25 septembre 2007
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 05/16441

Texte de la décision

4o Chambre B

ARRÊT AU FOND
DU 25 SEPTEMBRE 2007

No 2007 / 372

René X...

Andrée X...

Bernard X...

Françoise X... épouse Y...




C /

S. C. I DE PROVENCE

à : COHEN
JOURDAN

réf

Décision déférée à la Cour : F. d.

Jugement du Tribunal d'Instance de DIGNE LES BAINS en date du 28 Juin 2005 enregistré au répertoire général sous le no 03 / 306.



APPELANTS

Monsieur René X...

demeurant...


Madame Andrée X...

demeurant...


Monsieur Bernard X...

demeurant...


Madame Françoise X... épouse Y...

demeurant...- ...-84000 AVIGNON

représentés par la SCP COHEN- GUEDJ, avoués à la Cour,
Plaidant Me Laure CHIESA, avocat au barreau de DIGNE



INTIMEE

S. C. I DE PROVENCE
prise en la personne de son représentant légal en exercice
demeurant Avenue de la Libération-04200 SISTERON

représentée par la SCP JOURDAN- WATTECAMPS, avoués à la Cour,
Plaidant Me Michel BRUNET, avocat au barreau de DIGNE



*- *- *- *- *
COMPOSITION DE LA COUR



En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 11 Juin 2007, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence DELORD, Conseiller, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Didier CHALUMEAU, Président
Madame Florence DELORD, Conseiller
Monsieur Jean- Luc GUERY, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Agnès BUCQUET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Septembre 2007.

ARRÊT

Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Septembre 2007

Signé par Monsieur Didier CHALUMEAU, Président et Madame Agnès BUCQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS, MOYENS DES PARTIES,

La SCI DE PROVENCE est propriétaire d'une parcelle à Sisteron (Alpes de Haute- Provence) grevée d'une servitude de passage, et elle a fait installer un portail et des boîtes aux lettres sur l'assiette de la dite servitude, courant août 2003.

Les consorts X... sont propriétaires d'une parcelle voisine sur laquelle est édifiée une maison.

Par acte du 8 septembre 2003, les consorts X... ont assigné la SCI DE PROVENCE devant le Tribunal d'Instance de Digne Les Bains, sur le fondement de l'article 1264 du Code Civil, aux fins de faire juger que l'installation du portail constitue une voie de fait, et le faire enlever sous astreinte.

La SCI DE PROVENCE a conclu au débouté des demandes comme irrecevables et mal fondées et, à titre reconventionnel, elle a demandé de faire interdire l'aggravation de la servitude grevant son fonds.

Par jugement Avant Dire Droit en date du 23 mars 2004, le Tribunal d'Instance de Digne Les Bains a ordonné une mesure de transport sur les lieux.

Les consorts X... ont conclu à l'aggravation par la SCI DE PROVENCE des conditions d'usage de la servitude de passage, par l'installation du portail sur son assiette et, la remise d'une clé ne pouvant être satisfactoire en l'espèce, ils ont demandé en conséquence son enlèvement, outre le versement d'indemnités.

Par jugement du 28 juin 2005, le Tribunal d'Instance de Digne Les Bains a :

- vu le jugement Avant Dire Droit du 23 mars 2004,

- vu le procès verbal de transport sur les lieux en date du 3 mai 2004,

- constaté que les consorts X... sont en possession d'un double des clés du portail litigieux,

- dit que l'installation de ce portail n'entraîne pas pour eux une gêne justifiant son enlèvement,

- débouté en conséquence les consorts X... de leurs demandes,

- donné acte à la SCI DE PROVENCE de ce qu'elle se désiste de ses demandes d'arrachage et d'élagage des végétaux fondées sur les dispositions de l'article 672 du Code Civil,

- s'est déclaré incompétent pour connaître de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 702 du Code Civil, s'agissant d'une demande de nature immobilière pétitoire relevant de la compétence exclusive du Tribunal de Grande Instance,

- débouté la SCI DE PROVENCE de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné les consorts X... à payer à la SCI DE PROVENCE la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par acte du 4 août 2005, les consorts X... ont fait appel de ce jugement.



Par leurs dernières conclusions déposées le 22 décembre 2006, les consorts X... ont demandé à la Cour :

- de réformer le jugement,

- de juger qu'en installant un portail sur l'assiette de la servitude conventionnelle de passage, la SCI DE PROVENCE en aggrave singulièrement et abusivement les conditions d'usage,

- de juger que la remise d'une clé ne peut pas être satisfactoire, compte tenu de la situation des lieux particulière à l'espèce,

- de condamner en conséquence la SCI DE PROVENCE à procéder à l'enlèvement du portail et ce, sous astreinte de 1. 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

- de la condamner au paiement de la somme de 5. 000 euros à titre de dommages et intérêts, à celle de 1. 500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions déposées le 6 décembre 2006, la SCI DE PROVENCE a demandé à la Cour :

- de confirmer le jugement,

- de débouter la demanderesse de ses prétentions,

- de constater l'irrecevabilité de la demande fondée sur la voie de fait et en réintégrande,

- de juger que la concluante a le droit de clore sa propriété par un portail et que celui- ci ne constitue pas une gêne de nature à en ordonner l'enlèvement,

- de constater que la concluante a remis le double des clés du portail,

- de constater l'abus de droit manifeste dans la demande des consorts X... et de les condamner à payer la somme de 5. 000 euros à titre de dommages et intérêts,

A titre subsidiaire,

- d'accorder un délai de 3 mois pour l'enlèvement du portail,



- de donner acte à la concluante de ce qu'elle se réserve la possibilité de conclure après communication régulière des pièces du dossier adverse,

- de condamner les consorts X... au paiement de la somme de 3. 000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens.

L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 14 mai 2007.

MOTIFS DE LA DECISION :

1o- Sur le trouble possessoire :

En application de l'article 544 du Code Civil, il convient de rappeler que le droit de propriété emporte le droit de se clore.

Lorsqu'une servitude de passage existe, comme en l'espèce, le propriétaire du fonds servant ne doit rien faire qui empêcherait le passage ou en rendrait l'usage plus incommode (article 701 du Code Civil).

En installant un portail en fer, au début du chemin qui constitue l'assiette de la servitude de passage, la SCI DE PROVENCE a voulu sécuriser l'accès et empêcher les actes d'insalubrité et de dégradations susceptibles d'être favorisés par la configuration des lieux (Gare SNCF et Route Nationale), tous éléments dont elle justifie par attestations.

La servitude de passage profite aussi bien au fonds " X... " qu'au fonds " C... " situé au fonds du passage.

La SCI DE PROVENCE a remis les clés de ce portail aux époux X... et aux consorts C....

Les consorts " C... " ne se sont pas plaints de l'installation de ce portail.

Le bâtiment X... dispose d'une partie occupée par les époux X... qui ont leur propre accès sur la voie publique, le reste du bâtiment étant loué et accessible par la servitude de passage litigieuse.

La circonstance, selon laquelle les locataires des époux X... seraient obligés d'ouvrir deux portails pour accéder aux jardins donnant accès à des garages et à la partie louée, n'est pas différente de celle des consorts C..., qui doivent ouvrir également deux portails pour accéder à leur propriété, ni de la SCI DE PROVENCE qui, une fois passé le portail litigieux, doit ouvrir son propre garage situé sur la gauche du passage.

La distribution du courrier, contre avis de réception, et l'accès des visiteurs (y compris les médecins, personnel de santé, de secours d'urgence, etc...) peut trouver une solution amiable à l'aide de moyens techniques utilisés couramment dans les immeubles collectifs dont la porte d'entrée est sécurisée.

La seule nécessité d'utiliser une clé, pour ouvrir un portail ne constitue pas une gêne exorbitante qui s'apparenterait à un trouble possessoire, ou à une voie de fait, dès lors que des impératifs de sécurité et de salubrité ont présidé à la mise en place du dit portail, et qu'aucune preuve d'une intention de nuire aux époux X..., en les empêchant de mettre leur bien en location, ne ressort du dossier.

Les moyens de défense développés par les appelants, quant à la largeur de la servitude de passage, et par l'intimée, quant à l'application de l'article 702 du Code Civil, sont étrangers au caractère possessoire de l'action engagée devant le Tribunal d'Instance et la Cour les écarte, d'autant qu'aucune demande ne s'y rattache, la réserve des droits à agir en justice étant superfétatoire.

En conséquence, la Cour confirme le jugement entrepris et déboute les époux X... de leurs demandes.



2o- Sur les demandes de dommages et intérêts des parties :

Les époux X... ne démontrant pas en quoi le comportement de la SCI DE PROVENCE serai abusif, leur demande est rejetée.

Il n'apparaît pas que les époux X... auraient fait dégénérer en abus leur droit d'agir en justice.

Ainsi, la Cour rejette également la demande de la SCI DE PROVENCE.

3o- Sur l'article 700 du Nouveau Code Procédure Civile :

La Cour fait droit à la demande de l'intimée uniquement.



PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant en audience publique, contradictoirement,

- Confirme le jugement entrepris,

Et y ajoutant,

- Condamne M. et Mme René X... à payer à la SCI DE PROVENCE la somme de 3. 000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- Déboute les parties de leurs autres demandes,

- Condamne M. et Mme René X... aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.



LE GREFFIER LE PRESIDENT

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