2 février 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-13.833

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00131

Texte de la décision

SOC.

OR



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 février 2022




Rejet


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 131 F-D

Pourvoi n° Z 20-13.833




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 FÉVRIER 2022

L'Office public de l'habitat (OPH) du [Localité 5], dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Z 20-13.833 contre l'arrêt rendu le 7 janvier 2020 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [G] [O], domicilié [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi de [Localité 6], dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'Office public de l'habitat du [Localité 5], de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [O], après débats en l'audience publique du 7 décembre 2021 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 7 janvier 2020), M. [O], engagé le 30 août 1991 par l'Office public de l'habitat du [Localité 5] et qui exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable plates-formes, maintenance et achat, a été licencié pour faute grave le 30 mars 2017.

2. Il a saisi la juridiction prud'homale pour contester son licenciement.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.


Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer au salarié diverses indemnités, alors « que le compte rendu d'un entretien au cours duquel l'employeur a énuméré divers griefs et insuffisances qu'il imputait à son salarié, sans traduire une volonté de sa part de les sanctionner, ne constitue pas une mesure disciplinaire ; qu'en retenant que le compte rendu de l'entretien annuel d'évaluation du 9 février 2017 constituait un avertissement dès lors qu'il formulait des griefs précis et invitait le salarié à un changement immédiat de comportement, sans constater que l'employeur avait manifesté l'intention de les sanctionner, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et L. 1331-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. Après avoir relevé que, dans son compte rendu d'entretien, l'employeur reprochait au salarié son attitude dure et fermée aux changements, à l'origine d'une plainte de collaborateurs en souffrance, des dysfonctionnements graves liés à la sécurité électrique et le non-respect des normes réglementaires, et l'invitait de manière impérative et comminatoire et sans délai à un changement complet et total, la cour d'appel en a exactement déduit que ce document comportant des griefs précis sanctionnait un comportement considéré comme fautif et constituait un avertissement, en sorte que les mêmes faits ne pouvaient plus justifier un licenciement ultérieur.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'Office public de l'habitat du [Localité 5] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Office public de l'habitat du [Localité 5] et le condamne à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour l'Office public de l'habitat du [Localité 5].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a QU'il a jugé le licenciement de M. [O] sans cause réelle et sérieuse et condamné l'OPH du [Localité 5] à lui verser 10 353,33 euros au titre de l'indemnité de préavis, 51 433,89 euros à titre d'indemnité de licenciement et 80 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'article L 1331-1 définit la sanction disciplinaire comme toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ; Que l'article L 1332-2 précise notamment que lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement, ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié ; Qu'au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié, et que la sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien, et qu'elle est motivée et notifiée à l'intéressé ; Attendu qu'il convient de déterminer au regard de ces textes si l'entretien d'évaluation du 09 février 2017 et les écrits de l'employeur qui en résultent constituent une sanction disciplinaire ; Attendu qu'il y a lieu à titre préliminaire de relever que cet entretien a bien donné lieu à la rédaction d'un compte rendu écrit qui est adressé au salarié dans un délai non précisé, de sorte qu'il ne s'agit pas que de simples remarques verbales, mais bien d'un écrit adressé au salarié suite à un entretien où des fautes lui sont reprochées ; Attendu que la lettre de licenciement comporte cinq griefs à savoir : 1. le taux élevé de défauts électriques, 2. l'absence fréquente sur les sites de contrôle, 3. la dissimulation volontaire de ces difficultés, 4. le défaut de respect des process en vigueur, 5. des écarts de comportement avec des collègues ou subordonnés ; Attendu que lors de l'entretien du 09 février 2017 l'employeur a fait part à Monsieur [O] des motifs de son mécontentement et a recueilli ses explications sur les points suivants notamment : . la plainte de collaborateurs en souffrance compte tenu de son attitude dure et fermée aux changements, . des anomalies et problèmes récurrents s'agissant du CONSUEL constituant des dysfonctionnements graves liés à la sécurité électrique, . l'absence de toute visite CONSUEL sur le terrain suite au départ de Monsieur [L] le 17 février 2016, . le non-respect des normes réglementaires et leur application par un pilotage rigoureux des équipes ; Qu'en conclusion le manager écrit que « votre savoir être et votre savoir-faire se doivent d'être exemplaires face aux responsabilités que vous avez dans l'entreprise » ; Mais que surtout il ajoute : « nous vous demandons un changement complet et total de votre savoir être et savoir-faire, et ce sans délai » ; Attendu qu'il résulte de ce compte rendu adressé par écrit au salarié que l'employeur formule à son encontre des griefs précis, et l'invite de manière impérative et comminatoire à un changement complet et total, et ce sans délai, de sorte que cet écrit constitue un avertissement sanctionnant un comportement considéré comme fautif ; Que la Cour de cassation a en effet dans un arrêt du 09 avril 2014 (N° 13-10939) considéré qu'un e-mail adressé par un employeur à une salariée dans lequel il lui reproche des manquements aux règles et procédures internes, et l'invite de manière impérative à se conformer à ces règles, et à ne pas poursuivre ce genre de pratique, est un courriel sanctionnant un comportement fautif, et constitue un avertissement, de sorte que les mêmes faits ne pouvaient plus justifier le licenciement ; Attendu par conséquent que c'est à juste titre que le conseil des prud'hommes a considéré que le principe « non bis in idem » s'oppose à ce que l'employeur invoque les griefs (N° 1 et 2) relatifs à la mise en sécurité électrique des logements, et à l'absence de visite CONSUEL ; Attendu en revanche que le troisième grief relatif à la dissimulation volontaire des difficultés n'est pas mentionné dans le compte rendu d'entretien du 09 février 2017 de sorte que ce grief, non examiné par le conseil des prud'hommes, peut être invoqué dans la lettre de licenciement ; Attendu que le quatrième grief est relatif au non-respect des process en vigueur au sein de l'OPH du [Localité 5], l'employeur donnant l'exemple de travaux réalisés par le service de l'ATS alors qu'il existe des contrats avec les sociétés Iserba et Proxiserve forfaitisant leur intervention, ce qui a pour effet de faire payer deux fois les prestations et d'augmenter artificiellement l'activité de l'ATS au détriment de la rénovation des logements ; Que ce grief n'a pas été abordé dans le compte rendu d'entretien ; Qu'en second lieu, dans le cadre de ce quatrième grief, l'employeur constate que des préconisations ou commandes des techniciens touchant parfois à la sécurité électrique étaient négligées et pouvaient entraîner une mise en danger des locataires et décrédibiliser l'OPH du [Localité 5], mais ce point est lié à la mise en sécurité électrique des logements, qui a longuement été évoquée dans le compte rendu ; Attendu enfin que le cinquième grief visé dans la lettre de licenciement relatif à « certains écarts de comportement avec vos collègues de travail ou personnel que vous encadrez » a été évoqué lors de l'entretien et a donné lieu aux reproches suivants s'agissant du savoir être « l'esprit d'équipe et la transversalité entre services sont inexistants.... Certains de vos collaborateurs sont en souffrance vis-à-vis de votre attitude dure et fermée aux changements. Vous ne vous remettez pas en question et vous vous positionnez toujours en victime... Sur le terrain votre personnel a beaucoup de questionnements et nous interpelle régulièrement pour avoir des informations. Malgré le conseil à ces personnes de s'adresser à vous directement, il ressort une réelle difficulté et une crainte d'un retour négatif de votre part » ; Que la formule finale visant à un changement complet et total sans délai concerne tant le savoir-faire, que le savoir être, et vise donc ce grief qui ne peut être invoqué à nouveau dans la lettre de licenciement » ;

ET AUX MOTIFS PROPRES ENSUITE QUE « Sur la dissimulation volontaire des difficultés ; Attendu que la lettre de licenciement mentionne : « ... tout en étant informé de ces anomalies vous n'avez jamais alerté votre hiérarchie sur cette problématique alors que votre devoir d'alerte fait partie intégrante de votre mission, tout comme la maîtrise de la rénovation électrique des logements. En plus nous avons découvert que vous avez sciemment dissimulé ces difficultés en effaçant purement et simplement de votre système informatique un certain nombre de comptes-rendus accablants. Cette volonté de dissimulation démontre que non seulement vous étiez informés des anomalies, mais également de votre propre responsabilité dans l'absence de traitement de ces difficultés » ; Attendu que le conseil des prud'hommes n'a pas statué sur ce grief ; Attendu que l'employeur affirme que Monsieur [O] ne pouvait ignorer ces anomalies et vise à l'appui de ce grief deux pièces, d'une part la lettre de licenciement, et d'autre part en pièce 22 les comptes rendus desquels il résulte que les anomalies électriques n'ont pas été évoquées ; Qu'il estime également qu'il ne peut pas rapporter une preuve négative et qu'il appartient à Monsieur [O] qui prétend avoir averti sa hiérarchie d'en rapporter la preuve ; Mais attendu qu'il convient de rappeler qu'en matière de licenciement pour faute grave, l'employeur supporte seul la charge de la preuve de la faute ; Que par ailleurs la lettre de licenciement ne constitue pas une preuve, mais énonce les griefs qu'il appartient à l'employeur d'établir ; Attendu qu'il apparaît en premier lieu que l'OPH reproche à son salarié d'avoir purement et simplement effacé de son système informatique des comptes rendus accablants, sans apporter la moindre preuve de cette manipulation informatique, par exemple par une attestation de son informaticien, ou des captures d'écrans, de sorte que ce grief ne pourra être retenu ; Attendu par ailleurs que la pièce 22 constituée de divers comptes-rendus du 27 janvier 2016 au 07 février 2017 n'est pas suffisante pour démontrer le défaut fautif d'alerte par le salarié s'agissant d'anomalies électriques ; Que l'OPH ne procède à aucune analyse de ces compterendu, qu'elle n'indique pas qu'elles sont concrètement les anomalies, et à quelles dates précises les problèmes ou anomalies sont survenus, ni dans quel compte-rendu ils auraient dû être signalés ; Qu'il apparaît par conséquent que ce grief n'est pas davantage établi ; Sur le défaut de respect des process en vigueur : Attendu que la lettre de licenciement mentionne : « ... vous ne respectez pas les process en vigueur au sein de VOPH du [Localité 5]. À titre d'exemple vous faites réaliser des travaux par le service de l'ATS alors que nous disposons de contrat avec la société Iserba et la société Proxiserve forfattisant leur intervention sur ce type de travaux. Cela a pour effet mécanique défaire payer deux fois à VOPH du [Localité 5] ces prestations, mais également d'augmenter artificiellement l'activité de PATS au détriment de la rénovation des logements... » ; Attendu que le conseil des prud'hommes n'a pas retenu ce grief estimant qu'il était fondé sur les seules affirmations de l'employeur, qu'il est particulièrement vague et imprécis, d'autant que l'OPH ne verse pas aux débats ces process ; Attendu que l'OPH affirme avoir conclu un contrat multiservices avec l'entreprise Iserba pour les prestations de chauffage, ventilation, production d'eau chaude, robinetterie, serrurerie, quincaillerie, menuiserie, maçonnerie etc. et se prévaut à cet égard du marché d'entretien qu'elle a signé et produit par ailleurs des bons de commande de travaux qui ont été adressés, non pas à cette société, mais directement à 1' ATS par Monsieur [O] ; Qu'elle conteste les déclarations de Monsieur [O] selon lesquelles ce marché ne concernerait pas les agences de [Localité 6] et [Localité 4], et affirme que la décision en ce sens du 22 septembre 2011 a été rapportée deux mois plus tard ; Attendu que le marché d'entretien multiservices produit par l'OPH [Localité 5] en pièce 11 est une pièce incomplète puisqu'elle ne comporte aucune date, pas de date d'effet, et surtout aucune signature des parties ; Que pourtant le 18 janvier 2019 le conseil de Monsieur [O] adressait en vain à son adversaire une sommation de communiquer le contrat du marché d'entretien multiservices ; Attendu que Monsieur [O] produit par ailleurs en pièce 61 l'attestation de Monsieur [Z] qui représentait une association lors de la réunion du 22 septembre 2011 du conseil de concertation locative avec l'OPH du [Localité 5], au cours de laquelle a été examiné le dossier d'extension du contrat multiservices pour les locataires de [Localité 6] intra-muros, et que le témoin écrit « le vote de cette décision avait été défavorable au projet par quatre voix contre, et une abstention » ; Qu'il verse désormais aux débats le compte rendu de la réunion du 22 septembre 2011 (pièces 73) qui confirme le vote défavorable à l'extension du contrat d'entretien multiservices pour [Localité 6] intra-muros ; Attendu que l'OPH du [Localité 5] s'appuie sur sa pièce numéro 50 qui est le compte rendu du conseil de concertation locative du 29 novembre 2011, pour affirmer que cette décision a été rapportée ; Que cependant si ce document mentionne en page 2 que la société Iserba sera le prestataire multiservices et robinetterie à compter du 1er janvier 2012 pour une durée de cinq ans, il est précisé sous ce tableau que l'entreprise Iserba a été retenue pour le contrat multiservices sur le patrimoine de l'OPH « hors [Localité 6] », ce qui confirme les affirmations de Monsieur [O] ; Que les affirmations du salarié sont encore confirmées par l'attestation de Monsieur [V] (pièces 84) qui fut responsable de l'agence de [Localité 6] de novembre 2008 à juillet 2017 et qui « certifie qu'il n'y a jamais eu de contrat multiservices sur la commune de [Localité 6] durant ma présence » , et qui précise « le fonctionnement sur la commune de [Localité 6] passait par les techniciens qui éditaient des bons de commande et les adressaient à Monsieur [O] qui organisait l'intervention de la régie. Il est à noter que ce fonctionnement apportait une maîtrise des budgets à l'OPH du [Localité 5] » ;Attendu par conséquent que les innombrables bons de commande de travaux sur la commune de [Localité 6] produits par l'OPH ne sont pas de nature à démontrer que le salarié n'a pas respecté le process en vigueur, puisque précisément cette commune était exclue du marché invoqué ; Attendu que l'employeur qui supporte la charge de la preuve n'établit pas l'existence de ce grief imputable à Monsieur [O] et que c'est par conséquent à juste titre que le conseil des prud'hommes ne l'a pas retenu » ;

AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE « Aux termes de l'article L. 1331-1 du code du travail, « constitue une sanction toute mesure autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction sa carrière ou sa rémunération ». Aux termes de l'article L. 1331-2 du Code du travail lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non se la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié. Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise. Au cours de l'entretien, l'employeur, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueilli les explications du salarié. La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé. Un écrit matérialisant des manquements au salarié, accompagné d'une invitation impérative à remédier à la situation constatée, quelqu'en soit le support, est considéré comme une sanction disciplinaire, empêchant l'employeur de se prévaloir de ces faits à l'appui d'une nouvelle procédure, en vertu du principe non bis in idem. Enfin, une mesure disciplinaire implique l'intention de l'employeur de sanctionner le fait reproché et ne présente pas ce caractère un simple rappel à l'ordre qui n'affecte en rien la relation de travail. En l'espèce, le compte-rendu du 9 février 2017 fait référence au comportement de Monsieur [O], à la mise en sécurité électrique des logements, à l'absence de visite CONSUEL de terrain et au non-respect des process en vigueur. Or, la lettre de licenciement du 30 mars 2017 vise également le comportement du salarié, le taux anormalement élevé de défauts électroniques mis en évidence par le compte rendu du CONSUEL du 6 janvier 2017 et les absences fréquentes sur les sites de contrôle. Toutefois, si le compte rendu d'entretien annuel fait référence au respect des normes réglementaires et à l'application de celles-ci par un pilotage rigoureux des équipes, la lettre de licenciement fait référence au non-respect des process en vigueur au sein de l'OPH du [Localité 5], faisant référence de manière précise à la réalisation de certains travaux par l'équipe ATS alors que des contrats de prestation de service ont été conclus avec la société ISERBA ou la société PROXISERVE. Dès lors, il sera jugé que ce dernier grief pouvait valablement être invoqué dans le cadre de la procédure de licenciement disciplinaire sans que l'employeur se heurte au principe non bis in idem et sera analysé infra au titre du bien fondé du licenciement. Il résulte du tout que l'OPH du [Localité 5] avait adressé des reproches à M. [O], matérialisés par le compte rendu d'entretien professionnel du 9 février 2017, pour des faits qu'il estimait fautifs, en utilisant une formule comminatoire dénuée de toute ambigüité si bien qu'il y a lieu de considérer que les mises en garde contenues dans ce document, relatives au comportement de M. [O], à la mise en sécurité électrique des logements et à l'absence de visite CONSUEL de terrain constituaient des sanctions et que les mêmes faits ne pouvaient être une seconde fois sanctionnés » ;

ALORS QUE le compte rendu d'un entretien au cours duquel l'employeur a énuméré divers griefs et insuffisances qu'il imputait à son salarié, sans traduire une volonté de sa part de les sanctionner, ne constitue pas une mesure disciplinaire ; qu'en retenant que le compte rendu de l'entretien annuel d'évaluation du 9 février 2017 constituait un avertissement dès lors qu'il formule des griefs précis et invite le salarié à un changement immédiat de comportement, sans constater que l'employeur avait manifesté l'intention de les sanctionner, la cour d'appel a violé les articles 1231-1 et 1331-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a jugé le licenciement de M. [O] sans cause réelle et sérieuse et condamné l'OPH du [Localité 5] à lui verser 80 000 euros de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Attendu que Monsieur [O] qui relève des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail peut prétendre à une indemnité qui ne saurait être inférieure aux salaires des six derniers mois d'activité ; Qu'au-delà de cette indemnité minimum il est relevé que le salariée comptait une importante ancienneté de 25 ans et 7 mois, percevait un salaire mensuel brut moyen de 3.450 € et était âgé de 47 ans lors du licenciement ; Qu'il justifie en outre de recherches infructueuses d '
emploi courant 2017, d'une prise en charge par pôle emploi , de la participation à un stage de trois mois pour la création ou la reprise d'entreprise, et d'un projet personnalisé de création d'entreprise sous l'égide de pôle emploi ; Attendu que l'OPH reproche à Monsieur [O] de ne pas avoir accepté l'offre d'emploi de la société Isorba, qu'elle produit aux débats l'offre ainsi qu'une attestation d'un cadre dirigeant de cette société relatant la proposition d'embauche, l'entretien qui s'en est suivi, et le refus de Monsieur [O] ; Qu'en effet par courriel du 12 juin 2017 Monsieur [O] a refusé cet emploi en expliquant qu'il a pris cette décision avec beaucoup de regret et d'amertume et en écrivant :« Il m'est actuellement impossible de travailler dans une structure qui a pour principal client mon ancien employeur avec qui je suis en procès actuellement. La direction de VOPH du [Localité 5] m'a détruit psychologiquement sans motif ni raison valable mais simplement car j'exerçais mon travail honnêtement et avec le plus grand professionnalisme. Je ne peux pas envisager le moindre contact avec ce bailleur sans nuire à ma propre santé... » ; Que quand bien même la société Isorba n'est pas un client de l'OPH au sens juridique du terme, il est constant qu'elle entretient avec l'Office une collaboration étroite pour avoir conclu des marchés de prestations multiservices sur une partie de son parc immobilier ; Que la cour ne peut en outre que s'étonner que ce soit l'OPH qui produise aux débats en pièce 32 ce courriel adressé par Monsieur [O] a des responsables de la société Isorba ; Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les premiers juges ont justement évalué à la somme de 80.000 € le préjudice subi par Monsieur [O], de sorte que le jugement déféré est également confirmé de ce chef » ;

ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QU' « aux termes de l'article L. 1235-3 du Code du travail, alors applicable à la cause, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9. Il n'est pas contesté que l'OPH du [Localité 5] emploie habituellement plus de onze salariés. Monsieur [O] sollicite la somme de 120 000 euros nets de CSG et CRDS et de toutes charges sociales en réparation du préjudice et fait valoir en substance qu'il n'a pas retrouvé d'emploi à ce jour, alors qu'il est âgé de 47 ans et qu'il justifiait d'une ancienneté de 26 ans.
En l'espèce, il convient de tenir compte des conditions dans lesquelles la rupture du contrat de travail est intervenue, s'agissant d'un salarié bénéficiant de 26 années d'ancienneté, dont le dossier disciplinaire semble faire l'objet d'un seul avertissement notifié en mars 2011. Agé de 46 ans à la date du licenciement, M. [O] n'a toujours pas retrouvé d'emploi stable. Dès lors, il convient d'allouer à M. [O], la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse »

ALORS QUE si en vertu de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable à la cause, l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui ne peut être inférieure à 6 mois de salaire, n'est pas plafonnée, conformément au principe de proportion, il appartient au juge de s'expliquer sur les raisons qui le conduise à octroyer une indemnité d'un montant sans commune mesure avec celui visé, en tant que plancher, par le législateur ; qu'en l'espèce, alors que l'OPH du [Localité 5] invitait les juges du fond à limiter l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à 6 mois de salaires, les juges du fond l'ont condamné à verser à M. [O] la somme de 80 000 euros, représentant plus de 25 mois de salaires, sans justifier du caractère proportionné d'une telle somme au regard du préjudice réellement subi par M. [O] ; qu'en statuant ainsi, les juges du fond ont violé l'article L. 1235-3 du code du travail, ensemble le principe de proportion.

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