27 octobre 2004
Cour d'appel de Lyon
RG n° 01/02930

Texte de la décision

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLEGIALE R.G : 01/02930 SARL X... C/ Y... APPEL D'UNE DECISION DU : Conseil de Prud'hommes de BOURG-EN-BRESSE du 03 Mai 2001 RG : 200000288 COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2004 APPELANTE : SARL X... 380 ROUTE DE CHAVEYRIAT BP 14 01660 CHAVEYRIAT comparante en la personne de M. X... assistée de Me DEMICHEL (663), avocat au barreau de LYON substitué par Me DELOGU-BONAN, avocat INTIME : Monsieur Sébastien Y... représenté par Me TURCHET, avocat au barreau de BOURG EN BRESSE substitué par Me REMINAC, avocat PARTIES CONVOQUEES LE : 01.et 02.juillet 2003 DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 22 Septembre 2004 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE : Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL, Président Monsieur Daniel GERVESIE, Conseiller Madame Nelly VILDE, Conseiller Assistés pendant les débats de Monsieur Julien Z..., Greffier. ARRET : CONTRADICTOIRE Prononcé à l'audience publique du 27 Octobre 2004 par Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL, Président, en présence de Monsieur Julien Z..., Greffier, qui ont signé la minute. [*************] I - Exposé du litige A compter du 3 août 1998, Monsieur Y... a effectué plusieurs missions de travail intérimaire, pour le compte de la société SYNERGIE, au sein de la société X.... Il a été embauché d'abord à durée déterminée (19.10-31.12) puis, à compter du 1er janvier 1999, par cette dernière société, à durée indéterminée, en tant "qu'électricien", pour un horaire hebdomadaire de 42heures30, et un salaire brut mensualisé de 9 350 Francs, pour 184 heures. Mis à pied à titre conservatoire et convoqué le 6 septembre 2000, à un entretien préalable fixé au 14, il a été licencié, pour faute grave, pour divers motifs, par lettre du 18 septembre 2000.

Le Conseil de prud'hommes de Bourg en Bresse, par jugement du 3 mai 2001 a dit que le licenciement de Monsieur Y... ne reposait pas sur une

cause réelle et sérieuse ; condamné la société X... à verser à Monsieur Y... les sommes de : - 60 000 F (9146,94 euros), à titre de dommages-intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, -19 400 F (2957,51 euros), à titre d'indemnité de préavis, - 1940 F (295,75 euros), à titre de congés payés sur préavis, - 4377 F (667,27 euros) au titre des heures supplémentaires, - 437,70 F (66,73 euros), à titre de congés payés sur heures supplémentaires, - 4000 F (609,80 euros), au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; débouté Monsieur Y... de ses autres chefs de demande, et la société X... de la sienne au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Condamné cette société aux dépens. La société X..., qui a fait appel le 31 mai 2001, demande de dire et juger que le licenciement de Monsieur Y... reposait sur des fautes graves ; reconnaît devoir à Monsieur Y... la somme de 667,27 euros, bruts, au titre des heures supplémentaires effectuées au cours des années 1998-1999 et 2000 ; déclare s'être acquittée du paiement de cette somme, ainsi que des congés payés afférents, au titre de l'exécution provisoire de droit du jugement ; sollicite le rejet du surplus des demandes de Monsieur Y... et la condamnation de ce dernier au paiement de la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et des dépens ; à titre subsidiaire, pour le cas où le licenciement serait considéré comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, demande de prendre acte de l'absence de justification du préjudice et de débouter Monsieur Y... de sa demande en dommages-intérêts ; L'employeur reproche aux Premiers juges de n'avoir pas donné de base légale à leur analyse, d'avoir, en utilisant un argument fallacieux (tiré de l'exposé des griefs, dans la convocation à l'entretien préalable), éludé l'analyse du fond du dossier, en ne se livrant à aucun examen des motifs du licenciement. Il fait valoir que la faute grave était caractérisée principalement



en raison de l'insubordination persistante de Monsieur Y...
A... de la demande au titre des heures supplémentaires, elle souligne que le rapprochement entre les horaires allégués et les carnets tenus par l'intéressé ainsi que divers autres éléments remet fortement en cause son sérieux, et ajoute qu'il ne peut prétendre à des repos compensateurs, du fait de l'effectif de l'entreprise (inférieur ou égal à 10). Monsieur Y... sollicite la confirmation partielle du jugement, en ce qu'il a dit son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société X... à lui payer les sommes de 9146,94 euros(dommages-intérêts), 2957,51 euros(préavis), 295 euros(congés payés) ; la condamnation de l'employeur à payer la somme de 296 euros à titre d'indemnité de licenciement ; sur son appel incident, après réformation partielle, la condamnation de l'employeur à payer la somme de 5264 euros euros au titre des heures supplémentaires, et celle de 526 euros, à titre de congés payés afférents ; enfin, la confirmation du jugement sur l'octroi de la somme de 609,80 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en première instance, avec, en outre, condamnation de la société X... au paiement de la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel. Il tient pour justifié et non fautif son refus de se rendre sur un nouveau chantier en Italie, eu égard aux conditions financières du déroulement du chantier précédent (avance de frais par ses soins), eu égard à son lieu de travail contractuellement fixé à MEZERIAT, alors que rien ne le prédisposait à effectuer des chantiers extérieurs, voire même à l'étranger ; enfin, eu égard à sa situation familiale, sa compagne ayant une grossesse pathologique ; il tient pour prescrit le deuxième grief, et explique qu'il s'était emporté, en raison de reproches sur sa rentabilité, sans considération pour son travail passé et les heures non réglées ; pour manquant de consistance et de précision le



troisième grief ; pour infondé le dernier grief, à défaut d'écrit lui imposant de prendre des jours de récupération, dans la mesure où il s'était présenté à l'entreprise pour ne pas tomber dans le piège d'une absence injustifiée. Il soutient avoir effectué 524 heures supplémentaires, impayées. II - Motifs de la décision A) Sur le licenciement 1) Enoncé des griefs La décision de rupture notifiée à Monsieur Y... a été justifiée en ces termes :

"le licenciement prend effet immédiatement..." 2) Appréciation des motifs La mention du lieu de travail dans le contrat de travail a valeur d'information, à moins qu'il ne soit stipulé, par une clause claire et précise, que le salarié exécutera son travail exclusivement en ce lieu. de plus, le déplacement occasionnel imposé à un salarié en dehors du secteur géographique où il travaille habituellement ne constitue pas une modification de son contrat, dés lors que la mission est justifiée par l'intérêt de l'entreprise, et que la spécificité des fonctions exercées par le salarié impose, au regard de la nature de l'activité, une certaine mobilité géographique. La société X... était donc en droit d'imposer à Monsieur Y... de se rendre en Italie pour procéder à la phase finale d'installation d'une commande, ce qu'il avait d'ailleurs fait antérieurement, sans difficulté. Au demeurant, dans sa lettre de refus, (22 août 2000), Monsieur Y... n'invoquait pas principalement des difficultés financières (les frais étant remboursés, sans délai, sur présentation de justificatifs, et les salariés pouvant solliciter des avances), mais les conditions de temps d'exécution, et surtout sa volonté "de ne pas délaisser ses conditions personnelles et familiales, qui avaient fortement changé, du fait de l'état de s santé de sa concubine qui ne lui permettait pas d'être absent de ses côtés". Il déclarait "n'avoir pas pris cette décision sur un coup de tête, mais après une mure réflexion dont il était prêt à assumer les conséquences". Dès lors qu'il ne justifiait

pas précisément, par un certificat médical, de l'état de santé de sa concubine, du bien fondé de son refus ce en dépit de plusieurs entretiens, celui-ci était fautif, d'autant que l'employeur indique n'avoir eu connaissance de la raison (grossesse pathologique) qu'au cours de la procédure judiciaire.

Toutefois, ce refus ne constituait qu'une cause réelle et sérieuse de licenciement, la poursuite du contrat de travail, pendant la durée limitée du préavis, n'étant pas impossible. En second lieu, la télécopie (5/9/2000) et l'attestation (20 février 2001) de Monsieur Bernard B..., responsable de maintenance au sein de l'entreprise "Moulin GUENARD", faisait état d'un "défaut de finition flagrant sur le câblage puissance, de défaut flagrant de montage et d'alignement sur un ensemble départ moteurs", constituent une preuve suffisante du bien fondé du troisième grief. Par contre, les deuxième et quatrième griefs ne peuvent être retenus, en l'absence de toute attestation relative à l'incident du 3 juillet et compte tenu des explications de Monsieur Y..., auquel l'employeur n'avait, à l'époque, pas estimé utile de formaliser des observations par écrit. De même, le fait pour l'intéressé de se présenter à son travail, sans ordre écrit justificatif contraire, ne pouvait être considéré comme fautif, Monsieur Y... ne pouvant prendre le risque de se faire reprocher également une absence injustifiée. Dès lors, contrairement à l'appréciation des Premiers juges, son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, mais non sur une faute grave. Le jugement sera donc partiellement confirmé sur l'octroi de l'indemnité compensatrice de préavis. En application des dispositions de l'article L 124-6 du code du travail, l'ancienneté de Monsieur Y... remonte au début de ses missions d'intérim. Sa demande d'indemnité de licenciement a été rejetée à tort, sans motif, par les Premiers juges. Il lui sera alloué la somme de 296 suros. - Sur la demande au

titre des heures supplémentaires Les parties ont fourni divers éléments (notamment les carnets annuels tenus par Monsieur Y...) et explications, conformément aux dispositions de l'article L 212-1-1 du code du travail. Cependant, elles n'ont pas fourni la totalité des fiches de paies (seulement la dernière année). Pour l'année 1998 (à partir du 19 octobre), Monsieur Y... revendique le paiement de 20 heures supplémentaires au delà du forfait, alors que l'employeur en reconnaît seulement 16h30, à partir du carnet. Vérification faite, la somme que reconnaît devoir l'employeur correspond aux horaires mentionnés sur les carnets. Pour l'année 1999, Monsieur Y... revendique le paiement de 290 heures supplémentaires, alors que l'employeur ne reconnaît devoir que 544,24 euros à ce titre. L'examen attentif du carnet démontre des incohérences de part et d'autre, Monsieur Y... réclamant parfois indûment, et d'autres fois, minorant de façon importante les heures mentionnées, tandis que l'employeur de son côté, minore certaines durées (exemple semaine du 3 au 7 mai : 1 heure supplémentaire réclamée et reconnue par l'employeur. horaire résultant du carnet = 50 h 30 !). Les carnets des autres salariés, avec lesquels il a parfois travaillé ne sont pas produits ; L'employeur se prive donc de la preuve des discordances alléguées. Vérification faite, semaine par semaine, le nombre d'heure supplémentaire indiqué par Monsieur Y... doit être retenu, comme correspondant à un minimum. Pour l'année 2000, Monsieur Y... revendique le paiement de 213h30. L'employeur nie devoir plus que ce qu'il a réglé à ce titre en septembre 2000 (5179F35, pour 42 heures50 majorées à 25% et 31h50 majorées à 50%. L'examen du carnet permet de retenir l'existence de 177h30. Monsieur Y... sollicite le paiement de ses heures supplémentaires uniquement sur la base d'une majoration à 25%, ce qui est à son détriment. Mais la cour ne peut statuer au delà de la demande.



Il ya donc lieu de retenir son droit au paiement de (16h30 + 290h + 103h30) + 410 h soit une somme de : 16h30 Y... 59.92 =

988 F 68 290h Y... 62.25 = 18.052 F 60 103h30 Y... 64.58 = 6.684 F 08 total 25 725,36 F congés payés 2572,54 F soit 28 297,90 F

soit 4.314 euros (arrondis) Il ya lieu d'allouer à Monsieur Y... une somme complémentaire de 500 suros au titre des frais irrépétibles d'appel, à titre de participation, et de débouter l'employeur de sa demande à ce titre. III - DECISION PAR CES MOTIFS, LA COUR PAR CES MOTIFS, LA COUR CONFIRME, partiellement, le jugement, en ce qu'il a condamné la société X... à payer à Monsieur Y... les sommes de: - 2 957.51 euros, à titre d'indemnité compensatrice de préavis - 295.75 euros, à titre de congés payés afférents - 609.80 suros, au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en première instance REFORMANT le jugement pour le surplus et STATUANT A NOUVEAU dit le licenciement de Monsieur Y... fondé sur une cause réelle et sérieuse, mais non sur une faute grave, CONDAMNE la société X... à payer à Monsieur Y... les sommes de : 1°) 296 euros, à titre d'indemnité de licenciement 2°) 4314 euros, à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires et congés payés afférents 3°) 500 euros, à titre de participation aux frais irrépétibles d'appel déboute la société X... de toutes demandes contraires ou plus amples et Monsieur Y... du surplus des siennes, Condamne la société X... aux entiers dépens, de première instance et d'appel.

Le Greffier Le Président

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