9 mars 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-13.361

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00268

Texte de la décision

SOC.

CA3



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 mars 2022




Cassation partielle


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 268 F-D

Pourvoi n° R 19-13.361




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 MARS 2022

Mme [E] [B], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 19-13.361 contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Essonne, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de Me Bouthors, avocat de Mme [B], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, après débats en l'audience publique du 18 janvier 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, M. Gambert, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 octobre 2018), Mme [B], engagée par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne à compter du 4 juillet 1977 occupant en dernier lieu les fonctions d'hôtesse d'accueil au centre des Ullis, a été licenciée pour faute grave le 16 janvier 2013.

2. Elle a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La salariée fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une faute grave et de la débouter de ses demandes, alors « que la mise en oeuvre abusive d'une clause de mobilité par l'employeur légitime le refus du salarié de s'y plier dans l'instant ; qu'en déclarant que l'employeur s'était à bon droit prévalu de la clause de mobilité, sans examiner, comme elle y était pourtant invitée, si les conditions contractuelles de mise en œuvre de cette clause était bien réunies et si l'employeur n'avait pas à tenir compte des circonstances personnelles dont l'avait informé la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 1221-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

4. Aux termes du premier de ces textes, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun et peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter. Selon le second, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

5. Pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, l'arrêt retient qu'il est reproché à la salariée d'avoir adopté un comportement d'insubordination caractérisé par des rapports conflictuels avec sa hiérarchie et plus particulièrement d'avoir refusé de rejoindre son nouveau poste de travail au centre de [Localité 3] dès le 6 décembre 2012. Il ajoute que la consigne a été donnée le 4 décembre 2012 à l'intéressée de rejoindre son poste de travail au centre de [Localité 3] le 6 décembre suivant et que la clause de mobilité qui autorisait l'employeur à procéder à cette affectation a été mise en œuvre pour parer aux difficultés d'ordre relationnel entre l'intéressée et ses collègues de travail, élément objectif qui trouve son origine dans l'attitude adoptée par la salariée qui a refusé cette consigne de mobilité en se maintenant à son poste au centre des Ulis et ne peut être analysée, contrairement à ce qu'elle allègue, comme les manifestations de brimades de la part de son employeur.

6. En se déterminant ainsi, sans rechercher comme il lui était demandé, si l'absence de bonne foi de l'employeur dans la mise en oeuvre de la clause de mobilité ne résultait pas du fait qu'il n'avait pas respecté un délai de prévenance suffisant, en informant la salariée le 4 décembre qu'elle devait se présenter le 6 décembre suivant sur son nouveau site d'affectation, sans tenir compte de ses difficultés de transport dont il avait été informé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement fondé sur une faute grave et déboute Mme [B] de ses demandes en paiement d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 25 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne et la condamne à payer à Mme [B] la somme de 3000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour Mme [B]


Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement reposait sur une faute grave et d'avoir en conséquence débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes relatives à l'exécution de son contrat ainsi qu'à la rupture abusive de ce dernier ;

Aux motifs qu'aux termes de la lettre de licenciement notifiée à [E] [B] le 16 janvier 2013 il est reproché à la salariée d'avoir adopté un comportement d'insubordination caractérisé par des rapports conflictuels avec sa hiérarchie et plus particulièrement le refus de rejoindre le poste d'affectation qui lui était fixé le 6 décembre 2012 ; il y a lieu de relever que les faits visés dans la lettre de licenciement datent de moins de 2 mois avant la procédure de licenciement, la référence aux années passées s'inscrivant dans le contexte de récurrence invoqué par l'employeur sans constituer un motif de licenciement ; en ce qui concerne le comportement conflictuel reproché à [E] [B] il ressort du rapport dressé le 12 décembre 2012 par madame [X], responsable adjointe du centre dans lequel la salariée exerçait son activité, que le 4 décembre 2012 [E] [B], arrivée en retard, a pris à parti à plusieurs reprises une de ses collègues de travail de manière agressive ; les attestions de mesdames [Z] et [E], collègues de travail de [E] [B] indiquent que le comportement d'opposition permanente et d'intolérance manifesté par leur collègue était devenu insupportable ; S'agissant des faits qui se sont déroulés le 6 décembre 2012, il ressort de l'attestation de madame [X] que la consigne a été donnée le 4 décembre 2012 à [E] [B] de rejoindre son poste de travail au centre de [Localité 3] le 6 décembre suivant et que la salariée a déclaré qu'elle ne s'y rendrait pas ; il est démontré par ce qui précède que la clause de mobilité qui autorise l'employeur à procéder à cette affectation a été mise en oeuvre pour parer aux difficultés d'ordre relationnel entre [E] [B] et ses collègues de travail, élément objectif qui trouve son origine dans l'attitude adoptée par la salariée ; il est démontré par les attestations versées au débat par [E] [B] elle-même qu'elle a refusé cette consigne de travail en se maintenant à son poste au centre des Ulis ; les perturbations du service décrites pas les témoins, clients de la caisse s'étant présentés à l'accueil du centre des Ulis le 6 décembre, trouvant leur origine dans le refus de la salariée de respecter la consigne de mobilité que lui avait donnée par sa hiérarchie et ne peut être analysée, contrairement à ce qu'allègue [E] [B], comme les manifestations de brimades de la part de son employeur ;

l'insubordination qui lui est reprochée est ainsi démontrée ; dans la mesure où cette insubordination fait suite à un comportement d'opposition à sa hiérarchie manifestée antérieurement par [E] [B] de manière récurrente, la réitération d'un comportement sur lequel l'employeur avait attiré son attention à plusieurs reprises et sur lequel la salariée a affiché son intention de ne pas revenir rend nécessaire la rupture immédiate et sans préavis du contrat de travail ; la faute grave se trouvant ainsi établie les demandes de [E] [B] afférentes à la rupture du contrat de travail doivent être rejetées ; le jugement sera réformé de ce chef ;

1°) alors que, d'une part, la mise en oeuvre abusive d'une clause de mobilité par l'employeur légitime le refus du salarié de s'y plier dans l'instant ; qu'en déclarant que l'employeur s'était à bon droit prévalu de la clause de mobilité, sans examiner, comme elle y était pourtant invitée, si les conditions contractuelles de mise en oeuvre de cette clause était bien réunies et si l'employeur n'avait pas à tenir compte des circonstances personnelles dont l'avait informé la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

2°) alors en tout état de cause qu'il appartient au juge, pour apprécier le bien-fondé de la qualification de faute grave invoquée par l'employeur, de prendre en compte l'ancienneté et le contexte professionnel du salarié intéressé ; qu'en affirmant l'existence d'une faute grave sans tenir compte des 35 années de carrière de la salariée ni des circonstances particulières relatives à la brutalité du changement d'affection décidé par l'employeur, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail.

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