque le juge de la mise en état n'a pas statué en matière d'expertise ou de sursis à statuer, ni dans les cas énumérés aux 1o à 4o de cet article ;

Qu'il y a lieu en conséquence de déclarer l'appel de Jean-François X... irrecevable ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Déclare irrecevable l'appel formé par Jean-François X... ;

Rejette tout autre chef de demande ;

Condamne Jean-François X... aux dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP TESTON-LLAMAS, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Vu l'article 456 du nouveau Code de procédure civile, le présent arrêt a été signé par Chantal AUBER, Conseiller ayant participé au délibéré en l'absence du Président de Chambre empêché et par Dominique SALEY, Greffier.



Le Greffier, Le Conseiller,

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