22 mars 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-80.019

Chambre criminelle - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:CR00469

Titres et sommaires

DETENTION PROVISOIRE - Décision de mise en détention provisoire - Débat contradictoire - Réquisitions du procureur de la République - Réquisitions écrites et motivées - Défaut - Effet

Si, aux termes de l'article 82, alinéa 3, du code de procédure pénale, le procureur de la République qui requiert un placement en détention provisoire est tenu de prendre des réquisitions écrites et motivées par référence aux seules dispositions de l'article 144 du même code, cette formalité n'est pas prévue à peine de nullité, de sorte que sa méconnaissance ne saurait avoir d'incidence sur la régularité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention

Texte de la décision

N° H 22-80.019 FS-B

N° 00469


SL2
22 MARS 2022


REJET


M. SOULARD président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 22 MARS 2022



M. [E] [H] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 5e section, en date du 13 décembre 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'escroquerie et blanchiment, en bande organisée, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.

Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [E] [H], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Dary, conseiller rapporteur, MM. Bonnal, Maziau, Mme Labrousse, M. Seys, Mme Thomas, conseillers de la chambre, MM. Violeau, Michon, conseillers référendaires, M. Croizier, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 12 octobre 2021, le procureur de la République a ouvert une information judiciaire contre personne non dénommée des chefs d'escroquerie, recel d'escroquerie et blanchiment d'escroquerie, en bande organisée.

3. Le 22 novembre 2021, plusieurs personnes ont été interpellées dont M. [E] [H] qui, le 25 novembre suivant, a été mis en examen des chefs d'escroquerie et blanchiment, en bande organisée, et placé en détention provisoire par ordonnance du juge des libertés et de la détention dont il a relevé appel.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il confirmé l'ordonnance de placement en détention provisoire du 25 novembre 2021, alors :

« 1°/ que le juge d'instruction ne peut saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de placement en détention provisoire qu'après avoir recueilli les réquisitions écrites et motivées du ministère public ; qu'ayant constaté, en l'espèce, que de telles réquisitions n'avaient pas été recueillies par le magistrat instructeur avant qu'il ne prenne la décision de saisir le juge des libertés et de la détention aux fins du placement en détention de M. [H], la chambre de l'instruction, en refusant néanmoins d'annuler l'ordonnance de placement prise par un juge des libertés et de la détention irrégulièrement saisi et donc incompétent pour en décider, au motif inopérant que cette absence de réquisitions écrites n'aurait causé aucun grief, a méconnu les articles 32, 82, 137-1, 145 et 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ que le juge des libertés et de la détention est saisi par ordonnance motivée du juge d'instruction qui doit lui transmettre le dossier de la procédure accompagné des réquisitions écrites et motivées du procureur de la République ; que l'absence de ces réquisitions écrites et motivées empêche le mis en examen de préparer utilement sa défense préalablement au débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention, et lui cause nécessairement grief ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction a retenu qu'il était « constant que M. [H] a été placé en détention provisoire le 25 novembre 2021 sans que le procureur de la République de Paris ait pris de réquisitions écrites et alors que le juge d'instruction était tenu de saisir le juge des libertés et de la détention en lui transmettant le dossier de la procédure accompagné des réquisitions du procureur de la République » mais que la violation de ces formalités substantielles prescrites par la loi n'avait pas fait grief à M. [H] ; qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 82, 137-1, 145, 802 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ qu'en tout état de cause, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision, l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivalant à leur absence ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction a retenu que l'absence des réquisitions écrites et motivées du procureur de la République au dossier transmis à la défense préalablement à la tenue du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention n'avait pas fait grief à M. [H] aux motifs que « d'une part […] le défaut de réquisitions du procureur de la République n'a pas eu pour effet de raccourcir le délai de présentation de M. [H] au juge des libertés et de la détention et d'autre part […] ce dernier n'a pas entendu user de sa faculté de demander un délai pour préparer sa défense et reporter le débat contradictoire, comme la loi l'y autorisait » ; qu'en statuant ainsi, lorsque, d'une part, M. [H] a été présenté au juge des libertés et de la détention le jour même de sa saisine, laquelle aurait dû être postérieure à la prise des réquisitions du procureur de la République, intervenue le lendemain, et lorsque, d'autre part, en l'absence des réquisitions du procureur de la République au dossier, la défense n'a pu apprécier l'opportunité de demander un délai au regard d'un dossier complet, la chambre de l'instruction a statué par des motifs impropres à écarter l'existence d'un grief, et a privé sa décision de base légale au regard des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 82, 137-1, 145, 802 et 593 du code de procédure pénale ;

4°/ que la chambre de l'instruction a encore retenu que l'absence des réquisitions écrites et motivées du procureur de la République au dossier transmis à la défense préalablement à la tenue du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention n'avait pas fait grief à M. [H] aux motifs que « par ailleurs, le juge des libertés et de la détention de Paris a été saisi par une ordonnance motivée et circonstanciée du juge d'instruction qui sollicitait le placement en détention provisoire de M. [H]. Le débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention a eu lieu et les réquisitions du ministère public ont été entendues à cette occasion de sorte que le mis en examen a été informé des motifs justifiant la demande de placement en détention provisoire et a pu, assisté de son avocat, les débattre contradictoirement » ; qu'en statuant ainsi, lorsque, d'une part, des réquisitions orales faites au cours du débat contradictoire ne sauraient pallier l'absence de réquisitions écrites et motivées au dossier dont l'examen doit permettre d'apprécier l'opportunité de solliciter un délai pour préparer sa défense antérieurement à la tenue du débat contradictoire, et lorsque, d'autre part, l'ordonnance motivée du juge d'instruction ne saurait valablement remplacer les réquisitions du procureur de la République au regard des droits de la défense en l'absence de toute garantie d'identité entre elles et de toute précision quant à la teneur des réquisitions orales prises lors du débat contradictoire, la chambre de l'instruction a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale, en violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 82, 137-1, 145, 802 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article 82, alinéa 3, du code de procédure pénale, le procureur de la République, qui requiert le placement en détention, est tenu de prendre des réquisitions écrites et motivées par référence aux seules dispositions de l'article 144 du même code.

6. Cette formalité n'est pas prévue à peine de nullité, de sorte que sa méconnaissance ne saurait avoir d'incidence sur la régularité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention.

7. En effet, d'une part, ce juge est saisi par une ordonnance motivée du magistrat instructeur tendant au placement en détention provisoire de la personne mise en examen, d'autre part, il statue à l'issue d'un débat contradictoire au cours duquel le procureur de la République est entendu en ses réquisitions orales auxquelles font suite les observations de la personne mise en examen et, le cas échéant, celles de son avocat.

8. Ainsi, le moyen doit être écarté.

9. Par ailleurs l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux mars deux mille vingt-deux.

Le Rapporteur Le Président
Le Greffier de chambre

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