9 mars 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-21.285

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00292

Texte de la décision

SOC. / ELECT

CDS



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 mars 2022




Cassation sans renvoi


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 292 F-D

Pourvoi n° Z 20-21.285




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 MARS 2022

La société CGI France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° Z 20-21.285 contre le jugement rendu le 15 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Montpellier (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :

1°/ à la Fédération nationale du personnel de l'encadrement, de l'informatique, des études, du conseil et de l'ingénierie (FIECI CFE-CGC),

2°/ au Syndicat national de l'encadrement des sociétés de services informatiques (SNEPSSI CFE-CGC),

tous deux ayant leur siège [Adresse 19],

3°/ au syndicat SICSTI CFTC, dont le siège est [Adresse 26],

4°/ à la Fédération communication, conseil et culture (F3C CFDT), dont le siège est [Adresse 21],

5°/ au syndicat CGT CGI, dont le siège est [Adresse 20],

6°/ à M. [T] [Z], domicilié [Adresse 18],

7°/ à M. [H] [IT], domicilié [Adresse 22],

8°/ à M. [DW] [P], domicilié [Adresse 14],

9°/ à M. [WZ] [MX], domicilié [Adresse 25],

10°/ à Mme [A] [V], domiciliée [Adresse 13],

11°/ à M. [FG] [SV], domicilié [Adresse 6],

12°/ à M. [I] [B], domicilié [Adresse 12],

13°/ à Mme [G] [U], domiciliée [Adresse 15],

14°/ à Mme [E] [PS], domiciliée [Adresse 10],

15°/ à M. [EN] [BU], domicilié [Adresse 16],

16°/ à Mme [O] [XR], domiciliée [Adresse 4],

17°/ à M. [Y] [FY], domicilié [Adresse 17],

18°/ à Mme [L] [ZU], domiciliée [Adresse 24],

19°/ à M. [TM] [F], domicilié [Adresse 2],

20°/ à Mme [PA] [W], domiciliée [Adresse 9],

21°/ à Mme [C] [R], domiciliée [Adresse 23],

22°/ à M. [LN] [K], domicilié [Adresse 1],

23°/ à Mme [JK] [X], domiciliée [Adresse 3],

24°/ à M. [UE] [BF], domicilié [Adresse 11],

25°/ à Mme [D] [N], domiciliée [Adresse 7],

26°/ à M. [MF] [M] [S], domicilié [Adresse 8],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société CGI France, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la Fédération nationale du personnel de l'encadrement, de l'informatique, des études, du conseil et de l'ingénierie (FIECI CFE-CGC) et du Syndicat national de l'encadrement des sociétés de services informatiques (SNEPSSI CFE-CGC), après débats en l'audience publique du 19 janvier 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Montpellier, 15 octobre 2020), dans la perspective de l'organisation des élections professionnelles pour la mise en place du comité social et économique (CSE), la société CGI France (la société), après échec des négociations avec les organisations syndicales sur le nombre et le périmètre des établissements distincts, a unilatéralement fixé ce nombre à trois le 11 décembre 2018.

2. Le 2 août 2019, le tribunal d'instance, saisi d'un recours contre la décision du 5 mars 2019 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi (le direccte) ayant rejeté la contestation contre la décision unilatérale de l'employeur, a fixé à douze le nombre d'établissements distincts au sein de la société, dont l'établissement de [Localité 27]. Ce jugement a fait l'objet d'un pourvoi.

3. Un protocole d'accord préélectoral a été signé le 25 septembre 2019, prévoyant un premier tour du 13 au 20 novembre et un second tour du 4 au 11 décembre 2019.

4. Le quorum n'a pas été atteint lors du premier tour.

5. Par requête du 23 décembre 2019, la société a saisi le tribunal judiciaire d'une demande d'annulation des élections ayant eu lieu au sein de l'établissement de [Localité 27] en contestant l'existence de cet établissement et de sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la Cour de cassation sur le pourvoi précité.

6. Par arrêt du 3 mars 2021 (Soc., 3 mars 2021, pourvoi n° 19-21.086), la Cour de cassation a cassé sans renvoi le jugement du 2 août 2019 précité, sauf en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action soulevée par la société CGI France et le syndicat CGT-CGI de la Fédération communication, conseil et culture (F3C CFDT), déclare recevable la contestation formée par les syndicats FIECI CFE-CGC, SNEPPSI CFE-CGC, SICSTI CFTC et M. [J] et annule la décision en date du 5 mars 2019 rendue par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La société fait grief au jugement de la dire irrecevable en son action visant à obtenir l'annulation du premier tour des élections du fait de la forclusion et de la débouter son action visant à obtenir l'annulation du deuxième tour des élections professionnelles de l'établissement de [Localité 27], alors « que la contestation des résultats du second tour des élections est recevable si elle est faite dans les quinze jours qui suivent la proclamation nominative des élus, peu important que le motif de cette annulation existe dès le premier tour ; qu'en l'espèce, il est constant que le quorum n'a pas été atteint au premier tour et qu'en conséquence aucun candidat n'a été élu au premier tour ; qu'en jugeant cependant que l'action en annulation des élections introduite dans un délai de quinze jours après le second tour n'était pas recevable, dès lors que le motif d'annulation des élections, à savoir la remise en cause du cadre dans lequel les élections ont été organisées, existait dès le premier tour, que le premier tour des élections n'a pas été contesté des 15 jours suivant la proclamation des résultats de ce premier tour et que le second tour ne pouvait pas être contesté pour le même motif, le tribunal d'instance a violé l'article R. 2314-24 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 2314-24 du code du travail :

8. Il résulte de ce texte que la contestation portant sur les résultats des élections, lorsqu'elle est la conséquence d'une contestation du périmètre dans lequel les élections ont eu lieu, lequel n'est pas un élément spécifique au premier tour, est recevable si elle est faite dans les quinze jours suivant la proclamation des résultats des élections.

9. Pour dire que la société est forclose en son action visant à obtenir l'annulation du premier tour des élections et la débouter de sa demande d'annulation du second tour, le jugement retient, d'une part, que la contestation de l'existence d'un ou plusieurs établissements distincts était connue de la société dès le premier tour et que la société aurait dû invoquer cette cause d'annulation des élections dans le délai de quinze jours suivant la proclamation des résultats du premier tour, d'autre part, que le second tour n'est que la continuité du premier dont l'irrégularité invoquée par l'employeur a été purgée du fait de l'absence de recours puisque celui-ci est irrecevable et qu'il est invoqué comme seul motif d'annulation du second tour le fait que l'élection pourrait être considérée comme irrégulière, qui ne peut être retenu.

10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que par requête formée dans le délai de quinze jours suivant le second tour de l'élection, la société avait sollicité l'annulation des élections au motif qu'elles avaient eu lieu dans le cadre d'un établissement dont l'existence était contestée, le tribunal judiciaire a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

13. Au vu de ce qui précède, il y a lieu de dire recevable la demande d'annulation des élections formée par la société.

14. Par l'arrêt précité du 3 mars 2021, la Cour de cassation a cassé, sauf en ce qu'il annule la décision du 5 mars 2019 rendue par le direccte, le jugement du 2 août 2019 du tribunal d'instance de Courbevoie.

15. Il en résulte que les élections devaient être organisées sur le périmètre de trois établissements distincts conformément à la décision unilatérale de l'employeur du 11 décembre 2018.

16. Les élections ayant eu lieu sur un périmètre différent, il convient de les annuler.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 15 octobre 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Montpellier ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT recevable la demande d'annulation des élections formée par la société CGI France ;

ANNULE les élections de la délégation du personnel au comité social et économique de l'établissement de [Localité 27] de la société CGI France qui se sont déroulées en novembre et décembre 2019 ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour CGI France

La société CGI France fait grief au jugement attaqué d'AVOIR dit la société CGI France irrecevable en son action visant à obtenir l'annulation du premier tour des élections du fait de la forclusion et de l'AVOIR déboutée de son action visant à obtenir l'annulation du premier tour des élections professionnelles de l'établissement de [Localité 27] ;

1. ALORS QUE la contestation des résultats du second tour des élections est recevable si elle est faite dans les quinze jours qui suivent la proclamation nominative des élus, peu important que le motif de cette annulation existe dès le premier tour ; qu'en l'espèce, il est constant que le quorum n'a pas été atteint au premier tour et qu'en conséquence aucun candidat n'a été élu au premier tour ; qu'en jugeant cependant que l'action en annulation des élections introduite dans un délai de quinze jours après le second tour n'était pas recevable, dès lors que le motif d'annulation des élections, à savoir la remise en cause du cadre dans lequel les élections ont été organisées, existait dès le premier tour, que le premier tour des élections n'a pas été contesté des 15 jours suivant la proclamation des résultats de ce premier tour et que le second tour ne pouvait pas être contesté pour le même motif, le tribunal d'instance a violé l'article R. 2314-24 du code du travail ;

2. ALORS QUE le pourvoi en cassation n'étant pas suspensif, l'employeur qui a formé un pourvoi contre le jugement ayant déterminé le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place du comité social et économique est tenu d'organiser les élections dans le cadre fixé par ce jugement ; que, par conséquent, la signature du protocole d'accord préélectoral définissant les modalités d'organisation des élections au sein des établissements dont le nombre et le périmètre a été fixé par un jugement frappé de pourvoi en cassation n'interdit pas à l'employeur de solliciter l'annulation des élections qui ont lieu dans le périmètre de ces établissements, par conséquent de la cassation à intervenir ; qu'en retenant encore, pour débouter la société CGI de sa demande d'annulation du second tour, que le protocole d'accord préélectoral a été signé sans réserve par l'employeur et que les élections se sont déroulées en conformité avec ce qui a été convenu entre les parties pour les élections des membres du comité social et économique de l'établissement de [Localité 27], le tribunal a violé les articles 579 du code de procédure civile et R. 2314-24 du code du travail, ensemble l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.