9 mars 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-83.557

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:CR00283

Texte de la décision

N° H 21-83.557 F-D

N° 00283


ECF
9 MARS 2022


CASSATION PARTIELLE


M. SOULARD président,






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 MARS 2022



M. [U] [M] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-2, en date du 13 avril 2021, qui, pour appels téléphoniques malveillants, envoi par la voie des communications électroniques de messages malveillants et refus de remettre aux autorités judiciaires ou de mettre en oeuvre la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie, l'a condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis probatoire et a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires, ampliatif et personnel, et des observations complémentaires, ont été produits.

Sur le rapport de Mme Issenjou, conseiller, les observations de la SCP Le Griel, avocat de M. [U] [M], et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 février 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Issenjou, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [U] [M] a été poursuivi des chefs susvisés devant le tribunal correctionnel qui a rejeté des exceptions de nullité, l'a reconnu coupable, l'a condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis probatoire et a statué sur les intérêts civils.

3. Le prévenu et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième, troisième, cinquième, sixième et septième moyens du mémoire personnel, et sur le premier moyen du mémoire ampliatif


4. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.


Mais sur le quatrième moyen du mémoire personnel, pris en ses première et troisième branches et sur le deuxième moyen du mémoire ampliatif

Enoncé des moyens

5. Le quatrième moyen du mémoire personnel est pris de la violation des articles préliminaire, 60-1, 427, 470, 512, 520, 591 et 593 du code de procédure pénale, 111-4 et 434-15-2 du code pénal, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré le prévenu coupable de refus de remettre aux autorités judiciaires ou de mettre en oeuvre la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie, alors :

1°/ que la cour d'appel a statué sans caractériser tous les éléments constitutifs du délit,

3°/ que l'infraction en cause suppose que l'appareil en question soit effectivement verrouillé par une convention secrète de déchiffrement pouvant prendre la forme d'un mot de passe.

7. Le deuxième moyen du mémoire ampliatif critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [M] coupable d'avoir, ayant connaissance d'une convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie susceptible d'avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, refusé de la remettre ou de la mettre en œuvre sur réquisition judiciaire prise dans le cadre d'une enquête préliminaire, de flagrance ou d'une information judiciaire, délit prévu et réprimé par les articles 434-15-2 et 434-44 du code pénal, alors « qu'en l'espèce, il était reproché à M. [M] d'avoir refusé de déverrouiller le téléphone et l'ordinateur portable qui auraient été utilisés pour passer des appels téléphoniques et envoyer des messages électroniques malveillants, faits qui ne caractérisent nullement le délit de l'article 434-15-2 précité, lequel concerne uniquement les moyens de cryptologie et nullement les codes d'accès au contenu d'un téléphone ou d'un ordinateur portable, et qu'en considérant néanmoins que ce refus était constitutif de ce délit, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

Réponse de la Cour

8. Les moyens sont réunis.

Vu les articles 434-15-2 du code pénal, 29 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, L. 871-1 et R. 871-3 du code de la sécurité intérieure :

9. Selon le premier de ces textes, toute personne ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie susceptible d'avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, est tenue de remettre cette convention aux autorités judiciaires, ou de la mettre en oeuvre, sur les réquisitions de ces autorités, délivrées en application des titres II et III du Livre Ier du code de procédure pénale.

10. Selon le deuxième, un moyen de cryptologie est un matériel ou un logiciel conçu ou modifié pour transformer des données, qu'il s'agisse d'informations ou de signaux, à l'aide de conventions secrètes, ou pour réaliser l'opération inverse, avec ou sans convention secrète.

11. Selon les textes précités du code de la sécurité intérieure, une convention de déchiffrement s'entend de tout moyen logiciel ou de toute autre information permettant la mise au clair d'une donnée transformée par un moyen de cryptologie. Il en résulte que le code de déverrouillage d'un téléphone mobile peut constituer une clé de déchiffrement, si ce téléphone est équipé d'un moyen de cryptologie.

12. Pour déclarer le prévenu coupable, la cour d'appel a rappelé que le prévenu avait refusé de déverrouiller le téléphone découvert dans la chambre qu'il occupait.

13. Elle conclut que le refus du prévenu de remettre les codes de son téléphone portable et de son ordinateur portable, utilisés pour commettre les délits est constitutif de l'infraction prévue et réprimée par l'article 434-15-2 du code pénal, ces appareils ayant été utilisés pour commettre les délits reprochés sur le fondement de l'article 222-16 du code pénal.

14. En se déterminant ainsi, sans rechercher si les appareils en cause étaient équipés d'un moyen de cryptologie dont le prévenu avait connaissance, la cour d'appel a méconnu les textes et principes susvisés.

15. La cassation est en conséquence encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

16. La cassation sera limitée à la déclaration de culpabilité du chef du délit de refus de remettre aux autorités judiciaires ou de mettre en oeuvre la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie et à la peine prononcée dès lors que la déclaration de culpabilité des chefs d'appels téléphoniques malveillants et d'envoi par la voie des communications électroniques de messages malveillants, ainsi que les dispositions civiles, n'encourent pas la censure.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième moyen du mémoire ampliatif proposé, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 13 avril 2021, mais en ses seules dispositions relatives à la déclaration de culpabilité du délit de refus de remettre aux autorités judiciaires ou de mettre en oeuvre la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie et à la peine, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 800-2 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf mars deux mille vingt-deux.

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