4 mars 2008
Cour d'appel de Paris
RG n° 06/18833

Texte de la décision

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



4ème Chambre - Section A



ARRET DU 04 MARS 2008



(no , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 06/18833



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Juillet 2006 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 04/18982





APPELANTE



Société PILOU COMPANY LIMITED

ayant son siège Unit E 9/F Hop Hing Industriel Bullding

704 Castel Peak Road Kowloon

HONG KONG CHINE

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

représentée par la SCP MONIN - D'AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour

assistée de Me ARMENGAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : W 7, plaidant pour la SCP ARMENGAUD GUERLAIN







INTIMEES



SARL PALLAS - LA GRANDE RECRE

ayant son siège 126 rue la Boétie

75008 PARIS

prise en la personne de son gérant

représentée par la SCP TAZE-BERNARD - BROQUET, avoués à la Cour

assistée de Me Richard MILCHIOR, avocat au barreau de PARIS, toque : J 035



SA LA GRANDE RECRE

ayant son siège 27 boulevard Poissonnière

75002 PARIS

prise en la personne de ses représentants légaux

représentée par la SCP TAZE-BERNARD - BROQUET, avoués à la Cour

assistée de Me Richard MILCHIOR, avocat au barreau de PARIS, toque : J 035



S.A. LA GRANDE RECRE INERNATIONAL

ayant son siège 25 avenue Louise

1050 BRUXELLES - BELGIQUE

prise en la personne de ses représentants légaux



représentée par la SCP TAZE-BERNARD - BROQUET, avoués à la Cour

assistée de Me Richard MILCHIOR, avocat au barreau de PARIS, toque : J 035













SA SEDIS LOGISTICS BELGIUM

ayant son siège Blanc Bellot - Avenue Urbino 2

7700 MOUSCRON - BELGIQUE

prise en la personne de ses représentants légaux

défaillante







COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 14 Janvier 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Alain CARRE-PIERRAT, Président

Madame Dominique ROSENTHAL-ROLLAND, Conseiller

Mme Brigitte CHOKRON, Conseiller

qui en ont délibéré





Greffier, lors des débats : Mme Jacqueline VIGNAL





ARRET : PAR DEFAUT

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Nous, Alain CARRE-PIERRAT, président et par Nous, Michèle SAGUI, greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.









Vu l'appel interjeté le 30 octobre 2006, par la société PILOU COMPANY LIMITED d'un jugement rendu le 27 juillet 2006 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :

* débouté les sociétés défenderesses de leur demande tendant à voir déclarer nul l'exploit introductif d'instance,

* débouté les sociétés défenderesses de leur demande tendant à voir déclarer irrecevable l'action de la société demanderesse,

* déclaré nul en toutes ses revendications, pour défaut d'activité inventive, le brevet no0206951 déposé par la société PILOU COMPANY LIMITED le 6 juin 2002 et publié le 12 décembre 2003,

* débouté les parties les parties de leurs autres demandes,

* condamné la société PILOU COMPANY LIMITED aux dépens;



Vu les dernières écritures en date du 19 novembre 2007, par lesquelles la société PILOU COMPANY LIMITED, poursuivant l'infirmation de la décision entreprise, demande à la Cour de:

* dire qu'en important, en détenant, en offrant en vente et/ou en vendant des structures de cibles pour jeu reproduisant les caractéristiques du brevet no0206951 dont elle est titulaire et notamment les revendications 1 à 12, les sociétés PALLAS-LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE , LA GRANDE RECRE INTERNATIONAL et SEDIS LOGISTICS BELGIUM se sont rendues coupables d'actes de contrefaçon,

* faire défense aux sociétés PALLAS-LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE INTERNATIONAL et SEDIS LOGISTICS BELGIUM d'importer, de fabriquer, détenir, offrir à la vente et/ou de vendre des structures de cibles pour jeu reproduisant les caractéristiques du brevet no0206951 notamment en ses revendications 1 à 12, sous astreinte définitive et non comminatoire de 1.000 euros par infraction constatée et par jour de retard à compter du jour de la signification de l'arrêt à intervenir,

* dire qu'en mettant sur le marché une copie quasi-servile du produit qu'elle commercialise, les sociétés PALLAS-LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE INTERNATIONAL et SEDIS LOGISTICS BELGIUM ont commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme,

* condamner solidairement les sociétés PALLAS-LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE INTERNATIONAL et SEDIS LOGISTICS BELGIUM au paiement de la somme de 500.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels en réparation des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale,

* nommer un expert avec mission de chiffrer le préjudice,

* ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux ou périodiques de son choix, aux frais solidaires des sociétés PALLAS-LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE INTERNATIONAL et SEDIS LOGISTICS BELGIUM,

* ordonner la confiscation aux fins de destruction de tous les dispositifs contrefaisants et ce, sous astreinte définitive et non comminatoire de 1.500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt,

* condamner solidairement les sociétés PALLAS-LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE INTERNATIONAL et SEDIS LOGISTICS BELGIUM au versement de la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;



Vu les dernières écritures en date du 13 décembre 2007, aux termes desquelles les sociétés PALLAS-LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE et LA GRANDE RECRE INTERNATIONAL prient la Cour de confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il les a déboutées de leur demande tendant à voir déclarer irrecevable l'action de la société PILOU COMPANY LIMITED, et y ajoutant, de condamner cette dernière au paiement de la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;



Vu l'assignation et les réassignations délivrées les 13 mars, 8 août et 2 novembre 2007 à la société SEDIS LOGISTICS BELGIUM;







SUR CE, LA COUR,



Considérant que la société SEDIS LOGISTICS BELGIUM, assignée à parquet étranger, n'ayant pas constitué avoué, le présent arrêt sera rendu par défaut;



Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties; qu'il suffit de rappeler que :

* la société PILOU COMPANY LIMITED est titulaire du brevet français no0206951 déposé le 6 juin 2002, publié le 12 décembre 2003, ayant pour titre "structure de cible(s) pour jeu ou activité de tir et coffret de tir muni d'une telle structure",

* reprochant à la société PALLAS-LA GRANDE RECRE de détenir et d'offrir à la vente des articles "aero tire-balles" notamment dans un magasin qu'elle exploite 16 rue Linois à Paris, reproduisant, selon elle, les caractéristiques de son brevet, la société PILOU COMPANY LIMITED, dûment autorisée par ordonnance présidentielle, a fait pratiquer une saisie contrefaçon le 16 novembre 2004, dans les locaux de cette société,

* les opérations de saisie ont mis en cause les sociétés PALLAS-LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE INTERNATIONAL et la société SEDIS LOGISTICS BELGIUM,

* dans ces circonstances, la société PILOU COMPANY LIMITED a assigné en contrefaçon et en concurrence déloyale les sociétés PALLAS-LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE INTERNATIONAL et SEDIS LOGISTICS BELGIUM devant le tribunal de grande instance de Paris;





Sur la recevabilité de l'action en contrefaçon:



Considérant que les sociétés PALLAS-LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE et LA GRANDE RECRE INTERNATIONAL soulèvent l'irrecevabilité à agir de la société PILOU COMPANY LIMITED sur le fondement de la contrefaçon du brevet no0206951 faisant valoir que leur responsabilité ne peut être engagée, dès lors que simples distributeurs, elles n'ont pas été mises en connaissance du caractère prétendument contrefaisant des biens vendus;





Mais considérant que la société LA GRANDE RECRE INTERNATIONAL ne conteste pas avoir acquis les produits litigieux auprès d'une société belge, la société SEDIS LOGISTICS BELGIUM, ce qui est au demeurant établi par un courrier adressé le 23 novembre 2004, à l'huissier instrumentaire, aux termes duquel la société PALLAS-LA GRANDE RECRE indique que le fournisseur des objets litigieux est la société LA GRANDE RECRE INTERNATIONAL, 125 avenue Louise à Bruxelles;



Que par ailleurs, alors que les objets saisis portent la mention "CE importé par LGRI 125, avenue Louise 1050 BRUXELLES Belgique", les factures de vente sont adressées à la société "LA GRANDE RECRE", service des achats/ventes,16 rue Vladimir Jankelewitch, 77184 EMERAINVILLE; que cette adresse est celle de la société PALLAS-LA GRANDE RECRE;



Que les mêmes factures de vente portent pour adresse de livraison celle de la société LA GRANDE RECRE SA, 16 rue Linois à Paris, nom et adresse figurant également sur le catalogue "LA GRANDE RECRE" proposant à la vente le jeu incriminé;



Qu'il s'ensuit que les sociétés PALLAS-LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE et LA GRANDE RECRE INTERNATIONAL doivent être considérées comme importateurs des articles incriminés;



Considérant qu'aux termes de l'article L.613-3 du Code de la propriété intellectuelle sont interdites, à défaut de consentement du propriétaire du brevet, l'offre, la mise dans le commerce ou l'utilisation ou l'importation ou la détention du produit obtenu directement par le procédé objet du brevet;



Que l'article L.615-1 du même code dispose que toute atteinte portée aux droits du propriétaire du brevet, tels qu'ils sont définis aux articles L.613-3 à L.613-6, constitue une contrefaçon, toutefois, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, la détention en vue de l'utilisation ou la mise dans le commerce d'un produit contrefait, lorsque ces faits sont commis par une autre personne que le fabricant du produit contrefait, n'engagent la responsabilité de leur auteur que si les faits ont été commis en connaissance de cause;



Considérant que les actes d'importation de produits contrefaisants ne sont pas compris dans cette liste limitative;



Que par voie de conséquence, il résulte des dispositions conjuguées des articles L.613-3 et L.615-1 du Code de la propriété intellectuelle précitées, que l'importation en France de produits contrefaisants constitue un acte de contrefaçon et engage la responsabilité de son auteur indépendamment de la connaissance qu'il peut avoir de leur caractère contrefaisant;



Qu'il s'ensuit que la connaissance visée aux dispositions de l'article L.615-1 précité n'est pas requise en l'espèce;







Sur la validité du brevet:



Considérant que l'invention qui a pour titre "structure de cible(s) pour jeu ou activité de tir et coffret de tir muni d'une telle structure" concerne un jeu de tir et propose une structure de cibles pour tout type de jeu ou d'activité de tir à projectiles, fléchettes, balles, boules;



Que le breveté rappelle que les jeux de tir du genre tir à l'arc, au pistolet, à la carabine sont largement répandus, que dans certains cas, les cibles sont simplement posées ou fixées de manière articulée sur un support, que dans d'autres cas, les cibles sont mobiles lorsque l'on désire augmenter le degré de difficulté du jeu;



Qu'il propose une structure de cible(s) originale, pour tout type de jeu ou d'activité de tir à projectile(s), permettant d'augmenter l'attrait et l'aspect ludique du jeu;



Qu'à cet effet, la structure de cible comporte des moyens pour générer un courant d'air, des moyens pour canaliser le courant d'air généré, une ouverture aménagée dans ces moyens apte à produire un flux d'air dans une direction ascensionnelle, un élément constituant la cible disposé au dessus de l'ouverture et apte à être maintenu en suspension par le flux d'air ascensionnel;



Considérant que le brevet comporte 12 revendications ainsi libellées:



1. Structure de cible(s) pour jeu ou activité de tir, notamment pour un jeu de tir aux fléchettes ou autres projectiles, comprenant:

- des moyens pour générer un courant d'air,

- des moyens pour canaliser le courant d'air généré,

- au moins une ouverture aménagée dans lesdits moyens de canalisation du courant d'air, apte à produire un flux d'air dans une direction ascensionnelle, et

- un élément constituant la cible proprement dite, disposé au-dessus de ladite ouverture et apte à être maintenu en suspension par le flux d'air ascensionnel,

caractérisée en ce qu'elle comporte une pluralité de goulottes verticales pour la mise en suspension d'une pluralité d'éléments de cibles, lesquelles goulottes, munies chacune d'un orifice d'entrée et d'un orifice de sortie, s'étendent à partir d'une poutre creuse comportant une ouverture pour son alimentation en air par lesdits moyens de production du flux d'air,



2. Structure de cible(s) selon la revendication 1, caractérisée en ce qu'elle comporte une poutre creuse horizontale ou sensiblement horizontale, munie d'une ouverture centrale d'alimentation en air,



3. Structure de cible(s) selon l'une quelconque des revendications 1 ou 2, caractérisée en ce que l'orifice de sortie de chaque goulotte est conformé pour pouvoir servir de support de réception pour l'élément de cible, en l'absence de flux d'air,



4. Structure de cible(s) selon la revendication 3, caractérisée en ce qu'elle comporte au moins une goulotte en forme de tube cylindrique prolongé par une collerette d'extrémité évasée, en forme de cône,



5. Structure de cible(s) selon l'une quelconque des revendications 1 à 4, caractérisée en ce qu'elle comporte au moins un élément de cible en forme de sphère de faible poids,



6.Structure de cible(s) selon la revendication 5, caractérisée en ce qu'elle comporte au moins un élément de cible se présentant sous la forme d'une sphère en polystyrène,



7.Structure de cible(s) selon l'une quelconque des revendications 1 à 6, caractérisée en ce que les moyens pour générer le courant d'air consistent en une hélice motorisée formant ventilateur,



8.Structure de cible(s) selon l'une quelconque des revendications 1 à7, caractérisée en ce qu'elle comporte des goulottes verticales dont certaines au moins sont associées à leurs propres moyens de réglage du débit du flux d'air ascensionnel,



9.Structure de cible(s) selon la revendication 8, caractérisée en ce que les moyens de réglage du débit du flux d'air consistent en un clapet mobile aménagé à la base de chaque goulotte, en regard de l'orifice d'entrée du flux d'air,



10. Structure de cible(s) selon la revendication 9, caractérisée en ce qu'elle comporte des goulottes verticales munies d'un orifice circulaire d'entrée du flux d'air, lequel orifice circulaire est associé à un clapet de réglage de débit en forme de tronc de cône,



11.Structure de cible(s) selon l'une quelconque des revendications 9 ou 10, caractérisée en ce que chaque clapet de réglage de débit est guidé en translation dans un système de glissières, lequel clapet comporte une structure de crémaillère manoeuvrée par un pignon denté solidaire d'une clé d'actionnement,



12. Coffret pour jeu de tir comprenant:

- une structure de cible(s) selon l'une quelconque des revendications 1 à 11,

- au moins une arme de tir, et

- un lot de projectiles genre fléchettes, balles, boules, autres, adaptés à ladite ou aux dites arme(s) de tir;





* Sur la validité de la revendication 1:



Sur l'insuffisance de description:



Considérant que les sociétés intimées soulèvent la nullité de la revendication 1 du brevet pour insuffisance de description, faisant valoir que sa rédaction ne permet pas à l'homme du métier de mettre en oeuvre l'invention;



Considérant en droit, qu'aux termes des dispositions de l'article L.613-25 du Code de la propriété intellectuelle, un brevet est nul notamment s'il n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter;





Considérant que les revendications qui définissent l'objet de la protection demandée doivent être claires et précises et se fonder sur la description; que l'étendue de la protection conférée par le brevet est déterminée par la teneur des revendications, lesquelles s'apprécient au regard de la description et des dessins qui servent à les interpréter;



Considérant en l'espèce, que l'homme du métier au regard duquel le caractère suffisant de la description du brevet s'apprécie est un spécialiste du jouet en particulier des jeux de tir et des structures de cible pour jeux de tir;



Que l'invention protégée par la revendication 1 est suffisamment soutenue par la description qui en est faite et les dessins en annexe et ne peut encourir le grief de défaut de description;



Qu'en effet, il suffit de lire la description (page 3), illustrée par les dessins (figures 2 et 3), représentant selon un mode de réalisation cinq goulottes verticales permettant la mise en suspension de cinq boules-cibles, pour constater que la structure de cibles pour activité de tir comprend des moyens pour générer un flux d'air ascensionnel canalisé par un carter, comportant une hélice motorisée formant ventilateur, jusqu'à une pluralité de goulottes verticales, permettant de maintenir en suspension des éléments sphériques constituant des cibles;



Que cette description et les dessins renseignent l'homme du métier, avec ses seules connaissances techniques, sur la mise en oeuvre de la structure de cible(s), de sorte que la revendication 1 énonce de façon suffisamment claire les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de l'invention;



Que dès lors, le grief d'insuffisance de description n'est pas caractérisé;





Sur le défaut de nouveauté:



Considérant que les sociétés appelantes soulèvent la nullité de la revendication 1 pour défaut de nouveauté en présence du brevet américain WANG noUS-4 345 765;



Mais considérant que pour affecter la nouveauté d'un brevet, l'antériorité doit divulguer les éléments constitutifs de l'invention dans la même forme, le même agencement, la même fonction en vue du même résultat technique;



Que la structure décrite par le brevet WANG et illustrée à la figure 4 est différente de celle protégée par la revendication 1 du brevet litigieux, dès lors que chacun des réceptacles, support d'une cible flottante sphérique, est associé à une pompe à air produisant un flux individuel;



Qu'à la différence de l'invention, ce document ne divulgue pas une poutre creuse comportant une seule ouverture permettant au moyen d'un unique ventilateur l'alimentation en flux d'air de plusieurs goulottes verticales;



Que la revendication 1 du brevet PILOU est donc nouvelle;





Sur le défaut d'activité inventive:



Considérant que les sociétés appelantes soulèvent également la nullité de cette revendication pour défaut d'activité inventive exposant que la résolution du problème technique posé, consistant à organiser la suspension de plusieurs boules par un flux d'air, n'exigeait pas pour l'homme du métier de faire preuve de la moindre activité inventive compte tenu de l'art antérieur;



Considérant qu'une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique;



Considérant que le domaine concerné par l'invention est celui des jeux de tir et des structures de cible pour jeux de tir comme le précisent le premier paragraphe de la description et les revendications;



Considérant que si le brevet anglais ILES, GB-169 121, délivré le 22 septembre 1921, envisage la possibilité de mettre en suspension plusieurs cibles/balles, ce document ne décrit aucune pluralité de goulottes de mise en suspension, aucun moyen d'alimentation par un flux d'air ascensionnel au moyen d'une poutre creuse munie d'une ouverture unique pour l'alimentation en air des goulottes par un ventilateur;



Que le brevet américain BURKE US-2074-363 délivré le 23 mars 1937, se rapporte à un jouet représentant le système solaire dont les planètes sont des objets sphériques maintenus en suspension par un jet d'air, de sorte que l'homme du métier, spécialiste du jouet en particulier des jeux de tir et des structures de cible pour jeux de tir, n'était pas conduit à chercher une solution au problème posé dans ce document qui ne concerne pas le domaine technique de l'invention;



Qu'en tout état de cause, la structure décrite dans le document BURKE, qui vise à maintenir des planètes en suspension, comporte des moyens de production du flux d'air alimenté par une aiguille centrale et un système de guidage et de flux d'air destiné à entraîner en rotation un caisson cylindrique central;



Que cette structure complexe se distingue de celle de l'invention qui protège une poutre creuse comportant une ouverture en vue d'assurer l'alimentation en air de plusieurs goulottes verticales;



Considérant qu'il ne suffisait pas de juxtaposer les moyens enseignés par les brevets ILES et BURKE pour parvenir à la structure revendiqué au brevet PILOU, de sorte que l'homme du métier n'était pas conduit, dans le cadre d'une simple mesure d'exécution, sans faire preuve d'activité inventive, à combiner ces documents pour parvenir aux moyens de générer un courant d'air, associés à une poutre creuse de répartition du flux d'air, commune à plusieurs goulottes permettant la mise en suspension de différentes balles/cibles;



Que l'invention décrite à la revendication 1 ne découle pas de manière évidente de l'état de la technique et implique une activité inventive;



Qu'il s'ensuit que la revendication 1 est valable;







* Sur la validité des revendications 2 à 12:



Considérant que les revendications 2 à 12, dépendantes de la revendication 1, à laquelle elles ajoutent, sont également nouvelles, participent de l'activité inventive de cette dernière et sont donc valables;











Sur la contrefaçon:



Considérant que la matérialité des actes de contrefaçon n'est pas discutée par les sociétés PALLAS-LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE et LA GRANDE RECRE INTERNATIONAL;



Considérant que selon la description faite par l'huissier lors des opérations de saisie:

"Le jeu comporte un bâti en plastique avec une rampe quasiment horizontale surmontée de cinq cylindres également en plastique. L'extrémité supérieure de chaque cylindre est de forme conique pour supporter une balle en polystyrène en repos. Lorsque le jeu est en fonctionnement à l'aide de piles électriques, un flux d'air sort de chaque cylindre qui soulève la balle et la maintient en suspension dans l'air au dessus du cylindre. Chaque cylindre comporte un bouchon rotatif qui permet de régler le flux d'air et de faire monter plus ou moins haut chaque balle. Le jeu comporte un fusil en plastique à trois couleurs: crosse marron, corps noir, embout du canon orange. Le corps comporte un viseur de couleur noire. Il existe une étiquette de chaque côté du corps du fusil avec la mention "AIR POWER AERO TIR BALLES" et une cible. Le fusil tire des fléchettes en matière plastique souple: le jeu en contient cinq.

Après démontage du bâti, je note dans la partie centrale ronde l'existence d'un ventilateur avec au-dessus une ouverture vers le haut qui débouche dans la rampe qui est creuse-face à chaque cylindre, je constate la présence d'un cône mobile en translation verticale par l'action du bouton rotatif qui correspond à chaque cylindre. Chaque bouton rotatif comporte une extension crantée qui vient en prise avec une crémaillère solidaire du cône. La rotation du bouton entraîne la translation de la crémaillère qui elle-même entraîne le cône..."



Qu'il en résulte que le jeu "AIR POWER AERO TIR BALLES" importé et offert en vente par les sociétés SEDIS LOGISTICS BELGIUM, PALLAS-LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE et LA GRANDE RECRE INTERNATIONAL, reproduit les caractéristiques des revendications 1 à 12 du brevet déposé par la société PILOU COMPANY LIMITED et en constitue la contrefaçon;







Sur la concurrence déloyale:



Considérant que la société PILOU COMPANY LIMITED reproche aux sociétés PALLAS-LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE INTERNATIONAL et SEDIS LOGISTICS BELGIUM des actes de concurrence déloyale par l'offre à la vente à bas prix d'une copie servile de son produit;



Considérant, en vertu du principe de la liberté du commerce, que la société PILOU COMPANY LIMITED ne saurait reprocher à ces sociétés de pratiquer un prix inférieur, dès lors qu'il n'est pas démontré que le prix pratiqué serait vil ou que les ventes seraient réalisées à perte;



Considérant en revanche, que si le simple fait de commercialiser un produit concurrent ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale, en l'absence d'un risque de confusion dans l'esprit des consommateurs sur l'origine du produit, il n'en est pas de même lorsque ces actes traduisent un comportement fautif;



Qu'en l'espèce, l'examen des emballages des jeux en présence, auquel la Cour a procédé, révèle, alors qu'il n'existe pas de produit comparable sur le marché, que le jeu "AERO TIRE-BALLES" comporte à l'instar du modèle de la société PILOU COMPANY LIMITED:

- un socle sensiblement pyramidale avec des bords latéraux cintrés,

- un même corps circulaire, surmontant le socle,

- une rampe sensiblement horizontale, présentant une forme en "V" munie, dans le bas, d'une décoration de vaguelettes,

- cinq goulottes de même forme, réparties de la même manière,

- des fusil, fléchettes et cibles similaires;



Que les différences mineures entre les jeux en présence tenant à l'inversion de la forme en "V" de la rampe, à la couleur du socle ne sont pas immédiatement perceptibles, n'excluent pas tout risque de confusion dans l'esprit du consommateur moyen de la catégorie de produits ou services concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé qui sera conduit à attribuer à ces jeux une origine commune;



Que ces faits ne sauraient revêtir un caractère fortuit, alors que depuis l'année 2002, le jeu de la société PILOU COMPANY LIMITED était amplement commercialisé dans les magasins TOY R US ou AUCHAN;



Qu'il s'ensuit que le comportement des sociétés PALLAS-LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE INTERNATIONAL et SEDIS LOGISTICS BELGIUM contraire à une pratique loyale du commerce engage leur responsabilité;



Considérant en revanche, que la société PILOU COMPANY LIMITED n'est pas fondée à arguer de parasitisme économique;







Que le parasitisme économique est caractérisé par la circonstance selon laquelle une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, s'inspire ou copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel ,fruit d'un savoir faire, d'un travail intellectuel et d'investissements;



Or, considérant que cette circonstance n'est pas précisément caractérisée et qu'en tout état de cause, n'est produit aux débats le moindre document de nature à justifier, notamment de la réalité des investissements propres au jeu en cause ou encore le coût des opérations de marketing ou de commercialisation le concernant;





Sur les mesures réparatrices:



Considérant que les opérations de saisie contrefaçon ont révélé l'importation et l'achat de 1.338 articles contrefaisants, dont 325 auraient été vendus au 18 novembre 2004, au prix public de 14,50 euros, alors que le jeu de la société PILOU COMPANY LIMITED est proposé à la vente au prix de 24,90 euros ;



Considérant que les sociétés PALLAS-LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE et LA GRANDE RECRE INTERNATIONAL se gardant d'apporter des précisions sur le volume contrefaisant, sans qu'il soit besoin de recourir à une mesure d'expertise, le préjudice subi par la société PILOU COMPANY LIMITED du fait de l'atteinte portée aux droits qu'elle détient sur son brevet, sera entièrement réparé par l'allocation de la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts;



Considérant que les faits de concurrence déloyale ont nécessairement causé à la société PILOU COMPANY LIMITED un préjudice résultant d'un manque à gagner et d'un trouble commercial; qu'il convient de lui allouer une indemnité de 200.000 euros en réparation du préjudice subi à raison des actes de concurrence déloyale;



Considérant qu'il sera fait droit à la demande d'interdiction sous astreinte et à la mesure de publication sollicitées par la société PILOU COMPANY LIMITED selon les modalités précisées au dispositif; que la mesure de confiscation n'apparaît pas nécessaire eu égard à l'interdiction prononcée;





Sur les autres demandes:



Considérant que les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier à la société PILOU COMPANY LIMITED; qu'il lui sera alloué à ce titre la somme de 20.000 euros; que les sociétés PALLAS-LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE et LA GRANDE RECRE INTERNATIONAL qui succombent en leurs prétentions doivent être déboutées de leur demande formée sur ce même fondement;









PAR CES MOTIFS



Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a déclaré la société PILOU COMPANY LIMITED recevable à agir en contrefaçon,



Statuant à nouveau:



Déclare valables les revendications 1 à 12 du brevet no0206951 dont la société PILOU COMPANY LIMITED est titulaire,



Dit que les sociétés PALLAS-LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE INTERNATIONAL et SEDIS LOGISTICS BELGIUM ont commis des actes de contrefaçon des revendications 1 à 12 de ce brevet,



Dit que les sociétés PALLAS-LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE INTERNATIONAL et SEDIS LOGISTICS BELGIUM ont commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société PILOU COMPANY LIMITED,



Interdit aux sociétés PALLAS-LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE INTERNATIONAL et SEDIS LOGISTICS BELGIUM d'importer, de fabriquer, de détenir, d'offrir à la vente, de vendre des structures de cibles pour jeu reproduisant les revendications 1 à 12 du brevet sous astreinte de 500 euros par infraction constatée à compter de la signification du présent arrêt,



Se réserve la liquidation de l'astreinte,



Condamne in solidum les sociétés PALLAS-LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE INTERNATIONAL et SEDIS LOGISTICS BELGIUM à payer à la société PILOU COMPANY LIMITED la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par les actes de contrefaçon et la somme de 200.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par les faits de concurrence déloyale,



Autorise la société PILOU COMPANY LIMITED à faire publier la présente décision dans trois journaux ou périodiques de son choix, aux frais in solidum des sociétés PALLAS-LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE INTERNATIONAL et SEDIS LOGISTICS BELGIUM, sans que le coût de chaque publication n'excède à leur charge la somme de 3.500 euros HT,



Condamne in solidum les sociétés PALLAS-LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE INTERNATIONAL et SEDIS LOGISTICS BELGIUM à payer à la société PILOU COMPANY LIMITED la somme de 20.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,



Rejette toutes autres demandes,



Condamne in solidum les sociétés PALLAS-LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE, LA GRANDE RECRE INTERNATIONAL et SEDIS LOGISTICS BELGIUM aux dépens et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.







LE GREFFIER LE PRESIDENT

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