30 mars 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-23.307

Chambre sociale - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO10323

Texte de la décision

SOC.

ZB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 mars 2022




Rejet non spécialement motivé


Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10323 F

Pourvoi n° X 20-23.307




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 MARS 2022

La société Gautier + Conquet et associés, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], prise en son établissement situé [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 20-23.307 contre l'arrêt rendu le 21 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l'opposant à Mme [G] [P], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations écrites de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Gautier + Conquet et associés, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme [P], après débats en l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, M. Pion, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.


1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Gautier + Conquet et associés aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Gautier + Conquet et associés et la condamne à payer à Mme [P] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Gautier + Conquet et associés

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ces chefs, d'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail unissant Mme [P] à la société Gautier + Conquet, et ce, à effet du 26 mars 2015 et aux torts de la société Gautier + Conquet et d'AVOIR condamné la société Gautier + Conquet à verser à Mme [P] les sommes de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice tenant à la résiliation du contrat de travail et de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel ;

AUX MOTIFS QUE II- sur la rupture du contrat de travail A- sur la résiliation du contrat de travail Par application combinée des articles 1217, 1224, 1227 et 1228 du Code civil, tout salarié reprochant à son employeur des manquements graves à l'exécution de son obligation de nature à empêcher la poursuite du contrat peut obtenir le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur. Si les manquements invoqués par le salarié à l'appui de sa demande sont établis et d'une gravité suffisante, la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement nul si les conditions en sont réunies. Dans l'hypothèse où le salarié a été licencié, le juge doit préalablement rechercher si la demande de résiliation était justifiée et s'il l'estime non fondée il doit alors statuer sur le licenciement. De ce qui précède il résulte que l'employeur a manqué gravement à ses obligations. Ces manquements et leurs conséquences ont perduré plus de trois ans ainsi que le révèle l'analyse de l'avis d'inaptitude rendu par l'inspection du travail le 26 janvier 2015 aux termes duquel, "à la date de la visite [c'est à dire le 30 septembre 2015] Mme [P] est inapte à son poste de chef de projet paysagiste. Son état de santé actuel ne permet pas de proposer de reclassement dans l'entreprise", étant en arrêt de travail de presque un an initié en octobre 2013 pour syndrome anxio dépressif en lien avec la situation de harcèlement vécue depuis 2011. Dès lors quand bien même certains faits retenus ont-ils commencé plus de trois ans avant la saisine du conseil des prud'hommes en résiliation du contrat de travail, il ne peut être considéré que l'ancienneté de ces faits puisse atténuer leur gravité ainsi que leur lien avec la dégradation de l'état de santé, et exclure de ce fait le prononcé de la résiliation judiciaire. Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef et la résiliation du contrat de travail de Mme [P] prononcée aux torts de l'employeur. B - sur les conséquences de la résiliation En application de l'article L. 1152-3 du Code du Travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, tout acte contraire est nul. En conséquence, toute rupture du contrat ayant pour origine le harcèlement moral dont le salarié a été victime est nulle. Le salarié victime d'un licenciement nul et qui ne réclame pas sa réintégration a droit, quelle que soit son ancienneté dans l'entreprise, d'une part aux indemnités de rupture, d'autre part, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire. En application de l'article 1184 devenu 1225 du code civil, en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce, dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date et que le salarié était resté à la disposition de son employeur. De ce qui précède il résulte que la résiliation du contrat de travail est prononcée à raison des faits de harcèlement donc Mme [P] a été reconnue victime. La rupture a donc les effets d'un licenciement nul, et ce, à compter du 26 mars 2015 date à laquelle le licenciement pour inaptitude a été prononcé. Madame [P] avait plus de sept ans d'ancienneté et était âgée de 50 ans à la date de la rupture de son contrat de travail. Elle a été prise en charge au titre de l'Aide au Retour à l'Emploi jusqu'en janvier 2017 inclus puis a reçu l'aide spécifique de Solidarité (ASS). L'ensemble de ces éléments justifie l'octroi d'une somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts.

1) ALORS QUE le juge ne peut modifier l'objet du litige, tel que déterminé par les prétentions respectives des parties, exprimées dans leurs conclusions ; qu'en l'espèce, Mme [P] faisait valoir que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail qui avait justifié sa saisine du conseil de prud'hommes le 30 janvier 2015 était fondée, d'une part, sur la dégradation de son état de santé du fait de manquements de l'employeur datant de 2014, et d'autre part, sur la remise par ce dernier de documents incomplets à la sécurité sociale et au régime de prévoyance ayant entraîné une suspension des versements des indemnités journalières et du maintien de salaires pour la période d'avril à août 2014 (conclusions pp. 12-16) ; que Mme [P] faisait expressément valoir que « les faits invoqués à l'appui de sa demande de résiliation datent de 2014 » (conclusions p. 13) ; qu'en relevant pourtant que la résiliation résultait des manquements de l'employeur en matière d'heures supplémentaires et de harcèlement moral et de leurs conséquences qui « ont perduré plus de trois ans ainsi que le révèle l'analyse de l'avis d'inaptitude rendu par l'inspection du travail le 26 janvier 2015 aux termes duquel, "à la date de la visite [c'est à dire le 30 septembre 2015] Mme [P] est inapte à son poste de chef de projet paysagiste. Son état de santé actuel ne permet pas de proposer de reclassement dans l'entreprise", étant en arrêt de travail de presque un an initié en octobre 2013 pour syndrome anxio dépressif en lien avec la situation de harcèlement vécue depuis 2011 » (arrêt p. 8), la cour d'appel, qui s'est fondée sur des faits antérieurs à 2014, a manifestement méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2) ALORS, en toute hypothèse, QUE seul un manquement de l'employeur de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail peut justifier la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur ; qu'en l'espèce, en prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur à la date du 26 mars 2015, tandis qu'il ressortait de ses propres constatations que d'une part, les manquements reprochés à l'employeur en matière d'heures supplémentaires, qui auraient débuté en 2009, et de harcèlement moral, qui auraient débuté en 2011, n'avaient pas empêché la poursuite du contrat de travail pendant six ans, et que d'autre part, l'employeur avait régularisé dès septembre 2014 celui tiré de la remise de documents incomplets à la sécurité sociale et au régime de prévoyance, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il s'évinçait que les manquements reprochés à l'employeur n'avaient pas empêché la poursuite du contrat de travail, a violé les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige ;

3) ALORS, en toute hypothèse, QUE seul un manquement de l'employeur de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail peut justifier la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur ; qu'en l'espèce, en ne caractérisant pas en quoi les manquements reprochés à l'employeur étaient de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige.

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