9 février 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-17.140

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00181

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 février 2022




Cassation partielle


M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 181 F-D

Pourvoi n° U 20-17.140




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 FÉVRIER 2022

La société Mécamaint, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 20-17.140 contre l'arrêt rendu le 15 mai 2020 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à M. [S] [G], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Mecamaint, après débats en l'audience publique du 15 décembre 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 15 mai 2020), M. [G] a été engagé le 4 septembre 2000 par la société Henri Derouin et fils par un contrat de travail à durée déterminée qui s'est poursuivi par un contrat à durée indéterminée à compter du 3 novembre 2000. A compter du 1er juillet 2007, le contrat de travail du salarié a été transféré à la société Mécamaint (ci-après la société).

2. Le salarié a été licencié pour faute grave le 14 novembre 2016.

3. Le 26 janvier 2017, le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin de faire juger son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à lui payer diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de juger que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse exclusive de faute grave et de le condamner à verser au salarié diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents et à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, alors « que l'engagement d'une procédure de licenciement pour faute grave n'est pas subordonné au prononcé d'une mesure de mise à pied conservatoire ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que M. [G] a été convoqué le 27 octobre 2016 à un entretien préalable à son licenciement pour motif disciplinaire et licencié pour faute grave le 14 novembre suivant ; qu'il ressort également des constatations souveraines de la cour d'appel qu'en sa qualité de chef d'équipe de la société Mécamaint, M. [G] a adopté sur les chantiers de son principal client, la société Charier, un comportement insolent, insubordonné, non professionnel, accumulant les retards, la mauvaise gestion de ses équipes et des plannings, méconnaissant volontairement les directives du client en mettant en danger ses équipes, tenant des propos déplacés et refusant les missions complémentaires, qui a conduit ce client, au cours d'un entretien du 26 octobre 2016 avec le gérant de la société, à retirer à l'entreprise Mécamaint le marché de maintenance sur lequel M. [G] était intervenu ; que la cour d'appel a encore constaté que M. [G] avait, le 19 octobre 2016, adopté à l'égard de son supérieur hiérarchique M. [R] un comportement "véhément, agressif et menaçant" à la suite d'un autre refus de prestation chez un client ; que ces faits, dont la cour d'appel a constaté qu'ils étaient établis, étaient de nature à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en retenant cependant, pour écarter la qualification de faute grave, que le salarié avait "continué à travailler au sein de la société sans que soit formalisée la moindre mise en garde ou le moindre avertissement "pendant la procédure de licenciement la cour d'appel, qui s'est fondée sur un motif inopérant, a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction, applicable au litige, antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ce dernier texte dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :

5. La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

6. Pour infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu l'existence d'une faute grave et requalifier le licenciement du salarié en un licenciement pour cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le comportement véhément, agressif et physiquement menaçant du salarié à l'égard d'un chargé d'affaire de sa société à son retour à l'entreprise le 19 octobre 2016, tel que décrit par deux salariés, devrait suffire à établir le caractère gravement fautif du comportement du salarié tant à l'égard des clients de la société que de ses membres.

7. L'arrêt ajoute que cependant en dépit des travers du comportement du salarié dès le 19 octobre 2016 et de la convocation du gérant de la société par les dirigeants de la société cliente le 26 octobre 2016 à raison des dysfonctionnements causés par le salarié, ce dernier a continué à travailler au sein de la société sans que soient formalisés la moindre mise en garde ou le moindre avertissement.

8. L'arrêt en déduit que l'attitude récurrente et le comportement fautif du salarié, connus de son employeur, n'a pas été un obstacle à la poursuite du contrat de travail, de sorte qu'il ne peut être qualifié de gravement fautif.

9. En statuant ainsi, alors que l'employeur n'est pas tenu de procéder à une mise à pied conservatoire avant d'engager une procédure disciplinaire et qu'elle constatait que le comportement véhément, agressif et physiquement menaçant, dont le salarié avait fait preuve le 19 octobre 2016, était de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il requalifie le licenciement de M. [G] en licenciement pour cause réelle et sérieuse, en ce qu'il condamne la société Mecamaint à payer à M. [G] les sommes de 5.632,75 euros à titre d'indemnité de préavis, 563,27 euros au titre des congés payés afférents, 12 392 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et celle de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel et de première instance, en ce qu'il ordonne la capitalisation des intérêts, et la remise des documents sociaux afférents aux condamnations prononcées, l'arrêt rendu le 15 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;

Condamne M. [G] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Mécamaint ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Mecamaint


La société Mécamaint fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que le licenciement de M. [S] [G] reposait sur une cause réelle et sérieuse exclusive de faute grave et d'AVOIR condamné la société Mécamaint à verser à M. [G] les sommes de 5 632,75 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents et 12 393 à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

1°) ALORS QUE l'engagement d'une procédure de licenciement pour faute grave n'est pas subordonné au prononcé d'une mesure de mise à pied conservatoire ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que M. [G] a été convoqué le 27 octobre 2016 à un entretien préalable à son licenciement pour motif disciplinaire et licencié pour faute grave le 14 novembre suivant ; qu'il ressort également des constatations souveraines de la cour d'appel qu'en sa qualité de chef d'équipe de la société Mécamaint, M. [G] a adopté sur les chantiers de son principal client, la société Charier, un comportement insolent, insubordonné, non professionnel, accumulant les retards, la mauvaise gestion de ses équipes et des plannings, méconnaissant volontairement les directives du client en mettant en danger ses équipes, tenant des propos déplacés et refusant les missions complémentaires, qui a conduit ce client, au cours d'un entretien du 26 octobre 2016 avec le gérant de la société, à retirer à l'entreprise Mécamaint le marché de maintenance sur lequel M. [G] était intervenu ; que la cour d'appel a encore constaté que M. [G] avait, le 19 octobre 2016, adopté à l'égard de son supérieur hiérarchique M. [R] un comportement « véhément, agressif et menaçant » à la suite d'un autre refus de prestation chez un client ; que ces faits, dont la cour d'appel a constaté qu'ils étaient établis, étaient de nature à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en retenant cependant, pour écarter la qualification de faute grave, que le salarié avait « continué à travailler au sein de la société sans que soit formalisée la moindre mise en garde ou le moindre avertissement » pendant la procédure de licenciement la cour d'appel, qui s'est fondée sur un motif inopérant, a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction, applicable au litige, antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;

2°) ALORS subsidiairement, QUE la notification d'une sanction épuise le pouvoir disciplinaire de l'employeur pour les faits sanctionnés et tous les faits antérieurs commis de lui à cette date ; que le licenciement pour faute grave d'un salarié ne saurait dès lors être subordonné à la notification préalable d'une sanction pour les mêmes faits ; qu'en retenant cependant, pour écarter la qualification de faute grave, que le salarié avait continué à travailler pendant la procédure de licenciement « sans que soit formalisée la moindre mise en garde ou le moindre avertissement » la cour d'appel a violé le principe non bis in idem, ensemble les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction, applicable au litige, antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;

3°) ALORS très subsidiairement QUE la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire ; que la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail s'ouvre par la convocation du salarié à l'entretien préalable à une sanction disciplinaire ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que les faits graves reprochés à M. [G] par la lettre de licenciement, à savoir d'une part, « de nombreux retards, une mauvaise gestion de ses équipes et des plannings […], le non-respect de ses directives entraînant une mise en danger des co-intervenants sur le site, des propos déplacés envers ses salariés et le refus de missions complémentaires [commis sur les chantiers] de la société Charier, un de ses clients les plus importants dont elle a perdu le marché de maintenance sur lequel intervenait M. [S] [G] », d'autre part, son « comportement véhément, agressif et physiquement menaçant de M. [S] [G] à l'égard de M. [R] », ont été respectivement connus de l'employeur les 26 et 19 octobre 2016, tandis que la procédure de licenciement a été introduite par convocation à entretien préalable du 27 octobre 2016, de sorte que les poursuites ont bien été engagées « dans un délai restreint » à compter du jour où l'employeur a eu connaissance des faits fautifs ; qu'en retenant cependant, pour infirmer le jugement entrepris en ce qu'il avait retenu l'existence d'une faute grave, que le salarié avait continué à travailler pendant la procédure de licenciement introduite huit jours après la première faute et la veille de la seconde et donc dans un délai restreint après que l'employeur en avait eu connaissance la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction, applicable au litige, antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.