21 décembre 2006
Cour d'appel de Limoges
RG n° 05/1537

Texte de la décision

ARRÊT N

RG N : 05 / 01537

AFFAIRE :

Mme Fatima X... épouse Y...


C /

MR LE TRÉSORIER PAYEUR GÉNÉRAL DE LA HAUTE VIENNE, MINISTÈRE PUBLIC







Grosse délivrée à Me Jupile Boisverd



COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE CIVILE PREMIÈRE SECTION
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ARRÊT DU 21 DÉCEMBRE 2006
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Le VINGT ET UN DÉCEMBRE DEUX MILLE SIX la CHAMBRE CIVILE PREMIÈRE SECTION a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition au greffe :

ENTRE :

Madame Fatima X... épouse Y...

de nationalité Française
née le 20 Décembre 1970 à MDE (COMORES)
Profession : Sans profession

demeurant 12, rue du Maréchal Joffre-87100 LIMOGES

représentée par la SCP CHABAUD DURAND-MARQUET, avoués à la Cour
assistée de Me Jean-Eric MALABRE, avocat au barreau de LIMOGES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 06 / 15 du 26 / 01 / 2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Limoges)



APPELANTE d'un jugement rendu le 20 OCTOBRE 2005 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LIMOGES

ET :

Monsieur LE TRÉSORIER PAYEUR GÉNÉRAL DE LA HAUTE VIENNE
D.G.C.P.-T.G. de la HAUTE VIENNE-31, rue Montmailler-87043 LIMOGES CEDEX

représentée par Me Erick JUPILE-BOISVERD, avoué à la Cour
assistée de Me Yves HENRY, avocat au barreau de LIMOGES

INTIMÉES

EN PRÉSENCE du MINISTÈRE PUBLIC
COUR D'APPEL-87031 LIMOGES CEDEX

Représenté par Monsieur CLEMENT, Substitut Général,

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L'affaire a été fixée à l'audience du 22 Novembre 2006, après ordonnance de clôture rendue le 11 octobre 2006, la Cour étant composée de Madame Martine JEAN, Président de chambre, de Monsieur Pierre-Louis PUGNET et de Monsieur Gérard SOURY, Conseillers, assistés de Madame Régine GAUCHER, Greffier.A cette audience, Monsieur SOURY, Conseiller a été entendu en son rapport, Maîtres MALABRE et HENRY, avocats, ont été entendus en leur plaidoirie, Monsieur CLEMENT, Substitut Général a été entendu en ses conclusions.

Puis Madame Martine JEAN, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 21 Décembre 2006 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

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LA COUR
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FAITS et PROCÉDURE

Mme Fatima X... épouse Y..., d'origine comorienne, a obtenu le 5 janvier 1998 du tribunal d'instance de Limoges un certificat de nationalité française.

Contestant la nationalité française de Mme Y..., le ministère public à saisi le tribunal de grande instance de Limoges.


Par jugement du 28 mars 2002, devenu définitif, le tribunal de grande instance a :
-rejeté la demande du ministère public tendant à faire constater l'extranéité de Mme Y... ;
-constaté que cette dernière est française ;
-fixé à 400 euros la somme devant être versée à Mme Y... par le Trésor public en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le trésorier payeur général de la Haute-Vienne a formé tierce opposition au jugement du 28 mars 2002.
Mme Y... à notamment conclu à l'irrecevabilité de cette tierce opposition.

Par jugement du 20 octobre 2005, le tribunal de grande instance a :
-déclaré recevable et bien fondée la tierce opposition du trésorier payeur général ;
-rétracté le jugement du 28 mars 2002 en ce qu'il a condamné la Trésor public à verser 400 euros à Mme Y... sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
-déclaré irrecevables les demandes de Mme Y... en condamnation du Trésor public.

Mme Y... a relevé appel de ce jugement.



MOYENS et PRÉTENTIONS

Mme Y... conclut à l'irrecevabilité de la tierce opposition formée par le trésorier payeur général sur le fondement de l'article 583 du nouveau Code de procédure civile en soutenant que l'Etat, débiteur de la condamnation au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, était représenté à la procédure par le ministère public ; qu'en tout état de cause, le trésorier payeur général n'a pas qualité à agir, seul l'agent judiciaire du Trésor public ayant qualité pour représenter l'Etat dans une instance tendant à voir déclarer celui-ci créancier ou débiteur.
Subsidiairement, Mme Y... conclut au rejet de la tierce opposition qu'elle estime mal fondée dès lors qu'une solution contraire conduirait à ce qu'aucune condamnation sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ne pourrait être prononcée contre l'Etat, ce qui serait contraire aux principe généraux du droit.

Le trésorier payeur général de la Haute-Vienne conclut à la confirmation du jugement déféré. Il se fonde sur les dispositions de l'article 105 du décret de 1962 portant réglementation de la comptabilité publique pour soutenir qu'il a qualité pour représenter l'Etat et intérêt à agir ; qu'en revanche, le ministère public, dans l'instance ayant donné lieu au jugement frappé de tierce opposition, ne représentait que la société et non les services de la comptabilité publique, seul l'agent judiciaire du Trésor étant habilité à représenter l'Etat dans une instance tendant à la faire déclarer débiteur, en application de l'article 38 de la loi du 13 avril 1955 ; que cependant ce monopole de représentation au profit de l'agent judiciaire du Trésor ne s'applique pas lorsque seule une demande au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile est formulée, s'agissant d'une demande accessoire, seule une demande principale de condamnation de l'Etat étant de nature à lui donner compétence.

Le ministère public conclut également à la confirmation du jugement déféré.

Le 20 novembre 2006, la trésorier payeur général a déposé des conclusions d'incident pour demander d'écarter des débats la communication de pièces de Mme Y... du 14 novembre 2006, postérieure à l'ordonnance de clôture.



Vu les conclusions de Mme Y... du 7 mars 2006 ;

Vu les conclusions du trésorier payeur général de la Haute-Vienne du 12 juin 2006 ;

Vu les conclusions du ministère public du 5 octobre 2006 ;

Vu l'ordonnance de clôture du 11 octobre 2006 renvoyant l'affaire à l'audience du 22 novembre 2006.



MOTIFS

Sur l'incident de communication de pièces.

Attendu que Mme Y... a versé aux débats le 14 novembre 2006 les conclusions prises par l'agent judiciaire du Trésor dans une affaire Z... pendante devant le tribunal de grande instance de Paris ; que cette pièce sera écartée des débats comme communiquée postérieurement à l'ordonnance de clôture du 11 octobre 2006 dès lors qu'il n'est allégué aucune cause grave au sens de l'article 784 du nouveau Code de procédure civile justifiant la révocation de cette ordonnance.

Sur la recevabilité de la tierce opposition formée par le trésorier payeur général.

Attendu que le jugement du 28 mars 2002, devenu définitif, mettant à la charge du Trésor public une indemnité fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de Mme Y... a été rendu sur l'action principale engagée par le ministère public qui, exerçant les prérogatives qu'il tient des articles 29-3 du Code civil et 1040 du nouveau Code de procédure civile, contestait la nationalité française de cette dernière.

Attendu que, contrairement aux allégations de Mme Y... sur ce point, le ministère public, partie principale à cette instance, n'y représente pas l'Etat en tant que personne publique, pas plus que l'administration du Trésor, en l'absence de texte spécifique lui conférant un tel pouvoir de représentation en matière de nationalité ; que sa mission se limite ici à requérir l'application de la loi.

Attendu que si l'article 38 de la loi du 13 avril 1955 réserve à l'agent judiciaire du Trésor une compétence exclusive, sauf exception légale, pour représenter l'Etat dans les instances tendant à faire déclarer celui-ci créancier ou débiteur, force est de constater que l'instance principale portée devant le tribunal de grande instance n'avait pas un tel objet ; qu'en outre, le monopole de représentation conféré par le texte précité à l'agent judiciaire du Trésor ne s'étend pas à la demande de Mme Y... fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile qui s'analyse en une demande reconventionnelle accessoire à ses moyens de défense à l'encontre de la contestation de sa nationalité par le ministère public.

Attendu qu'il s'ensuit que le trésorier payeur général, qui n'était ni partie ni représenté à l'instance en contestation de la nationalité française de Mme Y... engagée par le ministère public, est recevable à former tierce opposition au jugement du 28 mars 2002 dès lors que cette décision a mis à sa charge une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile qu'il a intérêt à contester.

Sur le fond.

Attendu qu'aucun texte ne permet au tribunal de mettre à la charge du Trésor public une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile lorsque, à l'occasion d'une instance en contestation de nationalité à laquelle cette administration n'est pas partie, le ministère public succombe dans ses prétentions ; que si, en application des dispositions combinées des articles R. 91 et R. 93 du Code procédure pénale, le Trésor public doit faire l'avance notamment des dépens qui peuvent être laissés à la charge du ministère public lorsque celui-ci est partie principale, la portée de ces textes, qui sont d'interprétation restrictive, ne saurait être étendue aux frais irrépétibles qui, par définition, n'entrent pas dans les dépens ; que c'est donc à juste titre que le tribunal de grande instance a accueilli la tierce opposition du trésorier payeur général et déclaré irrecevables les demandes de Mme Y... tendant à la condamnation du Trésor public à lui allouer des indemnités au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS

La cour d'appel statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;

ECARTE des débats la pièce communiquée par Mme Fatima X... épouse Y... le 14 novembre 2006 ;



CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Limoges le 20 octobre 2005 ;

REJETTE la demande de Mme Fatima X... épouse Y... tendant à la condamnation du Trésor public à lui payer une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;



CONDAMNE Mme Fatima X... épouse Y... aux dépens et accorde à Me Jupile Boisverd le bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

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