26 juin 2008
Cour d'appel de Caen
RG n° 06/02727

Texte de la décision

AFFAIRE : N RG 06 / 02727
Code Aff. :
ARRÊT N
MH NP

ORIGINE : DECISION en date du 15 Septembre 2006 du Tribunal de Commerce de BAYEUX- RG no

PREMIÈRE CHAMBRE- SECTION CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 26 JUIN 2008

APPELANTE :

LA S. A. SIMOP
LE MOULIN
50390 ST SAUVEUR LE VICOMTE
prise en la personne de son représentant légal

représentée par la SCP GRAMMAGNAC- YGOUF BALAVOINE LEVASSEUR, avoués
assistée de Me Olivier LANGEARD, avocat au barreau de CAEN

INTIMES :

Maître Paul Henri Y..., mandataire judiciaire et liquidateur de la liquidation judiciaire de la société AMS BRIMEX

...

29000 QUIMPER

Monsieur Alain C...


...

29170 FOUESNANT

représentés par la SCP PARROT LECHEVALLIER ROUSSEAU, avoués
assistés de la SCP GOURVES & ASSOCIES, avocats au barreau de QUIMPER

La Société A'QUIA

...

14230 ISIGNY SUR MER
prise en la personne de son représentant légal

Monsieur Anthony Z...


...

14230 ISIGNY SUR MER

représentés par la SCP GRANDSARD DELCOURT, avoués
assistés de Me Stéphane PIEUCHOT, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame HOLMAN, Conseiller, faisant fonction de Président, rédacteur,
Madame BOISSEL DOMBREVAL, Conseiller,
Madame VALLANSAN, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 03 Avril 2008

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

ARRÊT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 26 Juin 2008 et signé par Madame HOLMAN, Conseiller, faisant fonction de Président, et Mme LE GALL, Greffier

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La SA SIMOP a interjeté appel du jugement rendu le 15 septembre 2006 par le tribunal de commerce de BAYEUX dans un litige l'opposant à Maître Y... ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SA AMS BRINEX, M. Alain C..., la SARL A'QUIA et M. Anthony Z....

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La société SIMOP fabrique et commercialise, directement ou par l'intermédiaire de ses filiales, une gamme importante de systèmes, cuves et produits d'assainissement d'effluents domestiques et de traitement et pré- traitement d'eaux pluviales, essentiellement en matière plastique.

Elle a également conçu, grâce à son propre bureau d'études, des séparateurs à hydrocarbures en chaudronnerie métallique, dont elle confie la construction à des partenaires fabricants.

Au cours de l'année 1986, M. Armel A..., fondateur et actionnaire majoritaire de la société SIMOP, a racheté la société ARMOR MECANO SOUDURE (AMS)- dont l'objet social était la fabrication d'acier-, et ce avec M. C... directeur technique de la société AMS depuis 1985, qui a pris les fonctions directeur général.

La société SIMOP est devenue actionnaire majoritaire de la société AMS et les deux sociétés ont poursuivi les relations d'affaires initiées depuis 1983.

En août 1990, la société AMS a acquis une société SIPA en redressement judiciaire, qui a été renommée BRINEX.

En mars 1994, les sociétés AMS et BRINEX ont fusionné et pris le nom D'AMS BRINEX.

En 1999, la famille A... a vendu ses actions à M. C... qui est devenu propriétaire de l'intégralité du capital de la SA AMS BRINEX.

Aux termes d'un contrat de sous- traitance industrielle conclu le 3 septembre 1999 pour une durée de cinq ans entre la société SIMOP représentée par M. Valéry A..., directeur industriel, et la société AMS BRINEX représentée par M. C..., directeur général et administrateur, dont l'objet était la fabrication et la livraison de matériel d'assainissement des eaux en acier commercialisé par SIMOP, modifié par avenant du 15 novembre 1999, la société SIMOP s'est engagée (article 3) à " confier, par préférence à un tiers, à AMS- BRINEX, la fabrication de produits contractuels (spécifiquement définis), sous réserve qu'AMS BRINEX soit en mesure d'assurer la fabrication et la livraison de ces produits à des conditions concurrentielles ", l'appréciation de ces conditions reposant " pour des produits de qualité égale, sur le prix incluant les frais de transport du client livré. "

Il était précisé : " SIMOP pourra consulter l'état de la concurrence afin de définir le prix du marché qui sera la moyenne d'une ou plusieurs consultations. Pour apprécier ce prix de marché, SIMOP s'attachera à éviter des prix d'appel, des situations anormales, des prix prédateurs.

... AMS BRINEX est informée de l'existence.... d'un autre sous- traitant situé dans Sud- Est de la France.

Les prix (article 10 modifié) sont déterminés d'un commun accord entre les parties.... Il est établi un tarif applicable qui peut être renégocié une fois par an si nécessaire entre les parties.

L'article 2 du contrat définit les " produits contractuels " :

" La fabrication porte sur l'ensemble des produits et appareils d'assainissement des eaux en acier (débourbeurs, séparateurs, stations d'épuration, décanteurs...) commercialisés par SIMOP dans ses différentes gammes, à savoir :

- assainissement autonome,

- équipements de réseaux,

- pré- traitements acier "

Ces appareils peuvent être " catalogue ", " modulaires " ou " spécifiques ".

La notion de fabrication est également définie à l'article 6 intitulé " conditions d'exécution de la fabrication " :

" SIMOP s'engage à fournir à AMS BRINEX, en temps utile, les plans fonctionnels ou tout autre document ou information nécessaires à la réalisation de la commande.

Il est expressément convenu entre les parties que ces plans fonctionnels précisent seulement la structure, la composition, les dimensions et les caractéristiques des produits contractuels.

Il appartient en conséquence à AMS BRINEX d'effectuer le retraitement des données transmises et les calculs nécessaires pour exécuter la commande de manière conforme aux règles de l'art en matière de chaudronnerie... ".

AMS BRINEX s'engage à " proposer à SIMOP toutes modifications ou améliorations conformes... permettant de maintenir le niveau de compétitivité des produits contractuels " (article 4).

L'article 5, intitulé " planning industriel " impose à la société SIMOP de donner " en fin d'exercice comptable, à titre indicatif et prévisionnel, à la société AMS BRINEX, le volume des commandes qu'elle est susceptible de lui confier au cours de l'exercice suivant ".

Aux termes de l'article 12 (marquage des produits) :

" Il est interdit à AMS BRINEX de faire figurer sur les produits fabriqués sa marque, son nom, sa dénomination sociale.

.... Elle s'engage à faire figurer le nom de la société SIMOP dans les conditions qui lui seront données ".

D'une manière générale, " les parties s'engagent à toujours se comporter l'une envers l'autre comme deux partenaires loyaux de bonne foi... " (Article 4 intitulé " Collaboration ").

En outre la société AMS BRINEX " s'interdit directement ou indirectement, pendant toute la durée du contrat de fabriquer des produits concurrents des produits contractuels pour son propre compte ou le compte d'un tiers, sans l'accord exprès préalable et écrit de SIMOP " (article 17 modifié).

Chaque partie s'interdit (article 18) de divulguer, non seulement les " procédés de fabrication " mais également les " informations financières, commerciales ou techniques, savoir- faire, rapports ou autre renseignements de toute nature se rapportant directement ou indirectement aux affaires des parties qui seraient communiquées par l'une d'elle à l'autre aux fins de l'exécution du présent contrat.... ni de les divulguer de quelque manière ou pour quelque raison que ce soit, et de les utiliser à toutes fins autres que celles prévues aux présentes ", et s'engage à prendre " toutes les mesures nécessaires aux fins de s'assurer du respect des obligations de cette disposition par tous préposés ", cette clause de confidentialité s'appliquant " tant au cours du présent contrat qu'après sa cessation ".

Enfin, la société AMS BRINEX s'engage à ne pas embaucher un salarié de l'autre partie sans l'accord écrit de cette dernière (article 19).

Le 5 juillet 2002, M. Z..., salarié de la société SIMOP depuis 1995 embauché en qualité d'ingénieur traitement des eaux et devenu responsable du département recherche et développement division eau, a démissionné de cette société.

Par acte sous seing privé du 27 septembre 2002, M. Z... a constitué avec M. B... une SARL A'QUIA, immatriculée le 28 octobre 2002, dont l'objet social et l'activité sont " la conception et la commercialisation de tous appareils et procédés de traitement de l'eau et de l'air en tous matériaux ", et dont M. Z... a été nommé gérant.

Considérant que la société A'QUIA avait été conçue en réalité par M. C... uniquement, et dans le but d'exercer une concurrence interdite et déloyale à l'encontre de la société AMS BRINEX, la société SIMOP, après s'être fait régulièrement autoriser judiciairement, a, par constats d'huissier du 23 décembre 2003, concomitamment dressés aux sièges respectifs des sociétés AMS BRINEX et A'QUIA, fait saisir tous documents relatifs aux relations entre les parties, et par courrier du 8 janvier 2004, a signifié à la société AMS BRINEX la résiliation du contrat de 1999, à ses torts et griefs.

Puis, par actes des 31 mars, 5 et 8 avril 2004, la société SIMOP a assigné M. Z..., la société A'QUIA, M. C... et la société AMS BRINEX, afin de voir interdire à la société A'QUIA d'exercer toute activité jusqu'au 3 septembre 2004, et ce sous astreinte de 1. 500 € par jour et par infraction constatée, et d'obtenir paiement de la somme de 764. 730 € à titre de dommages et intérêts, sous réserve de compensation avec la somme de 94. 500 € toutes taxes comprises qu'elle reconnaissait devoir, outre paiement d'une somme de 25. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 27 avril 2004, le tribunal de commerce de QUIMPER a mis la société AMS BRINEX en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire par jugement du 23 juillet 2004.

Les défendeurs ont présenté des demandes reconventionnelles et par le jugement déféré assorti de l'exécution provisoire ultérieurement aménagée par protocole transactionnel, le tribunal a débouté la société SIMOP de ses demandes, a ordonné la destruction des fichiers informatiques et la restitution des documents saisis, sous astreinte de 5. 000 € par jour de retard, et a condamné la société SIMOP à payer à la société A'QUIA les sommes de 149. 631, 93 € à titre de dommages et intérêts, 10. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre, sur le même fondement, 5. 000 € à Maître Y... ès qualités et 10. 000 € à M. Z....

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Vu les écritures signifiées :

* le 19 février 2008 par la société SIMOP qui conclut à l'infirmation du jugement, à l'irrecevabilité et au rejet des demandes reconventionnelles et demande paiement de la somme provisionnelle de 569. 818 € sous réserve de la désignation d'un expert aux fins d'évaluation du préjudice, la somme de 589. 818 € devant être fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société AMS BRINEX, outre 50. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

* le 21 mars 2008 par Maître Y... ès qualités et M.


C...
qui concluent à l'irrecevabilité des pièces communiquées par la société SIMOP sous les numéros D43 à D49 compris et des réclamations par elle formulées pour le compte de la société FRANCEAUX et à la confirmation du jugement. Maître Y... demande reconventionnellement paiement d'une somme de 800. 000 € en réparation du préjudice subi par les créanciers du fait du blocage de la trésorerie de la société AMS BRINEX, cause du dépôt de bilan, outre 40. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

* le 26 février 2008 par la société A'QUIA et M. Z... qui concluent à l'irrecevabilité des pièces D 43 à D 49, à la confirmation du jugement, et demandent paiement d'une somme complémentaire de 30. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

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La société SIMOP reproche à la société AMS BRINEX à la fois la violation des clauses contractuelles de non- concurrence, de confidentialité et de débauchage, et des actes de concurrence déloyale.

Elle reproche à M. C... d'avoir commis des fautes détachables de ses fonctions de dirigeant de la société AMS BRINEX, engageant sa responsabilité personnelle en application de l'article 223-22 du code de commerce en se rendant coupable de recel et de complicité de vol des fichiers et documents au détriment de la société SIMOP, en participant personnellement à la constitution et au développement de la société A'QUIA au détriment des intérêts de la société AMS BRINEX et ce en violation de la clause de non- concurrence souscrite par cette dernière.

Elle reproche à la société A'QUIA de s'être rendue complice de la violation par la société AMS BRINEX de ses obligations contractuelles, en se livrant à une concurrence déloyale du fait, d'une part, d'une organisation commerciale lui permettant de pratiquer des prix prédateurs et, d'autre part, de l'appropriation de documents et informations tant techniques que commerciaux appartenant à la société SIMOP, faits " à l'origine d'une situation parasitaire faussant le jeu d'une concurrence normale et loyale ".

Enfin, la société SIMOP reproche à M. Z... d'avoir préparé la création de la société A'QUIA alors qu'il était encore salarié de la société SIMOP, de s'être approprié de nombreux fichiers et documents appartenant à la société SIMOP et d'avoir développé ses activités au sein de la société A'QUIA en parfaite connaissance de la violation par la société AMS BRINEX de la clause de non- concurrence.

I Sur la recevabilité des pièces communiquées par la société SIMOP sous les numéros D43 à D 49 compris

Aux termes de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, toutes les correspondances échangées entre un client et son avocat sont couvertes par le secret professionnel et doivent être écartées lorsqu'elles sont versées au dossier d'une partie, peu important que l'avocat qui les produit en justice ait obtenu, sur le plan déontologique, l'autorisation du bâtonnier pour les produire.

Ce principe ne reçoit exception que lorsque les correspondances sont de nature à établir la commission par l'avocat, en qualité d'auteur ou de complice, d'une infraction pénale, ou sa participation à une fraude fiscale, ce qui n'est pas l'objet du litige soumis en l'espèce à la Cour.

En conséquence, ces pièces seront déclarées irrecevables et écartées des débats.

II Sur les réclamations de la société SIMOP pour le compte de la société FRANCEAUX

Maître Y... ès qualités et M. C... soutiennent qu'en application du principe " nul ne plaide par procureur " la société SIMOP est irrecevable à agir pour le compte de la société FRANCEAUX, sa filiale, non partie à la procédure.

Cependant, la société SIMOP ne présente aucune réclamation pour le compte de cette société.

En conséquence ce moyen sera rejeté comme étant dénué d'intérêt.

III Sur la validité de la clause de non- concurrence

La recevabilité de ce moyen

La société SIMOP soutient que les intimés ne sont pas recevables à présenter pour la première fois en cause d'appel le moyen nouveau tiré de la nullité de la clause de non- concurrence, au surplus non repris dans le dispositif des conclusions.

Cependant, en application de l'article 72 du code de procédure civile, le moyen de défense tiré de la nullité d'un acte juridique sur lequel se fonde le demandeur peut être opposé en tout état de cause.

Par ailleurs, la Cour est saisie des prétentions et moyens formulés expressément dans les conclusions et elle a l'obligation de statuer sur l'intégralité des moyens formulés sans équivoque dans les motifs, même s'ils ne sont pas repris dans le dispositif des écritures.

En conséquence l'exception d'irrecevabilité, infondée, sera rejetée.

L'existence d'une contrepartie financière et la proportionnalité

En application de l'article 1108 du code civil, la cause est une condition de validité du contrat.

Dans un contrat synallagmatique, la cause de l'obligation de chacune des parties réside dans l'obligation de l'autre, et il y a absence de cause lorsque la contrepartie attendue par l'un des contractants fait défaut.

L'existence de la cause d'une obligation doit s'apprécier à la date où elle est souscrite, c'est- à- dire au moment de la formation du contrat.

Concernant spécialement la clause de non- concurrence, en application du principe de libre exercice d'une activité professionnelle, la clause de non- concurrence stipulée dans un contrat de travail doit comporter une contrepartie financière sous peine de nullité.

En application du principe de la liberté d'entreprendre, cette règle doit être étendue aux contrats dans lesquels une partie est sous l'autorité de l'autre, et notamment aux contrats de dépendance économique.

L'état de dépendance économique est une situation dans laquelle une entreprise est obligée de poursuivre ses relations commerciales avec une autre entreprise compte- tenu de l'impossibilité de s'approvisionner en produits substituables dans des conditions équivalentes.

Par ailleurs, la clause de non- concurrence n'est valable que s'il est constaté par le juge une proportionnalité entre la protection des intérêts légitimes de l'entreprise bénéficiaire de la clause et les contraintes imposées au débiteur de la non- concurrence.

L'intérêt légitime se définit comme la protection de la clientèle et des éléments attractifs de la clientèle.

En l'espèce, à raison de la clause d'exclusivité, la société AMS BRINEX se trouvait en situation de dépendance économique puisqu'il lui était interdit de fabriquer et de commercialiser d'autres produits que ceux à elle commandés par la société SIMO, même si ces produits étaient limitativement énumérés.

En contrepartie de cette exclusivité, la société SIMOP consentait une clause de préférence strictement définie selon les modalités ci- dessus. En outre, la société SIMOP s'engageait à fournir chaque année en fin d'exercice comptable à son cocontractant un planning industriel comportant le volume des commandes qu'elle était susceptible de lui confier au cours de l'exercice suivant, ce qui permettait à la société AMS BRINEX d'organiser sa production et de s'adapter à la demande.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il doit être considéré que la clause de non- concurrence comportait une contrepartie financière et qu'il existait une proportionnalité entre la protection des intérêts légitimes de l'entreprise SIMOP, bénéficiaire de la clause et les contraintes imposées à la société AMS BRINEX, débiteur de la non- concurrence, et en conséquence qu'au moment de la formation du contrat, la clause était valable car justement causée.

IV Sur l'exécution du contrat

A raison de l'interdépendance des obligations dans un contrat synallagmatique à exécution successive, si en cours de contrat l'une des obligations n'est pas exécutée l'autre n'a plus de cause et le cocontractant n'est plus tenu pour ce motif d'exécuter sa propre obligation.

En l'espèce, les intimés soutiennent que le contrat de sous- traitance a été rompu du fait de la société SIMOP en mars 2001, que la clause de non concurrence a pris fin avec la rupture anticipée du contrat résultant de son inexécution fautive, et en conséquence qu'il ne peut leur être reproché aucune violation de cette clause, les faits allégués par la société SIMOP reposant sur des documents dont les plus anciens datent de juin 2002, soit postérieurement à la rupture du contrat de sous- traitance.

Les plannings industriels

Il était expressément prévu au contrat que le volume des commandes pour l'année à venir devait être communiqué à la société AMS BRINEX, la seule réserve étant le caractère " indicatif et prévisionnel " de cette information. Le terme " planning " sous- entend également une information relative aux gammes, aux quantités et à la périodicité des commandes, la commune intention des parties étant manifestement de permettre au sous- traitant d'organiser sa production sur l'intégralité de l'exercice comptable annuel.

Or, la société SIMOP, à qui incombe la charge de la preuve de l'exécution de son obligation n'a jamais fourni à la société AMS BRINEX le planning industriel tel que déterminé au contrat.

En effet les fiches et courriers produits aux débats ne concernent que les prix et les tarifs, jamais les volumes.

S'il est exact qu'il n'était pas contractuellement prévu l'établissement d'un planning écrit, eu égard à l'importance du chiffre d'affaires réalisé par la société AMS BRINEX avec la société SIMOP, à savoir 1. 456. 274 € pour l'exercice 1999 / 2000, 1. 276. 924 € pour 2000 / 2001, 1. 086. 413 € pour 2001 / 2002, 165. 741 € pour 2002 / 2003, celle- ci ne saurait sérieusement prétendre que les volumes et accessoires ci- dessus précisés aurait été exclusivement communiqués oralement, au décours d'une conversation, et ce alors que les prix et les tarifs faisaient l'objet de multiples écrits.

Les attestations de trois salariés de la société SIMOP, qui certifient avoir assisté chaque année en présence de M. C... à des réunions au cours desquelles " les prévisions commerciales étaient établies " sans autre précision relatives aux dates et au contenu de ces prévisions sont insuffisantes en raison de leur caractère particulièrement vague pour rapporter la preuve de la communication telle que contractuellement prévue, dont l'objet précisément déterminé par les parties était essentiel.

Il en est de même des notes d'information comportant l'ordre du jour des réunions commerciales annuelles produites par la société SIMOP,- qui correspondent indubitablement aux réunions évoquées par les attestants dont les noms figurent sur ces écrits- sur lesquelles sont seulement mentionnés, pour les périodes postérieures au contrat : " bilan activité avec AMS... objectif 1999 / 2000 " (en octobre 1999, cette dernière mention ne figurant plus l'année suivante).

Dans sa transmission à la société AMS BRINEX du 12 septembre 2000, relative aux " prévisions commerciales 2000 / 2001, la société SIMOP se borne à préciser " suite à votre demande, il aurait été bon de nous fournir les possibilités de production par usine " et à lui reprocher " des problèmes de qualités des produits et des services.... croissants et.... pas réglés ", ce qui ne correspond en rien à l'information contractuellement prévue.

Les termes de ce courrier établissent par contre que la société AMS BRINEX a réclamé l'établissement du planning, mais que la société SIMOP a alors " estimé que cette demande était prématurée " ainsi qu'il est précisé in fine.

Les prix

En exécution des articles 3 et 10 du contrat, pour exécuter loyalement ses obligations contractuelles relatives à la clause de préférence, la société SIMOP se devait pour définir le prix du marché de consulter la concurrence et établir une moyenne, en évitant " les prix d'appel, les situations anormales, les prix prédateurs " et ce afin de permettre une discussion éclairée entre les parties qui devaient, aux termes du contrat, déterminer les tarifs d'un commun accord.

Or, il résulte des courriers échangés entre les parties, et notamment celui du 21 janvier 2002, adressé par la société SIMOP à AMS BRINEX que début 2001, sur les produits parallélépipédiques, la société SIMOP a mis en concurrence la société FRANCEAUX devenue en mars 2001 sa filiale, dont les produits étaient fabriqués en Pologne, et les sous- traitants de celle- ci et que dans cet écrit du 21 janvier 2002, la société SIMOP, " confirmant les décisions dont nous sommes convenus lors de notre rendez- vous du 17 janvier dernier ", a indiqué à son cocontractant " nous sommes donc convenus de mettre un terme à nos relations contractuelles concernant cette gamme de produits, à effet du 1er mars prochain ", et ce au motif que la société AMS BRINEX n'était pas compétitive. Celle- ci a immédiatement contesté avoir donné un quelconque accord à cette résiliation étant précisé que les appareils parallélépipédiques représentaient 30 % des commandes " acier ".

Or, la mise en concurrence avec une société dans laquelle elle avait des intérêts constitue une situation anormale et le modus operandi de fabrication de cette société générait- à raison des différences de coûts de main d'oeuvre contre lesquelles la société AMS BRINEX ne pouvaient pas lutter sous peine d'enfreindre la législation- des prix prédateurs, qui devaient en conséquence être écartés par la société SIMOP lors de l'établissement des prix du marché.

Certes, les intimés ne peuvent sérieusement prétendre ignorer le nom du concurrent seulement indiqué comme étant du " Sud " sur la télécopie adressée le 13 mai 2002 par la société BAFEX, société mère de la société SIMOP, sur papier à entête de cette dernière, qui contient une communication de tarifs.

En effet, ce concurrent était la société SIFCO, précisément mentionnée dans l'article 3 du contrat de sous- traitance.

Cependant ce tarif constitue la seule consultation de la société SIMOP pour la période considérée.

En effet, la table de calcul de prix d'appareils acier, révisée au 1er janvier 2003, saisie dans l'ordinateur de la société A'QUIA, qui est une comparaison des prix entre la société AMS BRINEX et la société SIFCO, ne concerne pas la période antérieure 2001 et 2002, et la production de cette pièce n'est donc pas de nature à rapporter la preuve de l'exécution par la société SIMOP de son obligation de consultation de la concurrence pour ces exercices.

En outre, il n'est pas démontré que cette comparaison aurait été communiquée à la société AMS BRINEX par la société SIMOP.

Pour le même motif, la communication des tarifs 2004 des sociétés SIFCO et JURACEK est dénuée d'intérêt, de même que la reconstitution, en février 2008, des tarifs entre 2001 et 2004, des sociétés SIFCO et HEMERY, et ceux de la société JULIEN.

En juin 2002, la société SIMOP a imposé à la société AMS BRINEX une baisse de prix moyenne de 3 % ainsi qu'il résulte du tableau comparatif de variation de prix produit par la société SIMOP elle- même, que la société AMS BRINEX n'a accepté que " pour interdire à la société SIMOP d'argumenter sur les prix pour tenter de justifier la baisse importante de chiffre d'affaires commandé par SIMOP ", c'est- à- dire contrainte par sa situation de dépendance économique.

Le 3 décembre 2002 la société AMS BRINEX a informé la société SIMOP d'un relèvement de ses prix de 3 % au motif que l'évolution des coûts rentrant dans la fabrication des matériels (acier, peinture, main d'oeuvre) engendrait une augmentation des prix de revient à partir du 1er janvier 2003, ce qui a été refusé par celle- ci par courrier du 5 décembre 2002 car ces tarifs n'étaient pas compétitifs, par comparaison avec le tarif " d'un confrère du Sud "- en fait la société SIFCO- qui datait de 2002, ce qui enlevait toute possibilité de comparaison et donc en violation des clauses contractuelles ci- dessus rappelées.

Par courrier du 5 février 2003, la société SIMOP a refusé toute augmentation au motif que cette hausse était " à contre courant des tarifs pratiqués par les professionnels des mêmes spécialités ainsi qu'en attestent les tarifs des autres fournisseurs ci- annexés, qui vous ont déjà été transmis ", a informé la société AMS BRINEX de ce que " la hausse de vos tarifs impose de confier l'ensemble de la production à un ou à d'autres fournisseurs " mais a exigé pendant un délai de

réorganisation par elle fixé à un minimum de six mois, la continuation des relations contractuelles au tarif de la concurrence d'AMS BRINEX, et in fine l'a mise en demeure d'assurer une continuation des livraisons de commandes jusqu'à l'échéance du contrat, au tarif conforme à celui de la concurrence.

Sur la collaboration

Il résulte des ordres du jour des réunions commerciales et des courriers échangés entre les parties que la société AMS BRINEX a satisfait à son obligation de participer au développement et à l'amélioration des produits puisqu'elle a obtenu le label ISO 9002 et la norme NF, ce dont la société SIMOP a nécessairement tiré avantage auprès de ses propres clients.

Ces améliorations étaient de nature à " permettre de maintenir le niveau de compétitivité des produits contractuels ", conformément à l'article 4 du contrat, et il doit être observé que les motifs avancés par la société AMS BRINEX pour justifier une augmentation de tarif, ci- dessus précisés, sont objectifs et extérieurs à l'entreprise qui subissait des hausses qu'elle ne pouvait maîtriser.

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Les obligations de communication de plannings industriels et de communication des prix dans les conditions contractuellement fixées mises à la charge de la société SIMOP et par elle non respectées pour les motifs ci- dessus exposés constituaient des conditions essentielles du contrat puisque la société AMS BRINEX, en situation de dépendance économique à raison de son obligation d'exclusivité, ne pouvait survivre qu'en ayant la possibilité d'organiser sa production sur l'année à venir et de fabriquer les produits commandés par son donneur d'ordre à un coût économique supportable, ou de rechercher une clientèle extérieure dans la gamme des produits non contractuels si au vu des informations transmises par son donneur d'ordre, elle estimait qu'une diversification était opportune.

Or à raison du comportement fautif de la société SIMOP elle était tenue dans l'ignorance totale de son devenir, alors que l'intégralité de sa production pour les produits contractuels était dédiée à la société SIMOP, ainsi qu'elle le lui a rappelé dans plusieurs courriers, et qu'elle avait même à cette fin exclusive ouvert en 2000 une nouvelle unité de production au Creusot afin de diminuer les coûts de transport, ce que n'ignorait pas la société SIMOP.

Ainsi, il doit être considéré que postérieurement au 1er mars 2002, date du retrait du marché des appareils parallélépipédiques, les relations commerciales entre les parties n'ont perduré, non en exécution du contrat, devenu de fait caduc à raison de la disparition de la cause, désormais dépourvue de toute contrepartie, mais à raison de l'obligation dans laquelle se trouvait la société AMS BRINEX de continuer, même en l'absence d'établissements de plannings annuels, et aux tarifs imposés par la société SIMOP en violation de la clause relative au caractère négocié et comparatif de ces tarifs, sans pouvoir envisager de la mettre en demeure d'exécuter ses obligations puisque celle- ci était depuis la signature du contrat de sous- traitance, et par l'effet de celui- ci en état de dépendance économique.

Postérieurement au 1er mars 2002, il ne peut donc être reproché à la société AMS BRINEX d'avoir violé la clause de non- concurrence puisqu'à raison de la disparition de la cause, celle- ci était dès lors réputée non écrite, et cette société n'était plus tenue, à compter de cette date, d'exécuter ses propres obligations.

Contrairement aux allégations de la société SIMOP, la clause de non- concurrence ne pouvait subsister après la rupture du contrat puisqu'aux termes de l'article 17 modifié, ci- dessus rappelé, elle ne liait les parties que " pendant toute la durée du présent contrat ", seule l'obligation de confidentialité perdurant " tant au cours du présent contrat qu'après sa cessation ".

Par voie de conséquence il ne peut être reproché à M. C... à la société A'QUIA et à M. Z... une complicité de violation de la clause de non- concurrence, puisqu'à la date de la création de la société A'QUIA celle- ci était caduque depuis sept mois.

V Sur la clause de confidentialité

La société SIMOP soutient que la société AMS BRINEX a violé la clause contractuelle de confidentialité en faisant usage et en transmettant à la société A'QUIA des documents, pièces et études échangés dans le cadre de l'exécution du contrat de sous- traitance.

Ainsi qu'il a été ci- dessus précisé, cette obligation survivait au contrat. Cependant, M. Z... et la société A'QUIA, non parties à cette convention, ne sont pas tenus par cette clause.

Il a été saisi lors des constats (documents A) un certain nombre de correspondances échangées, postérieurement au départ de M. Z... de la société SIMOP, entre lui- même et la société A'QUIA et la société AMS BRINEX.

A l'exception d'une transmission du 23 décembre 2002 intitulée " disquette contenant le fichier SIMOP Juin 2002 ", dont on ignore le contenu, dont il n'est donc pas démontré qu'il contienne des informations couvertes par la clause, ces documents sont manifestement extérieurs à l'exécution du contrat.

Il a été également saisi au siège de la société AMS BRINEX (document B) des plans, calculs de résistance échangés entre les sociétés AMS BRINEX et A'QUIA dont certains ne comportent aucune identification, d'autres sont à en- tête A'QUIA, ou à en- tête AMS BRINEX.

Un seul plan (D 36) appartient à la société SIMOP, il date du 20 mai 1999, soit une date antérieure au contrat de sous- traitance, il avait été à cette époque vérifié par M. Z..., et il est inclus dans un ensemble adressé le 7 novembre 2002 par la société AMS BRINEX à la société A'QUIA et par elle retourné le même jour, l'objet de cet envoi étant non la reproduction de l'appareil figurant sur ce plan, mais la mise au point d'un système de bascule doté d'une goulotte d'alimentation, conçu par AMS BRINEX et amélioré par M. Z..., de conception manifestement novatrice et étrangère au plan SIMOP, étant précisé surabondamment qu'il est impossible de déterminer qui- de la société AMS BRINEX ou de M. Z...- l'a initialement communiqué à l'autre.

Les tarifs FORSHEDA pour SIMOP (D 41) ont été transmis directement à M. Z... le 2 septembre 2002 ainsi qu'il résulte de la mention figurant sur ces pièces.

Aucune violation de la clause de confidentialité n'est en conséquence établie à l'encontre de la société AMS BRINEX.

VI Sur la concurrence déloyale

En application du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, les entreprises sont libres de rivaliser entre elles afin de conquérir et de retenir la clientèle, et le fait pour un commerçant d'attirer vers lui un client et de le détourner ainsi d'un concurrent n'est pas interdit.

Cependant, les moyens utilisés à cette fin ne doivent pas être contraires aux usages et habitudes professionnels.

Il appartient au demandeur de prouver l'existence d'éléments de déloyauté constitutifs d'un abus de la liberté de la concurrence et donc d'un comportement fautif.

Cependant, la preuve d'une situation de concurrence directe ou effective entre les parties n'est pas une condition nécessaire de l'action en concurrence déloyale, qui exige seulement l'existence de faits fautifs générateurs d'un préjudice.

L'existence d'une situation de concurrence

Si l'existence d'une concurrence n'est pas une condition nécessaire de l'action en concurrence déloyale, elle peut en constituer un élément.

En l'espèce, contrairement aux allégations de la société A'QUIA et de M. Z..., les sociétés SIMOP et A'QUIA sont en situation de concurrence sur l'activité des séparateurs à hydrocarbures fabriqués en acier, même si la société A'QUIA et M. Z... font justement observer qu'il ne peut y avoir comparaison entre deux sociétés de taille si différente- la société SIMOP ayant également pour activité l'épuration, réalisant un chiffre d'affaires annuel de dix sept millions d'euros, employant plus de deux cent cinquante salariés et vendant dix fois plus de gammes de produits que la société A'QUIA en trois matériaux différents, tandis que le chiffre d'affaires de celle- ci, qui n'employait à l'époque des faits litigieux, qu'une salariée, s'élevait à 220. 000 €.

La création de la société A'QUIA et le débauchage

La société SIMOP soutient que la société A'QUIA a été créée en réalité par M. C..., qui en assurait la gérance de fait et était bénéficiaire d'une cession de parts en blanc, et a débauché M. Z... dans une intention de parasitisme commercial à l'égard de la société SIMOP.

Elle reproche à M. Z... d'avoir organisé la constitution de la société à une époque où il était encore son salarié.

Cependant, une offre de service du personnel d'une société à une autre société est insuffisante pour caractériser un débauchage fautif, lequel n'est démontré que par l'existence de manoeuvres déloyales de la société bénéficiaire, aux fins de persuader les salariés dont le débauchage est allégué, de quitter leur employeur.

Par ailleurs, la création par un salarié d'une société concurrente de l'entreprise qui l'emploie est licite dès lors que cette société n'exerce aucune activité avant le départ effectif de ce salarié.

En l'espèce, il résulte des pièces produites aux débats que M. Z..., titulaire d'une maîtrise de microbiologie et de biochimie, et diplômé de l'IAE option comptabilité, a été embauché par la société SIMOP en 1995 comme ingénieur traitement des eaux après avoir depuis 1990, occupé divers postes professionnels spécialisés dans le traitement des effluents et l'assainissement et suivi une formation complémentaire spécifique sur le traitement de surface (fabrication de l'acier, galvanisation).

Il affirme sans être utilement contredit sur ce point avoir apporté à la société SIMOP, dont la bibliothèque était obsolète, une liste d'ouvrages techniques.

Au sein de la société SIMOP, il était notamment chargé d'automatiser informatiquement les fonctions permettant de définir les articles et la filière de traitement adapté, pour atteindre un effet de gamme afin de réduire les coûts, de mettre au point de nouveaux produits, de résoudre les problèmes techniques. Il intervenait sur les sites en cas de dysfonctionnements des installations.

Responsable recherche et développement au sein de la société SIMOP, au moment des faits litigieux, il a notamment inventé un régulateur de débits d'eau et des dispositifs innovants concernant des accessoires de cuves de traitement, et donné les avis techniques nécessaires aux demandes de brevets, lesquels ont été obtenus par la société SIMOP en décembre 1998 et en janvier 2002.

Il était personnellement référencé comme " spécialiste " dans le guide de l'eau.

Par ailleurs, il est démontré par les certificats médicaux, attestations précises et concordantes, fiches de déplacement, relevés téléphoniques que M. Z... victime en décembre 1999 de troubles neurologiques transitoires et en janvier 2002 d'une entorse de la cheville due à une algodystrophie, a quitté la société SIMOP eu égard à la charge de travail à lui imposée, qui n'était plus compatible avec son état de santé, ainsi qu'en raison de l'attitude de son employeur qui durant son hospitalisation et ensuite ses arrêts de travail l'a contraint par ses appels téléphoniques réitérés et ses visites à domicile à poursuivre des tâches professionnelles, ce qui constitue une forme de pression qu'il ne supportait plus.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, et alors qu'il n'est pas contesté que M. Z... a effectivement travaillé pour le compte de la société SIMOP jusqu'au jour de sa démission, il doit être considéré que celle- ci procède d'une décision personnelle, réellement et justement motivée.

S'il est constant que M. Z... a réuni, avant le 5 juillet 2002, divers éléments utiles à la constitution de la société destinée à assurer son avenir professionnel, la société A'QUIA n'a pu commencer son exploitation qu'après son départ effectif de la société SIMOP puisqu'elle n'a été immatriculée que le 28 octobre 2002.

M. Z... fait justement observer qu'étant âgé de quarante trois ans en juillet 2002, après sa démission, seules deux options s'offraient à lui, devenir salarié d'un concurrent ou créer sa propre entreprise, ce qui suffit à démontrer eu égard aux conditions de son départ ci- dessus précisées, que la société A'QUIA a été par lui créée pour poursuivre sa carrière professionnelle dans son secteur d'activité et non, comme prétendu par la société SIMOP, pour servir de façade aux actes de concurrence interdite et déloyale de M. C....

Ainsi que le précisent les intimés, la société AMS BRINEX n'a nullement participé à la création de la société A'QUIA, seul M. C... a, à titre personnel aidé M. Z..., mais il n'est nullement associé dans la société A'QUIA, il était personnellement tiers au contrat de sous- traitance industrielle, et donc non lié par l'obligation de non- concurrence, celle- ci étant à la charge de la société AMS BRINEX, personne morale distincte de lui- même, étant rappelé que pour les motifs ci- dessus exposés cette obligation contractuelle était éteinte à la date de création de la société.

Concernant la responsabilité personnelle de M. C... la société SIMOP soutient que celui- ci était à titre personnel intéressé à la création et au développement de la société A'QUIA dont il assurait en fait la gérance et pour laquelle M. B... avait régularisé une cession de parts en blanc à son profit.

M. Z... ne méconnaît pas que M. C... lui a apporté de l'aide, ce qui est amplement confirmé par les documents saisis, et non contesté.

Cependant, l'acte de cession de parts en blanc vanté dans les écrits de la société SIMOP n'est pas produit aux débats.

Au demeurant, un tel acte ne constitue pas en soi une preuve de fraude.

Si la télécopie adressée par M. Z... à M. C... le 25 juin 2002, démontre à cette date l'existence de pourparlers relatifs à la création de la société A'QUIA, elle établit également " qu'un certain nombre de questions sont restées en suspend " comme l'écrit M. Z..., notamment les statuts de la société, M. C... (désigné par ses initiales AC) envisageant alors de s'octroyer la majorité des parts sociales.

Or, ce projet a été ultérieurement abandonné ainsi qu'il résulte des termes des statuts.

Les dossiers techniques produits par M. Z... confirment que celui- ci dispose de toute la compétence nécessaire pour développer la société dont il a toujours été le gérant et, depuis le 8 décembre 2005, l'actionnaire majoritaire, M. B... lui ayant à cette date cédé l'intégralité de ses parts, sans que l'acte de cession versé à la procédure ne comporte nullement une intervention quelconque de M. C....

Il résulte du budget prévisionnel d'A'QUIA pour la période d'octobre 2002 à septembre 2003, produit aux débats, que le financement de l'installation de la société devait être assuré par un apport en capital de 8. 000 € permettant de régler les frais de constitution et les premières dépenses, ainsi que par un apport en compte courant des associés de 15. 244 € permettant de faire face aux frais de mise en route, les investissements et le fonds de roulement étant financés par l'emprunt, et les six premiers mois d'activité par un découvert bancaire.

Aux termes des documents comptables produits relatifs au premier exercice, le capital social a été effectivement versé par les associés, ainsi qu'un apport en compte courant de 18. 830 € qui ont financé les frais de constitution et de mise en route, ainsi que la participation de la société A'QUIA au salon Pollutec en novembre 2002 et notamment les frais de publicité, ainsi qu'il résulte des échanges de courriers en juillet et août 2002 qui démontrent que la société A'QUIA a personnellement réservé et réglé- certes sur les conseils de M. C..., ce qui n'est pas interdit- la réservation d'un stand pour ce salon, son compte prévisionnel mentionnant à ce titre une dépense de 9. 000 €.

Contrairement aux allégations de la société SIMOP, la mention " pas encore de matériel à mettre, il va falloir vous cotiser, amitiés ", inscrite en commentaire des numéros de téléphone et fax par M. Z... sur le papier à en- tête de la société A'QUIA dans son écrit du 1er octobre 2002, adressé à trois salariés de la société AMS BRINEX, alors que celui- ci n'est par ailleurs nullement consacré au financement de la nouvelle société, ne peut être considérée que comme un trait humoristique.

Par contre, la société A'QUIA et M. Z... admettent que lors de la présentation de la première fabrication au salon Pollutec, la société AMS BRINEX a pris en charge les peintures et accessoires, et a mis à sa disposition un véhicule, que les intimés estiment à 1. 500 € compte- tenu de son ancienneté.

De même, il résulte des factures produites et il n'est pas contesté que la société AMS BRINEX a fabriqué en tout et pour tout pour le compte de la société A'QUIA huit séparateurs à hydrocarbure, dont deux appareils à ouverture parallélépipédique, entre le 19 décembre 2002 et le 17 juillet 2003, la fabrication étant pour l'essentiel confiée à la société JULIEN, étant précisé que le fait que ce sous- traitant ait été présenté à M. Z... par M. C..., dans le cadre de la collaboration apportée par celui- ci à la création de la société A'QUIA, n'est en rien déloyal.

Il est également démontré par les bons de transport, même si la société AMS BRINEX le conteste, que celle- ci a assuré, dans l'intérêt et pour le compte de la société A'QUIA, le transport des pièces par elle fabriquées.

Cependant, il n'est pas interdit, pour un créateur de société de profiter des conseils et de l'assistance d'un chef d'entreprise aguerri, exerçant dans le même secteur d'activité.

L'aide apportée par M. C... et la société AMS BRINEX à la société A'QUIA dans le démarrage de la production si elle constitue un fait de concurrence à l'encontre de la société SIMOP, n'a pas été accompagnée de manoeuvres fautives.

L'attestation établie par Mme E..., le 10 novembre 2003, salariée de la société AMS BRINEX jusqu'en octobre 2003, et ancienne maîtresse de M. C... désormais éconduite, ne peut avoir aucune force probante puisqu'aux termes du procès- verbal produit aux débats, celle- ci s'est également présentée au SRPJ de BREST aux fins de dénoncer des agissements susceptibles de constituer des infractions pénales par lui commis au préjudice de la société AMS BRINEX et qu'après enquête, auditions et vérifications comptables le dossier a été classé sans suite au motif qu'aucun élément susceptible de corroborer les accusations de Mme E... n'avait été recueilli.

L'attestation de Mme F..., qui indique avoir assisté à plusieurs conversations entre M. C... et M. G... au sujet de la création de la société A'QUIA " pour fabriquer des cuves en vue de remplacer la société SIMOP à la fin du contrat de sous- traitance qui liait les deux sociétés " et précise que " cette création devait rester secrète car il existait une clause de non- concurrence avec SIMOP " démontre seulement qu'il n'était pas envisagé par la société AMS BRINEX ou son dirigeant d'initier des relations commerciales avec A'QUIA avant le terme du contrat.

Au vu de l'ensemble de ces éléments il doit être considéré qu'il n'est rapporté la preuve ni d'un débauchage fautif, ni d'un comportement déloyal susceptible de créer une désorganisation de l'entreprise concurrente, l'aide apportée par la société AMS BRINEX, à savoir la prise en charge de peintures et accessoires, la mise à disposition d'un véhicule, la fabrication de huit appareils en sept mois et le transport des pièces fabriquées restant dans le cadre d'une concurrence saine, et de nature modeste au regard du volume d'affaires de la société SIMOP.

De même, aucune preuve n'est rapportée à l'encontre de M. C... d'une faute personnelle d'une gravité particulière détachable de ses fonctions de dirigeant de la société AMS BRINEX, susceptible d'engager sa responsabilité en application de l'article L 223-22 du code de commerce.

Le comportement parasitaire

Le parasitisme économique se définit comme l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans bourse délier, de ses efforts et de son savoir faire, notamment en copiant la valeur économique d'autrui, fruit d'un savoir faire, d'un travail intellectuel et d'investissements, individualisée et lui procurant un avantage concurrentiel.

Spécialement, constitue un acte de parasitisme le fait pour un ancien salarié de continuer à utiliser, dans son intérêt personnel, un secret de fabrique dont il a eu connaissance au cours de l'exécution de son contrat de travail.

Cependant, on ne peut imputer à faute à un ancien salarié d'exploiter l'expérience professionnelle acquise au cours de l'exécution de son contrat de travail.

En l'espèce, la société SIMOP reproche à M. Z... et à la société A'QUIA de s'être appropriés des plans, études et documents lui appartenant, ainsi que ses fichiers clients, ses fichiers techniques, commerciaux, et ses études tarifaires et de manière générale l'ensemble de ses informations privilégiées à tous les stades de la production, de la commercialisation et de la distribution dans toute sa gamme de produits, tous éléments étrangers à l'exécution du travail de M. Z... au sein de la société SIMOP, mais dont l'utilisation a permis à la société A'QUIA- qui débutait son activité- de réaliser des gains de temps et de coûts considérables, faits constitutifs d'agissements parasitaires faussant le jeu normal de la concurrence.

Il lui appartient de prouver que M. Z... a conservé ces documents dans une volonté d'appropriation, avec l'intention malveillante de dépouiller son ancien employeur et de lui porter préjudice, étant précisé que la simple détention de tels documents n'emporte pas présomption d'utilisation, comme prétendu par la société SIMOP.

En l'espèce, M. Z... ne conteste pas avoir emporté à son domicile, durant l'exécution de son contrat de travail divers documents professionnels. Il est démontré par les attestations que durant ses arrêts de travail, certains membres du personnel de la société SIMOP lui apportaient du travail à effectuer pour le compte de celle- ci.

Il ne lui est d'ailleurs pas reproché d'avoir conservé à son domicile les données de ses travaux sur un support informatique lorsqu'il était au service de la société SIMOP.

Contrairement aux allégations de la société SIMOP, l'intégralité des documents retrouvés en possession de M. Z... était en rapport avec ses fonctions telles que résultant de sa fiche de poste, réactualisée en 2001 et en mars 2002, établie par la société SIMOP.

Certains lui appartenaient personnellement ainsi qu'en témoignent les initiales " A. G " y figurant.

Il soutient que s'il les a conservés à l'issue de son départ, c'est par simple inadvertance.

Plusieurs d'entre eux ne présentent aucun intérêt pour la conception de nouveaux appareils.

Aux termes de la brochure de présentation, la société A'QUIA n'est pas, comme la société SIMOP une entreprise industrielle fabriquant des produits en série, mais une entreprise de conception de dispositifs de traitement des eaux.

Les documents techniques produits démontrent que contrairement à ses allégations la société SIMOP n'est pas l'inventeur des procédés de pré- traitement des eaux, et ne bénéficie d'aucun monopole sur ce secteur d'activité, dans lequel exercent de nombreuses entreprises, toutes soumis aux strictes normes techniques encadrant la conception des séparateurs.

Si les deux sociétés commercialisent des séparateurs à hydrocarbures,- créneau commercial partagé avec d'autres entreprises du marché français-, la comparaison des fiches techniques des deux sociétés démontre que la conception des séparateurs vendus par la société A'QUIA est différente, de même que le format des tôles et les caractéristiques, relatives notamment à des éléments essentiels : dispositifs de fermeture, d'étanchéité et de filtration.

En l'absence de similitude, eu égard aux améliorations techniques alors que le principe de base de ce type d'appareil demeure relativement simple il n'est démontré aucune violation d'un procédé de conception.

Le curriculum vitae de M. Z... ci- dessus détaillé, les attestations circonstanciées de ses employeurs antérieurs à la société SIMOP, et les dossiers techniques démontrent que contrairement aux allégations de celle- ci, M. Z... disposait de toutes connaissance et expérience pour développer personnellement des nouveaux produits sans avoir besoin de s'approprier les fichiers et plans de la société SIMOP. En effet, outre notamment la rédaction et l'élaboration technique des demandes de brevet SIMOP, dès juin 1996 soit treize mois après son embauche, il était devenu expert européen aux fins de définir, en partenariat avec l'AFNOR, les règles de fabrication des séparateurs à travers l'élaboration des normes européennes.

Dès lors, la conception, en trois mois, de dix produits déclinés en quatre empattements différents qui entraient dans son coeur de compétence et de son expérience professionnelle ne paraît pas anormale et en tous cas ne suffit pas à révéler en elle- même la preuve d'une appropriation frauduleuse de la recherche d'autrui ou d'une copie caractérisant un acte de parasitisme.

Eu égard à ses compétences personnelles et à la différence de structure considérable entre les deux sociétés, M. Z... fait justement observer qu'il se charge seul de la conception des produits commercialisés par la société A'QUIA, et la société SIMOP est dès lors infondée à soutenir que la société A'QUIA, à raison de son comportement parasitaire, fait l'économie d'une somme annuelle de 280. 000 €, correspondant à celle exposée par la société SIMOP au titre de la recherche et du développement.

Concernant la commercialisation et la distribution, la société A'QUIA démontre par la production de son site internet que celles- ci sont effectuées par contact direct sur ce site ou par démarchage effectué par M. Z... lui- même, étant précisé que les adresses des négociants sont disponibles sur internet et n'ont aucun caractère confidentiel.

Par ailleurs, la liberté des prix étant la règle, la seule pratique d'un prix inférieur n'est pas en soi un acte de concurrence déloyale, dès lors qu'il n'est pas démontré que ce prix soit dérisoire ou excéderait les usages du commerce soumis au principe de l'économie libérale, étant précisé surabondamment qu'il n'est pas établi que la société A'QUIA vende de manière générale ses produits à des prix inférieurs à ceux de la société SIMOP.

Le bilan du premier exercice comptable, du 1er octobre 2002 au 30 septembre 2003, révèle d'ailleurs un résultat net déficitaire de 35. 163, 93 €.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il n'est pas démontré que la société A'QUIA ait pratiqué les prix prédateurs allégués par la société SIMOP.

Sur le détournement de clientèle

Le fait pour un salarié d'avoir, en quittant son employeur pour créer une entreprise concurrente, causé un déplacement de clientèle du premier vers la seconde ne constitue pas un acte de concurrence déloyale.

Le simple fait d'aviser une clientèle de son départ et de la création d'une nouvelle société, alors que cette clientèle est libre de choisir l'entreprise avec laquelle elle veut travailler, n'est pas constitutif d'une faute.

De même l'envoi de lettres circulaires à la clientèle par la société créée par l'ancien employé d'une entreprise ne constitue pas une faute lorsque ces courriers ne comportent ni dénigrement, ni information inexacte, ni allégation mensongère ou injurieuse, qu'ils ne permettent aucune possibilité de confusion au détriment de ladite entreprise mais correspondent aux normes d'une information commerciale habituelle compatible avec le principe de la libre concurrence et qu'elles n'ont joué aucun rôle déterminant dans la décision prise par les clients de la première société de changer de partenaire.

Le démarchage de la clientèle potentielle- fût- elle identique à celle de l'ancien employeur, n'est pas en soi un acte de concurrence déloyale, dès lors qu'il ne procède pas de manoeuvres fautives.

Il doit être démontré un comportement visant à désorganiser la société concurrente et à détourner sa clientèle, la seule constatation du déplacement de celle- ci étant à cet égard insuffisante.

En l'espèce, il n'est pas contesté que M. Z... n'était pas lié par une clause de non- concurrence avec la société SIMOP.

Celle- ci doit rapporter la preuve de ce que M. Z... a utilisé l'information commerciale recueillie dans le cadre de ses précédentes fonctions au sein de la société SIMOP, dans le but de détourner, la clientèle de son ancien employeur ou de la désorganiser.

La société SIMOP reproche à M. Z... et à la société A'QUIA une appropriation de son fichier client et un détournement par utilisation de leurs coordonnées et des tarifs d'achats ainsi obtenus.

Cependant, la pièce intitulée " SIMOP. LISTE CLIENTS / SECTEUR " n'a pu faire l'objet d'une appropriation de M. Z... alors qu'il était salarié de la société SIMOP puisqu'elle est datée du 12 septembre 2002 soit postérieurement à son départ.

Les tarifs SIMOP, objet de l'envoi du 23 décembre 2002 de la société AMS BRINEX à A'QUIA sont par leur nature des documents connus et diffusés.

Contrairement aux allégations de la société SIMOP, les catalogues produits démontrent que ses tarifs faisaient l'objet de publicité.

Les intimés font justement observer qu'il participe de la logique d'entreprise d'étudier, avant commercialisation, les prix de revient d'un produit que l'on modifie ou que l'on conçoit, et à cette fin de contacter d'éventuels fournisseurs afin d'avoir une estimation des prix, et de comparer ceux- ci avec ceux des concurrents.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il doit être considéré que la société A'QUIA a conçu et fait fabriquer des séparateurs à hydrocarbures certes concurrents de ceux de la société SIMOP, mais avec ses dimensionnements propres, ses règles de calcul et consignes de pose, une filtration, un dispositif d'obturation et des temps de passage différents de ceux de la société SIMOP, et les a vendus à une clientèle démarchée selon un procédé assimilable au porte à porte, sans négociants intermédiaires, que ces faits s'inscrivent dans le cadre d'une libre concurrence entre entreprises et qu'il ne peut lui être reproché, ainsi qu'à l'ensemble des intimés, aucun comportement déloyal de nature à créer une désorganisation de l'entreprise SIMOP.

Le tribunal a donc justement rejeté les réclamations de celle- ci et le jugement sera confirmé de ce chef.

VII Sur les demandes reconventionnelles de la société A'QUIA

En août 2004, la société POINT P TP de SOTTEVILLE LES ROUEN a cessé toute relation commerciale avec la société A'QUIA alors que ce client constituait pour elle 43 % de son chiffre d'affaires.

La société SIMOP soutient que la société POINT P TP de SOTTEVILLE LES ROUEN n'est pas un client initial de la société A'QUIA, mais un client de la société SIMOP déloyalement détourné par la société A'QUIA grâce à l'utilisation du fichier de tarifs et d'une pratique de prix prédateurs, qu'elle a ultérieurement récupéré.

Contrairement aux allégations des intimés, il n'est nullement démontré que la société POINT P était un client de la société FRANCEAUX, tous les courriers relatifs à la captation de cette clientèle étant libellés au nom de SIMOP.

Par ailleurs, la teneur de ces écrits et le listing produit établissent que la société POINT P TP de SOTTEVILLE LES ROUEN était cliente de la société SIMOP jusqu'à la création de la société A'QUIA, avec laquelle elle a cessé toute collaboration à compter du 26 juillet 2004 à la suite d'un courrier de la société SIMOP l'informant de l'existence d'un procès en " contrefaçon ", et ce aux motifs d'une part que les structures techniques et financières et l'absence de moyens de production de la société A'QUIA, ainsi que le caractère restreint de la gamme de produits proposés n'étaient pas conformes à l'attente de sa clientèle, d'autre part que lorsqu'un salarié quittait l'entreprise POINT P celle- ci n'appréciait pas que ses industriels partenaires le suivent et l'aident dans sa propre société, et qu'elle s'imposait donc une réciprocité de comportement.

Cependant, pour les motifs ci- dessus exposés le démarchage de la clientèle d'autrui, non accompagné d'actes déloyaux, n'est pas critiquable, et il ne peut être reproché à la société A'QUIA ni d'avoir utilisé les fichiers clients de la société SIMOP, ni de pratiquer des prix prédateurs.

Le déplacement de cette clientèle vers la société A'QUIA n'est donc pas fautif.

Par contre, la révélation par la société SIMOP à la société POINT P TP de SOTTEVILLE LES ROUEN, devenue cliente de la société A'QUIA, de l'existence d'une procédure en " contrefaçon " ou concurrence déloyale, au surplus infondée, excède le cadre d'une information commerciale loyale et constitue un dénigrement fautif susceptible de créer une désorganisation de l'entreprise concurrente, à raison notamment de l'importance du chiffre d'affaires réalisé par la société A'QUIA avec ce client, ce que la société SIMOP ne pouvait ignorer puisqu'à la date de ces révélations, elle disposait grâce aux saisies par elle antérieurement pratiquées de tous renseignements sur la société A'QUIA.

Ce fait fautif a généré pour la société A'QUIA un préjudice dont la société SIMOP doit réparation.

Néanmoins, la clientèle POINT P demeurant comme toute autre libre de nouveaux déplacements, et son départ ayant été, aux termes de son écrit, motivé partiellement seulement par le dénigrement émanant de la société SIMOP, deux autres facteurs étrangers à celui- ci étant également indiqués, le préjudice subi par la société A'QUIA ne peut être constitué que de la perte de chance, par elle subie, de conserver pour l'avenir la fidélité de cette clientèle, laquelle, au vu des éléments ci- dessus précisés sera fixée à un tiers de la marge réalisée avec elle soit :

49. 877, 31
------------ = 16. 625, 77 €
3

Par ailleurs, la société A'QUIA ne démontre pas, ainsi qu'elle le prétend, que la société SIMOP " véhicule à son encontre une image négative " et fait courir des rumeurs de dépôt de bilan.

Elle ne justifie pas davantage des " frais substantiels " par elle allégués en vue de démarcher de nouveaux clients, étant précisé surabondamment que cette recherche constitue une activité normale pour toute entreprise, et spécialement indispensable pour une jeune entreprise.

Aucune indemnisation complémentaire ne lui sera en conséquence allouée, et le jugement sera réformé de ce chef.

VIII Sur la demande reconventionnelle du liquidateur

La recevabilité de cette réclamation

En application de l'article 566 du code de procédure civile, sont accessoires et complémentaires les réclamations en dommages et intérêts opposées à la demande principale.

En application des articles 70 et 567 du code de procédure civile les demandes reconventionnelles sont recevables en cause d'appel quand elles se rattachent à la demande originaire par un lien suffisant.

Tel est le cas en l'espèce de la demande en dommages et intérêts présentée par le liquidateur en réparation du préjudice causé à l'ensemble des créanciers de la société AMS BRINEX par le comportement de la société SIMOP à raison de l'argumentation par elle développée sur la présente procédure.

Elle est en conséquence recevable.

Sur la responsabilité de la société SIMOP

Il résulte des pièces produites et il n'est pas contesté qu'à compter du 14 octobre 2003, la société SIMOP a refusé de payer à la société FACTO CIC, affactureur de la société AMS BRINEX des factures correspondant aux dernières commandes pourtant livrées sans réserve, au motif de l'existence d'un " litige commercial ", à savoir les faits allégués de concurrence interdite et déloyale.

A la date du 15 mars 2004, alors que le montant total des factures dont le paiement était refusé par la société SIMOP s'élevait à 77. 267, 52 €, l'affactureur a demandé à la société AMS BRINEX de régler ce litige " dans les meilleurs délais ", faute de quoi son compte courant serait débité du montant des factures.

Le 14 avril 2004, la trésorerie de la société AMS BRINEX était bloquée à concurrence de 127. 017, 88 €, situation qui a contraint la société AMS BRINEX à régulariser une déclaration de cessation des paiements avant l'expiration du délai de quinze jours de l'avis de litige non résolu- le 27 avril 2004- pour satisfaire aux dispositions légales alors applicables, dont le non respect était susceptible d'être sanctionné par la faillite personnelle du dirigeant, et ce malgré l'introduction, par la société AMS BRINEX, le 7 avril 2004, d'une instance en référé devant le Président du tribunal de commerce de CHERBOURG aux fins d'obtenir une provision sur les factures impayées,- à laquelle la société SIMOP opposait l'existence d'une contestation sérieuse résultant de la violation des obligations contractuelles objet de la présente procédure-, et qui a fait l'objet d'une ordonnance de radiation le 22 juin 2004 en raison de l'ouverture de la procédure collective.

Par jugement du 27 septembre 2007 aujourd'hui irrévocable et intégralement exécuté, le tribunal de commerce de CHERBOURG a condamné la société SIMOP à payer à la société FACTOCIC la somme principale de 127. 801, 20 €.

L'en- cours de factures bloqué par l'affactureur correspondait à plus des trois quarts du chiffre d'affaires réalisé par la société AMS BRINEX avec la société SIMOP sur le dernier exercice.

Il était motivé par l'opposition de la société SIMOP, dont il est démontré par l'ensemble des motifs ci- dessus exposés qu'elle ne pouvait ignorer le caractère injustifié et donc fautif, puisque devant le tribunal de BAYEUX et donc avant la condamnation prononcée par le tribunal de CHERBOURG, elle s'était reconnue débitrice de cette somme en invoquant la compensation avec la créance de dommages et intérêts par elle réclamée, alors que cette créance n'était à l'évidence ni certaine, ni liquide, ni exigible.

Alors qu'il n'est ni allégué, ni démontré que la société AMS BRINEX connaissait à cette date des difficultés extérieures au présent litige susceptibles de motiver à brève échéance une déclaration de cessation de paiements, il doit en conséquence être considéré que l'asphyxie de la trésorerie est l'unique fait générateur de l'ouverture de la procédure collective ayant abouti à la liquidation judiciaire.

Cette faute a généré un dommage caractérisé par l'exigibilité immédiate de l'intégralité du passif social, alors que celui- ci avait vocation à être remboursé à échéance avec l'actif généré par l'exploitation de l'entreprise si la société AMS BRINEX était demeurée in bonis.

Ainsi la société SIMOP doit réparation de la totalité de la part d'insuffisance d'actif à laquelle ses fautes ont contribué.

Le récapitulatif de la ventilation du passif établi au 4 janvier 2008 en application de l'article L 621-103 du code de commerce, hors déclaration de créances SIMOP (dont celle relative au présent litige) dont le rejet est contesté fait apparaître un passif de 2. 027. 120, 10 € et un actif de 1. 152. 340, 01 €, soit une insuffisance d'actif de 874. 780, 09 €.

En conséquence, il sera fait droit à la demande en paiement de la somme de 800. 000 € et le jugement sera complété de ce chef.

IX Sur la destruction et restitution des documents saisis

Les dispositions du jugement seront confirmés par motifs adoptés.

X Sur l'article 700 du code de procédure civile

Succombant en son appel la société SIMOP a contraint Maître Y... d'une part, M. Z... et la société A'QUIA d'autre part à exposer des frais irrépétibles qui seront en équité fixés à 30. 000 € pour chacun d'eux.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Déclare irrecevables les pièces communiquées par la SA SIMOP sous les numéros D 43 à D 49 compris et les écarte des débats ;

- Réforme le jugement en ses dispositions relatives au montant du préjudice subi par la société A'QUIA ;

- Condamne la SA SIMOP à payer à la société A'QUIA la somme de 16. 625, 77 € à titre de dommages et intérêts ;

- Confirme le jugement en ses autres dispositions ;

Y additant,

- Condamne la SA SIMOP à payer à Maître Y... ès qualités de liquidateur de la liquidation judiciaire de la SA AMS BRINEX la somme de 800. 000 € à titre de dommages et intérêts ;

- Condamne la SA SIMOP à payer à Maître Y... ès qualités d'une part, M. Z... et la société A'QUIA unis d'intérêts d'autre part la somme de 30. 000 € chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la SA SIMOP aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

N. LE GALL M. HOLMAN

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