23 mars 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-21.269

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00370

Titres et sommaires

REPRESENTATION DES SALARIES - Délégué syndical - Désignation - Conditions - Effectif de l'entreprise - Entreprise employant moins de cinquante salariés - Désignation d'un membre du comité social et économique - Membre suppléant - Membre disposant d'un crédit d'heures - Possibilité - Limites - Détermination - Portée

Seul un membre suppléant du comité social et économique disposant d'un crédit d'heures de délégation en application, soit des dispositions de l'article L. 2315-9 du code du travail, soit des clauses du protocole préélectoral tel que prévu à l'article L. 2314-7 du même code, soit du fait qu'il remplace momentanément un membre titulaire en application des dispositions de l'article L. 2314-37 de ce code, soit enfin en application d'un accord collectif dérogatoire au sens de l'article L. 2315-2, peut être désigné, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, en qualité de délégué syndical

SYNDICAT PROFESSIONNEL - Délégué syndical - Désignation - Conditions - Effectif de l'entreprise - Entreprise employant moins de cinquante salariés - Désignation d'un membre du comité social et économique - Membre suppléant - Possibilité - Limites - Portée

Texte de la décision

SOC. / ELECT

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 mars 2022




Rejet


M. CATHALA, président



Arrêt n° 370 FS-B

Pourvoi n° H 20-21.269





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 MARS 2022

1°/ Le Syndicat national des transports urbains de la CFDT, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ M. [T] [S], domicilié [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° H 20-21.269 contre le jugement rendu le 8 octobre 2020 par le tribunal judiciaire d'Auxerre (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant à la société Transdev Auxerrois, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Huglo, conseiller doyen, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat du Syndicat national des transports urbains de la CFDT et de M. [S], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Transdev Auxerrois, et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 2 février 2022 où étaient présents M. Cathala, président, M. Huglo, conseiller doyen rapporteur, M. Rinuy, Mmes Ott, Agostini, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Le Masne de Chermont, Mme Ollivier, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire d'Auxerre , 8 octobre 2020), le Syndicat national des transports urbains de la CFDT (le syndicat) a désigné M. [S], élu membre suppléant de la délégation du personnel au comité social et économique, en qualité de délégué syndical de la société Transdev Auxerrois, par lettre du 27 juillet 2020. La société Transdev Auxerrois (la société) emploie moins de cinquante salariés.

2. La société a contesté cette désignation par requête du 28 août 2020.

Examen des moyens

Sur le premier moyen ci-après annexé


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. Le syndicat et M. [S] font grief au jugement de prononcer la nullité de la désignation du salarié en qualité de délégué syndical, alors « que dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique comme délégué syndical ; qu'en l'absence de disposition contraire, le membre de la délégation du personnel au comité social et économique désigné comme délégué syndical est indifféremment un membre titulaire ou un membre suppléant dudit comité ; qu'en décidant au contraire que M. [S] ne pouvait être désigné en qualité de délégué syndical dans la mesure où il a été élu en qualité de membre suppléant du comité social et économique et qu'il ne dispose ainsi pas du crédit d'heure nécessaire pour exercer un mandat de délégué syndical, le tribunal a violé l'article L. 2143-6 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article L. 2143-6 du code du travail, dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique comme délégué syndical. Sauf disposition conventionnelle, ce mandat n'ouvre pas droit à un crédit d'heures. Le temps dont dispose le membre de la délégation du personnel au comité social et économique pour l'exercice de son mandat peut être utilisé dans les mêmes conditions pour l'exercice de ses fonctions de délégué syndical.

6. La Cour de cassation, selon une jurisprudence constante (Soc., 24 septembre 2008, pourvoi n° 06-42.269, Bull. 2008, V, n° 184), a déduit de la disposition similaire antérieure de l'article L. 412-11 du code du travail que, sous réserve de conventions ou d'accords d'entreprise comportant des clauses plus favorables, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, seul un délégué du personnel titulaire disposant d'un crédit d'heures à ce titre peut être désigné comme délégué syndical.

7. Elle a jugé toutefois qu'un délégué du personnel suppléant assurant momentanément le remplacement du délégué du personnel titulaire en application de l'article L. 2314-30 dans sa rédaction alors applicable pouvait être désigné délégué syndical dès lors qu'il pouvait à ce titre bénéficier d'heures de délégation (Soc., 20 juin 2012, pourvoi n° 11-61.176, Bull. 2012, V, n° 193).

8. L'article L. 2315-9, issu de l'ordonnance n° 1386-2017 du 22 septembre 2017, prévoit que les membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique peuvent, chaque mois, répartir entre eux et avec les membres suppléants le crédit d'heures de délégation dont ils disposent.

9. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 2314-7 du code du travail, le protocole préélectoral peut modifier le nombre de sièges ou le volume des heures individuelles de délégation dès lors que le volume global de ces heures, au sein de chaque collège, est au moins égal à celui résultant des dispositions légales au regard de l'effectif de l'entreprise.

10. Enfin, l'article L. 2315-2 du code du travail, dans le chapitre V « Fonctionnement » du comité social et économique dans lequel figure l'article L. 2315-9 sur la répartition des heures de délégation entre titulaires et suppléants, dispose que les dispositions du présent chapitre ne font pas obstacle aux dispositions plus favorables relatives au fonctionnement ou aux pouvoirs du comité social et économique résultant d'accords collectifs de travail ou d'usages.

11. Il en résulte que seul un membre suppléant du comité social et économique disposant d'un crédit d'heures de délégation en application, soit des dispositions de l'article L. 2315-9 du code du travail, soit des clauses du protocole préélectoral tel que prévu à l'article L. 2314-7 du même code, soit du fait qu'il remplace momentanément un membre titulaire en application des dispositions de l'article L. 2314-37 de ce code, soit enfin en application d'un accord collectif dérogatoire au sens de l'article L. 2315-2, peut être désigné, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, en qualité de délégué syndical.

12. C'est dès lors à bon droit que le tribunal a statué comme il a fait.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour le Syndicat national des transports urbains de la CFDT et M. [S]


PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR déclaré recevable la contestation de la société Transdev Auxerrois à l'encontre de la désignation de M. [T] [S] en qualité de délégué syndical ;

AUX MOTIFS QUE, sur la forclusion de l'action en contestation : en vertu de l'article L. 2143-8 du Code du travail, l'employeur dispose d'un délai de 15 jours, suivant l'accomplissement des formalités de publicité, pour introduire un recours une désignation d'un délégué syndical ; qu'il ressort de la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation précitée que les formalités de l'article D. 2143-4 du Code du travail ne sont prévues que pour faciliter la preuve de la désignation et non pour sa validité ; qu'il suffit, dès lors, que la preuve soit rapportée que l'employeur en a eu connaissance de façon certaine ; qu'ainsi, le point de départ du délai de contestation de la désignation du délégué syndical commence à courir, à l'égard de l'employeur, à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance de façon certaine ; qu'en l'espèce, le courrier de désignation avec accusé de réception daté du 27 juillet 2020 a été reçu le 31 juillet 2020 et le recours contre cette désignation a été introduit le 1er septembre 2020 ; que néanmoins, l'attestation de l'employeur et le tableau justificatif des congés permettent d'établir que Mme [X] [W] était absente de l'entreprise entre le 29 août [lire, « juillet »] et le 18 août 2020 ; qu'en considération de ces éléments, il n'est pas établi que l'employeur a eu une connaissance certaine de la désignation au moment de la signature de l'accusé de réception ; que, par ailleurs, la jurisprudence de la Chambre sociale en date du 18 janvier 2017, énonce que la désignation adressée à une personne différente de l'employeur, en l'espèce le chef de l'établissement où est constitué la section syndicale, ne fait pas courir le point de départ du délai de contestation sauf en cas d'une délégation de pouvoir de la part de l'employeur ; qu'en l'espèce, l'accusé de réception du courrier contenant la désignation a été signé le 31 juillet 2020 par Mme [V] [B], assistante de ressources humaines au sein de la société ; que, cependant, il ressort de l'attestation de Mme [X] [W], l'employeur au moment des faits, que Mme [V] [B] ne disposait d'aucune délégation de pouvoir ; que par ailleurs, aucune mention dans le contrat de travail ne permet d'établir que Mme [V] [B] était autorisée à ouvrir le courrier personnel de Mme [X] [W] ; que dès lors, le défendeur ne rapportant pas la preuve contraire que Mme [V] [B] disposait d'une telle délégation, il apparaît que l'employeur a eu une connaissance certaine de la désignation à son retour de congé soit le 18 août 2020 ; que par conséquent, il convient de dire que le recours en contestation introduit le 1er septembre 2020 n'est pas forclos ;

ALORS QUE la réception par l'employeur du courrier recommandé adressé par le syndicat portant désignation d'un salarié de l'entreprise comme délégué syndical établit la connaissance qu'il a de celle-ci, peu important que le préposé en accusant réception dispose d'une délégation de pouvoir et puisse être assimilé à la personne de l'employeur ; qu'en décidant au contraire que, la salariée ayant accusé réception, le 31 juillet 2020, du courrier recommandé de désignation, ne disposant d'aucune délégation de pouvoir permettant de l'assimiler à l'employeur, l'employeur n'avait eu connaissance de la désignation de M. [S] en qualité de délégué syndical qu'au retour de congés de son représentant, le 18 août 2020, le tribunal a violé les articles L. 2143-7, L. 2143-8 et D. 2143-4 du code du travail en leur rédaction applicable au litige.


SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR dit nulle et non avenue la désignation de M. [T] [S] en qualité de délégué syndical par le Syndicat National des Transports Urbains CFDT ;

AUX MOTIFS QUE, sur la nullité de la désignation de M. [T] [S] compte tenu de l'absence de qualité d'élu titulaire : l'article L. 2143-6 du code du travail modifié par l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, dispose que dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique comme délégué syndical ; que sauf disposition conventionnelle, ce mandat n'ouvre pas droit à un crédit d'heures ; que le temps dont dispose le membre de la délégation du personnel au comité social et économique pour l'exercice de son mandat peut être utilisé dans les mêmes conditions pour l'exercice de ses fonctions de délégué syndical ; que de façon constante depuis 1983, la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation interprète ces dispositions comme réservant seulement à un élu titulaire, à l'exclusion d'un élu suppléant, la possibilité d'être désigné en qualité de délégué syndical dans les entreprises de moins de 50 salariés ; que l'évolution de l'article L. 2143-6 du Code du travail modifié par l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 s'est faite à droit constant, de sorte que l'interprétation jurisprudentielle de la chambre sociale n'a pas vocation à changer ; qu'en l'espèce, la société Transdev est une société de 43 salariés au sein de laquelle M. [T] [S] a été élu en qualité d'élu suppléant au sein du comité social et économique ; qu'au regard de ces éléments, il apparaît que M. [T] [S] ne dispose pas du crédit d'heure nécessaire pour exercer un mandat de délégué syndical ; qu'il résulte des dispositions des articles L. 2315-9 et R. 2315-3 du code du travail qu'une répartition des crédits d'heures peut s'opérer entre les élus titulaires et les élus suppléants soit en raison d'une information préalable à l'employeur, prévue à l'article R. 2315-6, ou soit en présence d'une mention de cette répartition dans l'accord préélectoral ; qu'à défaut de stipulation dans l'accord préélectoral, la répartition des heures entre les élus titulaires et suppléants au Comité social et économique est prévue par les dispositions de l'article R. 2314-1 qui ne fait état d'aucune mention de crédit d'heures pour les élus suppléants ; qu'en l'espèce, l'examen du protocole d'accord préélectoral pour la mise en place du CSE ne fait état d'aucune mention de répartition de crédits d'heures entre les élus titulaires et suppléants ; que par ailleurs, il n'est pas non plus établi que l'employeur ait été informé de la volonté de répartition des crédits d'heures entre les élus titulaires et suppléants ; qu'au regard de ces éléments, il apparaît que M. [T] [S] ne disposait pas du crédit d'heures nécessaire pour l'exercice d'un mandat de délégué syndical ; que dès lors, il convient de dire que la désignation de M. [T] [S] en qualité de délégué syndical est nulle et non avenue ;

ALORS QUE, dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique comme délégué syndical ; qu'en l'absence de disposition contraire, le membre de la délégation du personnel au comité social et économique désigné comme délégué syndical est indifféremment un membre titulaire ou un membre suppléant dudit comité ; qu'en décidant au contraire que M. [S] ne pouvait être désigné en qualité de délégué syndical dans la mesure où il a été élu en qualité de membre suppléant du comité social et économique et qu'il ne dispose ainsi pas du crédit d'heure nécessaire pour exercer un mandat de délégué syndical, le tribunal a violé l'article L. 2143-6 du code du travail.

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