9 mars 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-11.170

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00283

Texte de la décision

SOC.

CDS



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 mars 2022




Cassation partielle


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 283 F-D

Pourvoi n° A 21-11.170

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [X].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 10 février 2020.



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 MARS 2022

Mme [W] [X], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 21-11.170 contre l'arrêt rendu le 28 mai 2019 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [T] [I], domicilié [Adresse 3], pris en qualité de mandataire liquidateur de la société Actuel protection privée,

2°/ à l'AGS-CGEA Ile-de-France Est, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prache, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme [X], après débats en l'audience publique du 18 janvier 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prache, conseiller référendaire rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 28 mai 2019) et les pièces de procédure, Mme [X] a été engagée en qualité d'agent de sécurité à compter du 7 octobre 2011 par la société Actuel protection privée par contrats à durée déterminée puis dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée du 4 juin 2012. A compter du 18 juillet 2013, la société Actuel protection privée a perdu le marché de la surveillance du site auquel était exclusivement affectée la salariée. Par lettre recommandée du 12 décembre 2013, la salariée a reproché à son employeur l'absence de fourniture de travail et de versement de salaire depuis la perte de ce marché.

2. La société Actuel protection privée a été placée en redressement judiciaire par jugement du 15 janvier 2014 du tribunal de commerce, qui a prononcé sa liquidation judiciaire par jugement du 5 mars 2014, M. [I] étant désigné en qualité de mandataire liquidateur.

3. Par lettre du 14 avril 2014, le mandataire liquidateur a informé la salariée qu'elle ne figurait pas dans les effectifs de la société au moment de la liquidation, qu'il n'avait dès lors pu la licencier dans les quinze jours de la liquidation et qu'il l'invitait à saisir la juridiction prud'homale.

4. La salariée a saisi la juridiction prud'homale le 23 avril 2014 aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail la liant à la société Actuel protection privée.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé


5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

6. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail la liant à la société Actuel protection privée et de sa demande de confirmation des condamnations prononcées à titre de préavis, congés payés afférents, indemnité de licenciement et dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que le changement d'employeur prévu et organisé par voie conventionnelle suppose l'accord exprès du salarié ; qu'en ne recherchant pas si l'accord de Mme [X] pour être transférée au service de l'entreprise qui avait pris en charge la surveillance de l'Aquaspace de [Localité 4] avait été sollicité et obtenu, la cour d'appel a une fois de plus privé sa décision de base légale au regard de l'avenant du 28 janvier 2011 à la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité relatif à la reprise du personnel ensemble l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 et l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

7. Sauf application éventuelle de l'article L. 1224-1 du code du travail, le changement d'employeur prévu et organisé par voie conventionnelle suppose l'accord exprès du salarié, qui ne peut résulter de la seule poursuite de son contrat de travail sous une autre direction.

8. Pour dire n'y avoir lieu à résiliation judiciaire du contrat de travail de la salariée avec la société Actuel protection privée, l'arrêt énonce qu'il résulte des dispositions de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relative à la reprise du personnel qu'en cas de transfert de marché, l'entreprise entrante a l'obligation de reprendre 100 % ou 85 % des effectifs de l'entreprise sortante affectée au dit marché, qu'en l'espèce la société Actuel protection privée a perdu le marché de la surveillance de l'Aquaspace de [Localité 4], lieu d'affectation exclusif de l'intéressée, que la salariée ne fournit pas d'élément particulier sur sa situation au moment des faits mais ne conteste pas spécifiquement le transfert, que le mandataire liquidateur produit la déclaration de cessation de paiement du 8 janvier 2014 et la liste des salariés présents dans les effectifs au jour de la liquidation judiciaire, au rang desquels ne figure plus la salariée. Il en conclut que le contrat de travail attaché à la surveillance du site de l'Aquaspace a été transféré et qu'il appartenait à la salariée d'attraire en justice le nouvel employeur.

9. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la salariée avait donné son accord au changement d'employeur à la suite de la perte, par son employeur, du marché auquel elle était exclusivement affectée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

10. La cassation sur le premier moyen n'emporte pas cassation des chefs de dispositif condamnant le liquidateur aux entiers dépens de l'instance, justifiés par d'autres condamnations non remises en cause, et disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit n'y avoir lieu à résiliation judiciaire du contrat de travail, l'arrêt rendu le 28 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Condamne M. [I], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Actuel protection privée, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [I], ès qualités, à payer à la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour Mme [X]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Mme [X] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail la liant à la société Actuel Protection Privée et corrélativement de sa demande de confirmation des condamnations prononcées par la Conseil de Prud'hommes de [Localité 4] à titre de préavis et congés payés y afférents, d'indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1)Alors que si l'avenant du 28 janvier 2011 à la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité relatif à la reprise du personnel assouplit les conditions de transfert des salariés résultant de l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail, il ne subordonne pas moins cet assouplissement à des conditions impératives ; son article 2-3-1 exige ainsi que dans les 10 jours ouvrables à compter de la date où l'entreprise entrante s'est fait connaître, l'entreprise sortante adresse par courrier à l'entreprise entrante la liste du personnel transférable selon les critères visés à son article 2-2 ; qu'à défaut de cette notification, l'entreprise entrante peut refuser de reprendre ce personnel qui reste alors au sein de l'entreprise sortante ; qu'en considérant que, du seul fait de la perte par la société Actuel Protection Privée du marché de l'Aquaspace, le contrat de travail de Mme [X] avait été transféré, sans rechercher si la société Actuel Protection Privée avait notifié à l'entreprise qui avait pris en charge la surveillance de l'Aquaspace de [Localité 4] une liste de personnel transférable comprenant le nom de Mme [W] [X], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'avenant du 28 janvier 2011 à la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité relatif à la reprise du personnel ensemble l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2)Alors que si l'avenant du 28 janvier 2011 à la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité relatif à la reprise du personnel assouplit les conditions de transfert des salariés résultant de l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail, il ne subordonne pas moins cet assouplissement à des conditions impératives ; son article 2-3-1 exige ainsi que dans les 10 jours ouvrables à compter de la date où l'entreprise entrante s'est fait connaître, l'entreprise sortante adresse par courrier à l'entreprise entrante la liste du personnel transférable selon les critères visés à son article 2-2 ; qu'en ne recherchant pas si Mme [X] remplissait les conditions requises par ce texte pour être transférée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'avenant du 28 janvier 2011 à la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité relatif à la reprise du personnel ensemble l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3)Alors que le changement d'employeur prévu et organisé par voie conventionnelle suppose l'accord exprès du salarié ; qu'en ne recherchant pas si l'accord de Mme [X] pour être transférée au service de l'entreprise qui avait pris en charge la surveillance de l'Aquaspace de [Localité 4] avait été sollicité et obtenu, la cour d'appel a une fois de plus privé sa décision de base légale au regard de l'avenant du 28 janvier 2011 à la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité relatif à la reprise du personnel ensemble l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Mme [X] fait grief à l'arrêt attaqué de n'avoir fait droit à sa demande de rappel de salaire qu'à hauteur de 2.590,44 €, outre 259,04 € de congés payés afférents tandis qu'elle sollicitait, en demandant la confirmation du jugement entrepris, les sommes de 2.882,19 € à titre de rappel de salaire pour 2011, 288,22 € de congés payés afférents, 5.448,81 € à titre de rappel de salaire pour 2012, 544,88 € de congés payés afférents, 11.048,85 € à titre de rappel de salaire pour 2013 et 1.104,88 € de congés payés afférents,

Alors que tout jugement doit être motivé ; qu'en se contentant d'énoncer que la somme fixée par les premiers juges devait être réduite comme soutenu par le CGEA, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision, violant l'article 455 du Code de procédure civile.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.