9 février 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-16.160

Première chambre civile - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:C110134

Texte de la décision

CIV. 1

NL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 février 2022




Rejet non spécialement motivé


M. CHAUVIN, président



Décision n° 10134 F

Pourvoi n° D 20-16.160




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 FÉVRIER 2022

M. [Y] [P], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 20-16.160 contre l'arrêt rendu le 25 février 2020 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, 2e section), dans le litige l'opposant à Mme [N] [S], épouse [P], domiciliée [Adresse 4] (Royaume-Uni), défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Antoine, conseiller, les observations écrites de la SCP Spinosi, avocat de M. [P], après débats en l'audience publique du 14 décembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Antoine, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.


1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [P] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour M. [P]

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement attaqué en ce qu'il a condamné M. [P] à payer à Mme [S] la somme de 100.000 euros à titre de prestation compensatoire ;

Aux motifs que, « Le premier Juge a procédé à une analyse minutieuse et complète des faits de la cause, des prétentions et moyens des parties, de la situation de ces derniers et des maigres pièces produites en preuve aux débats, notamment au regard des critères énumérés aux articles 270 et 271 du Code Civil ;

Cette analyse n'est nullement contestée utilement en cause d'appel par l'une ou l'autre des parties, lesquelles invoquent les mêmes arguments à l'appui des mêmes demandes qu'en première instance ;

Or, il leur a été répondu en des attendus justes et bien fondés auxquels il n'y a guère qu'à ajouter ceci :

1 °) en cause d'appel, la situation de l'appelant reste toujours aussi évasive qu'en première instance ainsi que le stigmatisait déjà le premier Juge ; deux points méritent cependant des développements : d'une part, la cessation d'activité de la première société commerciale dans laquelle les deux parties détenaient des parts, dans des proportions presque équivalentes, a été liquidée -sans que les causes en soient exactement explicitées- mais l'appelant a immédiatement créé une nouvelle structure sociale, dont son épouse était exclue, structure exerçant très exactement la même activité que la précédente, ce qui constitue une curiosité et crée un doute très sérieux quant à la sincérité des allégations de [Y] [P], taisant en explication cohérente sur le sujet et surtout totalement défaillant dans la production en preuve de la moindre pièce ; d'autre part, il résulte de l'examen du relevé du compte ouvert au nom de l'appelant dans les livres de la LLOYD BANKING COMPAGNY que ce dernier a perçu des rémunérations, entre début avril et fin novembre 2016, soit en huit mois, pour un montant cumulé d'approximativement 43.500 £ ; un tel montant est aussi de nature à faire douter de la sincérité des dires de l'appelant,

2°) il est constant que, tant en revenus et en perspectives, en considération des qualifications professionnelles très éloignées de chacune des parties, qu'en droit à pension de retraite -étant donnée la carrière professionnelle notablement moins linéaire de l'épouse par rapport au mari- que l'intimée se trouve dans une situation très défavorable par rapport à l'appelant,

3°) rien ne vient établir que la situation des enfants communs aurait connu un éventuel changement ; Il appartenait à l'appelant de faire la preuve de ce que [V] et [K] ne sont plus à la charge de leur mère et sont autonomes ; il revenait à l'intimée de démontrer, compte tenu de la suppression de toute contribution au profit de [W], d'établir que ce dernier est à sa charge ; les deux parties échouent à faire cette démonstration leur incombant de sorte qu'il n'y a pas lieu à la moindre modification sur la question du principe et du montant des parts contributives arbitrées ou rejetées ;

En considérations de ces données, de celles retenues avec pertinence par le premier Juge que la Cour adopte entièrement et de la carence massive en preuve de l'appelant, il convient de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, y compris le sort des dépens de première instance ;

Les prétentions autres ou contraires formulées par les parties doivent être rejetées » ;

Et aux motifs des premiers juges, expressément adoptés :

« La prestation compensatoire a pour but d'atténuer autant qu'il est possible la disparité que la rupture du lien conjugal est susceptible de créer dans les conditions de vie respectives des époux.

Son montant doit être déterminé compte tenu de la situation des parties, notamment de leurs ressources et charges, de leur âge et leur état de santé, de la durée du mariage, du temps qui a été ou sera consacré à ]'éducation des enfants, de leur qualification et de leur situation professionnelle au regard du marché du travail, des droits existants et prévisibles des conjoints, de leur situation respective en matière de pensions de retraite et enfin de la consistance de leur patrimoine, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial.

Aux termes de l'article 271 du code civil, les parties fournissent au juge une déclaration certifiant sur l'honneur l'exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie.

Madame [S] sollicite une prestation compensatoire sous la forme d'un capital d'un montant de 120 000 euros.

Elle soutient que :

- elle occupait un poste de secrétaire administrative au sein d'une banque britannique jusqu'à la naissance de ses enfants,
- de 2002 à 2007 elle a été assistante de production d'un photographe,
- depuis 2007, elle n'a pas travaillé de façon stable en raison de la barrière de la langue,
- elle a ensuite travaillé en qualité de secrétaire de son époux afin de palier son absence lors des déplacements professionnels,
- le couple est associé dans la société EURO DIVE SERVICES dans laquelle elle est co gérante et elle détient 49 % des parts et Monsieur [P] (gérant) 51 % des parts,
- depuis 2016, elle ne percevait plus de salaire, elle n'a plus de visibilité sur les comptes de la société,
- elle a eu un emploi d'aide-ménagère de juin à septembre 2016 et elle a ensuite été embauchée en qualité de commis de cuisine dans un restaurant du Ier septembre 2016 jusqu'en février 2017,
- de mai 2017 à novembre 2017, elle a été agent de surface dans le musée [5] à [Localité 2] pour un salaire de 754 euros par mois,
- elle a déménagé au Portugal où elle n'a pas trouvé d'emploi,
- elle vient d'apprendre dans le cadre de la procédure de divorce que la société EURO DIVE SERVICES aurait été placée en liquidation judiciaire et clôturée pour insuffisance d'actif,
- Monsieur [P] a constitué une nouvelle société dénommée EURODIVE CONSULTANCY SERVICES dans laquelle il est seul associé qui a la même activité que la précédente société,
- Monsieur [P] a une formation d'ingénieur spécialisé dans les forages de pétrole,
- son époux perçoit une pension de la NAVY.
- Monsieur [P] s'est désintéressé de sa famille, elle a dû vendre des chevaux pour payer des billets d'avion à ses enfants,
- Monsieur [P] est resté seul titulaire de l'intégralité des comptes en banque, - Monsieur [P] a un train de vie qui ne correspond pas aux revenus qu'il prétend percevoir. Monsieur [P] s'oppose à la demande.

Il fait valoir que :

- Madame [S] s'est mariée en 2006 alors qu'elle avait 41 ans, de telle sorte qu'elle ne peut lui reprocher son absence de qualification professionnelle,
- elle était assistante de production d'un photographe au moment du mariage et elle percevait un salaire de 900 euros,
- les époux se sont installés en France après le mariage d'un commun accord,
- ses revenus ont changé en raison de la baisse d'activité dans le secteur du pétrole,
- lors du dépôt de la requête les époux bénéficiaient de revenus identiques,
- Madame [S] perçoit des revenus non déclarés,
- il paie seul les charges de la famille,
- Madame [S] a vendu deux chevaux du couple.

- il souffre de polyarthrite rhumatoïde depuis plusieurs années il doit faire des injections hebdomadaires pour gérer la douleur.

Il ressort de ces déclarations, des explications fournies et des pièces produites les éléments suivants :

Le couple s'est marié le 3 novembre 2006.

Trois enfants sont issus de cette union.

Madame [S] est âgée de 53 ans et Monsieur [P] de 62 ans.

Madame [S] est sans emploi.

Ressources :

Elle a été embauchée le 1er septembre 2016 pour un emploi hebdomadaire de 15 heures et un salaire brut mensuel de 628,55 euros en qualité de commis de cuisine.

Son contrat a été renouvelé (CDD)jusqu'au 28 février 2017, il est précisé que son salaire brut pour un mois complet de travail est de 338,63 euros.

Elle a perçu un salaire de 465,88 euros en septembre 2016 et de 155,52 euros en octobre 2016.

Elle indique que :

- de mai à novembre 2017, elle a été agent de surface dans le musée de [5] à [Localité 2] pour un salaire de 754 euros par mois (un bulletin de salaire est versé aux débats en langue anglaise)

- en mars 2018, elle a déménagé au PORTUGAL où elle n'a pas trouvé d'emploi

Charges : courantes

Monsieur [P] est consultant pétrolier (ingénieur)

Ressources :

Il déclare avoir créé une nouvelle société EURO CONSULTANCY SERVICES LIMITED et percevoir un salaire de 750,50 euros outre des dividendes de 2567, 17 euros. Or il n'apporte aucun élément sur cette nouvelle société et les deux documents versés aux débats relatif s à son salaire et aux dividendes perçus sont insuffisants pour établir la réalité de sa situation.

S'agissant, de la pension de la marine britannique, il indique percevoir de 228,20 euros (par mois, sans produire le moindre justificatif).

- Bénéfices de la société EURO DIVE SERVICES pour l'année se terminant le 31 mars 2016 : 54 694 euros

Charges :

- Emprunt immobilier 1582,48 euros (à titre d'avance sur la liquidation de la communauté).

Outre les charges courantes.

Monsieur [P] et Madame [S] sont propriétaire d'une maison à [Localité 3] mise en vente au prix de 350 000 euros.

Le couple était associé dans la société EURO DIVE SERVICES, Monsieur [P] était gérant, il détenait 51 % des parts, Madame [S] y travaillait en qualité de secrétaire et détenait 49 % des parts.

Monsieur [P] expose que cette société n'existe plus.

Madame [S] soutient qu'elle a pris connaissance de la cessation d'activité de cette société dans le cadre de cette procédure et qu'elle est destinataire d'aucune information.

Pour justifier la situation de la société EURO DIVE SERVICES et la cessation d'activité, Monsieur [P] verse aux débats deux mails traduits de Monsieur [U] [A] (membre de l'association des Experts comptables).

Le premier mail envoyé le 30 mars 2017 à 12 h 31, indique notamment que les dividendes de 54 000 livres ont été votés pour couvrir les retraits effectués par Monsieur [P] et son épouse en 2016, que Madame [S] a démissionné qu'elle n'a pas signé les formulaires transférant ses actions, que les retraits de cette dernière ont certainement dépassé ses droits à hauteur de 49 % et que pour 2017, Monsieur [P] à perçu un salaire de 9166 livres et Madame [S] un salaire de 7333,28 livres.

Dans un second mail envoyé le 30 mars 2017 à 13 h 35 , Monsieur [U] [A] écrit « juste un rapide PS après notre conversation téléphonique pour confirmer que EURO DIVE SERVICES n'a plus d'activité commerciale puisque tu n'as plus travaillé pendant 5 mois du/ait d'une combinaison de ralentissement des affaires et de la nécessité que tu avais de te concentrer sur ton divorce.

Suite à la cessation d'activité de EURO DIVE SERVICES tu es maintenant rattaché à EURODIVE CONSULTING SERVICES LIMITED ».

Or, ces deux messages envoyés à titre privé ne sauraient remplacer des pièces officielles permettant d'établir la situation comptable de la société.

Monsieur [P] verse également aux débats ses courriers faisant état de dettes à régler un document qui fait état de la cessation d'activité de la société EURO DIVE SERVICES LIMITED le 9 janvier 2018, émanant de la « COMPAGNIES HOUSE » organisme sur lequel aucune information n'est produite.

En l'espèce, il ressort de l'examen des pièces que Monsieur [P] ne fait pas preuve de transparence sur sa situation financière et professionnelle.

En outre, les revenus qu'il prétend percevoir ne lui permettent pas de rembourser les dépenses importantes dont il fait état en plus de l'emprunt immobilier.

Par ailleurs, il est ingénieur, consultant pétrolier alors que Madame [P] est sans qualification et sans emploi.

En l'espèce, l'examen de ces éléments fait ressortir une disparité dans les conditions de vie respectives des époux imputables à la rupture du mariage.

Il est donc équitable d'allouer à Madame [S] à titre de prestation compensatoire, un capital de 100 000 euros » (jugement, pp. 5-9) ;

Alors que, d'une part, si le divorce met fin au devoir de secours entre époux, l'un peut être condamné à verser à l'autre une prestation compensatoire lorsque la rupture du mariage entraine une disparité dans les conditions de vie respectives des époux ; que pour déterminer le montant de la prestation compensatoire, le juge doit avoir égard à la durée du mariage ; qu'en condamnant M. [P] à verser une prestation compensatoire à Mme [S], d'un montant de 100.000 euros, sans avoir recherché, ni tenu compte de la durée effectif de mariage entre eux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 270 et 271 du code civil ;

Alors que, d'autre part, pour fixer le montant de la prestation compensatoire, le juge doit prendre en considération les ressources et charges des époux ; que le juge du divorce doit rechercher, lorsqu'il le lui est demandé, si l'un des époux ne partage pas ses charges avec un nouveau concubin ; qu'en l'espèce, M. [P] faisait valoir dans ses conclusions d'appel que Mme [S] ne contestait pas avoir refait sa vie et vivre actuellement avec son nouveau compagnon entre l'Angleterre et le Portugal, de sorte qu'il devait être tenu compte de cette situation dans l'appréciation des charges supportées par Mme [S] ; qu'en ne procédant à aucune recherche sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 270 et 271 du code civil ;

Alors que, enfin, tout jugement doit être motivé ; qu'en relevant que l'examen des relevés de compte bancaire faisait apparaitre que M. [P] avait perçu des rémunérations, entre avril et fin novembre 2016, pour un montant cumulé de 43.500 £, mais que « un tel montant est aussi de nature à faire douter de la sincérité des dires de l'appelant », la cour d'appel, qui n'a pas expliqué en quoi ni pourquoi un tel montant serait de nature à faire douter de la sincérité des dires de M. [P], a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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