21 juin 2007
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 06/08333

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1o Chambre B

ARRÊT AU FOND
DU 21 JUIN 2007
FG
No 2007 / 376



Rôle No 06 / 08333

S. A. R. L. APRIMO
Robert X...




C /

Lysiane Y...

S. A. R. L. Michaël ZINGRAF IMMOBILIEN (M. Z. I)



Grosse délivrée
le :
à :



réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 04 Avril 2006 enregistré au répertoire général sous le no 04 / 310.



APPELANTS ET INTIMÉS

LA SARL APRIMO,
dont le siège est Les Allardes-18600 GIVARDON

Monsieur Robert X...

né le 17 Juin 1945 à PARIS (75014), demeurant...-
18600 GIVARDON

représentés par la SCP BLANC AMSELLEM-MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour,
plaidant par Me Pascal-Pierre GARBARINI, substitué par Me Deborah MICHEL, avocats au barreau de PARIS



INTIMÉE

Mademoiselle Lysiane Y...

née le 13 Janvier 1951 à NEUILLY SUR SEINE (92200), demeurant...


représentée par la SCP BOISSONNET-ROUSSEAU, avoués à la Cour,
plaidant par Me Jean-Philippe CONFINO, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE ET APPELANTE

LA SARL Michaël ZINGRAF IMMOBILIEN (MZI),
dont le siège est 34, La Croisette-06400 CANNES

représentée par la SCP TOLLINCHI PERRET-VIGNERON BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI, avoués à la Cour,
plaidant par Me Michel LOPRESTI, avocat au barreau de GRASSE

COMPOSITION DE LA COUR



L'affaire a été débattue le 16 Mai 2007 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :



Monsieur François GROSJEAN, Président
Madame Catherine CHARPENTIER, Conseiller
Madame Martine ZENATI, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie MASSOT.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Juin 2007.



ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Juin 2007,

Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Madame Sylvie MASSOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS et MOYENS

Attendu que Mlle Lysiane Y..., née le 13 juin 1951, présidente de société, demeurant à Suresnes, a acquis en 1991 à titre de résidence secondaire un bien immobilier consistant en un terrain d'environ 4. 000 m ² avec une villa d'environ 340 m ² et piscine à La Colle sur Loup (Alpes-Maritimes), bien dit " villa La Rumba ", pour un prix de 8. 050. 000 F (1. 227. 214 €) ;

Attendu que le 17 octobre 2002, Mlle Y... a donné mandat exclusif à la société Michaël ZINGRAF Immobilien SARL, dite agence MZI, agence immobilière, de vendre ce bien immobilier moyennant un prix net vendeur de 1. 677. 000 € ;

Attendu qu'un acquéreur présenté par l'agence MZI, M. Robert X..., gérant de sociétés, accepta de signer le 17 janvier 2003 avec Mlle Y..., une promesse synallagmatique de vente rédigée avec l'aide de M. Z..., notaire à Paris, pour l'acquisition de ce bien au prix de 1. 677. 000 €, les honoraires de l'agence MZI étant à la charge de l'acquéreur ; qu'il n'était prévu aucune condition suspensive d'obtention de prêt et que l'acte devait être rédigé au plus tard le 21 mars 2003 ;
que cette promesse prévoyait une possibilité de substitution par toute personne physique ou morale ;

Attendu que l'acte authentique fut reçu le 27 février 2003 par M. G..., notaire à Grasse, avec la participation de M. Z..., notaire à Paris, entre Mlle Y..., venderesse, et la société APRIMO SARL, dont le siège est à Allardes (Cher), représentée par son gérant, M. Robert X..., et dont l'activité est celle de marchand de biens ;

Attendu que M. Z..., notaire, fut incidemment informé de ce que le 17 février 2003, soit avant même d'avoir acquis la villa La Rumba, la société APRIMO avait signé, par l'intermédiaire de l'agence MZI, une promesse unilatérale de vente de ce bien avec un candidat acquéreur domicilié en Allemagne, M. Peter-Raymond D..., moyennant le prix de 2. 400. 000 € (15. 742. 968 F), soit 723. 000 € (4. 742. 569 F) de plus que celui qui avait été convenu avec Mlle Y... ;
que cette revente fut confirmée par acte en date du 17 mars 2003, à ce prix de 2. 400. 000 € ;

Attendu que, Mlle Y..., estimant avoir été victime d'agissements frauduleux de la part de la part de l'agence MZI, de la société APRIMO et de M. X..., les a fait asigner, par exploits en date des 4 et 18 décembre 2003, devant le tribunal de grande instance de Grasse pour les voir condamner in solidum à lui payer des dommages et intérêts ;

Attendu que, par jugement en date du 4 avril 2006, le tribunal de grande instance de Grasse a, au visa des articles 1984 et suivants,1116,1134 et suivants, et 1147 du code civil, condamné in solidum la SARL MZI, la SARL APRIMO et M. Robert X... à verser à Mlle Lysiane Y..., à titre de dommages et intérêts, les sommes de 595. 000 € en réparation de son préjudice matériel et 15. 000 € en réparation de son préjudice moral, ordonné l'exécution provisoire, condamné in solidum la SARL MZI, la SARL APRIMO et M. Robert X... à payer à Mlle Lysiane Y... la somme de 10. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamné les défendeurs aux entiers dépens ;

Attendu que, par déclaration de la SCP BLANC, AMSELLEM-MIMRAN & CHERFILS, avoués, en date du 4 mai 2006, la société APRIMO et M. Robert X... ont interjeté appel de ce jugement ;

Attendu que, par déclaration de la SCP TOLLINCHI, PERRET-VIGNERON & BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI, avoués, en date du 11 mai 2006, société Michaël ZINGRAF Immobilien SARL a également formé appel contre ce jugement ;

Attendu que, par leurs dernières conclusions signifiées et déposées le 13 avril 2007,
la société APRIMO et M. Robert X... demandent à la cour de :
-les recevoir en leur appel, le dire bien fondé et y faire droit,
-infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris.
-à titre principal, dire et juger qu'ils ne se sont rendus coupables d'aucun dol incident, au sens de l'article 1116 du code civil, et ce au préjudice de Mlle Lysiane Y...,
-constater que Mlle Lysiane Y... n'ignorait aucunement la qualité de marchand de biens de son futur acquéreur,
-constater, en tout état de cause, qu'assistée et conseillée de son notaire, Mlle Lysiane Y... ne pouvait aucunement ignorer la qualité de marchand de biens de son futur acquéreur,
-débouter par conséquent Mlle Lysiane Y... de l'intégralité de ses demandes.
-à titre subsidiaire, constater qu'ils ne peuvent aucunement être tenus pour responsables des agissements et carences de la société Michaël ZINGRAF Immobilien SARL MZI,
-constater que le montant réel de la plus-value est de 257. 065 euros,
-prononcer par conséquent leur mise hors de cause,
-en tout état de cause, prononcer la mise hors de cause de M. Robert X....
-à titre infiniment subsidiaire, constater que le montant des condamnations pécuniaires prononcées à l'encontre des défendeurs est erroné, réduire par conséquent à de plus justes et notables proportions les condamnations pécuniaires prononcées à leur encontre,
-en tout état de cause, condamner Mlle Lysiane Y... à leur payer la somme de 10. 000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
-condamner Mlle Lysiane Y... aux entiers dépens, distraits au profit de la SCP BLANC, AMSELLEM-MIMRAN & CHERFILS, avoués ;

Attendu que M. X... et la société APRIMO estiment que le jugement ignore leurs moyens ; qu'ils estiment qu'aucune collusion n'a jamais existé entre l'agence MZI et eux et que rien permet sérieusement de l'établir ; qu'ils rappellent que leur première visite du bien est du 19 décembre 2002 et que la villa La Rumba avait été auparavant proposée à quatre acquéreurs potentiels ; qu'ils ont valoir que le projet de mandat de recherche du 20 décembre 2002 témoigne de la transparence des opérations ; que M. M. X... affirme qu'il n'a jamais cherché à tromper la venderesse sur sa qualité de marchand de biens ; qu'il fait remarquer que rien ne permet de dire que Mlle Y... avait fait de l'absence de qualité de marchand de biens une condition de son consentement ; que le fait de ne pas recourir à un emprunt pour un achat à ce prix devait faire deviner que cet achat s'inscrivait dans le cadre de l'activité de marchand de biens ; qu'il rappelle que Mlle Y... était assistée de son notaire ; qu'il estime que Mlle Y..., qu'il n'avait jamais rencontrée avant l'acte authentique, ne peut dire qu'elle a été victime de manoeuvres ou de réticence dolosives ; qu'en tout état de cause, il fait observer qu'il n'était pas tenu de dire qu'il estimait le bien à une valeur supérieure à compter elle à laquelle il l'a acquis et qu'il appartenait à Mlle Y... de se renseigner sur les prix du marché ; qu'il note que l'acheteur allemand d'une résidence secondaire a accepté de payer ce prix parce qu'il était moins conscient des inconvénients de la maison, du fait des risques élevés de cambriolages et des travaux à proximité ;
que M. X... et la société APRIMO font observer qu'ils ne sont jamais intervenus pour la détermination du prix d'offre de la maison à la vente et qu'aucune intention frauduleuse ne peut leur être reprochée ;

Attendu que M. X... fait valoir que c'est la société APRIMO, personne morale, qui a été bénéficiaire de la plus-value et non lui à titre personnel ;

Attendu que la société APRIMO fait remarquer la plus-value doit être réduite de tous les frais et qu'elle n'a représenté en définitive que 257. 065 € ;

Attendu que, par ses dernières conclusions signifiées et déposées le 11 septembre 2006, la société Michaël ZINGRAF Immobilien SARL demande à la cour de :
-dire son appel recevable et bien fondé,
-infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
-débouter Mlle Lysiane Y... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
-dire que la société appelante n'a failli à aucune de ses obligations et notamment à son obligation d'information et à son obligation de fidélité et de loyauté dans le cadre de la conclusion et de l'exécution du mandat exclusif de vente que lui a confié Mlle Lysiane Y...,
-dire en conséquence n'y avoir lieu à allouer quelques dommages et intérêts que ce soit à Mlle Lysiane Y...,
-dire qu'il n'est pas administré la preuve de l'existence d'une fraude ou d'un dol,
-condamner Mlle Lysiane Y... à lui payer une somme de 15. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée,
-condamner Mlle Lysiane Y... à lui payer une somme de 12. 000 sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
-à titre infiniment subsidiaire et si par impossible il était admis la recevabilité et le bien fondé des prétentions de Mlle Lysiane Y... notamment dirigées à son encontre, réformer le jugement entrepris, la réparation du préjudice dont Mlle Lysiane Y... peut éventuellement poursuivre la réparation ne pouvant consister que dans l'appréciation de la perte de chance de revendre à meilleur le bien immobilier litigieux,
-réformer le jugement entrepris en ce qu'il a accordé des dommages et intérêts en réparation des préjudices moral et matériel allégués par Mlle Lysiane Y...,
-dire que le préjudice allégué et retenu est manifestement disproportionné, en l'absence de caractérisation de son caractère direct et des éléments de chiffrage et d'appréciation.
-en toute hypothèse, condamner Mlle Lysiane Y... aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP TOLLINCHI, PERRET-VIGNERON & BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI, avoués ;

Attendu que la société Michaël ZINGRAF Immobilien rappelle que Mlle Y... l'avait contactée une première fois en 1998 pour lui confier un mandat de vente de la villa La Rumba pour 12. 300. 000 F (1. 875. 122 €) avec les meubles soit un prix net vendeur de 10. 899380 F (1. 661. 584 €) mais que le seul candidat acquéreur n'ayant pas obtenu son financement, l'opération ne se fera pas, de sorte qu'elle renoncera à la vente ;
qu'elle expose que quatre ans plus tard, Mlle Y... la contactera de nouveau et lui confiera ce mandat exclusif du 17 octobre 2002 ; que la société MZI estime avoir parfaitement accompli son deuxième mandat, ayant pu trouvé un acquéreur au prix exigé par Mlle Y... ; qu'elle fait observer que le prix a été fixé par Mlle Y... et que ce prix paraissait approprié, et non sous-évalué ;
que la société MZI fait remarquer que Mlle Y... avait accès à tous éléments d'information sur la personne de l'acquéreur et n'a jamais fait savoir que la faculté de substitution avait une importance quelconque ;
que la société MZI fait observer que le fait que la société APRIMO ait trouvé de manière inespérée un nouvel acquéreur à un prix plus élevé ne peut être interprété comme une fraude alors que cette revente n'était pas prévue à la date du compromis de vente de janvier 2003 ;
que la société MZI fait remarquer à titre subsidiaire que le préjudice ne saurait être analysé autrement qu'en une perte de chance de vendre à un prix plus élevé et qu'à cet égard, compte tenu des aléas de la spéculation immobilière, il existait une grande incertitude ;
qu'en tout état de cause, elle note qu'il devrait être tenu compte de la commission d'agence payée par APRIMO de 83. 850 € pour l'acquisition et de 128. 000 € pour la revente, des droits d'enregistrement et frais de notaire de 29. 434,26 €, et l'impôt sur la plus value ;

Attendu que, par ses dernières conclusions signifiées et déposées le 3 mai 2007,
Mlle Lysiane Y... demande à la cour, au visa des articles 1984 et suivants,1116,1134 et suivants, et 1147 du code civil, de :
-débouter les appelants de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
-confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
-condamner in solidum la société Michaël ZINGRAF Immobilien, la société APRIMO et M. Robert X... à lui payer la somme de 10. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, au titre des frais non taxables en cause d'appel,
-condamner in solidum la société Michaël ZINGRAF Immobilien, la société APRIMO et M. Robert X... aux entiers dépens, distraits au profit de la SCP BOISSONNET & ROUSSEAU, avoués ;

Attendu que Mlle Y... expose qu'en 1998 elle avait donné un premier mandat de vente à l'agence MZI qui lui avait alors proposé de mettre le bien en vente au prix net vendeur de 12. 000. 000 F ; qu'elle explique qu'en 2002 elle lui a de nouveau donné mandat dans l'espoir d'en obtenir un meilleur prix qu'elle estimait devoir fixer à 14. 000. 000 F (2. 134. 286 €) et que c'est en définitive sur les conseils de l'agence MZI qu'elle a accepté de donner mandat à 11. 000. 000 F environ soit 1. 677. 000 € ; qu'elle précise que M. X... lui avait été présenté par l'agence MZI comme étant un particulier qui voulait acheter pour l'habitation de son fils et que la qualité de marchand de biens de M. X... lui avait été cachée ; qu'elle fait observer que M. ZINGRAF et M. X... se connaissaient bien ;
qu'elle relève qu'au moment de la vente, la société MZI savait que le bien allait être revendu immédiatement à un prix considérablement majoré, qu'elle avait déjà préparé une nouvelle de fiche de vente à ce nouveau prix, que l'agence savait que le bien pouvait être immédiatement remis en vente à un prix bien plus élevé ;
que Mlle Y... affirme que la société MZI savait dès la date du compromis de vente le 15 janvier 2003, que le bien pouvait être vendu beaucoup plus cher, alors que le mandat de recherche de la société APRIMO date du 20 décembre 2002 pour la recherche de deux villas ;
qu'elle observe que l'agence MZI s'est bien gardée de dire qu'elle connaissait un marchand de biens recherchant des villa de 2 à 3 millions d'euros ;
qu'elle fait remarquer que le compromis de vente prévoyait la clause de rétractation destinée à protéger les non-professionnels de l'immobilier, ce qui induisait Mlle Y... en erreur alors qu'il s'agit d'un professionnel de l'immobilier ;
que Mlle Y... affirme que l'agence MZI était en relation avec M. et Mme D... dès avant la signature du compromis de vente, en l'occurrence dès le mois de novembre 2002 alors que le couple D... a effectué plusieurs visites et que l'agence MZI n'est bien gardée de dire que, dès l'acquisition par un tiers au prix du mandat, le bien allait être remis vente à un prix plus élevé de 50 % ; qu'elle estime que l'agence MZI a commis des manoeuvres frauduleuses en persuadant Mlle Y... de baisser le prix du mandat, en lui présentant pour acquérir un ami marchand de biens qu'elle lui présente comme un particulier cherchant une maison pour son fils et pour louer, en la faisant visiter à d'autres futurs sous-acquéreurs qu'elle a présentés comme des locataires potentiels, en lui cachant qu'elle a un sous-acquéreur à un prix bien plus élevé, en faisant signer par ce sous-acquéreur une promesse de vente alors que la société APRIMO n'est même pas encore propriétaire ;
que Mlle Y... estime que l'agence MZI avait envers elle une obligation de fidélité, selon laquelle elle devait agir avec loyauté dans l'intérêt de son mandant ;
qu'elle rappelle que son intérêt était de vendre au meilleur prix et considère qu'à cet égard l'agence MZI a manqué à son obligation de conseil et même au contraire agi contre les intérêts de sa mandante pour revendre une seconde fois le bien et recevoir une deuxième commission ;
que Mlle Y... note que l'agence MZI n'a pas rendu compte de son mandat et au contraire a caché les relations amicales entretenues avec M. X..., la qualité de marchand de biens ce dernier et les contacts avec les époux D... ; qu'elle estime que l'agence MZI est entrée en conflit d'intérêt avec sa mandante ;
que Mlle Y... estime que les deux professionnels de l'immobilier M. ZINGRAF, l'agence MZI, et M. X..., la société APRIMO, se sont entendus pour réaliser une bonne affaire en la leurrant sur la valeur réelle de son bien, par réticence dolosive et mensonge, de manière à ce qu'elle accepte de vendre rapidement à un prix sous-évalué, avec double commission pour l'agence et plus-value conséquente pour le marchand de biens ;
qu'elle estime que son préjudice correspond à la différence entre le prix qu'elle aurait dû percevoir en l'absence de fraude et le prix auquel elle a vendu, soit 723. 000 € ;

Attendu que l'instruction de l'affaire a été déclarée close le 9 mai 2007 ;



MOTIFS,

-I) Sur la recevabilité des appels :


Attendu que la recevabilité des appels n'est pas discutée ni contredite par les pièces du dossier et qu'il convient de constater que ces appels sont recevables ;

-II) Sur les faits et leur chronologie :


Attendu que le 17 octobre 2002, Mlle Y... a donné mandat exclusif pendant une durée de trois mois à la société Michaël ZINGRAF Immobilien SARL, dite agence MZI, agence immobilière qui a son siège à La Croisette à Cannes et qui est particulièrement spécialisée en clientèle allemande, de vendre ce bien immobilier moyennant un prix net vendeur de 1. 677. 000 € (qui correspondait à un prix de 11 millions de francs environ selon l'ancienne monnaie) ;

Attendu que, sur le registre des visites de l'agence MZI figurent les visites suivantes de la villa La Rumba : le 23 octobre 2002 Mme E..., le 30 octobre 2002, M. H..., le 19 novembre 2002 M. I... le 12 décembre 2002 une certaine Mme F..., le 17 décembre 2002 M. X... et fils ;

Attendu que, sur ce registre des visites, il apparaît que Mme D... avait le 22 novembre 2002 visité cinq biens proposés par l'agence MZI, entre 1,5 M € et 2,1 M € ;
que le registre mentionne l'agence Anne Hilgenberg comme co-agence et Sven comme négociateur ;


Attendu que la promesse synallagmatique de vente Mlle Y... / M. Robert X... fut signée le 17 janvier 2003 au prix de 1. 677. 000 €, les honoraires de l'agence MZI étant à la charge de l'acquéreur ;

Attendu qu'une visite de la villa La Rumba fut organisée pour une cliente par l'agence MZI le 7 février 2003, proposée au prix de 2. 650. 000 € et le 8 février 2003 à M. D... pour 2. 650. 000 € ;

Attendu que l'agence MZI proposait ce bien à 2. 650. 000 € alors qu'elle venait de faire signer quinze jours avant une promesse de vente à 1. 677. 000 € qu'elle le présentait à la vente à près d'un million d'euros de plus ;

Attendu que la vente à ce prix fut rapidement conclue puisque dès le 17 février 2003
M. Peter-Raymond D... signait une promesse de vente avec la société APRIMO / fut au prix de 2. 400. 000 € ;

Attendu que l'acte authentique de vente Mlle Y... / société APRIMO SARL fut établi le 27 février 2003 ;

Attendu que l'acte authentique de vente société APRIMO SARL / D... intervint peu de temps après le 17 mars 2003 ;

Attendu que cette présentation chronologique permet de constater que :
-un mois après le mandat de vente de Mlle Y... du 17 octobre 2002, et alors qu'aucun compromis de vente n'avait été établie, les époux D..., futurs acquéreurs du bien litigieux, étaient déjà en recherche d'un bien par l'agence MZI,
-le 7 février 2003, trois semaines après avoir établi la promesse de vente du 17 janvier 2003, et avant signature de l'acte authentique, l'agence MZI avait déjà mis le bien en vente pour le futur propriétaire la société APRIMO et le présentait à la vente à près d'un million d'euros de plus que dans ce compromis établi sous son égide le 17 janvier,
-le 8 février 2003 elle le présentait à M. D..., qu'elle connaissait déjà avant le compromis du 17 janvier 2003, mais au prix de 2. 650. 000 €,
-le 17 février 2003, un mois après avoir établi un compromis de vente à 1. 677. 000 € entre Mlle Y... et M. X..., gérant d'APRIMO, elle établissait une promesse de vente APRIMO / D... pour 2. 650. 000 € ;

-III) Sur le dol :

Attendu que l'article 1116 du Code Civil dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; qu'il ne se présume pas et doit être prouvé ;

Attendu que Mlle Y... ne demande pas le nullité ni du mandat ni de la promesse de vente, ni de l'acte de vente, mais une indemnité de dommages et intérêts pour le dol qu'elle estime avoir subi ;

Attendu que deux contrats ont été passés par Mlle Y..., un contrat de mandat avec l'agence MZI et un contrat de vente avec la société APRIMO ;

Attendu qu'il y a dol si, sans les manoeuvres dolosives du co-contractant, le consentement n'aurait pas été donné, si ces manoeuvres ont été déterminantes du consentement ; que ce dol s'apprécie au stade de la formation du contrat et non de son exécution ;

-III-1) Sur le dol relatif au mandat :

Attendu que Mlle Y... ne prétend pas qu'elle ait été victime de manoeuvres dolosives de la société MZI qui auraient été déterminantes de son consentement à ce mandat

Attendu qu'au contraire, si effectivement la société MZI a influencé Mlle Y... pour qu'elle donne mandat à un prix bas, rien n'empêchait Mlle Y... de refuser, et de donner mandat à une autre agence immobilière à un prix plus élevé ;

Attendu qu'il n'y a eu aucun dol relatif à la formation du mandat ;

-III-2) Sur le dol relatif à la vente :

Attendu que le co-contractant de Mlle Y... lors de la promesse synallagmatique de vente était M. X..., que celui de l'acte authentique de vente est la société APRIMO ; que Mlle Y... estime que ce dol a été commis au moyen de manoeuvres de M. X..., avec la complicité de la société Michaël ZINGRAF Immobilien

Attendu que la seule manoeuvre qui aurait été commise par M. X... est de ne pas avoir déclaré qu'il était gérant d'une société dont l'objet était une activité de marchand de biens et ainsi, par ce mensonge par omission, fait croire qu'il était un acquéreur qui cherchait à acheter pour habiter lui-même ou par un membre de sa famille ou pour louer, au lieu de révéler son activité d'achat pour revendre ;

Attendu qu'il n'est pas établi que M. X... a donné des précisions sur les motifs de son acquisition ;

Attendu qu'il n'est prouvé aucune complicité de l'agence MZI à cet égard pour cacher l'activité de M. X... ou de la société APRIMO ;

Attendu que la mention de la faculté de rétractation dans la promesse de vente alors que M. X... était un professionnel est une mention pré-écrite dans les formulaires de compromis de vente ; que ce compromis a été rédigé à Paris par le notaire de Mlle Y... et qu'il n'est pas établi que ce dernier a veillé à la conformité de cette clause avec la situation de M. X..., lequel n'était pas présent, mais représenté ; que le maintien de cette clause ne signifie pas que M. X... ait voulu cacher son statut de marchand de biens ;


Attendu qu'en tout état de cause, un candidat acquéreur n'a pas à justifier des raisons personnelles de son choix et qu'il est tout à fait admissible qu'un marchand de biens ne mette pas en avant son activité ; qu'il est normal qu'un acquéreur cherche à acheter au plus bas prix et s'il veut revendre, qu'il essaie d'obtenir le prix le plus élevé ;

Attendu qu'il ne peut être juridiquement reproché à M. X... ou à la société APRIMO d'avoir réalisé une affaire en achetant un bien à un prix pour le revendre à un prix supérieur, sauf à interdire toute activité commerciale ;

Attendu que Mlle Y... ne prouve pas que cette non qualité de marchand de biens a été déterminante de son consentement ; que ce n'est pas la qualité de marchand de biens qui dérange Mlle Y..., mais l'importance de la plus-value réalisée par celui-ci au lieu de l'avoir été par elle-même ;

Attendu que l'action, en tant qu'elle est présentée pour dol, n'est pas fondée ;

-IV) Sur les obligations du mandataire :

Attendu que si le propriétaire qui présente un bien immobilier à la vente est totalement libre de fixer le prix qui lui paraît adapté, il appartient à l'agent immobilier mandataire, qui a accepté le mandat, d'éclairer son mandant sur la valeur du bien selon sa connaissance du marché immobilier ;

Attendu que le mandataire doit agir avec bonne foi et loyauté avec son mandant, dont il est chargé, par l'effet du contrat de mandat, de défendre les intérêts ;

Attendu que le mandataire doit rendre compte de sa mission à son mandant ;

Attendu que, sur le prix, le mandat été donné par Mlle Y... pour une vente à un prix net vendeur de 1. 677. 000 €, soit environ 11. 000. 000 F de l'ancienne monnaie ;

Attendu que le fait que le bien a pu faire l'objet d'une promesse de vente à 2. 400. 000 €, soit plus de 15. 700. 000 F de l'ancienne monnaie, trois semaines plus tard, prouve de manière arithmétique que ce bien était nettement sous évalué ;

Attendu que, même si les prix de l'immobilier, surtout à partir d'un certain montant, sont assez chaotiques et imprévisibles, cet écart de près d'un million d'euros sur trois semaines, prouve que le prix proposé était nettement trop bas et que la société MZI était la mieux placée pour le savoir ;

Attendu qu'il appartenait à l'agence MZI d'éclairer Mlle Y... à cet effet ;

Attendu que le futur acquéreur à 2. 400. 000 €, M. D..., était déjà client de l'agence MZI alors que Mlle Y... n'avait pas encore signé de promesse de vente ;

Attendu que l'agence MZI savait que la société APRIMO était une société de marchand de biens et n'ignorait pas que cette société était prête à acquérir le bien sans crédit parce qu'elle avait un sous-acquéreur et que ce sous-acquéreur n'était autre d'un client de l'agence MZI ; que l'agence MZI savait que la société APRIMO allait réaliser une plus value considérable grâce au bien de Mlle Y... ;

Attendu que l'agence MZI, qui, par sa situation centrale, connaissait tous les tenants et aboutissants de ces affaires, se devait d'informer de cette situation sa mandante, dont elle était censée défendre les intérêts, et qu'au lieu de cela, elle n'en a rien dit et a participé à la seconde vente ;

Attendu que l'agence MZI a manqué à son obligation de conseil et surtout à rempli le mandat donné par Mlle Y... avec mauvaise foi et déloyauté vis à vis de sa mandante ; que l'agence MZI a caché à Mlle Y... les tractactions que la société APRIMO réalisait grâce à elle ;

-V) Sur le préjudice résultant des violations de ses obligations par le mandataire :

Attendu que l'agence MZI, en taisant à Mlle Y... la véritable valeur de son bien, en se gardant d'informer Mlle Y... de la plus-value qu'elle aurait pu réaliser, en lui cachant qu'elle avait un acquéreur à un prix beaucoup plus élevé, a fait perdre à celle-ci toute chance d'obtenir une plus value plus importante lors de la vente de son bien ;

Attendu que ce préjudice de perte de chance dû à la déloyauté de l'agence MZI doit s'apprécier en fonction de la perspective raisonnable d'obtenir un prix plus élevé ; qu'il ne peut être dit avec certitude que le bien devait se vendre à 2. 400. 000 € ; que cependant le prix de 1. 677. 000 € était nettement sous évalué au vu de ce qui vient d'être constaté ;

Attendu que le préjudice sera justement apprécié à 123. 000 € ;

-VI) Sur la demande de dommages et intérêts de la société APRIMO et de M. X... :

Attendu que la société APRIMO et M. X... ont formé une demande de condamnation à des dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Attendu que la procédure initiée contre eux par Mlle Y... ne peut être qualifiée de fautive ; que cette demande sera rejetée ;

-VII) Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Attendu que, dans un souci d'équité, la société APRIMO et M. X... conserveront leurs frais irrépétibles et leurs dépens ;


Attendu que la présente procédure a contraint Mlle Y... à exposer des frais irrépétibles et que la société MZI devra l'en indemniser ;

Attendu que la société MZI supportera les dépens ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Déclare l'appel recevable,

Réforme le jugement rendu le 4 avril 2006 par le tribunal de grande instance de Grasse,

Statuant à nouveau,

Condamne la société Michaël ZINGRAF Immobilien SARL à payer à Mlle Lysiane Y... la somme de cent vingt trois mille euros (123. 000 €) à titre de dommages et intérêts,

Condamne la société Michaël ZINGRAF Immobilien SARL à payer à Mlle Lysiane Y... la somme de cinq mille euros (5. 000 €) en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Déboute Mlle Lysiane Y... de ses autres demandes,

Dit que la société APRIMO SARL et M. Robert X... conserveront à leur charge leurs frais irrépétibles et leurs dépens,

Condamne la société Michaël ZINGRAF Immobilien SARL aux autres dépens et autorise la SCP BOISSONET et ROUSSEAU, avoués, à recouvrer directement contre elle ceux dont elle déclare avoir l'avance sans avoir reçu provision.


LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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