9 février 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-86.769

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:CR00303

Titres et sommaires

AVOCAT - Convocation - Convocation par un moyen de télécommunication à son adresse électronique - Justificatif de remise - Défaut - Portée

Les dispositions de l'article 803-1, I, du code de procédure pénale, qui visent les notifications destinées à un avocat, s'appliquent à la convocation de celui-ci aux débats contradictoires de prolongation de détention provisoire. Ce texte, qui prévoit la conservation d'une trace écrite de l'envoi de la convocation, n'exige pas un justificatif de réception. Il n'exige pas non plus l'accord préalable de l'avocat pour l'envoi de convocations à son adresse électronique, tel que celui prévu par l'article 803-1, II, du code de procédure pénale, qui s'applique aux notifications destinées aux personnes autres que les avocats

Texte de la décision

N° Y 21-86.769 F-B

N° 00303


RB5
9 FÉVRIER 2022


REJET


M. SOULARD président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 FÉVRIER 2022



M. [O] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Chambéry, en date du 10 novembre 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Wyon, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [O] [I], et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 février 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Wyon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Mis en examen des chefs susvisés, M. [O] [I] a été placé en détention provisoire le 1er juillet 2021. Son mandat de dépôt a été prolongé pour une durée de quatre mois à compter du 31 octobre 2021 par ordonnance du juge des libertés et de la détention du 21 octobre 2021.

3. M. [I] a fait appel de cette décision.

Examen du moyen

Énoncé du moyen

4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire entreprise en rejetant le moyen de nullité tiré de l'absence de convocation régulière de son avocat, alors :

« 1°/ qu'a violé les articles 5, 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 114, 137, 137-1, 137-3, 144, 144-1, 145, 145-1, 803-1, 591 et 593 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction qui, pour rejeter le moyen de nullité et confirmer l'ordonnance entreprise, a considéré que l'envoi d'une convocation à débat contradictoire aux fins de prolongation de la détention provisoire constituait une simple « notification » au sens de l'article 803-1, I, du code de procédure pénale quand cette convocation devait nécessairement être adressée selon les modalités prévues par l'article 114, alinéa 2, du même code, soit par lettre recommandée avec avis de réception, télécopie avec récépissé ou verbalement avec émargement au dossier ;

2°/ qu'à supposer qu'un éventuel envoi électronique était possible pour une convocation à débat contradictoire aux fins de prolongation de la détention provisoire, sa validité serait subordonnée à l'accord exprès de la personne intéressée en application de l'article 803-1, II, du code de procédure pénale ; que dès lors en se bornant à indiquer qu'un email de convocation au débat contradictoire tendant à la prolongation de la détention provisoire du mis en examen a été envoyé à l'adresse électronique professionnelle de l'avocat du mis en examen, sans constater ni que l'accord du destinataire a été requis quant à l'utilisation de ce procédé, ni que cette convocation a été effectivement reçue, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des articles 5, 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 114, 137, 137-1, 137-3, 144, 144-1, 145, 145-1, 803-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ qu'à supposer encore que l'envoi, à l'adresse électronique professionnelle de l'avocat, d'une convocation au débat contradictoire tendant à la prolongation de la détention provisoire soit régulière, il conviendrait de constater l'inconstitutionnalité des dispositions de l'article 803-1, I, du code de procédure pénale qui permettraient, le cas échéant, que ce simple envoi par courrier électronique, sans autre forme d'exigence telle que la preuve de la réception du courrier électronique ou l'accord du destinataire quant à l'utilisation de cette modalité, vaudrait convocation régulière, ce qui porterait incontestablement atteinte à la liberté individuelle, et aux droits de la défense ainsi qu'au principe d'égalité devant la loi et la justice que la Constitution garantit aux articles 66 de la Constitution, 1er, 6, 7, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

5. Pour rejeter le moyen pris de l'irrégularité de la convocation de l'avocat de M. [I] au débat contradictoire de prolongation, l'arrêt attaqué énonce notamment que l'article 803-1, I, du code de procédure pénale autorise les notifications aux avocats par envoi adressé par un moyen de télécommunication et dont il est conservé une trace écrite, et qu'en l'espèce il s'agit de la notification d'une date d'audience.

6. Les juges ajoutent que le récépissé d'envoi de l'avis d'audience par télécommunication à M. [M], avocat, à son adresse figurant sur ses courriers professionnels, du 5 octobre 2021, atteste de l'envoi réussi de cette convocation pour le débat du 19 octobre 2021 par le greffe du juge des libertés et de la détention.

7. La chambre de l'instruction conclut que la procédure est régulière, et que l'absence de l'avocat au débat contradictoire n'affecte pas la validité de cet acte.

8. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

9. D'une part, les dispositions de l'article 803-1, I, du code de procédure pénale concernent les notifications destinées aux avocats, et s'appliquent ainsi aux convocations de l'avocat aux débats contradictoires de prolongation de détention provisoire.

10. D'autre part, ce texte, qui permet l'envoi de la convocation à un avocat par un moyen de télécommunication à son adresse électronique dont il est conservé une trace écrite, n'exige pas l'existence d'un justificatif de réception.

11. Enfin, l'accord préalable à l'envoi de convocations par voie électronique n'est exigé que par l'article 803-1, II, du code de procédure pénale, qui concerne les notifications destinées aux personnes autres que les avocats.

12. D'où il suit que le moyen, dont la troisième branche est sans objet par suite de la décision de la Cour de cassation rendue ce jour sur la question prioritaire de constitutionnalité, ne saurait être accueilli.

13. Par ailleurs l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf février deux mille vingt-deux.

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