6 février 2003
Cour d'appel de Rennes
RG n° 00/02615

Texte de la décision

4ème CHAMBRE CIVILE ARRET N° 53 du 06/02/2003 RG 00/02615 SARL SODI OUEST-MAUCURIER c/ DILASSER I - Exposé préalable :

Par acte des 17 et 28 avril 1995, les époux X... ont acquis une maison sise à Brest, 7 rue du Restic, pour le prix de 920 000 francs. Ils ont confié la maîtrise d'oeuvre de travaux d'aménagement et de rénovation à la société Sodi-Ouest dont le gérant était M. Gaétan Y....

La réception de ces travaux était prévue pour le 7 juillet 1995 et, le 4 juillet une réunion de chantier a constaté l'état d'avancement des travaux, sans réception possible ce jour là.

Dans la nuit du 6 au 7 juillet 1995, un incendie, d'origine apparemment volontaire mais dont le ou les auteurs sont restés inconnus, a sérieusement endommagé l'immeuble.

Aux fins, semble-t-il de simplification, les entrepreneurs ont alors accepté de signer des procès-verbaux de réception des travaux antidatés du 4 juillet 1995.

M. Jean X..., les entrepreneurs et M. Gaétan Y... ont été condamnés de ce fait pour faux, escroquerie et tentative d'escroquerie par le Tribunal Correctionnel de Brest par jugement du 29 juillet 1997.

Par acte du 8 avril 1998, les époux X... ont assigné les entrepreneurs aux fins de condamnation sur le fondement de l'article 1788 du Code Civil. Après transactions ou par jugement du 16 février 2000, les entreprises ont indemnisé de la valeur des lots de rénovation, soit au total 184 207 francs (28 082,18 euros).

Par acte du 15 septembre 1998, les époux X... ont assigné la société à responsabilité limitée Sodi-Ouest et M. Y... en paiement du solde du préjudice non assumé par les entreprises soit 636 998 francs, pour manquement à l'obligation contractuelle et faute de gestion.

Par jugement du 16 février 2000, le Tribunal de Grande Instance de Brest a, retenant une responsabilité partagée par moitié : - Condamné in solidum, et avec exécution provisoire à hauteur de 200 000francs, M. Y... et la SARL Sodi-Ouest à payer à M. et Mme X... la somme de 313 676,50 francs (47 865,41 euros) ; - Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La SARL Sodi-Ouest et M. Y... ont déclaré appel de ce jugement le 12 avril 2000.

Devant la Cour il a été conclu sur la garde de l'ouvrage pendant les travaux et, par arrêt avant dire droit du 11 octobre 2001, les époux X... ont été invités à conclure sur :

- la compatibilité de leur affirmation selon laquelle ils n'avaient pas la garde juridique et matérielle de l'immeuble durant l'exécution des travaux avec le fait qu'ils soient titulaires, pour cet immeuble et au cours de la même période, d'une assurance multirisque habitation ; - sur la réalité, le fondement et l'étendue de la déchéance susceptible de les priver de la garantie qu'ils avaient souscrite auprès de la compagnie Assurances Mutuelles de France Groupe Azur.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, ainsi que des prétentions et des moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées : - le 20 décembre 2001 pour les époux X... ; - le 29 mars 2002 pour la SARL Sodi-Ouest et M. Y....

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 décembre 2002.

*** II - Motifs : 1°- sur la responsabilité de la SARL Sodi-Ouest :

L'article 1779 du Code Civil, définissant le louage d'ouvrage et d'industrie prévoit en son 3° les architectes et techniciens donc les maîtres d'oeuvre.

L'article 1788 du même Code concerne l'ouvrier ou l'entrepreneur qui fournit la matière, ce qui n'est pas le cas d'un maître d'oeuvre en présence de marchés signés par le maître de l'ouvrage.

L'article 1789 suivant, concerne celui qui fournit seulement son travail ou son industrie et pourrait recevoir application à l'espèce. Il prévoit toutefois que dans ce cas, " l'ouvrier" n'est tenu que de sa faute.

La discussion sur l'importance des travaux et la garde de l'ouvrage pendant ceux-ci est donc sans intérêt et il doit être recherché si une faute de la société Sodi-Ouest est à l'origine du sinistre.

En ce qui concerne l'incendie, aucune faute n'est alléguée qui soit à l'origine même partielle de celui-ci.

En ce qui concerne la situation créée ensuite, elle résulte tant des initiatives malheureuses de la SARL Sodi-Ouest qui a géré la déclaration et pris l'initiative de dactylographier et de faire signer de faux procès-verbaux de réception antidatés par les entreprises et le maître de l'ouvrage, que de l'acceptation par ce dernier de signer les dits procès-verbaux, que de l'absence de déclaration de sinistre concernant l'existant après la première déclaration.

Il sera observé quant à cette troisième cause, que les époux X... étaient en fait forclos et déchus lorsqu'ils ont été informés de la position de leur assureur et que cette absence de déclaration n'est que la conséquence des initiatives précédentes.

Si les initiatives de la société Sodi-Ouest ont été importantes, force est de constater que M. Jean X..., gérant de société, ainsi qu'il résulte de la procédure pénale, a en toute connaissance

de cause accepté le processus frauduleux et signé les procès-verbaux. Il a d'ailleurs été condamné pénalement pour cela, tout comme le gérant de la société Sodi-Ouest.

C'est donc à juste titre que les premiers juges, constatant que la faute pénale excluait une indemnisation intégrale du préjudice des époux X..., ont partagé la responsabilité.

Le rôle des uns et des autres dans le concert frauduleux est équivalent car si c'est le gérant de Sodi-Ouest qui a pris les initiatives sus-visées, c'est M. X... qui a signé les documents, acte sans lequel rien ne serait intervenu. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a partagé la responsabilité par parts égales.

*** 2°- Sur la responsabilité de M. Y... :

L'article 52 de la Loi du 24 juillet 1966, devenu L 223-22 du Code de Commerce, concerne la responsabilité des gérants de société à responsabilité limitée tant envers ladite société qu'envers les tiers. Ces dispositions, ainsi que l'article 1382 du Code Civil, permettent à une victime d'agir contre le gérant en réparation des

conséquences dommageables d'un acte personnel et frauduleux, susceptible de qualification pénale, constitutif d'une faute distincte d'une simple faute commerciale de la société et source d'une responsabilité civile spécifique.

Cette faute personnelle est séparable des fonctions du gérant qui n'a pas dans ses attributions de commettre ou de suggérer la commission d'infractions pénales.

Si l'action d'un demandeur complice peut être rejetée, force est de constater qu'il n'a pas été conclu en ce sens par M. Y...


[**][* 3°- Sur le préjudice :

La conséquence des turpitudes ci-dessus examinées est la privation de la garantie souscrite auprès des Assurances Mutuelles de France tant par déchéance implicite au vu des dispositions contractuelles classiques en la matière et de la réponse de la Compagnie à la déclaration de sinistre que par dépassement des délais de déclaration pour une seconde démarche de ce type.

Le montant des dommages a été évalué par expert et n'est pas discuté en leur quantum devant la Cour. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

*][**]

Chaque partie succombant partiellement en ses prétentions, il est

équitable de laisser à chacune la charge des frais irrépétibles engagés à l'occasion de cet appel. Par ces motifs, La Cour :

- Reçoit l'appel, régulier en la forme ;

- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- Déboutes les parties de leurs autres demandes ;

- Condamne la société à responsabilité limitée Sodi-Ouest et M. Y... aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Le Greffier,

Le Président,

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.