12 juin 1996
Cour d'appel de Versailles
RG n° 1996-4998

Texte de la décision

Par acte sous seing privé en date du 6 août 1992, Monsieur X... a donné à bail à Mademoiselle Y..., un appartement sis 44, Avenue de la Division Leclerc à ANTONY, pour une durée de trois ans à compter du 1er septembre 1992.

La SCI BIEVRES-LECLERC, venant aux droits de Monsieur X..., a fait délivrer à Mademoiselle Y..., un congé à effet au 1er septembre 1995, invoquant "un motif légitime et sérieux, à savoir la démolition en vue de la reconstruction de l'immeuble".

Par acte d'huissier en date du 25 avril 1995, la SCI BIEVRES-LECLERC a fait assigner Mademoiselle Y... aux fins de voir : - valider le congé délivré pour le 1er septembre 1995, - ordonner la libération des lieux, l'expulsion de la défenderesse et la séquestration du mobilier, - fixer à 3.000 Francs le montant mensuel de l'indemnité d'occupation, jusqu'à la libération effective des lieux loués, - ordonner l'exécution provisoire, - condamner Mademoiselle Y... aux dépens et au paiement de la somme de 2.500 Francs HT sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par jugement contradictoire en date du 1er avril 1995, le tribunal d'instance d'ANTONY a rendu la décision suivante : - valide le congé délivré le 20 janvier 1995 à Madame Lucienne Y... par la SCI BIEVRES-LECLERC pour le 1er septembre 1995, - dit qu'à compter de cette date, Madame Lucienne Y... est devenue occupante sans droit ni titre, - ordonne l'expulsion de Madame Lucienne Y... et celle de tous occupants de son chef hors des lieux loués situés à ANTONY, 44 Avenue de la Division Leclerc avec, au besoin, l'assistance de la force publique et d'un serrurier, et ce, passé le délai de deux mois suivant le commandement d'avoir à quitter les lieux délivré

conformément aux articles 61 et 62 de la loi du 9 juillet 1991, - ordonne, en tant que de besoin lors de l'expulsion, pour libérer les lieux, l'enlèvement des meubles et objets mobiliers se trouvant dans les lieux loués, et leur dépôt dans un garde-meubles aux frais, risques et périls de Madame Lucienne Y..., sous réserve du respect des dispositions des articles 65 et 66 de la loi du 9 juillet 1991, - fixe à 3.000 Francs par mois, charges locatives en sus, l'indemnité d'occupation qui sera due à compter de la signification du commandement de quitter les lieux délivré dans les conditions des articles 61 et 62 de la loi du 9 juillet 1991 et condamne Madame Lucienne Y... à la payer à la SCI BIEVRES-LECLERC, - ordonne l'exécution provisoire du présent jugement, - condamne Madame Lucienne Y... aux dépens et à payer à la SCI BIEVRES-LECLERC une indemnité de 1.500 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le 28 mai 1996, Mademoiselle Y... a interjeté appel. Elle fait valoir qu'en l'absence de motif sérieux et légitime, le congé que lui a délivré la SCI BIEVRES-LECLERC, le 20 janvier 1995, au mépris des exigences de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, doit être annulé ; qu'en effet, la démolition à des fins de reconstruction de l'immeuble, sis au 44 Avenue de la Division Leclerc, est exclue puisque, d'une part, le projet de démolition, présenté postérieurement à la lettre de congé du 16 janvier 1995, a été rejeté par les services techniques de la mairie, et que, d'autre part, les baux consentis aux autres locataires de l'immeuble ont été renouvelés, à compter du 1er mai 1995, pour une durée au moins égale à trois ans, en raison de l'irrégularité des congés qui leur avaient été délivrés ; qu'il en résulte que le bail, consenti à l'appelante, est renouvelé, pour une durée de six ans à compter du 1er septembre

1995, en application de l'article 10 de la loi du 6 juillet 1989.

Elle ajoute que, dans l'hypothèse où la Cour de céans maintenait la validation du congé, il y aurait lieu de réduire le montant de l'indemnité d'occupation et de l'aligner sur le montant du loyer en cours, soit 1.637,50 Francs.

Par conséquent, elle demande à la Cour de : - recevoir Madame Lucienne Y... en son appel,et l'y déclarer bien fondée, Y faisant droit, - infirmer le jugement rendu le 1er avril 1996 par le tribunal d'instance d'ANTONY, Statuant à nouveau, - dire que le congé délivré à Madame Lucienne Y... par la SCI BIEVRES-LECLERC n'a pas délivré dans le respect des conditions de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, - dire, en conséquence, que le bail consenti à Madame Lucienne Y... s'est renouvelé pour six ans à compter du 1er septembre 1995, Subsidiairement, fixer le montant de l'indemnité d'occupation au montant du loyer courant, charges en sus, - condamner l'intimée au paiement de la somme de 5.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître TREYNET, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La SCI BIEVRES-LECLERC réplique que la démolition à des fins de reconstruction, qui relève de son objet social et qui, concernant l'immeuble dans lequel se trouve l'appartement donné à bail à l'appelante, a fait l'objet d'un permis de démolir déposé le 29 mars 1995, constitue un motif sérieux et légitime du congé litigieux.

Elle ajoute que Mademoiselle Y... réside, à titre principal, dans un autre appartement.

Par conséquent, elle demande à la Cour de : - débouter Madame Y... de son appel du jugement rendu le 1er avril 1996, - le confirmer en toutes ses dispositions, - condamner Madame Lucienne Y... à payer à la SCI BIEVRES-LECLERC la somme de 5.000 Francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - la condamner aux entiers dépens d'instance et d'appel, qui seront recouvrés directement par la SCP KEIME ET GUTTIN, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 19 mars 1998 et l'affaire plaidée à l'audience du 14 mai 1998.

SUR CE, LA COUR,

Considérant que Madame Y... conteste la réalité du motif réel et sérieux donné par la SCI BIEVRES-LECLERC dans le congé qu'elle lui a fait délivrer ;

Considérant que le congé est régulier en la forme ;

Considérant que la justification d'un congé par un motif légitime et sérieux, au sens de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, n'est pas limitée à l'inexécution par le locataire de l'une de ses obligations ;

Qu'un congé peut donc valablement être donné pour procéder à la démolition de l'immeuble occupé par un locataire, en vue de la reconstruction de ce bâtiment ;

Considérant que la SCI BIEVRES.LECLERC justifie du dépôt d'une demande de démolition (décharge en date du 29 mars 1995 délivrée par la mairie d'ANTONY) ;

Qu'il résulte également de ses statuts qu'elle a pour objet l'acquisition de plusieurs parcelles de terrain situées à ANTONY, 44 Avenue de la Division Leclerc et rue de Bièvre ainsi que toutes parcelles contiguùs, la construction sur ces terrains d'un ou plusieurs immeubles, en vue de leur vente en totalité ou en fractions, accessoirement la location d'immeubles ou fractions d'immeubles ;

Considérant que ces pièces justifient du caractère sincère, légitime et sérieux et réel du motif de congé invoqué par la bailleresse ;

Considérant que le tribunal, à juste titre, a validé le congé délivré à Madame Lucienne Y... et fixé l'indemnité d'occupation, eu égard au caractère mixte de cette indemnité, compensatoire et indemnitaire, à la somme mensuelle de 3.000 Francs ;

Considérant que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;

Sur l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la SCI BIEVRES-LECLERC les sommes exposées par elle qui ne sont pas comprises dans les dépens ;

Qu'il y a lieu de lui allouer la somme de 4.000 Francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal d'instance d'ANTONY le 1er avril 1996 :

Y AJOUTANT :

CONDAMNE Madame Lucienne Y... à payer à la SCI BIEVRES-LECLERC la somme de 4.000 francs (QUATRE MILLE FRANCS) en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

LA CONDAMNE, en outre, aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par la SCP KEIME ET GUTTIN, titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier,

Le Président, Marie Hélène EDET

Alban CHAIX

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