2 février 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-19.728

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C100125

Titres et sommaires

CONTRATS ET OBLIGATIONS CIVILS

Texte de la décision

CIV. 1

NL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 février 2022




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 125 F-B

Pourvoi n° H 20-19.728




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 FÉVRIER 2022

La société Bel air transports, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 20-19.728 contre l'arrêt rendu le 25 mai 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Cabinet [X], société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], exerçant sous le nom commercial [X] immobilier,

2°/ à la société [S] [C], dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [A] [C], en qualité de liquididateur judiciaire de M. [G] [D], enseigne Galactic stories,

3°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3], représenté par la société Centennial gestion, syndic, dont le siège est [Adresse 6],

4°/ à la société Swisslife assurance de biens, dont le siège est [Adresse 5],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kerner-Menay, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de la société Bel air transports, après débats en l'audience publique du 7 décembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Kerner-Menay, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Bel air transports du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] et contre la société Swisslife assurance de biens.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 mai 2020), le 4 mars 2015, la société Cabinet [X], syndic du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] (le syndic), a accepté un devis établi, à sa demande par la société Bel air transport et portant sur le déménagement et la mise en garde-meubles de cartons et marchandises à la suite d'un effondrement partiel survenu dans l'immeuble.

3. A l'issue de la réalisation des prestations et de l'émission de plusieurs factures par la société Bel air transport, le syndic a contesté devoir les sommes réclamées et soutenu que la facturation devait être établie au nom de M. [D], exploitant du commerce Galactic Stories, seul bénéficiaire des prestations effectuées.

4. Le 18 mai 2016, la société Bel air transport a assigné en paiement des factures, le syndicat des copropriétaires, le syndic et M. [D], ès qualités. Le 24 octobre 2016, le syndicat des copropriétaires a appelé en garantie la société Swisslife, son assureur.

5. Le 7 décembre 2017,la liquidation judiciaire de M. [D] a été prononcée, la Selarl [S] [C], prise en la personne de M. [C], étant désignée en qualité de mandataire liquidateur. La société Bel air transports a déclaré sa créance à la procédure collective, puis a assigné le mandataire liquidateur en intervention forcée.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. La société Bel air transport fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation du syndic à lui payer le montant de sa créance pour la période postérieure au 26 janvier 2016, alors « que le gérant d'affaire qui contracte avec un tiers dans l'intérêt du maître de l'affaire, mais en son nom personnel, est personnellement tenu de l'exécution des obligations résultant du contrat ; que la révélation de l'identité du maître de l'affaire au tiers cocontractant n'opère pas novation, le gérant d'affaire engagé sans représentation demeurant obligé à l'égard du tiers ; qu'en retenant néanmoins, pour décider qu'à compter du mois de février 2016 et jusqu'à la résiliation du contrat, la créance de la société Bel air transports afférente aux frais de garde-meuble n'était plus à la charge du Cabinet [X], mais à celle de M. [D], que le Cabinet [X] avait expressément indiqué à la société Bel air transports, à cette date qu'il avait agi en qualité de gérant de l'affaire de M. [D], bien que la révélation de l'existence d'une gestion d'affaire et de l'identité de M. [D] comme maître de l'affaire n'ait pu avoir eu pour effet de substituer ce dernier au Cabinet [X] dans l'exécution du contrat de dépôt conclu par celui-ci en son nom personnel, la cour d'appel a violé les articles 1372 et 1375 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ».

Réponse de la Cour

Vu les articles 1372 et 1375 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

7. Il résulte de ces textes que le gérant d'affaires qui contracte avec un tiers dans l'intérêt du maître de l'affaire, mais en son nom personnel, est personnellement tenu de l'exécution des obligations du contrat, même après la révélation de l'identité du maître de l'affaire, laquelle n'a pas pour effet de substituer ce dernier au gérant d'affaires dans l'exécution du contrat conclu, et que le maître dont l'affaire a été bien administrée doit rembourser au gérant toutes les dépenses utiles ou nécessaires qu'il a faites.

8. Pour limiter la condamnation du syndic à payer les factures émises par la société Bel air transport jusqu'au 26 janvier 2016, l'arrêt retient que l'initiative du syndic relève de la gestion d'affaires pour M. [D], que le syndic a entretenu une confusion, en n'énonçant pas clairement agir en qualité de gérant d'affaire pour M. [D] dont le nom ne figure pas sur la commande, mais que, le 26 janvier 2016, il a expressément indiqué à la société Bel air transports qu'il ne prenait pas en charge le déménagement des marchandises stockées et lui a demandé de ne plus lui envoyer les factures, de sorte que si, dans un premier temps, cette société avait pu croire légitimement avoir conclu avec le syndic, elle était clairement informée à cette date de la gestion pour le compte du maître de l'affaire.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée de la cassation

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

10. Selon ce texte, la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de l'arrêt cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

11. La cassation des dispositions de l'arrêt, en ce qu'il limite la condamnation du syndic au paiement des factures à la société Bel air transports jusqu'au 26 janvier 2016, entraîne la cassation du chef du dispositif qui fixe la créance de la société Bel air transports à la liquidation judiciaire de M. [D], en la personne de M. [A] [C], en sa qualité de mandataire liquidateur, correspondant à l'équivalent en euros des factures du mois de février 2016 à la date de résiliation du contrat, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite la condamnation de la société Cabinet [X] au paiement des factures à la société Bel air transports jusqu'au 26 janvier 2016 et en ce qu'il fixe la créance de la société Bel Air transports à la liquidation judiciaire de M. [D], en la personne de M. [A] [C], en sa qualité de mandataire liquidateur correspondant à l'équivalent en euros des factures du mois de février 2016 à la date de résiliation du contrat], l'arrêt rendu le 25 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Cabinet [X] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Cabinet [X] à payer à la société Bel air transports, la somme de 3 000 euros ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour la société Bel air transports

La Société BEL AIR TRANSPORTS FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à voir condamner la Société CABINET [X] à lui payer le montant de sa créance pour la période postérieure au 26 janvier 2016, née du contrat de dépôt et de garde-meuble conclu avec celle-ci le 4 mars 2015 ;

ALORS QUE le gérant d'affaire qui contracte avec un tiers dans l'intérêt du maître de l'affaire, mais en son nom personnel, est personnellement tenu de l'exécution des obligations résultant du contrat ; que la révélation de l'identité du maître de l'affaire au tiers cocontractant n'opère pas novation, le gérant d'affaire engagé sans représentation demeurant obligé à l'égard du tiers ; qu'en retenant néanmoins, pour décider qu'à compter du mois de février 2016 et jusqu'à la résiliation du contrat, la créance de la Société BEL AIR TRANSPORTS afférente aux frais de garde-meuble n'était plus à la charge du Cabinet [X], mais à celle de Monsieur [D], que le Cabinet [X] avait expressément indiqué à la Société BEL AIR TRANSPORTS, à cette date qu'il avait agi en qualité de gérant de l'affaire de Monsieur [D], bien que la révélation de l'existence d'une gestion d'affaire et de l'identité de Monsieur [D] comme maître de l'affaire n'ait pu avoir eu pour effet de substituer ce dernier au Cabinet [X] dans l'exécution du contrat de dépôt conclu par celui-ci en son nom personnel, la Cour d'appel a violé les articles 1372 et 1375 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

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