23 mars 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-12.952

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C100269

Titres et sommaires

FILIATION - Actions relatives à la filiation - Action en contestation de la filiation - Contestation d'une reconnaissance de paternité - Conditions - Détermination - Portée

L'article 311-17 du code civil édictant une règle spéciale de conflit de lois prévalant sur la règle générale prévue par l'article 311-14 du même code, il n'y a pas lieu de se référer aux conditions fixées par l'article 311-15 du code civil pour voir se produire les effets que la loi française attache à l'existence ou à l'absence de possession d'état, ce texte n'ayant vocation à jouer que si, en vertu de l'article 311-14, la filiation est régie par une loi étrangère

CONFLIT DE LOIS - Statut personnel - Filiation - Reconnaissance - Contestation - Recevabilité de l'action - Conditions - Loi française applicable - Effet de la possession d'état - Application

CONFLIT DE LOIS - Statut personnel - Filiation - Etablissement - Loi applicable - Loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Action en contestation de reconnaissance de paternité

FILIATION - Dispositions générales - Conflit de lois - Loi applicable - Loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Action en contestation de reconnaissance de paternité

CONFLIT DE LOIS - Statut personnel - Filiation - Reconnaissance - Contestation - Recevabilité de l'action - Loi française applicable en application de l'article 311-17 du code civil - Résidence habituelle en France - Indifférence

Texte de la décision

CIV. 1

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 mars 2022




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 269 F-B

Pourvoi n° N 21-12.952




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 MARS 2022

Mme [S] [Y], agissant en qualité de représentante légale d'[H] [G] [Y], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 21-12.952 contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [Z] [L], domicilié chez Mme [F] [U], [Adresse 4] (États-Unis),

2°/ à Mme [R] [D], domiciliée [Adresse 3], en qualité d'administratrice ad'hoc du mineur [H] [G] [Y],

3°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [Y], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [L], et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er février 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 novembre 2020), le 5 novembre 2004, à Los Angeles, Mme [Y], de nationalité suédoise, a donné naissance à l'enfant [H].

2. Le 16 décembre 2006, à [Localité 5], elle a épousé M. [L], de nationalité française, qui, par acte du 23 décembre 2010 reçu par l'officier de l'état civil monégasque, a déclaré reconnaître [H].

3. Le divorce des époux a été prononcé le 6 février 2016 par la cour supérieure de l'Etat de Californie pour le comté de Los Angeles.

4. Le 19 mai 2017, Mme [Y] a assigné M. [L] en contestation de la reconnaissance de paternité.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches, ci après annexé


5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

6. Mme [Y] fait grief à l'arrêt de juger son action en contestation de paternité irrecevable comme prescrite, alors :

« 1°/ qu'il résulte de l'article 311-15 du code civil que la possession d'état produit toutes les conséquences qui découlent selon la loi française à l'égard des seuls enfants résidant en France ou dont l'un des parents réside en France ; qu'en analysant la recevabilité de l'action en contestation de la reconnaissance de paternité au regard de l'article 333 du code civil et en retenant, pour la dire irrecevable, qu'il existait une possession d'état de plus de cinq années conforme au titre, nonobstant le fait que ni l'enfant, ni aucun de ses parents n'avait sa résidence habituelle en France, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles 311-15 et 333 du code civil et, par refus d'application, l'article 321 du code civil ;

2°/ que l'article 311-15 du code civil s'applique à la détermination de la loi applicable tant à l'action en établissement de paternité régie par l'article 311-14 qu'à l'action en contestation d'une déclaration de paternité régie par l'article 311-17 du code civil ; qu'en décidant, pour déclarer l'action en contestation de la reconnaissance de paternité, que l'article 311-15 du code civil, venant après l'énoncé de la règle générale de l'article 311-14, écartait seulement, au profit de la loi française, les dispositions de la loi étrangère applicable en vertu de l'article 311-14 et que l'article 311-17 énonçait une règle spéciale de conflit de lois qui désigne les règles de fond applicable à la reconnaissance de paternité et à sa contestation, la cour d'appel a violé les articles 311-14, 311-15 et 311-17 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. Après avoir rappelé qu'il résultait de l'article 311-17 du code civil que l'action en contestation d'une reconnaissance de paternité devait être possible tant au regard de la loi de l'auteur de celle-ci que de la loi de l'enfant, la cour d'appel en a déduit que, M. [L] étant de nationalité française, la recevabilité de l'action devait être examinée au regard de la loi française.

8. Elle a énoncé à bon droit que l'article 311-17 édictait une règle spéciale de conflit de lois prévalant sur la règle générale prévue par l'article 311-14 et qu'il n'y avait pas lieu de se référer aux conditions fixées par l'article 311-15 pour voir se produire les effets que la loi française attachait à l'existence ou à l'absence de possession d'état, ce texte n'ayant vocation à jouer que si, en vertu de l'article 311-14, la filiation était régie par une loi étrangère.

9. Ayant constaté que l'enfant avait bénéficié à l'égard de son père d'une possession d'état de plus de cinq ans depuis la reconnaissance, la cour d'appel en a exactement déduit que, par application de l'article 333 du code civil, l'action en contestation de paternité engagée par Mme [Y], en sa qualité de représentante légale de l'enfant, était irrecevable, nonobstant le fait que ni l'enfant ni aucun de ses parents n'avait sa résidence habituelle en France.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [Y] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [Y] et la condamne à payer à M. [L] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille vingt-deux.


Le conseiller rapporteur le president






Le greffier de chambre

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour Mme [Y]

La demanderesse fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de juger son action en contestation de paternité irrecevable comme prescrite alors :

1°) qu'il résulte de l'article 311-15 du code civil que la possession d'état produit toutes les conséquences qui découlent selon la loi française à l'égard des seuls enfants résidant en France ou dont l'un des parents réside en France ; qu'en analysant la recevabilité de l'action en contestation de la reconnaissance de paternité au regard de l'article 333 du code civil et en retenant, pour la dire irrecevable, qu'il existait une possession d'état de plus de cinq années conforme au titre, nonobstant le fait que ni l'enfant, ni aucun de ses parents n'avait sa résidence habituelle en France, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles 311-15 et 333 du code civil et, par refus d'application, l'article 321 du code civil ;

2°) que l'article 311-15 du code civil s'applique à la détermination de la loi applicable tant à l'action en établissement de paternité régie par l'article 311-14 qu'à l'action en contestation d'une déclaration de paternité régie par l'article 311-17 du code civil ; qu'en décidant, pour déclarer l'action en contestation de la reconnaissance de paternité, que l'article 311-15 du code civil, venant après l'énoncé de la règle générale de l'article 311-14, écartait seulement, au profit de la loi française, les dispositions de la loi étrangère applicable en vertu de l'article 311-14 et que l'article 311-17 énonçait une règle spéciale de conflit de lois qui désigne les règles de fond applicable à la reconnaissance de paternité et à sa contestation, la cour d'appel a violé les articles 311-14, 311-15 et 311-17 du code civil ;

3°) que la possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre un individu et la famille à laquelle il est dit appartenir ; qu'en retenant, pour dire qu'il existait une possession d'état continue, paisible, publique et non équivoque de M. [L] à l'égard d'[H] ayant duré plus de cinq années au moins depuis la reconnaissance, qu'il résultait des éléments de la procédure de divorce engagée devant le juge américain qu'[H] avait été désigné comme l'enfant du couple et que M. [L] avait formé des demandes de droit de visite à son profit de sorte qu'il envisageait de continuer à se maintenir dans la vie de l'enfant, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs insuffisants à établir une possession d'état continue, paisible, publique et non équivoque ayant duré plus de cinq années depuis la reconnaissance, a privé sa décision de base légale au regard des articles 311-1, 311-2 et 333 du code civil ;

4) que l'impossibilité de contester un lien de filiation constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale garanti à l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui doit être proportionnée au but poursuivi et spécialement conforme à l'intérêt de l'enfant ; qu'en déclarant irrecevable l'action en contestation de la reconnaissance de paternité sans rechercher si, concrètement, la mise en oeuvre du court délai de forclusion prévu par l'article 333 du code civil destiné à protéger les droits et libertés des tiers et la sécurité juridique sur le territoire français à l'action exercée par un jeune enfant de nationalité étrangère, né d'une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, qui ne résidait pas en France, permise par sa loi personnelle et destinée à contester une reconnaissance de paternité effectuée à l'étranger, non conforme à la réalité biologique, ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit de l'enfant à son identité personnelle et, en particulier, si un juste équilibre était ménagé entre les intérêts publics et privés concurrents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et 333 du code civil ;

5°) que le seul fait que la loi suédoise ne soumet pas l'exercice de l'action en contestation de paternité à un délai de prescription, à la différence du droit français, ne suffit pas à caractériser une contrariété à l'ordre public international français ; qu'en retenant, pour écarter l'application de la loi suédoise, que les dispositions du droit suédois, qui prévoient que le droit de contester la paternité n'est soumis à aucune limitation de temps, auraient pour effet d'empêcher de stabiliser une filiation établie, quelle que soit la durée du lien de sorte qu'elles doivent être écartées comme contraires à la conception française de l'ordre public international, la cour d'appel, qui n'a pas apprécié concrètement si l'application de la loi suédoise à l'action en contestation de paternité exercée sept années après la reconnaissance conduisait à consacrer une solution contraire à l'ordre public international, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du code civil.

Le greffier de chambre

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