6 avril 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-18.198

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00459

Texte de la décision

SOC. / ELECT

CA3



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 avril 2022




Cassation


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 459 F-D

Pourvoi n° U 20-18.198




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 AVRIL 2022

Le syndicat CFDT construction bois des 2 Savoie, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° U 20-18.198 contre le jugement rendu le 9 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Chambéry (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Eiffage route Centre Est établissement Savoie Léman, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ au syndicat force ouvrière, dont le siège est [Adresse 4],

3°/ à Mme [T] [D], domiciliée [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.



Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat CFDT construction bois des 2 Savoie, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Eiffage route Centre Est établissement Savoie Léman, après débats en l'audience publique du 16 février 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Chambéry, 9 juillet 2020), par requête reçue le 21 novembre 2019, le syndicat CFDT Construction Bois des 2 Savoie (le syndicat CFDT) a saisi le tribunal d'instance, en prévision des élections des 25 novembre 2019 et 9 décembre 2019, d'une demande d'annulation de la liste présentée pour le 3e collège par le syndicat Fédération générale Force Ouvrière Construction (le syndicat FO) et de la candidature de Mme [D], figurant seule sur cette liste.

2. Mme [D] a été élue au second tour, le 9 décembre 2019.

3. Par jugement du 12 décembre 2019, le tribunal d'instance de Chambéry a rejeté la demande d'annulation de la liste de candidats présentée par le syndicat FO et la demande d'annulation de la candidature de Mme [Z] épouse [D] aux fonctions de membre suppléant du comité social et économique.

4. Par requête reçue le 20 décembre 2019, le syndicat CFDT a saisi le tribunal d'instance en annulation de l'élection de Mme [D], faisant valoir au soutien de sa demande des moyens identiques à ceux présentés à l'appui de la demande d'annulation de la candidature de celle-ci.

5. Par jugement du 9 juillet 2020, le tribunal judiciaire a déclaré la demande irrecevable au regard de l'autorité de chose jugée du jugement du 12 décembre 2019.






Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

6. Le syndicat fait grief au jugement de déclarer sa demande irrecevable au regard de l'autorité de la chose jugée du jugement du 12 décembre 2019 rendu par le tribunal d'instance de Chambéry, alors :

« 1°/ QUE la décision prise en matière de contentieux préélectoral n'a pas autorité de chose jugée dans le litige tendant à l'annulation des élections professionnelles, de sorte qu'il est de l'office du juge du fond d'examiner tous les éléments de fait et de droit qui lui sont soumis ; qu'en déclarant que le jugement rendu en matière de contentieux préélectoral le 12 décembre 2019 avait autorité de la chose jugée et interdisait au juge de statuer sur la requête du syndicat exposant tendant à l'annulation de l'élection de Mme [D] en qualité de membre suppléant du comité social et économique, le tribunal d'instance a violé l'article 1355 du code civil, ensemble l'article 122 du code de procédure civile ;

2°/ en tout état de cause QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; qu'il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ; qu'en retenant qu'avaient le même objet et la même cause, d'un côté, la requête introduite le 21 novembre 2019 tendant à l'annulation de la liste de candidats présentée par le syndicat FO pour le troisième collège du comité social et économique de l'établissement Savoie-Leman et la candidature de Mme [D] sur cette liste et, de l'autre, la requête introduite le 20 décembre 2019 tendant à l'annulation de l'élection de cette salariée en tant que membre suppléant, le tribunal d'instance a violé l'article 1355 du code civil dans sa version en vigueur au 1er octobre 2016, ensemble l'article 122 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1355 du code civil, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

7. L'instance tendant à l'annulation des opérations électorales, une fois celles-ci intervenues, n'a pas le même objet que celle visant à vider préventivement le litige relatif aux candidatures. Il en résulte que la décision prise en matière de contentieux préélectoral n'a pas autorité de chose jugée dans le litige tendant à l'annulation des élections professionnelles.

8. Pour déclarer irrecevable la requête du syndicat CFDT visant à obtenir l'annulation de l'élection de Mme [D], le jugement retient qu'il n'est pas contesté que les moyens soulevés au soutien de cette annulation sont identiques à ceux présentés dans le dossier relatif à l'annulation de la candidature de la salariée ayant donné lieu au jugement du 12 décembre 2019, qu'aucun moyen nouveau tiré de l'irrégularité des opérations de vote n'est avancé, que dans la mesure où la validation de la candidature de la salariée impliquait la possibilité d'être élue, il ne peut qu'être considéré que l'objet de l'instance en annulation est identique à celui de l'instance précédente, et que l'autorité de chose jugée assortissant le jugement du 12 décembre 2019 interdit qu'une nouvelle décision soit rendue.

9. En statuant ainsi, le tribunal judiciaire a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions le jugement rendu le 9 juillet 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Chambéry ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Eiffage route Centre Est établissement Savoie Léman et la condamne à payer au syndicat CFDT construction bois des 2 Savoie, la somme de 3 000 euros ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire d'Annecy ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour le syndicat CFDT Construction bois des 2 Savoie


Le moyen fait grief au jugement attaqué d'AVOIR déclaré la demande du syndicat CFDT Construction Bois des 2 Savoie irrecevable au regard de l'autorité de la chose jugée du jugement du 12 décembre 2019 rendu par le tribunal d'instance de Chambéry.

AUX MOTIFS QUE la requête présentée par le syndicat CFDT, le 21 novembre 2019, visait à obtenir l'annulation de la candidature de Madame [T] [D] pour les élections du comité social et économique de la SNC Eiffage route centre est, établissement Savoie-Léman ; que les parties en cause sont les mêmes que celles de la précédente instance, qui a retenu la validité de la candidature de la salariée ; qu'il n'est pas contesté que les moyens soulevés au soutien de l'annulation de l'élection de Mme [D] sont identiques à ceux présentés dans le dossier 19-668 s'opposant à la candidature de cette salariée, aucun moyen nouveau tiré de l'irrégularité des opérations de votre n'est avancé ; que dans la mesure où la validation de la candidature de Madame [T] [D] impliquait la possibilité d'être élue, il ne peut qu'être considéré que l'objet de la présente instance est identique à celui de l'instance précédente, et que l'autorité de la chose jugée assortissant le jugement du 12 décembre 2019 interdit qu'une nouvelle décision soit rendue ;

1° ALORS QUE la décision prise en matière de contentieux préélectoral n'a pas autorité de chose jugée dans le litige tendant à l'annulation des élections professionnelles, de sorte qu'il est de l'office du juge du fond d'examiner tous les éléments de fait et de droit qui lui sont soumis ; qu'en déclarant que le jugement rendu en matière de contentieux préélectoral le 12 décembre 2019 avait autorité de la chose jugée et interdisait au juge de statuer sur la requête du syndicat exposant tendant à l'annulation de l'élection de Mme [D] en qualité de membre suppléant du comité social et économique, le tribunal d'instance a violé l'article 1355 du code civil, ensemble l'article 122 du code de procédure civile.

2° ALORS en tout état de cause QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; qu'il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ; qu'en retenant qu'avaient le même objet et la même cause, d'un côté, la requête introduite le 21 novembre 2019 tendant à l'annulation de la liste de candidats présentée par le syndicat FO pour le troisième collège du comité social et économique de l'établissement Savoie-Leman et la candidature de Mme [D] sur cette liste et, de l'autre, la requête introduite le 20 décembre 2019 tendant à l'annulation de l'élection de cette salariée en tant que membre suppléant, le tribunal d'instance a violé l'article 1355 du code civil dans sa version en vigueur au 1er octobre 2016, ensemble l'article 122 du code de procédure civile.

3° ALORS au surplus QUE la décision acquiert l'autorité de la chose irrévocablement jugée lorsqu'elle n'est plus susceptible d'aucun recours, y compris d'un recours extraordinaire tel que le pourvoi en cassation, ou lorsque les recours ont été exercés sans succès ; qu'en jugeant que le jugement rendu en matière de contentieux préélectoral le 12 décembre 2019 avait autorité de la chose jugée et interdisait au juge de statuer sur la requête du syndicat exposant tendant à l'annulation de l'élection de Mme [D] en qualité de membre suppléant du comité social et économique, quand il avait fait l'objet d'un pourvoi en cassation non encore tranché, le tribunal d'instance a violé l'article 1355 du code civil dans sa version en vigueur au 1er octobre 2016, ensemble l'article 122 du code de procédure civile.

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