24 mars 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-22.216

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C200323

Titres et sommaires

JUGEMENTS ET ARRETS - Rectification - Décision rectificative - Composition de la juridiction - Jugement rendu par une formation collégiale - Portée

Les erreurs et omissions matérielles affectant un jugement rendu par une formation collégiale ne peuvent être rectifiées que par une juridiction statuant en formation collégiale

JUGEMENTS ET ARRETS - Rectification - Conditions - Jugement rendu par une formation collégiale - Portée

Texte de la décision

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 24 mars 2022




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 323 F-B

Pourvoi n° M 20-22.216




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 MARS 2022

La société les Mutuelles du Mans assurances IARD, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° M 20-22.216 contre l'ordonnance rendue le 3 août 2020 par le tribunal de commerce de Dijon, dans le litige l'opposant :

1°/ à la société LLA gestion et participations, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée La Passion des terroires,

2°/ à la société Etablissements Obrecht, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 12],

3°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7], ayant un établissement secondaire au [Adresse 5],

4°/ à la société Saint-Cricq embouteillages, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 10], ayant un établissement secondaire au [Adresse 6],
5°/ à M. [T] [F], domicilié [Adresse 9], pris en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Groupe embouteillage mobile,

6°/ à la société CB millesime filtration, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8], ayant un établissement secondaire au [Adresse 4],

7°/ à la société Gerfran, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

8°/ à la société Groupe embouteillage mobile, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 11],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Les Mutuelles du Mans assurances IARD, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société Saint-Cricq embouteillages, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Établissements Obrecht, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue en dernier ressort, (tribunal de commerce de Dijon, 3 août 2020), un tribunal de commerce a, par jugement du 21 novembre 2019, retenu que certains lots de bouchons en liège fournis par la société Établissements Obrecht à la société LLA gestion et participations étaient affectés d'un vice caché et a condamné cette société à réparer les préjudices en découlant.

2. Saisi par la société Établissements Obrecht d'une requête en rectification d'erreur matérielle, le tribunal de commerce a rectifié, au visa de l'article 462 du code de procédure civile, le jugement rendu le 21 novembre 2019 en jugeant qu'il serait mentionné, dans le dispositif du jugement, la condamnation de la société MMA IARD à garantir la société Etablissements Obrecht des condamnations prononcées à son encontre.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La société MMA IARD fait grief à l'ordonnance de faire droit à la requête en rectification d'erreur matérielle de la société Etablissements Obrecht et de dire qu'il serait mentionné en marge de la minute du jugement du 21 novembre 2019, « condamne la société MMA à garantir la société Obrecht de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre », alors « que les erreurs matérielles et les omissions de statuer affectant un jugement ne peuvent être corrigées que par la juridiction qui l'a prononcé ou par une juridiction statuant sur un recours contre celui-ci ; qu'en l'espèce, le jugement du 21 novembre 2019 a été rendu par le tribunal de commerce, régulièrement composé de trois magistrats statuant collégialement ; qu'ayant été instruite et prononcée par un juge unique, M. [V], sans que mention soit faite de noms des autres juges composant la formation collégiale du tribunal de commerce de Dijon, pourtant seul compétent pour examiner la requête en rectification de la société Obrecht à l'exclusion de toute autre formation et juridiction du tribunal, l'ordonnance du 3 août 2020 a violé les articles 462 et 463 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 462 du code de procédure civile :

4. Selon ce texte, si les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées, elles ne peuvent l'être que par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.

5. Un juge d'un tribunal de commerce a fait droit à la requête en rectification d'erreur matérielle affectant le jugement rendu par une formation collégiale de ce même tribunal.

6. En statuant ainsi, alors que les erreurs et omissions matérielles d'un jugement rendu par une formation collégiale ne peuvent être rectifiées que par une juridiction statuant en formation collégiale, le tribunal a violé le texte susvisé.

Mise hors de cause

7. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la société Saint-Cricq embouteillages et la société AXA France IARD, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 3 août 2020, entre les parties, par le tribunal de commerce de Dijon ;

Met hors de cause la société Saint-Cricq embouteillages et la société AXA France IARD ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant le tribunal de commerce de Dijon autrement composé ;

Condamne la société Etablissements Obrecht aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille vingt-deux.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour la société les Mutuelles du Mans assurances IARD

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La SA MMA Iard FAIT GRIEF à l'ordonnance attaquée,

D'AVOIR fait droit à la requête en rectification matérielle de la société Obrecht et dit qu'il serait mentionné en marge de la minute du jugement du 21 novembre 2019, « condamne la société MMA à garantir la société Obrecht de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre » ;

ALORS QUE les erreurs matérielles et les omissions de statuer affectant un jugement ne peuvent être corrigées que par la juridiction qui l'a prononcé ou par une juridiction statuant sur un recours contre celui-ci ; qu'en l'espèce, le jugement du 21 novembre 2019 a été rendu par le tribunal de commerce, régulièrement composé de trois magistrats statuant collégialement ; qu'ayant été instruite et prononcée par un juge unique, M. [V], sans que mention soit faite de noms des autres juges composant la formation collégiale du tribunal de commerce de Dijon, pourtant seul compétent pour examiner la requête en rectification de la société Obrecht à l'exclusion de toute autre formation et juridiction du tribunal, l'ordonnance du 3 août 2020 a violé les articles 462 et 463 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBISIDIAIRE)

La SA MMA Iard FAIT GRIEF à l'ordonnance attaquée,

D'AVOIR fait droit à la requête en rectification matérielle de la société Obrecht et dit, au visa de l'article 462 du code de procédure civile, qu'il serait mentionné en marge de la minute du jugement du 21 novembre 2019 « condamne la société MMA à garantir la société Obrecht de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre » ;

1°) ALORS QUE l'omission dans le dispositif d'un jugement d'une demande sur laquelle il s'est expliqué dans ses motifs constitue une omission de statuer, qui ne peut être réparée que dans le respect des dispositions de l'article 463 du code de procédure civile, lesquelles imposent notamment que le juge « statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées » ; qu'en l'espèce, le tribunal de commerce a rectifié une prétendue erreur matérielle affectant le jugement du 21 novembre 2019, après avoir constaté que ce jugement indiquait dans ses motifs que la société MMA serait condamnée à garantir la société Obrecht sans prévoir de condamnation à ce titre dans son dispositif ; qu'en corrigeant ainsi une omission de statuer sur le fondement de l'article 462 du code de procédure civile, sans audience et sans avoir entendu ou au moins appelées les parties, le tribunal a violé l'article 463 du code de procédure civile, ensemble, par fausse application, l'article 462 dudit code ;

2°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE lorsqu'il statue sans audience sur une requête en rectification d'une erreur ou d'omission matérielle, le juge doit s'assurer que la requête a bien été préalablement portée à la connaissance des autres parties ; qu'en l'espèce, le tribunal de commerce a rectifié une prétendue erreur matérielle affectant le jugement du 21 novembre 2019, sans débat contradictoire entre les parties et sans même vérifier que la requête avait bien été portée à la connaissance de la société MMA ; qu'en statuant ainsi, le tribunal a violé les articles 14, 16 et 462 du Code de procédure civile, ensemble l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

3°) ALORS TOUJOURS SUBSIDIAIREMENT QUE le juge qui statue sur le fondement de l'article 462 du code de procédure civile ne peut pas modifier les droits et obligations des parties tels qu'ils résultent du jugement visé par la requête ; qu'en l'espèce, le jugement rectifié reconnaissait, dans ses motifs, le principe de la garantie de l'exposante, mais constatait l'existence d'exclusions de garantie et ne prononçait aucune condamnation générale de celle-ci à garantir la totalité des condamnations prononcées contre son assurée ; qu'en ajoutant au dispositif du jugement du 21 novembre 2019 la mention « condamne la société MMA à garantir la société Obrecht de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre », le tribunal n'a ainsi pas corrigé une erreur simple matérielle, mais a modifié les droits et obligations des parties au jugement du 21 novembre 2019, et a excédé ses pouvoirs en violation de l'article 462 du code de procédure civile, ensemble l'article 1355 du code civil.

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