16 mars 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-16.257

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:CO00197

Titres et sommaires

UNION EUROPEENNE - Principes de primauté et d'effectivité du droit de l'Union européenne - Applications diverses - Directive n° 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 - Pratiques discriminatoires - Interdiction

Le principe de primauté du droit de l'Union oblige le juge national, chargé d'appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit communautaire, à assurer le plein effet de ces normes en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure (CJCE, arrêt du 9 mars 1978, Administration des finances de l'Etat/société anonyme Simmenthal, 106/77). L'article 32 , § 1, de la directive n° 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité, interprété conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) fait interdiction aux États membres d'organiser l'accès au réseau de distribution d'une manière discriminatoire, en ce comprises d'éventuelles discriminations sur le plan du coût à supporter pour l'utilisation du réseau de distribution (CJUE, arrêt du 29 septembre 2016, Essent, C-492/14, point 78). Cette interdiction s'oppose à une pratique qui, en permettant la rémunération de certains fournisseurs assurant des services au gestionnaire du réseau de distribution et en la refusant à d'autres rendant ces mêmes services, sans justification objective, crée une discrimination au regard du coût à supporter pour l'utilisation de ce réseau. Aux termes de l'article 37, § 10, de cette même directive, les autorités de régulation sont habilitées à demander que les gestionnaires de réseau de transport et de distribution modifient au besoin les conditions, y compris les tarifs ou les méthodes visés au présent article, pour faire en sorte que ceux-ci soient proportionnés et appliqués de manière non discriminatoire. En conséquence, doit être laissé inappliqué par le juge national l'article L. 452-3-1, II, du code de l'énergie pour l'électricité, issu de la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017, qui est contraire aux dispositions de la directive 2009/72/CE en ce qu'il maintient les effets d'une pratique discriminatoire en interdisant toute action en réparation au titre de cette pratique. Par dérogation aux dispositions du titre VI du livre II du code de procédure civile, les recours en annulation ou en réformation contre les décisions prises par le Comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie (le Cordis) sont formés, instruits et jugés conformément aux dispositions du code de l'énergie. Aux termes de l'article R.134-22 de ce code, le recours doit être formé dans le délai d'un mois, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office. C'est donc exactement et sans porter atteinte à la substance du droit d'accès au juge que l'arrêt déclare irrecevables des demandes formées, par voie d'observations, par une partie qui n'a pas formé de recours dans les formes et délais précités

ENERGIE - Electricité - Fournisseurs et distributeurs d'énergie - Pratiques discriminatoires - Interdiction

LOIS ET REGLEMENTS - Loi - Loi de validation - Conventionalité - Exclusion - Cas - Loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017

ENERGIE - Electricité - Comité de règlement des différends et des sanctions (CORDIS) de la Commission de la régulation de l'énergie (CRE) - Décision - Recours - Délai - Droit d'accès au juge - Conformité

CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6, § 1 - Tribunal - Accès - Recours contre les décisions prises par le Comité de règlement des différends et sanctions (CORDIS) - Conformité

Texte de la décision

COMM.

DB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 mars 2022




Cassation partielle sans renvoi


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 197 FS-B

Pourvoi n° J 20-16.257




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 MARS 2022

La société Joul, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], ayant comme nom commercial ek Wateur, a formé le pourvoi n° J 20-16.257 contre l'arrêt rendu le 27 février 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 7), dans le litige l'opposant :

1°/ à la Commission de régulation de l'énergie, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société Enedis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

3°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société Joul, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la Commission de régulation de l'énergie, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Enedis, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires ; après débats en l'audience publique du 25 janvier 2022 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, Mmes Darbois, Champalaune, Michel-Amsellem, conseillers, M. Blanc, Mme Comte, Bessaud, Bellino, MM. Maigret, Régis, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 février 2020), le 24 février 2016, la société Joul, fournisseur d'électricité sur le marché de détail, a conclu avec la société Enedis, gestionnaire du réseau de distribution (GRD), une convention d'accès au réseau de distribution qui ne prévoyait pas de contrepartie financière aux prestations de gestion de clientèle mises à la charge de la première pour le compte de la seconde. Le 7 septembre 2016, la société Joul a demandé à la société Enedis la mise en place d'un contrat de prestation de services de gestion de clientèle (CPS).

2. Le 4 avril 2017, reprochant à la société Enedis de ne pas accéder à sa demande, la société Joul a saisi le Comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie (le Cordis) afin qu'il constate une infraction au principe de non-discrimination et la rétablisse dans ses droits en enjoignant à la société Enedis de lui transmettre le CPS réclamé.

3. Le 30 décembre 2017, a été adoptée la loi n° 2017-1839, qui a créé, au sein du code de l'énergie, l'article L. 341-4-3 prévoyant que les prestations de gestion de clientèle réalisées par les fournisseurs d'électricité pour le compte des gestionnaires de réseaux de distribution dans le cadre de l'exécution des contrats portant sur l'accès aux réseaux et la fourniture d'électricité puissent donner lieu à une rémunération, dont les éléments et le montant seraient fixés par la Commission de régulation de l'énergie (la CRE), et l'article L. 452-3-1,II disposant que, « sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validées les conventions relatives à l'accès aux réseaux conclues entre les gestionnaires de réseaux [...] et les fournisseurs d'électricité, en tant qu'elles seraient contestées par le moyen tiré de ce qu'elles imposent aux fournisseurs la gestion de clientèle pour le compte des gestionnaires de réseaux ou laissent à la charge des fournisseurs tout ou partie des coûts supportés par eux pour la gestion de clientèle effectuée pour le compte des gestionnaires de réseaux antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi. Cette validation n'est pas susceptible de donner lieu à réparation ».

4. Par une décision n° 08-38-17 du 13 juillet 2018, le Cordis a dit :
« - article 1er : La société Enedis a méconnu son obligation de traitement non discriminatoire prévu à l'article L. 322-8 du code de l'énergie en refusant de faire droit à la demande de la société Joul du 7 septembre 2016 tendant à l'octroi d'une rémunération au titre des prestations fournies pour son compte, tandis que d'autres fournisseurs en bénéficiaient conformément à l'article L. 224-8 du code de la consommation.
- article 2 : Le surplus des demandes de la société Joul est rejeté. »

5. La société Enedis a formé un recours contre cette décision, en demandant l'annulation, subsidiairement la réformation, de son article 1er.

6. La société Joul a, par voie d'observations, demandé à la cour d‘appel de mettre fin à la situation discriminatoire qu'elle subissait en enjoignant à la société Enedis de lui communiquer, sous astreinte, un CPS dans les mêmes conditions de rémunération et de durée que ceux proposés aux autres fournisseurs alternatifs, à compter du 1er juin 2016.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. La société Joul fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes, alors :

« 1°) que les dispositions du code de procédure civile ne cèdent que devant les dispositions expressément contraires du code de l'énergie ou aménageant des modalités propres à l'exercice des recours contre les décisions du Cordis ; qu'en l'espèce, si l'article R. 134-21 du code de l'énergie prévoit que ces recours sont formés, instruits et jugés par dérogation aux dispositions du titre VI du livre II du code de procédure civile, il ne contient aucune disposition relative à la possibilité de former un recours incident contre la décision du Cordis, de sorte que ce recours peut être formé conformément aux articles 548, 550 et 551 du code de procédure civile, situés au titre XVI du livre 1er du même code ; qu'en jugeant l'inverse, la cour d'appel a violé les dispositions précitées, ensemble les principes d'équivalence et d'effectivité du droit de l'Union européenne ;

2°) que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; que le droit à un procès équitable implique l'accès au juge ; qu'en l'espèce, en jugeant que le défendeur à un recours formé sur le fondement de l'article L. 134-21 du code de l'énergie ne peut prétendre à la réformation de la partie de la décision qui lui fait grief qu'à la condition d'avoir formé lui-même un recours dans les formes et délai prescrits aux articles R. 134-21 et R. 134-22 du même code, de sorte qu'aucun recours incident ne peut être formé contre une décision prise par le Cordis, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°) qu'en jugeant que la société Joul ne peut prétendre à la réformation de la partie de la décision qui lui fait grief faute pour celle-ci d'avoir formé un recours dans les formes et délai prescrits par les articles L. 134-21, R. 134-21 et R. 134-22 du code de l'énergie, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si, en tant que conséquence de la violation par la société Enedis de son obligation de traitement non discriminatoire, telle que jugée par l'article 1 de la décision attaquée, la demande incidente tendant à la réformation la décision attaquée en ce que son article 2 a refusé de mettre un terme effectif à cette discrimination en enjoignant à la société Enedis de transmettre à la société Joul un projet de contrat de prestations de services équivalent à ceux signés avec les autres fournisseurs, n'était pas rattachée aux prétentions originaires par un lien suffisant, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 70 et 567 du code de procédure civile ;

4°) que l'effet dévolutif opère pour le tout si l'objet du litige est indivisible, et ce même si l'appel est limité ; qu'en l'espèce, en jugeant que la société Joul ne peut prétendre à la réformation de la partie de la décision qui lui fait grief faute pour celle-ci d'avoir formé un recours dans les formes et délais prescrits par les articles L. 134-21, R. 134-21 et R. 134-22 du code de l'énergie, lorsque sont indivisibles les demandes tendant, d'une part, au constat tiré d'une pratique discriminatoire imputable à la société Enedis, d'autre part, à ce qu'il soit mis un terme à cette discrimination, la cour d'appel a violé l'article 562 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

8. L'arrêt énonce qu'aux termes des articles L. 134-21 et L. 134-24 du code de l'énergie, les décisions prises par le Cordis sont susceptibles d'un recours en annulation ou en réformation relevant de la compétence de la cour d'appel de Paris, que, selon l'article R. 134-21 du code de l'énergie, ces recours sont formés, instruits et jugés conformément aux dispositions de ce code, par dérogation aux dispositions du titre VI du livre II du code de procédure civile et qu'aux termes de l'article R. 134-22 du même code, le recours est formé dans le délai d'un mois par déclaration écrite déposée en quadruple exemplaire au greffe de la cour d'appel de Paris contre récépissé, qu'à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, la déclaration précise l'objet du recours et contient un exposé sommaire des moyens et que s'agissant du recours dirigé contre les décisions du Cordis autres que les mesures conservatoires, l'exposé complet des moyens doit, sous peine de la même sanction, être déposé au greffe dans le mois qui suit le dépôt de la déclaration. Il retient que, s'agissant d'un recours et non d'un appel, l'application de la procédure d'appel est expressément exclue et que les décisions prises par le Cordis ne peuvent être contestées que par la voie du recours spécifique que les dispositions précitées prévoient. Il constate que les demandes de la société Joul ont été formées par voie d'observations, au surplus au-delà du délai de recours d'un mois. En cet état, c'est exactement, et sans porter atteinte à la substance du droit de la société Joul d'accéder à un juge, que la cour d‘appel a retenu que, faute d'avoir formé elle-même un recours dans les formes et délais prescrits par les articles R. 134-21 et R. 134-22 du code de l'énergie, cette société était irrecevable en ses demandes.

9.Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

10. La société Joul fait grief à l'arrêt d'annuler l'article 1er de la décision du Cordis n° 08-38-17 du 13 juillet 2018 et, statuant à nouveau, de rejeter son moyen tendant à faire juger que la société Enedis a méconnu son obligation de traitement non discriminatoire, alors :

« 1°/ qu'en jugeant que l'article 13 de la loi du 30 décembre 2017, codifié à l'article L. 452-3-1 II du code de l'énergie, empêchait le Cordis d'accueillir le moyen pris du manquement de la société Enedis à son obligation de traitement non discriminatoire, lorsque celui-ci dispose que « sont validées » les conventions relatives à l'accès aux réseaux conclues entre les gestionnaires de réseaux de distribution et les fournisseurs d'électricité, de sorte qu'il ne saurait priver la société Joul de la possibilité de faire constater l'existence d'une pratique discriminatoire résultant, comme en l'espèce, du refus de la société Enedis d'octroyer une rémunération au titre des prestations de gestion de clientèle fournies pour son compte par son cocontractant, la cour d'appel a violé les dispositions précitées, ensemble l'article L. 322-8 du code de l'énergie ;

2°/ qu' en jugeant que l'article 13 de la loi du 30 décembre 2017, entré en vigueur le 1er janvier 2018, empêchait le Cordis d'accueillir le moyen pris du manquement de la société Enedis à son obligation de traitement non discriminatoire, lorsque la demande litigieuse de la société Joul a été introduite devant le Cordis le 4 avril 2017, de sorte qu'elle était antérieure à l'entrée en vigueur de la disposition précitée, la cour d'appel a violé les dispositions précitées, ensemble l'article L. 322-8 du code de l'énergie et l'article 1er du code civil. »

Réponse de la Cour

11. Ayant relevé, d'abord, qu'au soutien de sa demande de conclusion d'un CPS, la société Joul invoquait un traitement discriminatoire résultant de ce que la convention conclue le 24 février 2016 ne prévoyait pas de contrepartie financière aux prestations de gestion de clientèle qu'elle devait effectuer pour le compte de la société Enedis, ce que l'article L. 452-3-1, II, du code de l'énergie, issu de la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017, avait précisément pour objet de valider tout en excluant toute action en réparation de ce chef, puis constaté, ensuite, que ce texte était en vigueur à la date à laquelle le Cordis s'était prononcé, ce dont il résulte que le différend opposant la société Joul à la société Enedis n'avait pas fait l'objet d'une décision passée en force de chose jugée à la date d'entrée en vigueur de cette loi, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que le différend soumis au Cordis entrait dans les prévisions de ce texte.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

13. La société Joul fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en privant les fournisseurs d'électricité de la possibilité de faire constater l'existence d'une pratique discriminatoire résultant du fait que certains d'entre eux ont été contraints de supporter des coûts au titre de prestations effectuées pour le compte du gestionnaire de réseau, et ce sans qu'aucune mesure de réparation telle qu'une compensation financière puisse leur être octroyée, l'article L. 452-3-1 du code de l'énergie est contraire à la directive 2009/72/CE concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité, laquelle impose aux autorités de régulation de mettre un terme aux situations discriminatoires ; qu'en ne laissant pas inappliquées ces dispositions de droit national, la cour d'appel a violé la directive 2009/72/CE, l'article 20 de la Charte des droits fondamentaux, ensemble le principe de primauté du droit de l'Union européenne. »


Réponse de la Cour

Vu le principe de primauté du droit de l'Union et les articles 32, § 1, et 37, §10, de la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité :

14. Par un arrêt du 9 mars 1978, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que « le juge national chargé d'appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit communautaire, a l'obligation d'assurer le plein effet de ces normes en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure » (CJCE, Administration des finances de l'Etat / société anonyme Simmenthal, 9 mars 1978, 106/77).

15. La CJUE juge également que « dans tous les cas où des dispositions d'une directive apparaissent comme étant, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, ces dispositions peuvent être invoquées à défaut de mesures d'application prises dans les délais, à l'encontre de toute disposition nationale non conforme à la directive, ou encore en tant qu' elles sont de nature à définir des droits que les particuliers sont en mesure de faire valoir à l'égard de l'Etat » (CJCE,19 janvier 1982, Becker, 8/81).

16. Aux termes de l'article 32, § 1 de la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité, les États membres veillent à ce que soit mis en place, pour tous les clients éligibles, y compris les entreprises de fourniture, un système d'accès des tiers aux réseaux de transport et de distribution. Ce système, fondé sur des tarifs publiés, doit être appliqué objectivement et sans discrimination entre les utilisateurs du réseau.

17. Aux termes de l'article 37, § 10, de cette même directive, les autorités de régulation sont habilitées à demander que les gestionnaires de réseau de transport et de distribution modifient au besoin les conditions, y compris les tarifs ou les méthodes visés au présent article, pour faire en sorte que ceux-ci soient proportionnés et appliqués de manière non discriminatoire.

18. Dans un arrêt du 29 septembre 2016, Essent, C-492/14, point 78, la CJUE a énoncé que « l'article 16 [de la directive 96/92 du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité] interdit ainsi aux États membres d'organiser l'accès au réseau de distribution d'une manière discriminatoire, une telle interdiction portant, de manière générale, sur toutes discriminations, en ce comprises, partant, d'éventuelles discriminations sur le plan du coût à supporter pour l'utilisation du réseau de distribution. »

19. Interprétée à la lumière de cet arrêt, l'interdiction de discrimination tarifaire résultant de la directive précitée s'oppose à une pratique consistant, sans justification objective, à accorder une rémunération à certains fournisseurs assurant des services au gestionnaire du réseau de distribution tout en la refusant à d'autres rendant ces mêmes services, créant ainsi, pour l'utilisateur de ce réseau, une discrimination au regard du coût à supporter.

20. Après avoir retenu que l'article L. 452-3-1 II du code de l'énergie, issu de la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017, était applicable au litige, l'arrêt annule l'article 1er de la décision du Cordis n° 08-38-17 et, statuant à nouveau, rejette le moyen de la société Joul tendant à faire juger que la société Enedis avait méconnu son obligation de traitement non discriminatoire.

21. En statuant ainsi, alors qu'en ce qu'il interdit toute action en réparation au titre de la pratique discriminatoire précitée, l'article L. 452-3-1,II du code de l'énergie, qui en maintient les effets, est contraire aux dispositions de la directive 2009/72/CE, la cour d'appel, qui aurait dû laisser ce texte inappliqué, a violé le principe et les textes susvisés.

22. Et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation des dispositions en cause, il n'y a pas lieu de saisir la CJUE des questions préjudicielles proposées par la société Joul.

Portée et conséquences de la cassation

23. Après avis donné aux parties, complété par un courriel du 17 janvier 2022, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

24. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

25. Selon les informations fournies par la société Enedis au Cordis à l'occasion du présent différend, à la date du 1er juin 2016, six fournisseurs d'électricité avaient conclu avec elle un CPS pour la rémunération des frais de gestion de clientèle. La société Joul, qui a demandé, le 7 septembre 2016, à conclure un contrat similaire en raison des services qu'elle était amenée à rendre dans le cadre de l'exécution du contrat unique avec les consommateur, n'a pu obtenir satisfaction.

26. La société Enedis, qui n'a fait valoir aucun motif justifiant une telle différence de traitement entre les fournisseurs d'électricité, autre que celui invoqué devant la cour d'appel tiré de la date à laquelle ces fournisseurs avaient formulé une demande de CPS, sans pertinence avec la discrimination invoquée, il doit être retenu, ainsi que l'a décidé le Cordis dans sa décision n° 08-38-17 du 13 juillet 2018, qu'en refusant de faire droit à la demande de la société Joul tendant à bénéficier d'un contrat permettant le versement d'une compensation pour les services de gestion de clientèle accomplis au bénéfice de la société Enedis, celle-ci a méconnu son obligation de traitement non discriminatoire énoncée par l'article L. 322-8, 4° du code de l'énergie, de sorte que le recours formé par la société Enedis contre cette décision doit être rejeté.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule l'article 1er de la décision du Comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie n° 08-38-17 du 13 juillet 2018 et, statuant à nouveau, rejette le moyen de la société Joul tendant à faire juger que la société Enedis a méconnu son obligation de traitement non discriminatoire, et en ce qu'il statue sur les dépens, l'arrêt rendu le 27 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE le recours formé par la société Enedis contre la décision du Comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie n° 08-38-17 du 13 juillet 2018 sur le différend qui l'oppose à la société Joul ;

Condamne la société Enedis aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Enedis et la Commission de régulation de l'énergie et condamne la société Enedis à payer à la société Joul la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour la société Joul.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir annulé l'article 1er de la décision du Comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie n° 08-38-17 du 13 juillet 2018 sur le différend qui oppose la société Joul à la société Enedis, relatif à la conclusion d'un contrat de prestations de gestion de clientèle en contrat unique et d'avoir, statuant à nouveau, rejeté le moyen de la société Joul tendant à faire juger que la société Enedis a méconnu son obligation de traitement non discriminatoire ;

Aux motifs que « Aux termes de l'article L.452-3-1, II, alinéa 1er, du code de l'énergie, dans sa rédaction issue de l'article 13 de la loi du 30 décembre 2017, "[s]ous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validées les conventions relatives à l'accès aux réseaux conclues entre les gestionnaires de réseaux de distribution mentionnés à l'article L. 111-52 du code de l'énergie et les fournisseurs d'électricité, en tant qu'elles seraient contestées par le moyen tiré de ce qu'elles imposent aux fournisseurs la gestion de clientèle pour le compte des gestionnaires de réseaux ou laissent à la charge des fournisseurs tout ou partie des coûts supportés par eux pour la gestion de clientèle effectuée pour le compte des gestionnaires de réseaux antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi."

Cette disposition, en vigueur à la date à laquelle le CoRDiS s'est prononcé sur le différend opposant la société Enedis à la société Joul, a eu pour effet de valider la convention d'accès au réseau conclu entre elles le 24 février 2016 en ce que cette convention ne prévoyait pas de contrepartie financière aux prestations de gestion de clientèle en contrat unique qu'elle mettait à la charge du fournisseur pour le compte de la société Enedis.

Il en résulte qu'à la date à laquelle le CoRDiS a tranché le différend, la société Joul ne pouvait plus prétendre à la conclusion d'un CPS aux fins d'être rémunérée des prestations de gestion de clientèle qu'elle avait fournies à la société Enedis avant le 1er janvier 2018, et n'était plus fondée à invoquer, pour obtenir la conclusion de ce contrat, la discrimination qu'elle prétendait subir du fait de l'absence de rémunération.

Il s'ensuit que le CoRDiS a commis une erreur de droit en accueillant le moyen pris du manquement de la société Enedis à son obligation de traitement non discriminatoire que la société Joul avait présenté au soutien de sa demande de conclusion de CPS.

Il y a donc lieu, pour ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens, d'annuler l'article 1er de la décision attaquée, et statuant à nouveau, par l'effet dévolutif du recours, de rejeter le moyen de la société Joul tendant à faire constater que la société Enedis a manqué à son obligation de traitement non discriminatoire. » ;

1°) Alors que, d'une part, en jugeant que l'article 13 de la loi du 30 décembre 2017, codifié à l'article L. 452-3-1 II du code de l'énergie, empêchait le CoRDiS d'accueillir le moyen pris du manquement de la société ENEDIS à son obligation de traitement non discriminatoire, lorsque celui-ci dispose que « sont validées » les conventions relatives à l'accès aux réseaux conclues entre les gestionnaires de réseaux de distribution et les fournisseurs d'électricité, de sorte qu'il ne saurait priver la société JOUL de la possibilité de faire constater l'existence d'une pratique discriminatoire résultant, comme en l'espèce, du refus de la société ENEDIS d'octroyer une rémunération au titre des prestations de gestion de clientèle fournies pour son compte par son cocontractant, la cour d'appel a violé les dispositions précitées, ensemble l'article L. 322-8 du code de l'énergie ;

2°) Alors que, d'autre part, en tout état de cause, en jugeant que l'article 13 de la loi du 30 décembre 2017, entré en vigueur le 1er janvier 2018, empêchait le CoRDiS d'accueillir le moyen pris du manquement de la société ENEDIS à son obligation de traitement non discriminatoire, lorsque la demande litigieuse de la société JOUL a été introduite devant le CoRDiS le 4 avril 2017, de sorte qu'elle était antérieure à l'entrée en vigueur de la disposition précitée, la cour d'appel a violé les dispositions précitées, ensemble l'article L. 322-8 du code de l'énergie et l'article 1er du code civil ;

3°) Alors que, de troisième part, à titre subsidiaire, en privant les fournisseurs d'électricité de la possibilité de faire constater l'existence d'une pratique discriminatoire résultant du fait que certains d'entre eux ont été contraints de supporter des coûts au titre de prestations effectuées pour le compte du gestionnaire de réseau, et ce sans qu'aucune mesure de réparation telle qu'une compensation financière puisse leur être octroyée, l'article L. 452-3-1 du code de l'énergie est contraire à la directive 2009/72/CE concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité, laquelle impose aux autorités de régulation de mettre un terme aux situations discriminatoires ; qu'en ne laissant pas inappliquées ces dispositions de droit national, la cour d'appel a violé la directive 2009/72/CE, l'article 20 de la Charte des droits fondamentaux, ensemble le principe de primauté du droit de l'Union européenne ;

4°) Alors que, de quatrième part, en permettant à la société ENEDIS d'exploiter sa position dominante de façon abusive en procédant, entre autres, à l'application à ses partenaires commerciaux de conditions inégales pour des prestations équivalentes, l'article L. 452-3-1 du code de l'énergie est contraire à l'article 102 c) TFUE, duquel il résulte que sont incompatibles avec le droit de l'Union les pratiques qui consistent à appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ; qu'en ne laissant pas inappliquées ces dispositions de droit national, la cour d'appel a violé l'article 102 du TFUE, ensemble le principe de de coopération loyale, prévu par l'article 4 § 3 TUE, et celui de primauté du droit de l'Union européenne ;

5°) Alors que, de cinquième part, en permettant à la société ENEDIS d'exploiter sa position dominante de façon abusive en procédant, entre autres, à l'application à ses partenaires commerciaux de conditions inégales pour des prestations équivalentes, l'article L. 452-3-1 du code de l'énergie est contraire aux articles 102 et 106 du TFUE, desquels il résulte notamment qu'un Etat membre ne saurait prendre une mesure législative qui crée une situation dans laquelle une entreprise publique ou une entreprise à laquelle il a conféré des droits spéciaux ou exclusifs est amenée, par le simple exercice des droits privilégiés qui lui ont été conférés, à pouvoir exploiter sa position dominante de façon abusive ; qu'en ne laissant pas inappliquées ces dispositions de droit national, la cour d'appel a violé les articles 102 et 106 du TFUE, ensemble le principe de primauté du droit de l'Union européenne ;

6°) Alors que, de sixième part, le principe de la prééminence du droit et la notion de procès équitable s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice dans le but d'influer sur le dénouement judiciaire d'un litige ; que des considérations financières dont la consistance est au surplus établie de façon hypothétique ne sauraient constituer un tel motif impérieux ; qu'en l'espèce, en appliquant au litige l'article L. 452-3-1 du code de l'énergie lorsque, ayant pour objet et pour effet de priver les fournisseurs d'électricité de leur droit subjectif à indemnisation, tel qu'il résultait de la jurisprudence de la Cour d'appel de Paris ainsi que du Conseil d'Etat, cette disposition n'était motivée que par des considérations financières au surplus hypothétiques car insuffisamment étayées, la cour d'appel a violé l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7°) Alors que, de septième part, à titre subsidiaire, à supposer que des considérations purement financières puissent constituer des motifs impérieux d'intérêt général de nature à justifier une ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice, encore faut-il que l'atteinte portée au droit au procès équitable des requérants soit proportionnée ; que tel n'est pas le cas lorsque la mesure de validation litigieuse n'exclut pas de son champ d'application les instance déjà en cours à la date de son entrée en vigueur ; qu'en l'espèce, en appliquant au litige opposant la société JOUL à la société ENEDIS l'article L. 452-3-1 du code de l'énergie, tel qu'il résulte de la loi du 30 décembre 2017, entrée en vigueur le 1er janvier 2018, lorsqu'elle constatait que le CoRDiS avait été saisi dès le 4 avril 2017, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée au droit au procès équitable garanti par l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

8°) Alors que, de huitième part, le droit au respect des biens tel que garanti par l'article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention EDH s'oppose, sauf cause d'utilité publique, à l'adoption d'une loi de validation ayant pour objet et pour effet de priver un requérant qui, en l'état de la jurisprudence applicable avant l'entrée en vigueur de cette loi, pouvait légitimement espérer disposer d'un droit à créance ; que des considérations financières dont la consistance est au surplus établie de façon hypothétique ne sauraient constituer une telle cause ; qu'en l'espèce, en appliquant au litige l'article L. 452-3-1 II du code de l'énergie lorsque, privant les fournisseurs d'électricité de leur droit subjectif à indemnisation, tel qu'il résultait de la jurisprudence de la Cour d'appel de Paris ainsi que du Conseil d'Etat, cette disposition constituait une ingérence injustifiée dans le droit au respect des biens de la société JOUL, la cour d'appel a violé l'article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 17, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

9°) Alors que, de neuvième part, à titre subsidiaire, à supposer qu'une mesure de validation soit justifiée par une cause d'utilité publique au sens de l'article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention EDH, encore faut-il que l'atteinte portée au droit au respect des biens soit proportionnée ; que tel n'est pas le cas lorsque la mesure de validation litigieuse n'exclut pas de son champ d'application les instance déjà en cours à la date de son entrée en vigueur ; qu'en l'espèce, en appliquant au litige opposant la société JOUL à la société ENEDIS l'article L. 452-3-1 du code de l'énergie, tel qu'il résulte de la loi du 30 décembre 2017, entrée en vigueur le 1er janvier 2018, lorsqu'elle constatait que le CoRDiS avait été saisi dès le 4 avril 2017, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée au droit de propriété tel que garanti par l'article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 17, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les demandes de la société JOUL ;

Aux motifs que « Aux termes de l'article L.134-21 du code l'énergie, les décisions prises par le CoRDiS sont susceptibles d'un recours en annulation ou en réformation, lequel, précise l'article L.134-24 du même code, est de la compétence de la cour d'appel de Paris.

Selon l'article R.134-21 du code de l'énergie, ces recours sont formés, instruits et jugés conformément aux dispositions du présent titre, par dérogation aux dispositions du titre VI du livre II du code de procédure civile, dispositions qui régissent la procédure d'appel.

L'article R.134-22 du même code dispose :

"Le recours est formé dans le délai d'un mois par déclaration écrite déposée en quadruple exemplaire au greffe de la cour d'appel de Paris contre récépissé. A peine d'irrecevabilité prononcée d'office, la déclaration précise l'objet du recours et contient un exposé sommaire des moyens. S'agissant du recours dirigé contre les décisions du comité de règlement des différends et des sanctions autres que les mesures conservatoires, l'exposé complet des moyens doit, sous peine de la même sanction, être déposé au greffe dans le mois qui suit le dépôt de la déclaration."

Il résulte de ces dispositions, qui visent toutes un recours, et non un appel, et qui excluent expressément l'application de la procédure d'appel, que les décisions prises par le CoRDiS ne peuvent être contestées que par la voie du recours spécifique qu'elles prévoient.
Dès lors, le défendeur à un recours ne peut prétendre à la réformation de la partie de la décision qui lui fait grief qu'à la condition d'avoir formé lui-même un recours dans les formes et délai prescrits aux articles R. 134-21 et R. 134-22 du code de l'énergie.

Les demandes de la société Joul tendant à la réformation de l'article 2 de la décision attaquée sont donc irrecevables, en application des dispositions de l'article R. 134-22 du code de l'énergie dont la société Joul ne discute ni l'application ni les conséquences, tant en ce qu'elles ont été présentées par voie d'observations en défense qu'en ce qu'elles ont été déposées le 8 décembre 2018, soit au-delà du délai d'un mois prévu pour exercer un recours contre les décisions du CoRDiS.

La circonstance que la société Enedis n'a pas contesté l'intervention volontaire de la société Joul devant le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions de validation figurant à l'article L. 452-3-1 du code de l'énergie, question posée dans le cadre d'un litige opposant la société Enedis à un autre fournisseur, est inopérante à établir la renonciation de cette dernière à se prévaloir, dans la présente procédure, de l'irrecevabilité des demandes de la société Joul faites en violation des formes et délai prescrits.

En conséquence de l'irrecevabilité de la demande principale de la société Joul, il n'y a pas lieu d'examiner les moyens pris de l'applicabilité au litige ou de l'inconventionnalité de l'article L. 452-3-1 du code de l'énergie, ni la demande subsidiaire tendant à saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'un renvoi préjudiciel. » ;

1°) Alors que, d'une part, les dispositions du code de procédure civile ne cèdent que devant les dispositions expressément contraires du code de l'énergie ou aménageant des modalités propres à l'exercice des recours contre les décisions du CoRDiS ; qu'en l'espèce, si l'article R. 134-21 du code de l'énergie prévoit que ces recours sont formés, instruits et jugés par dérogation aux dispositions du titre VI du livre II du code de procédure civile, il ne contient aucune disposition relative à la possibilité de former un recours incident contre la décision du CoRDiS, de sorte que ce recours peut être formé conformément aux articles 548, 550 et 551 du code de procédure civile, situés au titre XVI du livre 1er du même code ; qu'en jugeant l'inverse, la cour d'appel a violé les dispositions précitées, ensemble les principes d'équivalence et d'effectivité du droit de l'Union européenne ;

2°) Alors que, d'autre part, en tout état de cause, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; que le droit à un procès équitable implique l'accès au juge ; qu'en l'espèce, en jugeant que le défendeur à un recours formé sur le fondement de l'article L. 134-21 du code de l'énergie ne peut prétendre à la réformation de la partie de la décision qui lui fait grief qu'à la condition d'avoir formé lui-même un recours dans les formes et délai prescrits aux articles R. 134-21 et R. 134-22 du même code, de sorte qu'aucun recours incident ne peut être formé contre une décision prise par le CoRDiS, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°) Alors que, de troisième part, en jugeant que la société JOUL ne peut prétendre à la réformation de la partie de la décision qui lui fait grief faute pour celle-ci d'avoir formé un recours dans les formes et délai prescrits par les articles L. 134-21, R. 134-21 et R. 134-22 du code de l'énergie, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée (conclusions d'appel, pp. 14-16), si, en tant que conséquence de la violation par la société ENEDIS de son obligation de traitement non-discriminatoire, telle que jugée par l'article 1 de la décision attaquée, la demande incidente tendant à la réformation la décision attaquée en ce que son article 2 a refusé de mettre un terme effectif à cette discrimination en enjoignant à la société ENEDIS de transmettre à la société JOUL un projet de contrat de prestations de services équivalent à ceux signés avec les autres fournisseurs, n'était pas rattachée aux prétentions originaires par un lien suffisant, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 70 et 567 du code de procédure civile ;

4°) Alors que, de quatrième part, en tout état de cause, l'effet dévolutif opère pour le tout si l'objet du litige est indivisible, et ce même si l'appel est limité ; qu'en l'espèce, en jugeant que la société JOUL ne peut prétendre à la réformation de la partie de la décision qui lui fait grief faute pour celle-ci d'avoir formé un recours dans les formes et délais prescrits par les articles L. 134-21, R. 134-21 et R. 134-22 du code de l'énergie, lorsque sont indivisibles les demandes tendant, d'une part, au constat tiré d'une pratique discriminatoire imputable à la société ENEDIS, d'autre part, à ce qu'il soit mis un terme à cette discrimination, la cour d'appel a violé l'article 562 du code de procédure civile.

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