30 mars 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-16.168

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:CO00228

Titres et sommaires

SOCIETE ANONYME - Directoire - Président - Prime sur objectifs - Absence de fixation par le conseil de surveillance - Sanction

Viole l'article 1104, alinéa 1, du code civil, l'arrêt qui, après avoir relevé qu'une convention prévoyait le versement d'une prime sur objectifs formée par le président du directoire d'une société anonyme et que les objectifs devaient être fixés par le conseil de surveillance de la société, rejette la demande en paiement de cette prime au motif que le dirigeant avait la possibilité de demander à la société de procéder à la fixation de ses objectifs et que s'en étant abstenu, il ne peut reprocher à cette dernière un manquement dans ses obligations pour ne pas y avoir procédé, alors qu'il résultait des constatations de la cour d'appel qu'il incombait à la seule société de fixer les objectifs à réaliser par le dirigeant et qu'elle ne l'avait pas fait

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Exécution - Bonne foi - Défaut - Applications diverses - Prime sur objectifs - Défaut de fixation des objectifs par la société

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 mars 2022




Cassation partielle


M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 228 F-B


Pourvois n°
N 20-16.168
B 20-17.354 JONCTION




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 MARS 2022

I - M. [G] [Z], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 20-16.168 contre un arrêt rendu le 28 mai 2020 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige l'opposant à la société Traqueur, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

II - La société Traqueur a formé le pourvoi n° B 20-17.354 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant à M. [G] [Z], défendeur à la cassation.

Le demandeur au pourvoi n° N 20-16.168 invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi n° B 20-17.354 Invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. [Z], de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société Traqueur, après débats en l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° N 20-16.168 et n° B 20-17.354 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 mai 2020) et les productions, M. [Z] a été nommé président du conseil de surveillance de la société Traqueur le 18 juillet 2006 puis membre et président du directoire de cette société le 28 novembre 2016. Le même jour, M. [Z] et la société Traqueur ont conclu une convention de mandat social prévoyant diverses obligations de paiement à la charge de cette dernière.

3. Le 15 juin 2017, le conseil de surveillance de la société Traqueur a décidé de révoquer M. [Z] de ses mandats de membre et président du directoire.

4. La société Traqueur ayant refusé de faire droit à ses demandes en paiement de diverses sommes en exécution de la convention de mandat social, M. [Z] l'a assignée en paiement.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi n° B 20-17.354


5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° N 20-16.168

Enoncé du moyen

6. M. [Z] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de la prime sur objectifs, alors « que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que la lettre accord du 9 novembre 2016 prévoyait de confier à M. [Z] une mission de "restructuration et [de] développement du groupe Traqueur avec pour objectif la cession rapide du groupe Traqueur" ; que l'article 4.1.4 de la convention de mandat social du 28 novembre 2016 prévoyait le paiement d'une prime "en cas de cession" de la société, le terme cession étant défini comme "toute opération conduite durant la présidence du directoire de Traqueur par M. [G] [Z], de quelque nature qu'elle soit et quelles qu'en soient les modalités, entraînant immédiatement ou à terme un changement de contrôle de Traqueur (…) et conduisant à une offre publique d'achat sur Traqueur" ; que M. [Z], qui avait reçu mandat de restructurer et développer la société pour créer en amont les conditions propices à la réalisation d'une cession rapide, et non un mandat de négociation en vue d'une cession, avait ainsi droit à cette "prime en cas de cession" dès lors qu'une opération entraînant un changement de contrôle intervenait pendant le temps de sa présidence, peu important qu'il n'ait pas mené les opérations de cession, initiées en l'occurrence par les principaux actionnaires ; qu'en affirmant cependant que "M. [Z], n'ayant pas mené les opérations de cession, ne peut prétendre au versement d'une prime à ce titre en soutenant que la prime était due indépendamment de toute diligence déployée de sa part dans la recherche de négociations avec un acquéreur et était générée par le simple fait de l'acceptation par le conseil de surveillance d'une offre de cession alors qu'il présidait le directoire", la cour d'appel a dénaturé la convention de mandat social du 28 novembre 2016, violant ainsi le principe ci-dessus. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1103 du code civil :

7. Selon ce texte, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Lorsque les stipulations d'un contrat sont ambiguës, il appartient au juge de déterminer quelle a été la commune intention des parties.

8. Pour rejeter la demande de M. [Z] en paiement de la prime en cas de cession, prévue à l'article 4.1.4 de la convention de mandat social du 28 novembre 2016, l'arrêt retient que les termes clairs de cette convention prévoient que la cession devait être menée sous la présidence de M. [Z] et que, de plus, il ressort de la lettre du 9 novembre 2016 que l'objectif de la mission qui lui était confiée était la cession rapide du groupe Traqueur, et en déduit que M. [Z] n'ayant pas mené les opérations de cession, il ne peut prétendre au versement d'une prime à ce titre.

9. En statuant ainsi, alors que la convention du 28 novembre 2016, applicable entre les parties, était ambiguë en ce qui concerne tant la question de savoir si la cession de la société Traqueur entrait dans la mission confiée à M. [Z] en sa qualité de président du directoire que les conditions de versement de la prime en cas de cession, la cour d'appel, qui s'est abstenue de rechercher quelle avait été la commune intention des parties, n'a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi n° N 20-16.168

Enoncé du moyen

10. M. [Z] fait le même grief à l'arrêt alors « qu'une société qui s'engage à payer une rémunération variable à son dirigeant en fonction d'objectifs à atteindre qu'elle fixe unilatéralement est liée par cet engagement ; qu'elle manque à son obligation en s'abstenant de fixer les objectifs conditionnant le versement de cette rémunération ; qu'il revient dans ce cas au juge de déterminer le montant de la rémunération variable en fonction des données de la cause, peu important que le dirigeant n'ait jusqu'alors pas réclamé la fixation de ces objectifs ; que pour débouter M. [Z] de sa demande en paiement de la prime sur objectifs, la cour d'appel a jugé qu'il "avait la possibilité de demander à la société Traqueur de procéder à la fixation de ses objectifs, s'en est abstenu, (et) ne peut dès lors reprocher à la société Traqueur un manquement dans ses obligations de ne pas y avoir procédé" et qu'il "établit donc d'autant moins (…) que c'est de façon déloyale que la société Traqueur s'est soustraite à l'énumération des objectifs qui devaient lui être fixés" ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, tandis qu'il lui incombait de déterminer le montant de la rémunération variable de M. [Z] en fonction des données de la cause, sans que la circonstance que la société Traqueur n'ait pas fixé ces objectifs ou que M. [Z] n'en ait pas réclamé la fixation permette à la société d'échapper à son obligation, la cour d'appel a violé l'article 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1104, alinéa 1er, du code civil :

11. Selon ce texte, les contrats doivent être exécutés de bonne foi.

12. Pour rejeter la demande en paiement de la prime sur objectifs formée par M. [Z], l'arrêt, après avoir relevé que la convention du 28 novembre 2016 prévoyait son versement et que les objectifs devaient être fixés par le conseil de surveillance, retient que M. [Z] avait la possibilité de demander à la société Traqueur de procéder à la fixation de ses propres objectifs et que s'en étant abstenu, il ne peut reprocher à cette dernière un manquement dans ses obligations pour ne pas y avoir procédé.

13. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations qu'il incombait à la seule société Traqueur de fixer les objectifs à réaliser par M. [Z] et qu'elle ne l'avait pas fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi n° N 20-16.168

Enoncé du moyen

14. M. [Z] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts pour révocation brutale et sans juste motif, alors « que si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-intérêts ; que le simple changement de majorité ou la volonté de désigner une nouvelle gouvernance ne constitue pas un juste motif de révocation, à moins qu'elle soit justifiée par la nécessité de préserver l'intérêt social ; qu'en se bornant à affirmer, pour juger que M. [Z] ne rapportait pas la preuve de l'absence de juste motif, que la lettre du 18 mai 2017 l'informait de la volonté de la société Coyote de mettre en place une nouvelle gouvernance et que l'extrait du procès-verbal de la réunion du conseil de surveillance du 15 juin 2017 rappelait qu'il en avait été informé préalablement, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette décision de révocation était justifiée par la nécessaire préservation de l'intérêt social, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-61 du code de commerce, ensemble l'article 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 225-61, alinéa 1er, du code de commerce :

15. Selon ce texte, les membres du directoire peuvent être révoqués par l'assemblée générale, ainsi que, si les statuts le prévoient, par le conseil de surveillance. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-intérêts.

16. Pour juger que M. [Z] ne rapportait pas la preuve de l'absence de juste motif à sa révocation et rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts, l'arrêt relève que la société Coyote l'a, par une lettre du 18 mars 2017, informé de sa volonté de mettre en place une nouvelle gouvernance.

17. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la décision de révoquer M. [Z] était justifiée par la nécessaire préservation de l'intérêt social, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE le pourvoi n° B 20-17.354 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il rejette les demandes en paiement de la prime en cas de cession, de la prime sur objectifs et de dommages-intérêts pour révocation brutale et sans juste motif formées par M. [Z] et en ce qu'il statue sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 28 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Traqueur aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Traqueur et la condamne à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi n° N 20-16.168 par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour M. [Z].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. [Z] de ses demandes en paiement des sommes de 318 369,31 € au titre de la prime contractuelle de cession et de 35 000 € au titre de la prime sur objectifs ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la prime en cas de cession, au préalable, il convient de relever que la société Traqueur conclut pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus exposés à la nullité de la convention de mandat social à défaut de respect de la procédure concernant les conventions réglementées ; qu'il convient de rappeler que la demande de nullité de la convention du 28 novembre 2016 qui porte sur la prime au cas de cession s'appuie sur les mêmes moyens que précédemment évoqués pour la prime de révocation lesquels ont été écartés ; qu'au chapitre " rémunération " figurant à la convention de mandat social du 28 novembre 2016 est prévue une prime perçue par M. [Z] en cas de cession de la société Traqueur ; que les modalités d'attribution et de versement de la prime sont décrites par renvoi au paragraphe nº 6 de la lettre accord du 9 novembre 2016 ; que l'article 4.1.4 de la convention de mandat social du 28 novembre 2016 prévoit que par cession, il convient d'entendre " toute opération conduite durant la présidence du directoire de Traqueur par M. [G] [Z], de quelque nature qu'elle soit et quelque qu'en soient les modalités, entraînant immédiatement ou à terme un changement de contrôle de Traqueur au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce et conduisant à une offre publique d'achat sur Traqueur " ; que le tribunal a relevé notamment qu'il n'était pas contesté que M. [Z] n'avait pas participé au processus d'acquisition de la société par Coyote ; que M. [Z] critique la décision entreprise soutenant pour l'essentiel que le versement de la prime de cession n'était pas subordonné à sa participation au processus de cession ; que cependant, les termes clairs de la convention prévoient que la cession devait être menée sous la présidence de M. [Z], celui-ci ne produisant aucun élément à cet égard, que de plus il ressort de la lettre du 9 novembre 2016 que l'objectif de la mission qui lui était confiée était la cession rapide du groupe Traqueur ; que dès lors, M. [Z] n'ayant pas mené les opérations de cession ne peut prétendre au versement d'une prime à ce titre en soutenant que la prime était due indépendamment de toute diligence déployée de sa part dans la recherche de négociations avec un acquéreur et était générée par le simple fait de l'acceptation par le conseil de surveillance d'une offre de cession alors qu'il présidait le directoire ; (…) que sur la prime sur objectifs, la convention du 28 novembre 2016 prévoit une prime sur objectifs ; qu'il s'agit d'une prime annuelle sur atteinte d'objectifs d'un montant brut de 70 000 € ; que les objectifs annuels seront, après discussion, décidés lors du conseil de surveillance lors de l'élaboration annuelle du groupe ; que M. [Z] fait valoir que la prime sur objectifs est un élément de rémunération du président du directoire, qu'elle n'est pas soumise à autorisation ; qu'il relève qu'il appartenait à la société Traqueur de lui fixer ses objectifs, que celle-ci s'est abstenue d'y procéder de façon déloyale, qu'elle ne peut dans ces conditions se soustraire au versement de la prime ayant manqué à ses obligations issues de la convention de mandat social ; (…) que la société Traqueur conclut à la confirmation du jugement qui a retenu qu'aucun objectif n'ayant été fixé par le conseil de surveillance, la prime ne pouvait dès lors être allouée ; que M. [Z], pour rapporter la preuve de ce qu'il avait rempli les objectifs, verse au débat deux attestations selon lesquelles il a donné toute satisfaction mais celles-ci sont insuffisantes à l'établir dans la mesure où les objectifs n'ont pas été fixés par le conseil de surveillance alors qu'ils devaient être décidés annuellement, après discussion, lors de l'élaboration du budget annuel du Groupe ; que M. [Z] qui avait la possibilité de demander à la société Traqueur de procéder à la fixation de ses objectifs, s'en est abstenu, et ne peut dès lors reprocher à la société Traqueur un manquement dans ses obligations pour ne pas y avoir procédé ; qu'il établit donc d'autant moins comme il le prétend que c'est de façon déloyale que la société Traqueur s'est soustraite à l'énumération des objectifs qui devaient lui être fixés ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE, sur la prime en cas de cession, il n'est pas contesté que M. [Z] n'a pris aucune part au processus d'acquisition de la société par Coyote et que, selon les écritures de ce dernier, aucun audit, due diligence ou entretien avec l'équipe dirigeante n'a été réalisé préalablement ; (…) que sur la prime d'atteinte d'objectifs, aucun objectif qualitatif ou quantitatif reposant sur des critères objectifs d'appréciation et arrêté expressément par le conseil ne permet d'allouer une telle prime ; que les affirmations de M. [Z], corroborées par les témoignages de MM. H. [P] et M. [T], selon lesquelles il a donné toute satisfaction pendant les 6 mois de son mandat, ne démontrent pas, en l'absence d'objectifs chiffrés, qu'il a obtenu des résultats tangibles visant à " restructurer et développer le groupe avec pour objectif de lui permettre de se rapprocher, de s'adosser ou de s'intégrer, y compris par voie de cession, à un groupe qui lui garantira sa pérennité financière, industriel et technologique " (convention de mandat social p. 2) ; que (…) M. [Z] ne rapporte pas la preuve que les résultats d'exploitation et les marges de la société se sont améliorés du fait de son action ; que les conditions d'octroi de la prime sur objectifs sollicitée ne sont en conséquence pas réunies et qu'il convient de rejeter cette demande ;

1°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que la lettre accord du 9 novembre 2016 prévoyait de confier à M. [Z] une mission de " restructuration et [de] développement du groupe Traqueur avec pour objectif la cession rapide du groupe Traqueur " (p. 1 § 2) ; que l'article 4.1.4 de la convention de mandat social du 28 novembre 2016 prévoyait le paiement d'une prime " en cas de cession " de la société, le terme cession étant défini comme " toute opération conduite durant la présidence du directoire de Traqueur par M. [G] [Z], de quelque nature qu'elle soit et quelles qu'en soient les modalités, entraînant immédiatement ou à terme un changement de contrôle de Traqueur (…) et conduisant à une offre publique d'achat sur Traqueur " ; que M. [Z], qui avait reçu mandat de restructurer et développer la société pour créer en amont les conditions propices à la réalisation d'une cession rapide, et non un mandat de négociation en vue d'une cession, avait ainsi droit à cette " prime en cas de cession " dès lors qu'une opération entraînant un changement de contrôle intervenait pendant le temps de sa présidence, peu important qu'il n'ait pas mené les opérations de cession, initiées en l'occurrence par les principaux actionnaires ; qu'en affirmant cependant que " M. [Z], n'ayant pas mené les opérations de cession, ne peut prétendre au versement d'une prime à ce titre en soutenant que la prime était due indépendamment de toute diligence déployée de sa part dans la recherche de négociations avec un acquéreur et était générée par le simple fait de l'acceptation par le conseil de surveillance d'une offre de cession alors qu'il présidait le directoire " (arrêt, p. 11 § 2), la cour d'appel a dénaturé la convention de mandat social du 28 novembre 2016, violant ainsi le principe ci-dessus ;

2°) ALORS QU' une société qui s'engage à payer une rémunération variable à son dirigeant en fonction d'objectifs à atteindre qu'elle fixe unilatéralement est liée par cet engagement ; qu'elle manque à son obligation en s'abstenant de fixer les objectifs conditionnant le versement de cette rémunération ; qu'il revient dans ce cas au juge de déterminer le montant de la rémunération variable en fonction des données de la cause, peu important que le dirigeant n'ait jusqu'alors pas réclamé la fixation de ces objectifs ; que pour débouter M. [Z] de sa demande en paiement de la prime sur objectifs, la cour d'appel a jugé qu'il " avait la possibilité de demander à la société Traqueur de procéder à la fixation de ses objectifs, s'en est abstenu, (et) ne peut dès lors reprocher à la société Traqueur un manquement dans ses obligations de ne pas y avoir procédé " et qu'il " établit donc d'autant moins (…) que c'est de façon déloyale que la société Traqueur s'est soustraite à l'énumération des objectifs qui devaient lui être fixés " (arrêt, p. 12 § 1 et 2) ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, tandis qu'il lui incombait de déterminer le montant de la rémunération variable de M. [Z] en fonction des données de la cause, sans que la circonstance que la société Traqueur n'ait pas fixé ces objectifs ou que M. [Z] n'en ait pas réclamé la fixation permette à la société d'échapper à son obligation, la cour d'appel a violé l'article 1103 du code civil.

3°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que l'article 4.1.3 de la convention de mandat social stipule que " M. [G] [Z] percevra une prime annuelle sur atteinte d'objectifs d'un montant brut de 70 000 €. Les objectifs annuels seront, après discussion, décidés par le conseil de surveillance lors de l'élaboration du budget annuel du groupe " ; que cette prime était soumise à la seule condition que les objectifs annuels s'imposant à M. [Z] et décidés par le conseil de surveillance soient atteints, sans que M. [Z] n'ait à démontrer que son action ait eu des effets positifs sur les résultats d'exploitation et les marges de la société ; qu'en rejetant cependant la demande en paiement de la prime sur objectifs au motif que " M. [Z] ne rapporte pas la preuve que les résultats d'exploitation et les marges de la société se sont améliorés du fait de son action " (jugt, p. 9 § 6), la cour d'appel a dénaturé la convention de mandat social du 28 novembre 2016, violant ainsi le principe ci-dessus.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. [Z] de sa demande d'indemnisation pour révocation brutale et sans juste motifs ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article L. 225-61 du code de commerce dispose que " les membres du directoire ou le directeur général peuvent être révoqués par l'assemblée générale ainsi que, si les statuts le prévoient par le conseil de surveillance. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts " ; qu'il ressort des termes de la convention de mandat social du 28 novembre 2016 que M. [Z] pouvait être révoqué à tout moment et sans préavis de ses fonctions de président du directoire par décision de l'assemblée générale ordinaire des actionnaires de la société Traqueur ou par décision du conseil de surveillance ; que M. [Z] soutient que la révocation est intervenue de façon brutale sans que le principe du contradictoire ne soit respecté alors que la société Coyote par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 mai 2017 l'informait de sa volonté de mettre en place une nouvelle gouvernance, l'extrait du procès-verbal de la réunion du conseil de surveillance du 15 juin 2017 rappelant que M. [Z] en avait été informé préalablement ; que M. [Z] estime que les motifs ne lui ont pas été explicités, qu'il a donc été révoqué sans juste motif ; que cependant, la cour constate que si les motifs ne figurent pas dans l'extrait du procès-verbal de réunion du conseil de surveillance du 15 juin 2017 mais sont remplacés par des points de suspension, c'est dans le souci de conserver un caractère de confidentialité aux motifs s'agissant d'un extrait déposé au greffe ; que M. [Z] ne le conteste pas ; qu'au regard de ces éléments, M. [Z] ne rapporte la preuve ni du caractère vexatoire, ni brutal de la révocation dont il a été informé un mois auparavant dans le respect du contradictoire ni celle de l'absence de juste motif ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE par lettre recommandée AR du 18 mai 2017, Coyote informait M. [Z] de l'état d'avancement de la procédure de prise de contrôle de Traqueur, lui demandait d'inscrire à l'ordre du jour de l'assemblée générale des actionnaires du 15 juin 2017 un projet de résolutions comportant la nomination de 3 nouveaux membres au conseil de surveillance et la révocation de MM. [C] et [Y], précisant que " le nouvel actionnaire de contrôle souhaiterait mettre en place une nouvelle gouvernance chargée de la mise en œuvre de la stratégie qui sera déployée " ; que dans ce contexte, son éviction du directoire était prévisible et justifiée ; que le procès-verbal de la réunion du conseil de surveillance du 15 juin 2017 précise que M. [Z] a été informé de son éventuelle révocation préalablement à la tenue de la réunion et que le président a exposé les motifs conduisant le conseil à envisager cette décision ; que M. [Z] avait ainsi latitude pour argumenter et contester la mesure ;

1°) ALORS QUE si la révocation d'un membre du directoire est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-intérêts ; que s'il revient au dirigeant révoqué d'établir l'absence de juste motif, encore faut-il que la société expose au préalable les motifs justifiant selon elle la révocation, pour qu'il soit en mesure de démontrer qu'ils ne constituent pas de justes motifs, et qu'il soit invité à participer à la réunion du conseil de surveillance afin qu'il puisse présenter sa défense avant le vote ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que " si les motifs ne figurent pas dans l'extrait de procès-verbal de réunion du conseil de surveillance du 15 juin 2017 mais sont remplacés par des points de suspension, c'est dans le souci de conserver un caractère de confidentialité aux motifs s'agissant d'un extrait déposé au greffe " (arrêt, p. 13 § 4) ; qu'en statuant ainsi sur la base d'indications imprécises du procès-verbal de réunion du conseil de surveillance ne faisant état ni des motifs de révocation, ni de la possibilité laissée à M. [Z] de présenter sa défense, la cour d'appel, qui s'est abstenue de rechercher, comme elle y était pourtant invitée (concl., p. 38 § 1 à 10 ; p. 40 § 5 à 9), si M. [Z] avait eu connaissance des motifs de sa révocation et s'il avait pu présenter ses observations avant qu'il soit procédé au vote, a privé sa décision de base légale au regard de L. 225-61 du code de commerce, ensemble l'article 1240 du code civil ;

2°) ALORS QUE pour écarter le caractère abusif et dépourvu de juste motif de la révocation de M. [Z], la cour d'appel a affirmé que " si les motifs ne figurent pas dans l'extrait de procès-verbal de réunion du conseil de surveillance du 15 juin 2017 mais sont remplacés par des points de suspension, c'est dans le souci de conserver un caractère de confidentialité aux motifs s'agissant d'un extrait déposé au greffe " et que " M. [Z] ne le conteste pas " (arrêt, p. 13 § 4) ; que ce dernier avait pourtant fait valoir dans ses conclusions (p. 38 § 10) que " la circonstance que la société Traqueur soit autorisée à produire au registre du commerce et des sociétés un procès-verbal expurgé des mentions des causes de la révocation, ne l'exonérait nullement de la nécessité de justifier des motifs de la révocation de M. [Z] dans le cadre de la présente instance ", de sorte qu'il contestait expressément la conservation du caractère confidentiel des motifs de sa révocation ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de M. [Z] violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-intérêts ; que le simple changement de majorité ou la volonté de désigner une nouvelle gouvernance ne constitue pas un juste motif de révocation, à moins qu'elle soit justifiée par la nécessité de préserver l'intérêt social ; qu'en se bornant à affirmer, pour juger que M. [Z] ne rapportait pas la preuve de l'absence de juste motif, que la lettre du 18 mai 2017 l'informait de la volonté de la société Coyote de mettre en place une nouvelle gouvernance et que l'extrait du procès-verbal de la réunion du conseil de surveillance du 15 juin 2017 rappelait qu'il en avait été informé préalablement (arrêt, p. 13 § 3), sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 39 § 4 à 6), si cette décision de révocation était justifiée par la nécessaire préservation de l'intérêt social, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-61 du code de commerce, ensemble l'article 1240 du code civil. Moyen produit au pourvoi n° B 20-17.354 par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat aux Conseils, pour la société Traqueur.

La société Traqueur fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Traqueur à verser à M. [Z] la somme de 90.000 € au titre de l'indemnité de révocation ;

1) Alors que les conventions conclues entre la société et un membre du conseil de surveillance sont soumises à l'autorisation préalable du conseil de surveillance ; que la cour d'appel a constaté que le conseil de surveillance n'a pas donné son autorisation préalable ; qu'en considérant néanmoins que la procédure prévue à l'article L. 225-86 du code de commerce a été respectée (p. 9), la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé l'article L. 225-86 du code de commerce ;

2) Alors que les conventions conclues entre la société et un membre du conseil de surveillance sont soumises à l'autorisation préalable du conseil de surveillance ; que la cour d'appel a retenu que « la convention du 28 novembre 2016 dans laquelle figure la fixation de l'indemnité de révocation a donc été approuvée par le conseil de surveillance ce qui ressort des termes du procès-verbal de réunion du même jour » et que « le conseil de surveillance a donc été parfaitement informé et éclairé sur les modalités de rémunération mais aussi sur le versement de primes qui seraient versées à M. [Z] au cas de révocation de son mandat » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants qui ne sont pas de nature à écarter l'exigence légale d'une autorisation préalable du conseil de surveillance, la cour d'appel a violé l'article L. 225-86 du code de commerce ;

3) Alors que les conventions réglementées conclues sans autorisation préalable du conseil de surveillance peuvent être annulées si elles ont eu des conséquences dommageables pour la société ; que le versement d'une rémunération sans contrepartie constitue nécessairement une « conséquence dommageable » au sens de commerce, puisque ce versement implique un appauvrissement de la société, sans aucune forme de compensation ; que la cour d'appel a néanmoins affirmé que si le défaut d'autorisation préalable par le conseil de surveillance était retenu, il appartenait à la société Traqueur de rapporter la preuve de conséquences dommageables pour la société (p. 9) ; qu'en statuant, alors que les conséquences dommageables découlaient automatiquement de la nature des sommes litigieuses, la cour d'appel a violé l'article L. 225-90 du code de commerce ;

4) Alors, en tout état de cause, que les conventions réglementées conclues sans autorisation préalable du conseil de surveillance peuvent être annulées si elles ont eu des conséquences dommageables pour la société ; que le versement d'une rémunération sans contrepartie constitue nécessairement une « conséquence dommageable » au sens de commerce, puisque ce versement implique un appauvrissement de la société, sans aucune forme de compensation ; que la société Traqueur soutenait, dans ses conclusions d'appel, que l'annulation devait être accueillie étant donné que les primes de révocation et de cession ont été conclues sans autorisation préalable du conseil de surveillance et que leur versement serait de nature à avoir des conséquences financières dommageables pour la société ; que la cour d'appel a néanmoins retenu que la société Traqueur n'établissait pas les conséquences dommageables du versement des primes (p. 9) ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, en quoi le versement des sommes litigieuses trouvait, en l'espèce, une contrepartie pour la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-90 du code de commerce ;

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