9 février 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-22.159

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C300133

Titres et sommaires

COPROPRIETE - Action en justice - Action individuelle des copropriétaires - Action en nullité d'une assemblée générale - Recevabilité - Détermination - Cas - Indivisaire dépourvu de mandat commun

L'action en annulation d'une assemblée générale des copropriétaires engagée, sans mandat commun, par un seul indivisaire, est, sans qu'il y ait lieu à régularisation de l'acte introductif d'instance, rendue recevable par l'effet rétroactif du partage lui attribuant la propriété, depuis le décès de son auteur, des lots de la copropriété

Texte de la décision

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 février 2022




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 133 FS-B

Pourvoi n° Z 20-22.159




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 FÉVRIER 2022

M. [V] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 20-22.159 contre l'arrêt rendu le 23 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 2), dans le litige l'opposant au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], représenté par son syndic société Citya Immobilier Pécorari, dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jobert, conseiller, les observations de Me Soltner, avocat de M. [T], et l'avis écrit de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général et l'avis oral de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 4 janvier 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jobert, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. Jessel, David, Laurent, Mme Grandjean, conseillers, MM. Jariel, Baraké, Mme Gallet, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 septembre 2020), par acte du 29 août 2014, M. [T] et sa soeur, propriétaires en indivision de lots de copropriété, ont assigné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] et le syndic en annulation de l'assemblée générale des copropriétaires du 23 juin 2014 et, à titre subsidiaire, de l'une de ses résolutions, ainsi qu'en paiement de dommages-intérêts.

2. En vertu d'un acte de partage du 6 juin 2016, M. [T] est devenu seul propriétaire de ces lots de copropriété.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [T] fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable en son action, alors « que l'acte de partage ayant un effet rétroactif, le co-indivisaire est réputé avoir été propriétaire depuis le décès du de cujus du bien qui lui a été attribué, et l'indivision n'avoir jamais existé ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que, par acte du 29 août 2014, dans le délai prévu par l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, Monsieur [V] [T] et Madame [O] [T] ont saisi le tribunal de grande instance de Paris d'une demande d'annulation de l'assemblée générale de la copropriété du [Adresse 1], en date du 23 juin 2014 ; que Madame [O] [T] a par la suite indiqué qu'elle n'avait pas eu connaissance de cette action à laquelle elle ne souhaitait pas participer ; que pour dire que l'acte de partage intervenu le 6 juin 2016 entre Madame [O] [T] et Monsieur [V] [T], aux termes duquel ce dernier s'était vu attribuer la pleine propriété lots n° 89 et 111 dépendant de la copropriété de l'immeuble sis [Adresse 1], n'avait pu régulariser la situation, la cour d'appel a retenu que les dispositions spéciales de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, imposant que l'action soit introduite par un copropriétaire dans les deux mois de la notification du procès-verbal de l'assemblée, primaient sur les dispositions générales de l'article 126 du code de procédure civile, de sorte que, faute pour Monsieur [V] [T] d'avoir régularisé sa situation dans le délai de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, son action était irrecevable ; qu'en statuant de la sorte, quand le partage intervenu le 6 juin 2016, soit avant que le juge ne statue, avait eu pour effet de conférer rétroactivement à Monsieur [V] [T] la pleine propriété des lots situés dans la copropriété, de sorte que ce dernier était recevable à agir seul en annulation de l'assemblée générale litigieuse, la cour d'appel a violé l'article 883 du code civil, ensemble les articles 122 et 126 du code de procédure civile, et l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 883, alinéa 1er, du code civil et 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 :

4. Aux termes du premier de ces textes, chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot, ou à lui échus sur licitation, et n'avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession.

5. Selon le second, les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants, dans un délai de deux mois à compter de la notification qui leur en est faite.

6. Pour déclarer M. [T] irrecevable en son action, l'arrêt retient que l'acte de partage du 6 juin 2016 n'a pas eu pour conséquence de régulariser rétroactivement la situation de ce dernier au regard de la procédure de contestation de l'assemblée générale, les dispositions spéciales de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, qui imposent que l'action soit introduite par un copropriétaire dans les deux mois de la notification du procès-verbal d'assemblée générale, primant sur les dispositions générales de l'article 126 du code de procédure civile.

7. Il en déduit que M. [T], qui n'a pas régularisé sa situation dans le délai de l'article 42 précité, ne peut se prévaloir du bénéfice des dispositions de l'article 126 du code de procédure civile.

8. En statuant ainsi, alors que par l'effet rétroactif du partage, M. [T] est censé être seul propriétaire des lots de copropriété depuis le décès de son auteur et agir seul en annulation de l'assemblée générale sans qu'il y ait lieu à régularisation de l'acte introductif d'instance, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il met hors de cause Mme [T], l'arrêt rendu le 23 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille vingt-deux.








MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Soltner, avocat aux Conseils, pour M. [T]

Monsieur [T] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déclaré irrecevable en son action en nullité de l'assemblée générale des copropriétaires du 23 juin 2014,

ALORS QUE l'acte de partage ayant un effet rétroactif, le co-indivisaire est réputé avoir été propriétaire depuis le décès du de cujus du bien qui lui a été attribué, et l'indivision n'avoir jamais existé ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué (arrêt, p. 2) que par acte du 29 août 2014, dans le délai prévu par l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, Monsieur [V] [T] et Madame [O] [T] ont saisi le tribunal de grande instance de PARIS d'une demande d'annulation de l'assemblée générale de la copropriété du [Adresse 1], en date du 23 juin 2014 ; que Madame [O] [T] a par la suite indiqué (arrêt, p. 6) qu'elle n'avait pas eu connaissance de cette action à laquelle elle ne souhaitait pas participer ; que pour dire que l'acte de partage intervenu le 6 juin 2016 entre Madame [O] [T] et Monsieur [V] [T], aux termes duquel ce dernier s'est vu attribuer la pleine propriété lots nos 89 et 111 dépendant de la copropriété de l'immeuble sis [Adresse 1], n'avait pu régulariser la situation, la cour d'appel a retenu que les dispositions spéciales de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, imposant que l'action soit introduite par un copropriétaire dans les deux mois de la notification du procès-verbal de l'assemblée, primaient sur les dispositions générales de l'article 126 du code de procédure civile, de sorte que faute pour Monsieur [V] [T] d'avoir régularisé sa situation dans le délai de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, son action était irrecevable ; qu'en statuant de la sorte, quand le partage intervenu le 6 juin 2016, soit avant que le juge ne statue, avait eu pour effet de conférer rétroactivement à Monsieur [V] [T] la pleine propriété des lots situés dans la copropriété, de sorte que ce dernier était recevable à agir seul en annulation de l'assemblée générale litigieuse, la cour d'appel a violé l'article 883 du code civil, ensemble les articles 122 et 126 du code de procédure civile, et l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965.

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