11 janvier 2002
Cour d'appel de Versailles
RG n° 2000-3339

Texte de la décision

En mars 1997, Madame X..., Historienne d'Art, a souscrit auprès du CRÉDIT UNIVERSEL un contrat de location portant sur divers matériels de marque CANON, à savoir un fax MULTIPASS C 30 intégrant 4 fonctions, fax, imprimante couleur, scanner et copieur, un photocopieur couleur et un photocopieur noir et blanc. Par acte en date du 3 Mars 1998, Madame X... a fait assigner la société CANON devant le Tribunal d'Instance de PUTEAUX aux fins de: - Dire si le fax C 30 fonctionne normalement et en conformité avec les performances annoncées. Par jugement avant dire droit en date du 6 Octobre 1998, le Tribunal d'instance de PUTEAUX a ordonné une mesure d'expertise. L'Expert Judiciaire a déposé son rapport le 28/06/1999. L'affaire a été rappelée devant le Tribunal à l'audience du 30 Novembre 1999. Madame X... a exposé que le fax C 30 n'offrait pas les performances requises pour l'exercice de son activité professionnelle et que par conséquent, la société CANON avait manqué à son devoir de conseil. Elle a en outre affirmé que la société CANON n'avait effectué aucune diligence de nature à remédier aux dysfonctionnements de l'appareil. Elle a donc demandé au Tribunal : - de constater qu'elle bénéficie d'une stipulation pour autrui lui permettant d'agir à la place de la Société CANON, - de constater le caractère indissociable des locations des 3 appareils, comportant un prix de location global. - de constater que le MULTIPASS n'offre pas les services attendus pour l'exercice de son activité professionnelle, et la Société CANON n'a effectué aucune diligence pour remédier aux dysfonctionnements du MULTIPASS, En conséquence : - de prononcer la résolution de la vente des 3 appareils, - de prononcer la résolution des baux souscrits sur ces appareils, - de dire que le CRÉDIT UNIVERSEL BNP LEASE viendra reprendre ces appareils à son domicile, - de dire que la Société CANON sera tenue de la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées



à son encontre à la requête du CRÉDIT UNIVERSEL BNP LEASE, - de condamner la Société CANON à lui verser la somme de 6.860,20 Euros à titre de dommages et intérêts, et celle de 1.524,49 Euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et ce, avec le bénéfice de l'exécution provisoire. La société CANON a contesté les critiques de la demanderesse et a précisé que celle-ci n'avait pas reçu le technicien envoyé par la société CANON le 11 février 1998. Elle a formé des demandes reconventionnelles en paiement de dommages et intérêts à hauteur de 1.524,49 Euros et sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile pour le même montant. Par jugement réputé contradictoire en date du 14 Mars 2000, la Tribunal d'Instance de PUTEAUX a rendu la décision suivante: Prononce la résolution du contrat de vente intervenu entre la Société CANON et la Société CRÉDIT UNIVERSEL BNP LEASE concernant un appareil MULTIPASS C 30, un copieur CLC 10 et un copieur NP 6012 de marque CANON, Prononce la résolution du contrat de bail portant sur tout le matériel précité entre Madame X... et le CRÉDIT UNIVERSEL BNP LEASE (nä 1019767229 W réputé souscrit en Mars 1997); Ordonne à la Société LE CRÉDIT UNIVERSEL de reprendre à ses frais au domicile de Madame X... les trois appareils litigieux dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision; Dit que la Société CANON sera tenue de garantir Madame X... de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre à la requête du CRÉDIT UNIVERSEL BNP LEASE du fait de ces résiliations; Condamne la Société CANON à payer à Madame X... la somme de 6.097,96 Euros à titre de dommages et intérêts; Ordonne l'exécution provisoire de la décision à intervenir; Condamne la Société CANON à payer à Madame X... la somme de 1.524,49 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile; Condamne la Société CANON en tous les dépens qui comprendront notamment les



frais d'expertise et qui pourront être recouvrés par la S.C.P. GASNIER-RENAUD-SANSARRICQ conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Le 5 Mai 2000, la société CANON FRANCE a fait appel de cette décision. Elle expose que le rapport d'expertise ne fait apparaître aucun défaut particulier du matériel; qu'à l'époque de la vente, il n'existait pas de photocopieur couleur sur le marché de sorte que l'absence de cette fonction sur le matériel vendu ne peut lui être reprochée, que de même, aucune carence dans la maintenance et le dépannage ne peut lui être reprochée;. La société CANON FRANCE demande donc à la Cour de: Réformer la décision rendue le 14 Mars 2000 par le Tribunal d'Instance de PUTEAUX. Constater que la Société CANON a vendu un matériel de parfaite qualité marchande et respecter toutes ses obligations notamment celle de conseil. Condamner Madame X... à payer à la Société CANON les sommes suivantes : - dommages et intérêts

1.524,49 Euros - articles 700 du N.C.P.C.

1.524,49 Euros La condamner aux entiers dépens et ceux d'appel distraits au profit de Maître Jean-Michel TREYNET, Avoué, près la Cour d'Appel de VERSAILLES qui en a fait l'avance. La Société BNP PARIBAS LEASE GROUP informe en premier la Cour qu'elle vient aux droits de la société CRÉDIT UNIVERSEL; que par ailleurs, le jugement étant revêtu de l'exécution provisoire, les matériels ont été vendus aux enchères dégageant un produit net de vente de 519,85 Euros. Elle fait observer que l'Expert puis le Tribunal ont relevé que, ce que Madame X... considérait comme dysfonctionnements n'étaient que des attentes illusoires sur les capacités théoriques d'un seul appareil, le MULTIPASS C 30, de sorte qu'il peut être fait droit à l'appel de la Société CANON; que ni Madame X..., ni la Société

CANON n'ont formulé la moindre demande à son égard, de sorte qu'elle n'est pas concernée par le litige technique. En revanche, elle se prévaut des dispositions de l'article 6 du contrat de location pour réclamer le paiement des indemnités contractuelles en soulignant que Madame X... a interrompu le paiement des loyers alors même que la décision rendue en première instance n'était pas définitive. Par conséquent, la Société BNP PARIBAS LEASE GROUP demande à la Cour de : Donner acte à BNP PARIBAS LEASE GROUP de ce qu'elle vient aux droits et obligations de BNP LEASE, elle-même venue aux droits et obligations du CRÉDIT UNIVERSEL. Statuer ce que de droit en ce qui concerne les relations entre Madame X... et la Société CANON. Constater que Madame X... a été défaillante au sens de l'article 6 du contrat et qu'elle est ainsi redevable de l'indemnité contractuelle. Condamner en conséquence Madame Lynne X... à payer à BNP PARIBAS LEASE GROUP pour les causes sus énoncées la somme principale de 4.214,79 Euros avec intérêts au taux légal. La condamner à payer 762,24 Euros par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La condamner aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué pour ceux la concernant par la S.C.P. JULLIEN-LECHARNY-ROL, Société titulaire d'un Office d'Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile Madame X... maintient son argumentation développée en première instance. Elle ajoute que la décision de première instance qui mettait fin à toute obligation de paiement des loyers étant assortie de l'exécution provisoire, la société BNP PARIBAS LEASE GROUP ne saurait invoquer l'article 6 du contrat de bail relatif à la défaillance du locataire dans le paiement des loyers; que tout au plus, elle pourrait réclamer une indemnité égale au montant de la facture initiale, déduction faite des loyers déjà payés sur la base de l'article 2 du contrat, mais



qu'il s'agit là d'une demande nouvelle devant la Cour et partant, irrecevable en vertu de l'article 564 du Nouveau Code de Procédure Civile. Madame X... prie donc en dernier la Cour de: Déclarer la Société CANON irrecevable et en tous les cas mal fondée en son appel ainsi qu'en toutes ses demandes, fins et conclusion, Déclarer la BNP PARIBAS LEASE GROUP irrecevable en ses demandes, Confirmer, la décision entreprise en toutes ses dispositions, Si, par extraordinaire, la Cour devait faire droit aux demandes de la BNP PARIBAS LEASE GROUP, Condamner la Société CANON à garantir Madame X... de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre à la requête de la BNP PARIBAS LEASE GROUP du fait de la résiliation du bail, Condamner la Société CANON à payer à Madame X... la somme de 1.524,49 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Condamner la Société CANON en tous les dépens de première instance et d'appel qui comprendront notamment les frais d'expertise et qui pourront être recouvrés par Maître BINOCHE, Avoué, conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. La clôture a été prononcée le 22 novembre 2001 et l'affaire plaidée à l'audience du 30 novembre 2001. SUR CE, LA COUR, Considérant qu'il convient de donner acte à la société BNP PARIBAS LEASE GROUP de ce qu'elle vient aux droits et obligations de la société BNP LEASE, elle-même venue aux droits et obligations du CREDIT UNIVERSEL; Considérant que dans son assignation introductive d'instance, Mme X... avait sollicité la résolution de la vente en demandant au tribunal de constater que la société CANON n'avait pas rempli ses obligations en livrant un appareil Multipass C 30 non conforme à son utilisation, et n'avait effectué aucune diligence pour remédier aux dysfonctionnements de cet appareil; qu'elle invoquait donc le manquement de la société CANON à son obligation de délivrance; que d'ailleurs, dans les différents courriers adressés à



la société CANON, antérieurs à cette assignation, Mme X... a décrit des dysfonctionnements, en particulier dans sa lettre du 30 octobre 1997, les "avertissements" sans raison donnés par Multipass, l'impossibilité de convertir des textes scannés sur le Multipass en fichiers Word ou encore le non fonctionnement du combiné téléphonique pour avertir ses correspondants à l'étranger qu'ils devaient passer en mode fax; Considérant que cependant, aux termes de son rapport, qui présente toutes garanties de compétence et d'impartialité, l'expert judiciaire conclut que les problèmes rencontrés par Mme X... n'ont pas leur origine dans les défauts de l'appareil Multipass C 30; que l'expert précise n'avoir noté aucun écart entre les essais qu'il a réalisés des appareils litigieux, avec les fonctions annoncées dans la plaquette commerciale, - laquelle est versée au dossier de la Cour; que selon l'expert, le seul reproche qui pourrait être fait aux documents CANON est de ne pas être didactiques et de ne pas prévenir de ce que la machine ne fait pas; que cette expertise n'a donc pas permis de démontrer que les reproches de Mme X... quant aux dysfonctionnements des appareils étaient fondés, ni que la société CANON aurait manqué à son obligation de délivrance d'un matériel conforme à celui commandé; Considérant que le premier juge a d'ailleurs expressément prononcé la résolution, tant du contrat de vente que celle du contrat de location des trois appareils, sur le fondement de l'article 1184 du code civil, en retenant que la société CANON aurait manqué à ses obligations contractuelles de conseil au moment du choix du matériel et de formation pour l'utilisation du nouveau matériel pourtant complexe; Considérant que cependant, il n'est pas d'usage qu'une plaquette commerciale indique ce que ne fait pas un appareil; que Mme X... ne démontre pas qu'elle aurait précisé au représentant de la société CANON les fonctions qu'elle attendait du matériel commandé et



qu'il n'aurait pas remplies; que certes, compte tenu du matériel dont disposait l'intimée avant la commande litigieuse, les avantages de la nouvelle installation se sont révélés faibles selon l'expert, mais que cela ne suffit pas à établir que la société CANON aurait créé des "attentes illusoires" chez sa cliente et aurait manqué à son devoir de conseil; Considérant que par ailleurs, à défaut de clause spécifique, le contrat de vente n'emporte pas obligation pour le vendeur d'assurer la formation de son client; qu'en tout état de cause, Mme X... n'a pas sollicité de formation à l'utilisation de son nouveau matériel auprès de la société CANON; qu'elle reconnaît qu'elle a refusé la visite du technicien de l'appelante le 17 mars 1998; Considérant que par conséquent, il n'est pas rapporté la preuve de manquements de la société CANON à ses obligations contractuelles suffisamment graves pour justifier la résolution du contrat de vente entre la société CANON et la société CREDIT UNIVERSEL aux droits de laquelle se trouve la BNP PARIBAS LEASE GROUP, ni partant, celle du contrat de location entre celle-ci et Mme X...; que cette-ci sera déboutée de toutes ses demandes; que le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions; Considérant que la société CANON ne précise pas quel aurait été son préjudice, de sorte qu'elle sera déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts; Considérant que le jugement déféré qui a prononcé la résiliation du contrat de location étant assorti de l'exécution provisoire, Mme X... a restitué les appareils loués et a cessé de payer les loyers à compter du 10 mars 2000; que les choses ne peuvent donc être "remises en l'état"; que s'agissant de l'exécution d'un titre exécutoire, le non paiement des loyers ne peut avoir entraîné la résiliation de la location aux torts de la locataire; que la société bailleresse n'est donc pas fondée à lui opposer l'article 6 du contrat et à lui réclamer le paiement de l'indemnité contractuelle de résiliation;



qu'en revanche, la BNP PARIBAS LEASE GROUP, qui vient aux droits de CREDIT UNIVERSEL, laquelle a financé l'achat du matériel pour le compte de la locataire, pourrait faire valoir à son encontre une créance correspondant au montant du prix qui ne lui a pas été reversé; que néanmoins, il résulte des factures CANON versées aux débats que le prix total des appareils litigieux était de 5 254,19 Euros, et du relevé de compte de la BNP PARIBAS LEASE GROUP en date du 29 août 2000 que le montant des loyers réglés pour la période du 10 juin 1997 au 10 mars s'est élevé à la somme de 6 301,29 Euros; qu'il convient d'y ajouter le prix de revente du matériel perçu par la société BNP PARIBAS LEASE GROUP, soit 519,85 Euros; que par conséquent, la société BNP PARIBAS LEASE GROUP n'a pas de créance à faire valoir contre Mme X... correspondant au coût du matériel; qu'elle sera déboutée de sa demande en paiement de la somme de 4.214,79 Euros; Considérant que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en la présente espèce; PAR CES MOTIFS La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort: Donne acte à la société BNP PARIBAS LEASE GROUP de ce qu'elle vient aux droits et obligations de la société BNP LEASE, elle-même venue aux droits et obligations du CREDIT UNIVERSEL; Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions; Et statuant à nouveau: Dit n'y avoir lieu à résolution des contrats de vente et de location des appareils Canon; Déboute Mme X... des fins de toutes ses demandes; Déboute la SA CANON FRANCE de sa demande en paiement de dommages et intérêts à l'encontre de Mme X...; Déboute la BNP PARIBAS LEASE GROUP de sa demande en paiement de la somme de 4 214,79 Euros à l'encontre de Mme X...; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile; Condamne Mme X... à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront



recouvrés directement contre elle par Maître TREYNET et la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. Et ont signé le présent arrêt :

Monsieur Alban CHAIX, Président, Madame Caroline DE Y..., qui a assisté à son prononcé, Le GREFFIER,

Le PRESIDENT,

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