16 février 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-19.344

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:CO10144

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 février 2022




Rejet non spécialement motivé


Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10144 F

Pourvoi n° Q 20-19.344




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 FÉVRIER 2022

La société Overseas Food Trading ltd (société de droit new-yorkais), dont le siège est [Adresse 1] (États-Unis), a formé le pourvoi n° Q 20-19.344 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l'opposant à la société Bridor, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Overseas Food Trading ltd, de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société Bridor, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 janvier 2022 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.


1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Overseas Food Trading ltd aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Overseas Food Trading ltd et la condamne à payer à la société Bridor la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Overseas Food Trading ltd.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de la société Overseas Food Trading Ltd des chefs de la rupture brutale ;

AUX MOTIFS QUE sur la rupture brutale l'article L 442-6, I, 5° du code de commerce dispose qu'engage sa responsabilité et s'oblige à réparer le préjudice causé, celui qui rompt brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages de commerce, par des accords interprofessionnels ; qu'il n'est pas en débat que ces dispositions sont applicables en l'espèce, compte tenu de la date de la rupture brutale alléguée, antérieure au 25 avril 2019, date de publication de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce qui, en son article 2, les remplace par les dispositions de l'article L442-1 II du même code ; que le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour préparer le redéploiement de son activité ou de trouver un autre partenaire ou une solution de remplacement ; que les principaux critères à prendre en compte sont la dépendance économique, l'ancienneté des relations, le volume d'affaires et la progression du chiffre d'affaires, les investissements spécifiques effectués et non amortis, les relations d'exclusivité et la spécificité des produits et services en cause, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de circonstances postérieures à la rupture ; que les parties s'opposent sur l'imputabilité de cette rupture sans écrit ni préavis après 11 ans de relation commerciale établie et sur le montant du préjudice en résultant ; que le jugement entrepris retient : - que la rupture résulte d'une baisse progressive des commandes d'Overseas à Bridor à compter de février 2017, soit une chute de 60% en avril, 85% en mai puis de la cessation de toute commande en juin, - que cette rupture est imputable à Bridor en raison des différentiels de prix entre Overseas et Bridor USA ayant « incité, pour ne pas dire obligé Overseas à ne plus commander », - que la brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis alors que Bridor a conforté Overseas, en 2016, dans l'idée d'une continuation de leur relation, réaménagée et qu'elle aurait pu lui signifier un préavis dès l'agrandissement de son usine de Vineland en 2014 réalisée en vue de reprendre la main sur l'importation et la distribution de tous ses produits Bridor aux Etats Unis ; Que le jugement entrepris fixe en cet état la durée de préavis manquant à une année et le préjudice à 26,2% (revenu net) du chiffre d'affaires manqué (20.000.000 d'euros) soit 5.240.000 euros ; que toutefois, Bridor fait justement valoir : - que, dès le 1er mars 2016, elle a averti Overseas de la réorganisation projetée à échéance de quelques mois dans le prolongement d'un échange de mail des parties du 29 janvier 2016 (pièce intimée 56) et contesté toute exclusivité, passée ou à venir, indiquant « J'ai investi l'an passé dans une nouvelle ligne de viennoiserie à [Adresse 2] et demandé à [I] [H] de constituer une task force sur l'ensemble des USA; ce plan lancé il y a 2 ans va être poursuivi et amplifié massivement dans les mois qui viennent (...) Il est possible que vous ayez un rôle important dans l'importation mais la distribution de tous les produits, y compris ceux de Bridor France sera quoiqu'il en soit globale pour Bridor USA. » (Pièce 8) - et qu'elle a réitérée les termes de ce courrier sans ambigüité par mail du 7 juillet suivant mettant fin au 31 décembre 2016 à toute exclusivité qui serait revendiquée (pièce 9) ; Qu'or, si la réorganisation ainsi projetée n'exclut pas la continuité d'un partenariat pour l'importation, Overseas, qui a discuté de cette réorganisation (ses pièces 19-21) ne pouvait tenir pour acquis la continuation à l'identique de la relation ; que d'autre part, le jugement entrepris retient à bon droit qu'il ne peut être fait grief à Bridor de cette volonté de réorganisation pour développer aux Etats Unis les ventes de ses produits "Bridor de France" en y créant une ligne spéciale de production de croissants augmentant sa capacité de production ; que c'est Overseas qui a mis fin au partenariat des parties en cessant progressivement toute commande de février à avril 2017 ; qu'elle ne le conteste pas, soutenant cependant, au vu d'une facture Bridor à Bridor USA émise le 30 mars 2017 qu'elle a réceptionnée par erreur, y avoir été contrainte par la pratique de prix faite par Bridor à Bridor USA, plus avantageux que ceux qui lui étaient réservés et qui l'auraient empêché de vendre ses produits à un prix compétitif (ses pièces 22-24) ; que cependant, seules sont analysées 8 références de cette facture du 30 mars 2017 sur plus d'une centaine du tarif 2017 appliqué à Overseas (ses pièces 23-24) et ces seules références qui ne préjugent pas du prix facturé par Bridor USA au client final, ne démontre pas, en l'absence d'exclusivité et alors que les prix en baisse ne sont pas relevés, une modification substantielle de nature à bouleverser l'économie de la relation des parties ; qu'au demeurant, Overseas ne justifie pas s'être alors plainte auprès de Bridor de ce différentiel de tarification ; qu'il ne suffit donc pas, dans le contexte ci-dessus, à rendre la rupture ainsi consommée imputable à Bridor, à qui il n'est fait grief d'aucun refus de commandes ; qu'en outre, comme il sera vu au point suivant, Overseas n'établit pas en quoi ses pièces 11-15, 18 et 25-33 démontrent que Bridor a détourné déloyalement ses clients en usant de démarches commerciales tendant à ce qu'ils basculent immédiatement leurs commandes chez Bridor USA pour « court-circuiter le canal de vente indirect opéré par Overseas » ; que le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef ;

1) ALORS QUE la rupture, même partielle, d'une relation commerciale établie sans préavis suffisant engage la responsabilité de son auteur ; qu'à ce titre, une modification substantielle des éléments de la relation commerciale imposée par l'auteur de la rupture au détriment de son partenaire suffit à caractériser la brutalité de celle-ci, sans qu'il soit nécessaire que cette modification soit de nature à bouleverser l'économie entière de la relation des parties ; qu'en affirmant au contraire, pour écarter le caractère brutal de la rupture de la relation commerciale établie invoqué par la société Overseas, que les références du tarif 2017 appliqué par la société Bridor à la société Overseas ne démontrent pas une modification substantielle de nature à bouleverser l'économie de la relation des parties, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne pose pas, a violé l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 applicable en la cause ;

2) ALORS QUE constitue la rupture brutale d'une relation commerciale établie le fait de priver son partenaire commercial sans préavis suffisant d'une exclusivité de fait sur un marché ; qu'en l'espèce, pour écarter le caractère brutal de la rupture de la relation commerciale établie au titre de l'importation et de la distribution de produits Bridor par la société Overseas aux États-Unis, la cour d'appel a énoncé que les références du tarif 2017 appliqué par la société Bridor à la société Overseas ne démontrent pas, en l'absence d'exclusivité, une modification substantielle de nature à bouleverser l'économie de la relation des parties ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il ressortait que la société Overseas s'était trouvée seule en qualité d'importateur et de distributeur exclusif des produits de la société Bridor sur le marché nord-américain pendant de nombreuses années, de sorte qu'elle bénéficiait à tout le moins d'une exclusivité de fait sur ce marché, violant ainsi l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 applicable en la cause ;

3) ALORS QUE constitue la rupture brutale d'une relation commerciale établie, le fait d'imposer à son partenaire commercial sans préavis suffisant de nouvelles conditions tarifaires moins avantageuses que celles accordées à son nouveau partenaire sur ce marché ; qu'en l'espèce, pour écarter le caractère brutal de la rupture de la relation commerciale établie, la cour d'appel a affirmé que les références de tarif 2017 appliqué par la société Bridor à la société Overseas ne préjugent pas du prix facturé par la société Bridor USA, son nouveau partenaire commercial aux Etats-Unis, au client final ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, dès lors que seule importait la question de savoir si la société Bridor, en appliquant son nouveau tarif à la société Overseas, ne l'avait pas empêchée de pratiquer des prix concurrentiels sur ce marché, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 applicable en la cause ;

4) ALORS QUE constitue la rupture brutale d'une relation commerciale établie le fait d'imposer à son partenaire commercial sans préavis suffisant de nouvelles conditions tarifaires moins avantageuses que celles accordées à son nouveau partenaire sur ce marché ; qu'en l'espèce, pour écarter le caractère brutal de la rupture de la relation commerciale établie, la cour d'appel a énoncé que seules sont analysées huit références de la facture émise le 30 mars 2017 par la société Bridor à l'attention de la société Bridor USA sur plus d'une centaine du tarif 2017 appliqué par la société Bridor à la société Overseas ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée par la société Overseas qui sollicitait la confirmation du jugement sur ce point, si les prix accordés par la société Bridor à la société Bridor USA sur cinq de ces références n'avaient pas un impact tel qu'ils avaient permis à cette dernière de conquérir rapidement le marché nord-américain au détriment de la société Overseas, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 applicable en la cause ;

5) ALORS QUE le juge ne peut pas modifier les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions des parties ; que dans ses conclusions récapitulatives d'appel (p. 46, avant-dernier §), la société Bridor faisait valoir que, s'agissant de la comparaison entre la facture du 30 mars 2017 et son tarif 2017, seules 8 références sont analysées sur les 108 que comprend ce tarif par la société Overseas et que celle-ci n'évoque pas « le prix en baisse » ; que, dans ses propres conclusions récapitulatives (p. 26), la société Overseas avait réfuté cette allégation en soutenant que « le fait que les plateaux de Macarons aient été vendus plus chers à Bridor USA en mars 2017 que ce qu'Overseas les achète habituellement à Bridor France tient à une circonstance purement conjoncturelle : la hausse exponentielle du prix de l'amande en tant que matière première » ; que, dès lors, en écartant la rupture brutale alléguée, motif pris que « les prix en baisse ne sont pas relevés », quand la société Bridor invoquait un seul prix en baisse et que la société Overseas y avait répondu, la cour d'appel a modifié les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

6) ALORS QUE la caractérisation de la rupture brutale d'une relation commerciale établie n'est pas subordonnée à la contestation formelle de la rupture ; qu'en se fondant au contraire, pour écarter le caractère brutal de la rupture, sur la circonstance que la société Overseas ne justifie pas s'être plainte, après avoir reçu par erreur la facture émise le 30 mars 2017 par la société Bridor à l'attention de la société Bridor USA, du différentiel de tarification entre elle et cette dernière, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne pose pas, a violé l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 applicable en la cause ;

7) ALORS, en toute hypothèse, QUE le juge ne peut statuer sans viser ni analyser, même sommairement, les pièces sur lesquelles il fonde sa décision ; qu'en affirmant, pour écarter le caractère brutal de la rupture, que la société Overseas ne justifie pas s'être plainte, après avoir reçu par erreur la facture émise le 30 mars 2017 par la société Bridor à l'attention de la société Bridor USA, du différentiel de tarification entre elle et cette dernière, sans viser ni analyser, même sommairement, le courrier en date du 16 mai 2017 (pièce n°7) invoqué par la société Overseas dans ses conclusions d'appel (p. 8) par lequel les conseils de cette société avaient exposé les griefs de celle-ci quant aux conditions dans lesquelles la relation commerciale avait été rompue, et notamment d'avoir « fourni les Produits Français à Bridor USA à des prix largement inférieurs à ceux pratiqués dans ses ventes à Overseas » (p. 3 de cette lettre), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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