17 février 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-18.527

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:C200199

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 17 février 2022




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 199 F-D

Pourvoi n° B 20-18.527







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 FÉVRIER 2022

1°/ le GIE [2], groupement d'intérêt économique en liquidation, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ M. [O] [F], domicilié [Adresse 1], agissant en qualité de liquidateur amiable du GIE [2],

ont formé le pourvoi n° B 20-18.527 contre l'arrêt rendu le 12 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6 - chambre 12), dans le litige les opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la Caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat du GIE [2] et de M. [F], agissant en qualité de liquidateur amiable du GIE [2], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur, après débats en l'audience publique du 11 janvier 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 juin 2020), le GIE [2] (le GIE) a fait l'objet d'un redressement, validé par arrêt de la cour d'appel de Paris du 11 juin 2015, au titre de la contribution sociale de solidarité des sociétés des années 2003 à 2006. La Caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des indépendants, aux droits de laquelle vient l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF), a demandé, par courrier du 15 décembre 2015, au GIE le paiement des majorations de retard, puis lui a décerné le 24 avril 2017 une contrainte, signifiée le 27 avril 2017, à laquelle il a formé opposition devant une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. Le GIE et son liquidateur amiable font grief à l'arrêt de valider la contrainte, alors :

« 1°/ que le juge civil est compétent pour donner à des actes administratifs réglementaires une interprétation conforme à la Constitution ; que lorsqu'il définit une imposition, le législateur est seul compétent, en vertu de l'article 34 de la Constitution, pour définir ses modalités de recouvrement, lesquelles comprennent les règles régissant le contrôle, le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions applicables à cette imposition ; qu'en retenant, pour valider la contrainte du 24 avril 2017, que l'article R. 244-1 du code de la sécurité sociale, qui dispose que la prescription de l'action en recouvrement mentionnée à l'article L. 244-11 du code de la sécurité sociale est interrompue par la saisine de la juridiction compétente par l'employeur et qu'un nouveau délai de prescription recommence à courir à compter du jour où le jugement est devenu définitif, s'appliquait au recouvrement de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés et des majorations de retard afférentes, et qu'en application de ce texte réglementaire, la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale le 26 novembre 2009, par le GIE avait interrompu le délai de prescription de l'action civile en recouvrement jusqu'au 11 juin 2015, date de l'arrêt confirmatif rendu par la cour d'appel de Paris, cependant qu'elle constatait que cette contribution constituait une imposition de toutes natures au sens de l'article 34 de la Constitution, ce dont il se déduisait que le pouvoir réglementaire n'était pas compétent pour fixer une règle en matière de prescription, qui se rattache aux règles relatives au recouvrement, au contentieux et aux garanties que seul le législateur peut définir, et qu'il convenait donc d'interpréter l'article R. 244-1 du code de la sécurité sociale comme excluant de son champ d'application les actions en recouvrement relatives à la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article 34 de la Constitution, la loi des 16-24 août 1790, ensemble les articles L. 244-11 et l'article R. 244-1 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité présentement soulevée par le GIE, le Conseil constitutionnel jugera que les dispositions des articles L. 244-11 et L. 651-9 du code de la sécurité sociale, qui ont abandonné au pouvoir réglementaire le soin de définir les modalités de recouvrement de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés, en ce compris les règles relatives à la prescription de l'action en recouvrement de la contribution et des majorations de retard afférentes, méconnaissent les droits et libertés garanties par la Constitution ; que la décision du Conseil constitutionnel aura pour conséquence de priver de tout fondement juridique l'arrêt attaqué. »

Réponse de la Cour

3. Pour valider la contrainte, l'arrêt, par l'adoption des motifs non contraires du jugement, relève qu'en application de l'article 2242 du code civil, l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance et que les conclusions constituent une demande en justice et sont, à ce titre, interruptives de la prescription extinctive du droit invoqué, que la mise en demeure du 3 novembre 2009 a porté le délai de prescription au 3 décembre 2014 et que le GIE a engagé une procédure en annulation le 26 novembre 2009, procédure clôturée par l'arrêt du 11 juin 2015, que la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale a interrompu la prescription et qu'au cours de cette procédure, la caisse a produit des conclusions écrites, notamment lors de l'audience du 7 avril 2011, qui à elles seules ont eu pour effet d'interrompre la prescription qui a recommencé à courir le 11 juin 2015.

4. Par ces seuls motifs, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche du moyen, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

5. La demande de transmission au Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions des articles L. 244-11 et L. 651-9 du code de la sécurité sociale ayant été rejetée par arrêt du 4 mars 2021, le moyen, pris en sa seconde branche, est inopérant.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le GIE [2] et M. [F], agissant en qualité de liquidateur amiable du GIE [2], aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le GIE [2] et M. [F], agissant en qualité de liquidateur amiable du GIE [2], et les condamne à payer à l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille vingt-deux.








MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour le GIE [2] et M. [F], agissant en qualité de liquidateur amiable du GIE [2]

Le GIE [2] et Monsieur [O] [F] font grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR validé la contrainte signifiée le 27 avril 2017 pour la somme de 851.603 euros, sans préjudice des majorations de retard ayant continué à courir depuis l'émission de la contrainte et jusqu'à parfait paiement, outre les frais de signification s'élevant à 72,32 euros, et d'AVOIR condamné le GIE [2] à payer à l'URSSAF Provence Alpes Côtes d'Azur la somme de 851.603 euros au titre des majorations de retard restant dues au titre de la contribution sociale de solidarité des sociétés et de la contribution additionnelle exigibles en 2003, 2004, 2005 et 2006 ;

1. ALORS QUE le juge civil est compétent pour donner à des actes administratifs réglementaires une interprétation conforme à la Constitution ; que lorsqu'il définit une imposition, le législateur est seul compétent, en vertu de l'article 34 de la Constitution, pour définir ses modalités de recouvrement, lesquelles comprennent les règles régissant le contrôle, le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions applicables à cette imposition ; qu'en retenant, pour valider la contrainte du 24 avril 2017, que l'article R. 244-1 du code de la sécurité sociale, qui dispose que la prescription de l'action en recouvrement mentionnée à l'article L. 244-11 du code de la sécurité sociale est interrompue par la saisine de la juridiction compétente par l'employeur et qu'un nouveau délai de prescription recommence à courir à compter du jour où le jugement est devenu définitif, s'appliquait au recouvrement de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés et des majorations de retard afférentes, et qu'en application de ce texte réglementaire, la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale le 26 novembre 2009, par le GIE [2], avait interrompu le délai de prescription de l'action civile en recouvrement jusqu'au 11 juin 2015, date de l'arrêt confirmatif rendu par la cour d'appel de Paris, cependant qu'elle constatait que cette contribution constituait une imposition de toutes natures au sens de l'article 34 de la Constitution, ce dont il se déduisait que le pouvoir réglementaire n'était pas compétent pour fixer une règle en matière de prescription, qui se rattache aux règles relatives au recouvrement, au contentieux et aux garanties que seul le législateur peut définir, et qu'il convenait donc d'interpréter l'article R. 244-1 du code de la sécurité sociale comme excluant de son champ d'application les actions en recouvrement relatives à la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article 34 de la Constitution, la loi des 16-24 août 1790, ensemble les articles L. 244-11 et l'article R. 244-1 du code de la sécurité sociale ;

2. ALORS QUE statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité présentement soulevée par le GIE [2], le Conseil constitutionnel jugera que les dispositions des articles L. 244-11 et L. 651-9 du code de la sécurité sociale, qui ont abandonné au pouvoir réglementaire le soin de définir les modalités de recouvrement de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés, en ce compris les règles relatives à la prescription de l'action en recouvrement de la contribution et des majorations de retard afférentes, méconnaissent les droits et libertés garanties par la Constitution ; que la décision du Conseil constitutionnel aura pour conséquence de priver de tout fondement juridique l'arrêt attaqué.

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