6 avril 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-21.586

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00460

Texte de la décision

SOC.

CH.B


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 avril 2022




Rejet


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 460 F-D


Pourvois n°
B 20-21.586
C 20-21.587
X 20-22.525 JONCTION


Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [I].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 15 septembre 2020.

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [F].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 15 septembre 2020.

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [N].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 16 novembre 2020.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 AVRIL 2022


1°/ M. [G] [I], domicilié chez M. [J] [I], [Adresse 5],

2°/ M. [C] [F], domicilié [Adresse 4],

3°/ M. [X] [N], domicilié chez M. [J] [I], [Adresse 5],

ont formé respectivement les pourvois B 20-21.586, C 20-21.587et X 20-22.525 contre trois arrêts rendus le 29 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6 - chambre 6), dans les litiges les opposant respectivement :

1°/ à la société Itiremia, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à Pôle emploi de Nanterre, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ à Pôle emploi de Bagneux, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l'appui de chacun de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de MM. [I], [F] et [N], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Itiremia, après débats en l'audience publique du 16 février 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° B 20-21.586, C 20-21.587 et X 20-22.525, sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 29 mai 2019), la société Iteremia (la société), filiale du groupe SNCF, est une entreprise de prestation de services spécialisée dans l'accueil, l'assistance et l'accompagnement de voyageurs.

3. Suite au licenciement pour faute grave d'un salarié de cette société par lettre qu'il a reçue le samedi 25 octobre 2014, un certain nombre de ses collègues, dont MM. [I] et [N], responsables d'équipe, et M. [F], agent de service, ont, le 27 octobre 2014, indiqué par lettre annexée à un courriel de l'un des délégués du personnel qu'ils contestaient ce licenciement et cessaient le travail, sollicitant la réintégration de leur collègue.

4. La cessation collective concertée du travail s'est déroulée du 27 au 31 octobre 2014 inclus.

5. Convoqués par lettre recommandée avec accusé réception du 31 octobre 2014 à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave avec mise à pied à titre conservatoire, après mises en demeure de reprendre le travail, MM. [I], [N] et [F] ont été licenciés pour faute grave par lettre recommandée avec accusé réception du 20 novembre 2014, datée par erreur du 20 octobre visant notamment leur absence injustifiée pendant tout ou partie de la période en cause.

6. Les salariés ont saisi le 28 avril 2015 la juridiction prud'homale en annulation de leur licenciement et réintégration, subsidiairement en contestation de son bien-fondé.

Examen des moyens

Sur le moyen de chacun des dossiers, pris en sa troisième branche, ci-après annexé


7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le moyen de chacun des dossiers, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

8. Les salariés font grief aux arrêts de rejeter leurs demandes tendant au prononcé de la nullité de leur licenciement, à leur réintégration et au paiement d'un rappel de salaire et de retenir que leur licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, alors :

« 1°/ que dès lors qu'il est, au moins partiellement, justifié par des revendications professionnelles, l'arrêt de travail collectif des salariés constitue un mouvement de grève ; qu'en retenant que le mouvement de grève était illicite tout en constatant que les salariés dénonçaient les méthodes répressives de l'employeur et contraires aux préconisations du cabinet d'expertise intervenue dans le but d'améliorer les conditions de travail des salariés, ce dont il s'évinçait que, si même le mouvement avait été déclenché par le licenciement d'un salarié, ce mouvement était justifié par des revendications professionnelles, la cour d'appel a violé l'article L. 2511-1 du code du travail ;

2°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; que le courrier du 27 octobre 2017 soulignait que les méthodes utilisées par l'employeur "nous laissent perplexe et donnent à penser que ces mesures (bordant de près le harcèlement moral qui a souvent conduit nos collègues en dépressions) se poursuivent au sein du groupe Iteremia" ce dont il résultait que le mouvement était justifiée par une inquiétude collective des salariés face au comportement de l'employeur ; qu'en décidant que le mouvement qu'il résultait de ce courrier que le mouvement avait pour unique objet de défendre un salarié licencié, la cour d'appel a dénaturé le courrier du 27 octobre 2017. »

Réponse de la Cour

9. Ayant retenu, hors toute dénaturation, que la lettre transmise à l'employeur le 27 octobre 2014, qui doit seule être prise en considération pour apprécier les revendications préalablement portées à la connaissance de l'employeur, a pour seul objet la contestation de la décision de licenciement d'un salarié que les salariés estimaient abusive et déloyale, que si, dans cette lettre, les salariés considèrent que les adjoints ayant contrôlé le salarié le 18 septembre ont accompli un rôle « d'espionnage » et que leurs méthodes sont qualifiées de « répressives », ils se contentent de contester point par point les fautes imputées à ce salarié et la décision de l'employeur de le licencier, et que le licenciement a été prononcé pour des faits strictement personnels, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la cessation du travail n'était pas fondée sur une revendication professionnelle et que, dès lors, l'arrêt de travail ne constituait pas l'exercice du droit de grève.

10. Le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne MM. [I], [F] et [N] aux dépens ;





Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi n° B 20-21.586 par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. [I].

L'arrêt attaqué, critiqué par M. [I], encourt la censure ;

EN CE QU'il a rejeté la demande de M. [I] tendant au prononcé de la nullité du licenciement, à sa réintégration et au paiement d'un rappel de salaire, puis retenu que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse ;

ALORS QUE, premièrement, que dès lors qu'il est, au moins partiellement, justifié par des revendications professionnelles, l'arrêt de travail collectif des salariés constitue un mouvement de grève ; qu'en retenant que le mouvement de grève était illicite tout en constatant que les salariés dénonçaient les méthodes répressives de l'employeur et contraires aux préconisations du cabinet d'expertise intervenue dans le but d'améliorer les conditions de travail des salariés, ce dont il s'évinçait que, si même le mouvement avait été déclenché par le licenciement d'un salarié, ce mouvement était justifié par des revendications professionnelles, la cour d'appel a violé l'article L. 2511-1 du code du travail ;

ALORS QUE, deuxièmement, que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; que le courrier du 27 octobre 2017 soulignait que les méthodes utilisées par l'employeur « nous laissent perplexe et donnent à penser que ces mesures (bordant de près le harcèlement moral qui a souvent conduit nos collègues en dépressions) se poursuivent au sein du groupe ITIREMIA » ce dont il résultait que le mouvement était justifiée par une inquiétude collective des salariés face au comportement de l'employeur ; qu'en décidant que le mouvement qu'il résultait de ce courrier que le mouvement avait pour unique objet de défendre un salarié licencié, la cour d'appel a dénaturé le courrier du 27 octobre 2017 ;

ALORS QUE, troisièmement, les juges du fond sont tenus de s'expliquer, au moins succinctement, sur les éléments de preuve produits par les parties pour établir leurs prétentions ; qu'en retenant que les salariés ne formulaient aucune revendication professionnelle sans s'expliquer, même sommairement, sur les termes du second tract, expressément invoqués par M. [E], adressés par les salariés à l'employeur en réponse à son communiqué du 27 novembre 2014 et qui formulaient sans ambiguïté des revendications relatives aux conditions de travail sur le site, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi n° C 20-21.587 par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. [F].

L'arrêt attaqué, critiqué par M. [F], encourt la censure ;

EN CE QU'il a rejeté la demande de M. [F] tendant au prononcé de la nullité du licenciement, à sa réintégration et au paiement d'un rappel de salaire, puis retenu que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse ;

ALORS QUE, premièrement, que dès lors qu'il est, au moins partiellement, justifié par des revendications professionnelles, l'arrêt de travail collectif des salariés constitue un mouvement de grève ; qu'en retenant que le mouvement était illicite tout en constatant que les salariés dénonçaient les méthodes répressives de l'employeur et contraires aux préconisations du cabinet d'expertise intervenue dans le but d'améliorer les conditions de travail des salariés, ce dont il s'évinçait que, si même le mouvement avait été déclenché par le licenciement d'un salarié, ce mouvement était justifié par des revendications professionnelles, la cour d'appel a violé l'article L. 2511-1 du code du travail ;

ALORS QUE, deuxièmement, que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; que le courrier du 27 octobre 2017 soulignait que les méthodes utilisées par l'employeur « nous laissent perplexe et donnent à penser que ces mesures (bordant de près le harcèlement moral qui a souvent conduit nos collègues en dépressions) se poursuivent au sein du groupe ITIREMIA » ce dont il résultait que le mouvement était justifiée par une inquiétude collective des salariés face au comportement de l'employeur ; qu'en décidant que le mouvement qu'il résultait de ce courrier que le mouvement avait pour unique objet de défendre un salarié licencié, la cour d'appel a dénaturé le courrier du 27 octobre 2017 ;

ALORS QUE, troisièmement, les juges du fond sont tenus de s'expliquer, au moins succinctement, sur les éléments de preuve produits par les parties pour établir leurs prétentions ; qu'en retenant que les salariés ne formulaient aucune revendication professionnelle sans s'expliquer, même sommairement, sur les termes du second tract, expressément invoqué par M. [F], adressés par les salariés à l'employeur en réponse à son communiqué du 27 novembre 2014 et qui formulaient sans ambiguïté des revendications relatives aux conditions de travail sur le site, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi n° X 20-22.525 par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. [N].

L'arrêt attaqué, critiqué par M. [N], encourt la censure ;

EN CE QU'il a rejeté la demande de M. [N] tendant au prononcé de la nullité du licenciement, à sa réintégration et au paiement d'un rappel de salaire, puis retenu que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse ;

ALORS QUE, premièrement, que dès lors qu'il est, au moins partiellement, justifié par des revendications professionnelles, l'arrêt de travail collectif des salariés constitue un mouvement de grève ; qu'en retenant que le mouvement était illicite tout en constatant que les salariés dénonçaient les méthodes répressives de l'employeur et contraires aux préconisations du cabinet d'expertise intervenue dans le but d'améliorer les conditions de travail des salariés, ce dont il s'évinçait que, si même le mouvement avait été déclenché par le licenciement d'un salarié, ce mouvement était justifié par des revendications professionnelles, la cour d'appel a violé l'article L. 2511-1 du code du travail ;

ALORS QUE, deuxièmement, que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; que le courrier du 27 octobre 2017 soulignait que les méthodes utilisées par l'employeur « nous laissent perplexe et donnent à penser que ces mesures (bordant de près le harcèlement moral qui a souvent conduit nos collègues en dépressions) se poursuivent au sein du groupe ITIREMIA » ce dont il résultait que le mouvement était justifiée par une inquiétude collective des salariés face au comportement de l'employeur ; qu'en décidant que le mouvement qu'il résultait de ce courrier que le mouvement avait pour unique objet de défendre un salarié licencié, la cour d'appel a dénaturé le courrier du 27 octobre 2017 ;

ALORS QUE, troisièmement, les juges du fond sont tenus de s'expliquer, au moins succinctement, sur les éléments de preuve produits par les parties pour établir leurs prétentions ; qu'en retenant que les salariés ne formulaient aucune revendication professionnelle sans s'expliquer, même sommairement, sur les termes du second tract, expressément invoqué par M. [N], adressés par les salariés à l'employeur en réponse à son communiqué du 27 novembre 2014 et qui formulaient sans ambiguïté des revendications relatives aux conditions de travail sur le site, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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