11 décembre 2007
Cour d'appel d'Angers
RG n° 06/02325

Texte de la décision

1ère CHAMBRE A




FV/IM
ARRET N 439


AFFAIRE No : 06/02325


Jugement du 04 Octobre 2006
du Tribunal de Grande Instance de LAVAL
no d'inscription au RG de première instance 05/01134




APPELANT :


Monsieur Christian X...


...



représenté par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour
assisté de Me Benoît de TREVERRET, avocat au barreau de LAVAL




INTIME :


Monsieur le Comptable des Impôts de LAVAL-OUEST
Hôtel des finances - 60 rue Mac Donald - 53090 LAVAL CEDEX 9


représenté par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour
assisté de Me Anne-Marie MAYSONNAVE, avocat au barreau de LAVAL




COMPOSITION DE LA COUR


En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Novembre 2007 à 14 H 00, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame CHAUVEL, Président chargé du rapport, et Monsieur MARECHAL, Conseiller.


Ces Magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :


Madame CHAUVEL, Conseiller, désignée par ordonnance du Premier Président en date du 22 décembre 2006, pour exercer les fonctions de Président, Madame VERDUN et Monsieur MARECHAL, Conseillers.


Greffier lors des débats : Madame LEVEUF


ARRET : contradictoire


Prononcé publiquement le 11 décembre 2007 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.


Signé par Mme CHAUVEL et par Madame LEVEUF, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.








FAITS ET PROCEDURE


Le 19 août 1996, Christian X... a constitué avec Yvette C... une SARL dénommée "RSI Informatique" spécialisée dans la prestation de conseil, de formation, d'édition et de services se rapportant à des machines et matériels de bureau, d'informatique, de bureautique et d'audiovisuel. Détenteur de 98 % du capital social, il a assuré sans interruption la gérance de cette société, devenue "ISR Informatique", jusqu'à sa mise en liquidation judiciaire le 21 novembre 2001.


A l'issue d'un contrôle fiscal réalisé entre le 20 décembre 2000 et le 26 juillet 2001, la société s'est vue notifier un redressement de 108 795 francs au titre de la TVA, outre 25 295 francs d'intérêts de retard et 43 518 francs au titre de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du Code général des Impôts. Les mesures d'exécution mises en oeuvre par le Comptable des Impôts avant l'ouverture de la procédure collective ont permis de réduire cette créance à 42 396,79 euros. Le solde, admis à titre définitif et privilégié pour une somme de 44 326,04 euros, n'a pu être recouvré dans le cadre de la liquidation judiciaire, laquelle a été clôturée pour insuffisance d'actif le 4 janvier 2006.


Par acte d'huissier de justice en date du 13 juin 2005, le receveur divisionnaire des Impôts de LAVAL OUEST a fait assigner Christian X... selon la procédure d'assignation à jour fixe, afin de l'entendre condamné solidairement au paiement des impositions et pénalités non recouvrées, sur le fondement de l'article L.266 du Livre des procédures fiscales.


Par jugement en date du 4 octobre 2006, le tribunal de grande instance de LAVAL a, au visa de ce texte, condamné Christian X... à payer au Receveur des Impôts solidairement avec la SARL "ISR Informatique" la somme de 42 396,79 euros, avec exécution provisoire.


Christian X... a relevé appel de cette décision par déclaration du 9 novembre 2006.


Les parties ayant constitué avoué et conclu au fond, la clôture de l'instruction a été prononcée le 27 septembre 2007.


PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES


Vu les dernières conclusions déposées par Christian X... le 8 mars 2007, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du nouveau Code de procédure civile, et par lesquelles il demande à la cour :


· d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
· de constater que, par suite de l'abrogation de l'article L. 266 du Livre des procédures fiscales relatif à la solidarité applicable aux gérants majoritaires de SARL, l'action du Comptable des Impôts ne peut se fonder que sur l'article L. 267 du même Code, lequel exige des inobservations graves et répétées commises par le dirigeant et ayant rendu le recouvrement des impositions impossible,
· de débouter le Comptable des Impôts de son action dès lors que, pour la période couverte par le redressement, la règle de l'exigibilité de la TVA sur les encaissements a été respectée notamment sur les contrats de maintenance, contrairement à ce qu'a retenu le vérificateur chargé du contrôle fiscal, que la société a rempli ses obligations déclaratives, et que l'absence de contestation du redressement notifié alors que la situation de la société empirait, ne peut lui être reprochée, et que, pour la période postérieure au redressement, l'incapacité de la société à reverser la TVA résultait de problèmes de trésorerie dont l'Administration était pleinement informée,
· de condamner le Receveur divisionnaire des Impôts de LAVAL OUEST au paiement d'une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
· de le condamner aux entiers dépens.




Vu les dernières conclusions déposées par le Comptable des Impôts de LAVAL OUEST le 4 juin 2007, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens en application des articles 455 et 954 du nouveau Code de procédure civile, et par lesquelles il sollicite :


· la confirmation du jugement par substitution de motifs, en ce qu'il a condamné Christian X... au paiement de la somme de 42 396,79 euros au titre de la TVA non reversée par la société "ISR Informatique",
· la requalification des manquements de Christian X... en inobservations graves et répétées au sens de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales dès lors que la vérification de comptabilité réalisée du 20 décembre 2000 au 26 juillet 2001 a révélé un montant de TVA non reversé bien qu'exigible et porté au passif des bilans clos au 31/12/98 et 31/12/99 de 16 585,69 euros, et employé par la société comme une trésorerie supplémentaire indue,
· le rejet des contestations de Christian X... sur l'exigibilité de cette somme qui a fait objet de redressements non contestés,
· le constat de nouveaux manquements graves et répétés à compter du mois de décembre 2000, par la rétention indue d'une part importante de la TVA courante encaissée et déclarée pendant cette période, assimilable à un détournement de TVA,


· le constat de la responsabilité de Christian X... en qualité de dirigeant peu important sa bonne foi ou les difficultés économiques rencontrées par son entreprise, et du lien causal entre les inobservations graves et répétées et l'impossibilité de recouvrer la TVA non recouvrée,
· la condamnation de Christian X... aux entiers dépens de premières instance et d'appel.




MOTIFS DE LA DECISION


I) Sur le fondement juridique de la demande


Attendu que l'article L. 266 du Livre des procédures fiscales, fondement de l'action initiale de l'Administration, a été abrogé en cours d'instance par la loi no 2005-842 du 26 juillet 2005 ; que ce texte instituant un régime de solidarité fiscale plus sévère envers le dirigeant social poursuivi, ne pouvait donc fonder la condamnation solidaire prononcée par le tribunal le 4 octobre 2006 ; que le jugement qui a fait application d'un texte qui n'était plus en vigueur au jour du prononcé de la sanction fiscale, au motif inopérant qu'il était applicable au jour de l'assignation, ne peut qu'être infirmé sur ce point ;


Que le Comptable des Impôts en convient, en cause d'appel, puisqu'il substitue au fondement juridique initial de sa demande celui de l'article L.267 du même Livre, lequel, toujours en vigueur, sanctionne par la même solidarité les inobservations graves et répétées des obligations fiscales commises par les dirigeants sociaux lorsqu'elles ont rendu impossible le recouvrement des impositions et pénalités dues par la société ;


II) Sur la caractérisation d'inobservations graves et répétées des obligations fiscales de la société


Attendu que le Comptable des Impôts se prévaut des anomalies relevées par le vérificateur chargé du contrôle de comptabilité et ayant justifié les redressements notifiés au titre de la TVA tandis que Christian X... conteste le bien-fondé de ces redressements, opérés sans adapter la règle de l'exigibilité de la taxe à l'encaissement aux spécificités des contrats de maintenance, qui constituaient l'essentiel de l'activité de la société ;


Mais attendu que Christian X..., dont la responsabilité personnelle est recherchée à raison des manquements aux obligations fiscales de la société qu'il a commis ou laissé commettre alors qu'il en était le dirigeant, n'a usé d'aucun des recours dont il disposait, en cette même qualité, pour contester les redressements opérés par l'Administration ; qu'il ne justifie d'aucune circonstance l'ayant placé dans l'impossibilité absolue d'user de ces voies de recours, alors même qu'il en conservait la capacité juridique nonobstant l'ouverture du redressement judiciaire de sa société, et que cette procédure légitimait au contraire la contestation d'un redressement qui aurait méconnu les spécificités des activités de sa société ; qu'il n'est, dès lors, plus recevable à contester le bien-fondé de ce redressement dans le cadre de l'action subsidiaire en responsabilité solidaire dont il est l'objet, par suite du non recouvrement de l'imposition que ses pratiques ont conduit à éluder ; qu'au demeurant, la somme réclamée par le Comptable des Impôts correspond à celle définitivement admise dans le cadre de la procédure collective du redevable de l'imposition ;


Attendu que l'acte de notification des redressements fait apparaître que le compte TVA de la société présentait au 1er janvier 1998 un report de TVA de 108 795 francs correspondant à des factures émises dans le dernier trimestre 1997, non payées au 31 décembre de cette année et comptabilisées à la clôture de cet exercice au chapitre « produits constatés d'avance » en tant qu' « interventions après-vente », « contrats logiciels » ou « contrats matériels » ; que les factures bien que réglées au cours du premier trimestre 1998, n'ont donné lieu ni à déclaration ni à payement, la dette de TVA figurant toujours au passif des bilans clos les 31 décembre 1998 et 31 décembre 1999 ;


Qu'il résulte de ces éléments comptables que les sommes collectées au titre de la TVA et indument retenues ont permis à Christian X... de jouir, durant près de trois ans, d'une trésorerie artificielle de plus de 16 500 euros, qui a manifestement permis de retarder la constatation de l'état de cessation des paiements de son entreprise ; que la très courte durée de la période d'observation entre l'ouverture de la procédure collective, le 6 juin 2001, et sa conversion en liquidation judiciaire, le 21 novembre suivant, démontre que lorsque Christian X... a déposé le bilan, alors que la vérification de comptabilité était en cours depuis plus de 6 mois, la situation financière de l'entreprise était déjà irrémédiablement compromise au point que la créance privilégiée du Trésor n'a pu être réglée, fut-ce partiellement, par le liquidateur judiciaire ; qu'il s'en déduit que les violations graves à raison de l'importance des sommes éludées, et répétées puisque réitérées comme une technique de gestion jusqu'à la date du contrôle, ont conduit inéluctablement au non-recouvrement des taxes éludées ;


Que ces éléments permettent d'engager la responsabilité personnelle de Christian X..., auquel incombaient les obligations de déclarations et de reversement de la TVA collectée par sa société, à raison des impositions, pénalités et majorations objets des redressements notifiés le 27 juillet 2001 ;


Attendu que, pour la période comprise entre le mois de décembre 2000 et le mois d'avril 2001, les sommes collectées au titre de la TVA ont fait l'objet de déclarations régulières et de paiements de trois acomptes dont la modicité est à mettre en rapport avec un état de cessation des paiements latent ; qu'il appartenait toutefois à Christian X... de déclarer cette situation en sa qualité de dirigeant ; qu'en laissant se pérenniser durant 6 mois une survie artificiellement alimentée par la TVA collectée et non reversée au Trésor, pour un total imputable à sa gérance de plus de 19 000 euros, Christian X... a gravement et répétitivement manqué aux obligations fiscales de sa société dans les termes de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales et rendu impossible le recouvrement de ces taxes ;


Que pour ces motifs propres, substitués à ceux du tribunal, le jugement peut être confirmé en ce qu'il a déclaré Christian X... solidairement tenu au paiement des impositions non recouvrées, et l'a condamné à payer à ce titre au Comptable des Impôts de LAVAL OUEST la somme justifiée de 42 396,79 euros ;




PAR CES MOTIFS




Statuant publiquement et contradictoirement,


INFIRME le jugement en ce qu'il a déclaré Christian X... solidairement tenu au paiement des impositions non recouvrées à l'encontre de la société liquidée « ISR Informatique » en application de l'article L. 266 du Livre des procédures fiscales, abrogé ;


DECLARE Christian X... solidairement tenu au paiement de cette créance d'impositions sur le fondement de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales ;


CONFIRME le jugement sur le surplus ;


CONDAMNE Christian X... aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.




LE GREFFIER LE PRESIDENT










C. LEVEUF S. CHAUVEL

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