2 mars 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-40.032

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00380

Titres et sommaires

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - Travail réglementation, santé et sécurité - Congé paternité - Période de protection - Rupture du contrat de travail - Articles L. 1225-4-1, L. 1225-70 et L. 1225-71 du code du travail - Protection de la santé des travailleurs - Objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi - Principe d'égalité entre les hommes et les femmes - Liberté d'entreprendre - Caractère sérieux ou nouveau (non) - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Texte de la décision

SOC.

COUR DE CASSATION



LG


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 2 mars 2022




NON-LIEU A RENVOI


M. CATHALA, président



Arrêt n° 380 FS-B

Affaire n° X 21-40.032





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 MARS 2022

Le conseil de prud'hommes de Paris (section encadrement, chambre 6) a transmis à la Cour de cassation, suite au jugement rendu le 1er décembre 2021, les questions prioritaires de constitutionnalité, reçues le 9 décembre 2021, dans l'instance mettant en cause :

D'une part,

la société Seqens SA d'HLM, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

D'autre part,

M. [H] [I], domicilié [Adresse 2].

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Capitaine, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de la société Seqens SA d'HLM, et l'avis de Mme Wurtz, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Capitaine, conseiller rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, M. Pion, Mmes Van Ruymbeke, Lacquemant, Nirde-Dorail, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, Laplume, conseillers référendaires, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. M. [I], engagé en qualité de comptable à compter du 15 novembre 1993 par la société Trois Vallées, est devenu salarié de la société Domaxis, aux droits de laquelle vient la société Sequens à la suite d'une opération de fusion, et a exercé les fonctions de directeur général adjoint à compter du 14 juin 2017.

2. Le salarié a été licencié pour insuffisance professionnelle le 10 juillet 2019.

3. Estimant que son licenciement était intervenu pendant la période de protection prévue à l'article L. 1225-4-1 du code du travail, faisant suite à la naissance de son enfant le 11 mai 2019, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.

Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité

4. Par jugement du 1er décembre 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a transmis des questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :

« 1°/ Les dispositions combinées des articles L. 1225-4-1, L. 1225-70 et L. 1225-71 du code du travail méconnaissent l'article 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par la Constitution du 4 octobre 1958, en ce qu'elles offrent aux jeunes pères non concernés par la grossesse une protection contre le licenciement uniquement destinée à protéger la santé physique et psychique des femmes ayant accouché.
2°/ En maintenant dans le code du travail une rédaction ambiguë sur les cas de licenciement autorisés pendant la période de protection relative de licenciement de 10 semaines (faute grave et impossibilité de maintenir le contrat), le législateur n'a pas suffisamment défini la portée des causes autorisées de licenciements prévus à l'article L. 1225-4-1 du code du travail dans le respect de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi.
3°/ L'article L. 1225-70 du code du travail sur la nullité du licenciement n'est pas conforme aux articles 1 et 6 de la Déclaration de 1789 et au troisième alinéa du préambule de 1946 en ce qu'il protège indifféremment les jeunes pères (article L. 1225-4-1 du code du travail) et les jeunes mères (L. 1225-4 du code du travail) contre le licenciement pendant les 10 semaines suivant la naissance de l'enfant alors que sont autorisées des différences de traitement pour des motifs d'intérêt général -ici la protection de la santé de la mère- lorsque les hommes sont placés dans des situations différentes face à la grossesse et à l'accouchement.
4°/ L'interdiction des licenciements des jeunes pères pendant la période de 10 semaines suivant la naissance de l'enfant, pour des cas autres que la faute grave et l'impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la naissance, porte une atteinte excessive et disproportionnée à la liberté d'entreprendre consacrée par la constitution en limitant les possibilités pour l'employeur de se séparer de certains de ses collaborateurs pour des motifs non discriminatoires car non liés à la vie familiale des intéressés et à l'arrivée de l'enfant telle que l'insuffisance professionnelle. »

Examen des questions prioritaires de constitutionnalité

5. Les articles L. 1225-4-1, L. 1225-70 et L.1 225-71 du code du travail sont applicables au litige et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

6. Cependant, d'une part, les questions posées, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles.

7. D'autre part, les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux.

8. En effet, en premier lieu, la période de protection de dix semaines, qui a notamment pour objectif de permettre au salarié en instaurant une période de stabilité et de sécurité du lien contractuel, de concilier vie professionnelle et vie familiale, et de favoriser un meilleur partage des responsabilités parentales, ne porte aucune atteinte au droit à la protection de la santé des salariés.

9. En deuxième lieu, la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ne peut en elle-même être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité.

10. En troisième lieu, les dispositions contestées ne portent pas atteinte au principe d'égalité entre les hommes et les femmes, la période de protection instaurée en faveur du père, qui n'a pas la même finalité que celle instaurée en faveur de la mère, tendant à favoriser l'égalité en permettant notamment un meilleur partage des responsabilités parentales.

11. En dernier lieu, l'interdiction de licencier, qui comporte des exceptions et est limitée dans le temps, répond à des motifs d'intérêt général et n'apporte pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre.

12. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer les questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille vingt-deux.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.