31 mars 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-22.594

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C200363

Titres et sommaires

ACCIDENT DE LA CIRCULATION - Véhicule à moteur - Garde - Transfert - Conditions - Connaissance du vice de la chose

Si un accident de la circulation trouve sa cause dans un défaut du véhicule, remis à un tiers lors de l'accident, la qualité de gardien peut, sauf si ce dernier avait été averti de ce vice, demeurer au propriétaire, en tant qu'il a la garde de la structure du véhicule impliqué. Ayant constaté qu'un tracteur, confié par son propriétaire à un garagiste, avait roulé sur ce dernier lorsqu'à sa demande, le propriétaire avait actionné la clef de contact tout en restant debout près de l'engin, et relevé que la cause de l'accident résidait dans la défaillance de la sécurité du démarrage dont il n'était pas établi que le garagiste avait été averti, une cour d'appel a pu décider que le propriétaire avait conservé la garde de son véhicule et était tenu, en cette qualité, d'indemniser la victime en application de la loi du 5 juillet 1985

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Choses dont on a la garde - Garde - Transfert - Transfert à une autre personne - Détermination - Nécessité - Connaissance du vice de la chose

ACCIDENT DE LA CIRCULATION - Victime - Victime autre que le conducteur - Gardien - Définition - Exclusion - Défaut de connaissance du vice du véhicule

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Choses dont on a la garde - Garde - Gardien - Propriétaire - Garde de la structure - Cas - Défaut du véhicule - Condition - Connaissance du vice

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 31 mars 2022




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 363 F-B

Pourvoi n° X 20-22.594




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 31 MARS 2022

1°/ La caisse régionale d'assurance mutuelle agricole du Grand Est (Groupama Grand Est), dont le siège est [Adresse 2],

2°/ M. [R] [J], domicilié [Adresse 6],

ont formé le pourvoi n° X 20-22.594 contre l'arrêt rendu le 8 septembre 2020 par la cour d'appel de Nancy (1re chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [C] [P], domicilié [Adresse 4],

2°/ à M. [H] [Z], domicilié [Adresse 7], successeur de M. [S] [V], agent général MMA assurances,

3°/ à la société Cheval, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5],

4°/ à la société MMA Iard, dont le siège est [Adresse 3],

5°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole du Grand Est (Groupama Grand Est) et de M. [J], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [Z] et des sociétés Cheval et MMA Iard, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [P], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 8 septembre 2020), M. [J] a confié son tracteur, assuré auprès de la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles du Grand Est (la société Groupama), au garage exploité par la société Cheval afin de rechercher l'origine d'une fuite d'huile. Alors que M. [P], salarié du garage, s'était glissé sous le tracteur, il a demandé à M. [J] d'actionner le démarreur du véhicule. Celui-ci s'est alors mis en mouvement et a roulé sur M. [P], le blessant gravement.

2. Afin d'obtenir réparation des préjudices non couverts par la législation applicable en matière d'accident de travail, M. [P] a assigné M. [J] et son assureur, la société Cheval et son assureur, la société MMA Iard, M. [V] en qualité d'agent d'assurances, ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie devant un tribunal de grande instance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [J] et la société Groupama font grief à l'arrêt de déclarer M. [J] entièrement responsable du préjudice subi par M. [P] et de les condamner in solidum à lui payer différentes sommes à titre de dommages-intérêts, alors « que le propriétaire d'un véhicule confié à un garagiste pour réparation en perd la qualité de gardien ; que le fait, pour ce propriétaire, de mettre en marche le moteur dudit véhicule en actionnant le contact, à la demande expresse du professionnel de la réparation, ne lui fait pas reprendre la garde de son véhicule puisqu'il n'a aucun pouvoir de direction ou de contrôle sur celui-ci, dès lors qu'il ne peut pas l'utiliser à sa guise de manière autonome ; qu'en retenant que M. [J] était demeuré gardien de son tracteur confié pour réparation à la société Cheval, au motif inopérant qu'il n'était pas établi que M. [J] ait averti M. [P] de l'absence de sécurité que présentait son tracteur lors de la mise en route, la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1er, devenu l'article 1242, alinéa 1er, du code civil, ensemble les articles 1er et 6 de la loi du 5 juillet 1985. »

Réponse de la Cour

4. L'arrêt relève que si le propriétaire d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation en est présumé gardien, il peut apporter la preuve qu'il en avait confié la garde à une autre personne et que, si l'accident trouve sa cause dans un défaut du véhicule, remis à un tiers lors de l'accident, la qualité de gardien peut, sauf si ce dernier avait été averti de ce vice, demeurer au propriétaire, en tant qu'il a la garde de la structure du véhicule impliqué. Il ajoute qu'il résulte des opérations d'expertise que le tracteur de M. [J], qui a roulé sur le corps de M. [P] et lui a occasionné des blessures, était un véhicule dangereux en ce que la sécurité de démarrage, vitesse engagée, n'était plus fonctionnelle et que selon un témoin, lorsque M. [J], à la demande de M. [P], a actionné la clef de contact tout en restant debout près du tracteur, celui-ci a démarré, a avancé et est passé sur le corps de M. [P].

5. L'arrêt retient ensuite que le tracteur ne se serait pas déplacé si une vitesse n'était pas restée enclenchée, que la cause de l'accident réside dans la défaillance du système de sécurité et que la preuve n'étant pas rapportée de ce que M. [J] avait averti M. [P] de cette absence de sécurité, il y a lieu de considérer qu'il était resté gardien de la structure de son véhicule.

6. En l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu décider que M. [J] avait conservé la garde de son véhicule, de sorte qu'il était tenu, en cette qualité, d'indemniser la victime en application de la loi du 5 juillet 1985.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [J] et la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles du Grand Est aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [Z] et par les sociétés Cheval et MMA Iard, rejette la demande formée par M. [J] et par la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles du Grand Est, et condamne ces derniers à payer à M. [P] la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole du Grand Est (Groupama Grand Est) et M. [J]

Groupama Grand Est et M. [J] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré M. [J] entièrement responsable du préjudice subi par M. [P] et de les avoir en conséquences condamnés, in solidum, à payer différentes sommes à M. [P] à titre de dommages-intérêts,

Alors que le propriétaire d'un véhicule confié à un garagiste pour réparation en perd la qualité de gardien ; que le fait, pour ce propriétaire, de mettre en marche le moteur dudit véhicule en actionnant le contact, à la demande expresse du professionnel de la réparation, ne lui fait pas reprendre la garde de son véhicule puisqu'il n'a aucun pouvoir de direction ou de contrôle sur celui-ci, dès lors qu'il ne peut pas l'utiliser à sa guise de manière autonome ; qu'en retenant que M. [J] était demeuré gardien de son tracteur confié pour réparation à la société Cheval, au motif inopérant qu'il n'était pas établi que M. [J] ait averti M. [P] de l'absence de sécurité que présentait son tracteur lors de la mise en route, la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1er, devenu l'article 1242, alinéa 1er du code civil, ensemble les articles 1er et 6 de la loi du 5 juillet 1985.

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